2020 Authentique artifice Guest-edited by Gérard Wormser, Servanne Monjour and Jean-Marc Larrue Les naissances du cinéma numérique Guest-edited by Thomas Carrier-Lafleur and Marcello Vitali-Rosati Le néolibéralisme autoritaire au miroir du Brésil Guest-edited by Pierre Sauvêtre, Pierre Dardot and Christian Laval Rendez-vous au temps du virus Guest-edited by Catherine Mavrikakis and Margot Mellet
Table of contents (52 articles)
Varia
Essai
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Conversations autour de Uncreative Writing de Kenneth Goldsmith : lectures et gloses sur l’écriture sans écriture
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CoViD-19 La mondialisation confinée : vers une tragédie des Communs ?
Gérard Wormser
pp. 1–42
AbstractFR:
La fermeture des librairies invite à des conversations cultivées en ligne. Contre le confinement de la réflexion, Sens public renouvelle entièrement son site et relance son projet éditorial. La pandémie CoViD-19 du coronavirus SRAS-CoV-2 expose le côté obscur de la mondialisation : l’humain et le social sont relégués à la marge, leur réparation est accessoire. Après l’alerte du SRAS-1 en 2003, après la crise financière de 2008, qui a laissé les économies du sud de l’Europe et la petite classe moyenne américaine exsangues, les mêmes sont les principales victimes de la pandémie. À l’aube d’une tragédie américaine, ce virus va-t-il changer le monde ?
EN:
The closing of bookstores drives us to cultivated conversations online. Against the confinement of thinking, Sens public completely renews its site and relaunches its editorial project. The CoViD-19 coronavirus pandemic exposes the dark side of globalization : the human and the social are relegated to the margins, their repair is incidental. After the SARS-1 alert in 2003, after the 2008 financial crisis, which left the economies of southern Europe and the small American middle class bloodless, the same are the main victims of the pandemic. At the dawn of an American tragedy, will this virus change the world?
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« Survivre c’est résister » : résistances et Nécropolitiques au Brésil
Antonio Pele
pp. 1–29
AbstractFR:
Cet article déchiffre la « nécropolitique » du Brésil, c’est à dire, la « politique de la mort » qui structure la société brésilienne. Il examine en particulier comment sont fabriquées des « subjectivités nécropolitiques » grâce à la manipulation d’émotions et comportements spécifiques : racisme, haine et ressentiment. Ces subjectivités permettent une intensification de la distribution de la mort à l’encontre des populations métisses, noires et indigènes. Cet article montre aussi comment certaines luttes politiques et sociales ont façonné l’histoire récente du Brésil, en prenant la vie et la survie comme valeurs fondamentales. En empruntant une approche inspirée de la théorie critique, cet article soutient que ces luttes ont proposé de nouveaux modes d’ « ingouvernabilité » grâce à un usage calculé de l’ « autodéfense collective ».
EN:
This paper examines Brazil’s “necropolitics” (the politics of death) that embodies the cornerstone of the Brazilian society and that has enabled the election of Jair Bolsonaro. It explores in particular the making of “necropolitical subjectivities” and how they are manipulated through the management of specific emotions and behaviours, such as racism, hate and resentment. Those subjectivities enable the constant exposure to death that defines the existences of the Brazilian Black, Brown and Indigenous citizens. Against this Brazilian necropolitical order, this paper argues historical and ongoing political resistances have been taking life and survival as the basic values of their respective struggles. Drawing on a critical theory approach, it contends those resistances have succeeded in giving birth to modes of “not being governed” through strategic uses of “collective self-defence”.
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Defining ectosubjectivity: extraction and implantation of protosubjective fragments
Alexandre Desrochers Ayotte
pp. 1–21
AbstractEN:
This article questions the reterritorialization of human subjectivities by deep learning algorithms and adaptive web platforms, by introducing the concept of ectosubjectivity. This concept, surfacing from a study of the machinic theorizations of Karl Marx and Félix Guattari, attempts to grasp the processual extraction and implantation of subjective fragments by algorithms. The transformative oscillations engendered by these processes are redistributions of human subjectivities towards serialization and mass production. Thus, this article defines ectosubjectivity and questions the transformation of these subjective fragments to fit a homogenized mold.
FR:
Cet article interroge la reterritorialisation des subjectivités humaines par les algorithmes et les plateformes web adaptives en proposant le concept d’ectosubjectivité. Ce concept, qui émerge d’une étude des conceptions machiniques de Karl Marx et de Félix Guattari, tente de saisir les processus d’extraction et d’implantation de fragments subjectifs par les algorithmes. Les oscillations transformatives engendrées par ces processus sont autant de redistributions des subjectivités humaines vers la sérialisation et la production de masse. En somme, cet article définit l’ectosubjectivité et questionne la transformation de ces fragments de subjectivité en vue de les arraisonner à un moule homogène.
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Les conséquences d’un changement constitutionnel sur le cadre électoral et l’alternance démocratique en Guinée
Saikou Oumar Balde
pp. 1–19
AbstractFR:
À partir des années 2000, plusieurs chefs d’États africains ont choisi de modifier leurs constitutions ou tout simplement de les changer dans le but de rester au pouvoir. La République de Guinée n’en fait pas exception. Le président de la République fait adopter, lors d’un double scrutin très controversé et émaillé de violences le 22 mars 2020, une nouvelle Constitution. Cet article analyse les conséquences d’un changement constitutionnel en Guinée sur le cadre électoral, l’alternance politique et le respect des principes démocratiques. Comment la nouvelle Constitution contribue-t-elle à faire vaciller l’alternance politique, renforcer l’emprise du pouvoir exécutif et accroître l’asservissement des institutions électorales ? À travers une analyse empirique, cet article rend compte des changements dans la pratique électorale, du recul démocratique, de l’instrumentalisation de la norme fondamentale et de l’instabilité politique qu’entraine le changement de constitution. Il s’appuie sur une comparaison des textes fondamentaux et l’analyse de l’évolution des dynamiques de représentations sociales et politiques du pays.
EN:
From the 2000s, several African heads of state chose to modify their constitutions or simply to change them in order to stay in power. The Republic of Guinea is no exception. The President of the Republic adopted a new Constitution during a very controversial and violent double poll on March 22, 2020. This article analyzes the consequences of a constitutional change in Guinea on the electoral framework, political alternation and respect for democratic principles. How does the new Constitution help to topple political changeover, strengthen the strengthening of executive power and increase the enslavement of electoral institutions? Through an empirical analysis, this article reports on changes in electoral practice, democratic decline, the instrumentalization of the fundamental norm and the political instability that results from the change of constitution. It is based on a comparison of fundamental texts and an analysis of the evolution of the dynamics of social and political representations of the country.
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Travail et subjectivité chez André Gorz
Françoise Gollain
pp. 1–13
AbstractFR:
L’œuvre d’André Gorz est riche, complexe et marquée par des ruptures significatives. Sa cohérence lui vient de ses options philosophiques qui représentent le point d’ancrage de ses réflexions socio-écologiques. Ses impulsions théoriques les plus profondes résident dans son double héritage sartrien et marxien. Gorz s’inscrit dans le marxisme humaniste des années d’après-guerre qui a re-théorisé des questions ouvertes par Marx avec une orientation existentialiste mettant l’accent sur le sujet humain et accordant la primauté à l’historicité comme fondement indépassable de la réalité humaine. Cette présentation se fonde sur certains développements publiés dans un ouvrage présentant André Gorz, philosophe de l’émancipation.
EN:
André Gorz bequeathed us a rich and complex body of work marked by breaks and discontinuities. It draws its consistency and unity, however, from his philosophical options which form the basis of his socio-ecological reflections. His deepest theoretical impulses are rooted in his double – Sartrean and Marxian – heritage. Gorz’s initial writings were part of Western Marxism which emerged in the post-war years. This school of thought re-theorized issues raised by Marx from an existentialist perspective, whereby an emphasis was placed on the human subject and primacy given to historicity as an irreducible foundation of human reality. This piece is based on particular developments in my book presenting André Gorz as a philosopher and thinker of emancipation.
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Dialogie disciplinaire en Humanités Numériques : vers une percolation épistémique et méthodologique négociée : le cas de l’analyse des acteurs de la critique d’art (1850-1950)
Gérald Kembellec
pp. 1–31
AbstractFR:
Cet article a pour objectif de présenter l’apport méthodologique indéniable d’un traitement documentaire numérique au sein des activités de recherche en humanités. Cette démonstration se fera à travers l’analyse réflexive d’un projet d’humanités numériques situé en Histoire de l’Art : le projet « Bibliographies de critiques d’Art Francophones ». Ce dernier a permis à des dizaines de chercheurs et d’étudiants d’observer le même objet de recherche tout en croisant des points de vue et des pratiques disciplinaires.
EN:
The purpose of this article is to present the significant methodological contribution of digital documentary treatment within humanities research activities. This demonstration is made through the reflexive analysis of a digital humanities project in the History of Art: the project “Bibliographies de critiques d’Art Francophones” (Bibliographies of French-speaking art critics). This project allows dozens of researchers and students to observe the same object of research while crossing disciplinary points of view and practices. In this article, we present an info-documentary disciplinary approach, within the Information and Communication Sciences. However, a focus is also proposed on the interdisciplinary methods of treatment that are so fruitful for identifying new fields of research within the humanities. This article is, therefore, a feedback on a digital humanities project that is intended to be both a reflexive observation and an opening on other issues and methods.
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La voie sartrienne de l’engagement contre les discriminations
Yoann Malinge
pp. 1–14
AbstractFR:
Cet article présente les engagements sartriens et cherche à montrer leur cohérence dans une perspective philosophique. Y a-t-il une ligne proprement sartrienne de l’engagement contre les discriminations raciales et antisémites ? Après une évocation du passage de la phénoménologie à l’engagement intellectuel de Sartre, l’article aborde l’engagement sartrien contre l’antisémitisme, qui s’inscrit dans le projet existentialiste. Puis, à partir des textes journalistiques et des préfaces rédigés par Sartre, il montre que l’engagement contre le racisme subi par les Noirs est une étape vers une lutte contre le colonialisme. Cela confirme que la philosophie est un fondement à l’engagement politique de Sartre.
EN:
This article studies the Sartrian commitments and seeks to show their coherence from a philosophical perspective. The question is whether there is a properly Sartrian line of commitment against racial and anti-Semitic discrimination. As such, the article begins by addressing the transition from phenomenology to Sartre’s intellectual commitment. The Sartrian commitment against anti-Semitism is an essential part and a turning point for the existentialist project. Then, from the journalistic texts and prefaces written by Sartre, he shows that the commitment against racism suffered by the black population is a step towards a fight against colonialism. Therefore, the article seeks to show that philosophy is a foundation for Sartre’s political commitment.
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Présences de Josée Yvon dans la littérature québécoise contemporaine
Kevin Lambert and Martine-Emmanuelle Lapointe
pp. 1–38
AbstractFR:
Comme le note Valérie Mailhot dans son article « La “dislocation révolutionnaire” des corps chez Josée Yvon », l’autrice et son œuvre poétique sont « en décalage par rapport aux groupes et aux mouvements idéologiques de son époque. En décalage parce que [Yvon] publie son premier recueil, Filles-commandos bandées, en 1976, c’est-à-dire au moment où la contre-culture québécoise est en passe de s’institutionnaliser, mais également parce qu’au sein même de la mouvance contre-culturelle Yvon demeure une figure à part, tant ses textes dérangent par leur radicalité et leur violence. » Autrice décalée, rangée par Isabelle Boisclair et Catherine Dussault-Frenette dans la catégorie des « vilaines filles » qui « se montrent rebelles […], parlent fort, vocifèrent, crient leur rage, […] boivent, n’ont peur de rien et risquent tout. […] Vilaines filles [qui] parlent de sexe, et crûment », Josée Yvon semble de prime abord irrécupérable, infréquentable, irrecevable. Or c’est justement ce caractère rétif de l’autrice et de sa poésie qui est au cœur des nombreuses relectures proposées par les critiques et les écrivain.e.s contemporains. Hériter de Josée Yvon, c’est aussi – et surtout – hériter de sa légende, de sa réputation sulfureuse de vilaine fille. Qu’en est-il de cette légende? Quels sont les thèmes qui reviennent avec insistance sous la plume des héritiers et des héritières ? On évoquera volontiers le silence critique autour de son œuvre, l’occultation de ses textes et de sa figure par celle de Denis Vanier, les scandales qui ont défrayé la chronique, l’abus de drogues, la prostitution, le sida, les textes marqués par la violence, tant dans l’expression poétique que dans le choix de thèmes récurrents qui recoupent certains aspects de sa biographie. Ces aspects de la légende, s’ils sont souvent récusés, mis à distance par les critiques et les écrivains, sont pourtant au fondement de plusieurs des relectures et des mises en scène de Josée Yvon dans les textes contemporains. Afin de donner un aperçu de ces relectures, nous nous attacherons aux apparitions de l’autrice et de son œuvre dans un corpus de textes divers, comptes rendus, essais, textes critiques, témoignages et fictions parus depuis 2000. Notre propos s’articulera plus particulièrement autour des apories liées au legs yvonnien, voire aux contradictions et aux paradoxes qui accompagnent l’appropriation d’une œuvre considérée comme imprenable. Nous observons dans les œuvres étudiées une filiation yvonnienne principalement thématique, mais somme toute assez rarement esthétique ; peu d’écrivain.e.s récentes se revendiquant explicitement de Josée Yvon ont un style ou un univers rappelant celui de la « fée des étoiles ». La multitude des présences dans les textes contemporains nous permet toutefois de penser un renouvellement du legs yvonnien, marqué par la profusion des hommages et des citations, des esthétiques et des filiations parfois inattendues, où c’est souvent le commun qui prime sur l’individuel, le pluriel sur le singulier, la série sur l’unité. Bien que les textes d’Yvon connaissent encore des problèmes de diffusion, n’étant pour la plupart pas édités, la poète s’impose néanmoins, et contre l’oubli, comme une référence littéraire commune, largement partagée dans le paysage culturel récent, et dotée d’une certaine aura, voire – paradoxalement – d’un prestige ; bien qu’issus de la contre-culture, ses textes n’évoluent pas que sous le manteau, dans des circuits illicites. Des mémoires et des thèses s’écrivent ou se préparent sur elle ; des articles de journaux et des articles savants lui sont consacrés ; des spectacles hommages lui sont dédiés. Les héritières et les héritiers d’Yvon opèrent un tri dans le legs, en choisissent les aspects qui résonnent encore au présent et qui peuvent se conjuguer à un discours de résistance aux normes dominantes.
EN:
As Valérie Mailhot notes in her article « The" revolutionary dislocation" of bodies in Josée Yvon’s writings », the author and her poetry are « Offset with the ideological groups and movements of her time. Offset because [Yvon] published her first book, Filles-commandos bandés, in 1976, at a time when Quebec’s counterculture is on the way to institutionalize itself, but also because within the counter-cultural movement Yvon remains a figure apart, as her texts disturb by their radicalism and their violence. » Marginal author, ranked by Isabelle Boisclair and Catherine Dussault-Frenette in the category of the « naughty girls » who « show themselves rebels […], speak loudly, shout, cry out in rage, […] drink, are not afraid of anything and risk everything. […] Naughty girls [who] speak of sex, and bluntly », Josée Yvon seems at first glance irrecoverable, infrequentable, inadmissible. However, it is precisely this reticent trait of the author and her poetry that is at the heart of the numerous re-readings proposed by contemporary critics and writers. To inherit from Josée Yvon is also – and above all – to inherit her legend, her sulphurous reputation as a « naughty girl ». What about this legend ? What are the themes that keep coming back ? Critics evoke the critical silence around her work, the concealment of her texts and her figure by Denis Vanier, the scandals that hit the headlines, drug abuse, prostitution, AIDS, the violent charge of her work, both in poetic expression and in the choice of recurring themes that cut across certain aspects of her biography. These aspects of the legend, if they are often challenged, put at a distance by critics and writers, are nevertheless the basis of many of the rereadings and staging of Josée Yvon in contemporary texts. In order to give an overview of these rereadings, we will focus on the appearances of the author and her work in a corpus of various texts, reviews, essays, testimonies and fictions published since 2000. Our subject will be articulated around the aporias linked to Yvon’s legacy, even to the contradictions and paradoxes that accompany the appropriation of a work considered impregnable. We observe in the works studied a thematic filiation more than an aesthetical one ; few recent writers who explicitly cite Josée Yvon as an influence have a style or literary universe reminiscent her’s. The multitude of presences in contemporary texts allows us, however, to think of a renewal of the yvonnian legacy, marked by the profusion of tributes and quotations, aesthetics and filiations sometimes unexpected, where it is often the common that prevails over the individual, the plural on the singular, the serial on the unit. Although Yvon’s texts are still experiencing editing problems, most of them not being published, the poet nevertheless imposes herself as a common literary reference, widely shared and even endowed with a certain aura of prestige; although originating from the counter-culture, her texts do not only evolve under the cloak, in illicit circuits. Theses are written or prepared on her work ; newspapesr and scholarly articles are devoted to her ; tribute shows are dedicated to her. The heirs of Yvon are sorting through the legacy, choosing the aspects that still resonate in the present and which can be combined with a discourse of resistance to dominant norms.
Chronique
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Social distancing
Luca Paltrinieri
pp. 1–18
AbstractFR:
Lors de l’explosion de la pandémie de coronavirus le premier impératif diffusé à la population a été de recalculer les distances de chacun avec chacun. Bien sur, cette mesure de précaution est censée freiner la propagation du virus, mais que nous dit-elle de l’art politique de la modernité? Cet article soutien que le geste politique le plus élémentaire est encore et toujours le calcul de la « bonne distance » entre les humains, et entre les humains et les non-humains. Si depuis Hobbes jusqu’aux néoliberaux ce calcul doit permettre le bon fonctionnement de la triade croissance-circulation-patriarcat (c’est-à-dire rien d’autre que la loi du Capital), il est peut-être temps de s’approprier de la question de la distance pour penser l’après-virus. Histoire de quitter le monde du Capital sans aucune nostalgie.
EN:
During the explosion of the coronavirus pandemic the first instruction enacted was « social distancing » that implies to recalculate the distances from each one to each one. Of course, this precautionary measure is supposed to stop the spread of the virus, but what does it tell us about the modern political art ? This article argues that the most basic political gesture is still the calculation of the “right distance” between humans, and between humans and nonhumans. If, from Hobbes to the neoliberals, this calculation should allow the functioning of the triad of growth-circulation-patriarchy (i.e., nothing but the law of Capital), it is perhaps time to take up the question of distance to think about our world after virus and leave the world of Capital without any nostalgia.
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Encantado, le Brésil désenchanté
Camille Malderez
pp. 1–6
AbstractFR:
Brésilien arrivé à Paris en 2013, Filipe Galvon nous partage dans son documentaire Encantado, le Brésil désanchanté l’histoire de son quartier qu’il voit changer avec nostalgie depuis la France. Une récit qu’il met en parallèle avec l’incertain destin politique de sa nation, revenant sur les 10 dernières années d’un pays en crise.
EN:
Filipe Galvon, a Brazilian who arrived in Paris in 2013, shares with us in his documentary Encantado, o Brasil em desencanto, the history of his neighborhood which he sees nostalgically changing from France. A story that he puts in parallel with the uncertain political destiny of his nation, looking back over the last 10 years of a country in crisis
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Deux ou trois choses que la Covid nous dit de la nature et du capitalisme
Paul Cary and Jacques Rodriguez
pp. 1–24
AbstractFR:
Ce texte souligne que la façon dont les sciences sociales ont appréhendé la nature influence directement la conception des luttes pour l’environnement. Les auteurs se basent sur l’analyse d’une sélection d’articles de presse française liés au Covid et aux scenarii post-Covid. Si toutes les formations politiques et toutes les politiques publiques adoptent aujourd’hui un registre environment friendly, les positions théoriques restent, elles, assez intangibles et quatre positions idéal-typiques sont exposées. Les deux premières, pro- et anticapitalistes, évoluent symétriquement en faisant peu de cas de la nature, qui est vue essentiellement, par les uns, comme une ressource et un potentiel de croissance, et par les autres comme le signe des contradictions capitalistes. Les penseurs des « communs », de leur côté, insistent davantage sur les modalités de leur institutionnalisation qu’à la priorité qu’il faudrait accorder au vivant. Enfin, les réflexions sur la conservation et la régénération de la nature, apparaissent, en matière écologique, comme les plus ambitieuses.
EN:
This article points out how the idea of Nature, as formulated by social scientists, has shaped the intellectual formation of environmental movements and struggles. The authors examine a selection of French newspaper articles, all related to coronavirus and post-COVID scenarios. Although all political formations and policymakers make use of environment-friendly rhetoric, their theoretical positions still remain fundamentally the same and four intellectual ideal-types can therefore be brought out. The first two, either pro- or anticapitalistic, follow a rather symmetrical path, that relegates nature to the background. It is seen only, by some as a resource, offering a potential for growth, and by the others as the mirror of capitalist contradictions. Conversely, the “commons” thinkers emphasize the various ways these sites were institutionalized, rather than giving priority to the biosphere. Reflections about the conservation and regeneration of this Nature therefore appear, from an ecological standpoint, as the most ambitious.
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Knowledge is a commons - Pour des savoirs en commun
Collectif
pp. 1–16
AbstractFR:
L’Association Canadienne de Littérature Comparée/Canadian Comparative Literature Association (ACLC/CCLA) célébrait en 2019 son cinquantième anniversaire. Le colloque annuel de l’association, qui s’est tenu dans le cadre du Congrès des sciences humaines du Canada du 2 au 5 juin 2019 à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) à Vancouver, a été l’occasion de faire le point sur la place du comparatisme au sein de nos institutions. Pour ce faire, nous avons organisé une table ronde bilingue conjointe réunissant des membres de la communauté comparatiste et de la communauté des humanités numériques qui réfléchissent et mettent en œuvre des pratiques éditoriales collaboratives. Il nous importait ainsi que nos discussions se traduisent par une intervention concrète, pensée et écrite de façon collaborative et qui puisse “manifester” ce que la littérature comparée permet de mettre en œuvre. Le manifeste qui apparaît dans ces pages, “Knowledge is a commons - Pour des savoirs en commun”, présente le résultat de notre réflexion collective avec l’ambition d’offrir un point de départ pour davantage de travail collaboratif.
EN:
The Canadian Comparative Literature Association (CCLA/ACLC) celebrated in 2019 its fiftieth anniversary. The association’s annual conference, which took place from June 2 to 5, 2019 as part of the Congress of the Humanities and Social Sciences of Canada at UBC (Vancouver), provided an opportunity to reflect on the place of comparative literature in our institutions. We organized a joint bilingual roundtable bringing together comparatists and digital humanists who think and put in place collaborative editorial practices. Our goal was to foster connections between two communities that ask similar questions about the modalities for the creation, dissemination and legitimation of our research. We wanted our discussions to result in a concrete intervention, thought and written collaboratively and demonstrating what comparative literature promotes. The manifesto you will read, “Knowledge is a commons - Pour des savoirs en commun”, presents the outcome of our collective reflexion and hopes to be the point of departure for more collaborative work.
Lecture
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L’écriture comme procédure / L’Écriture sans écriture : du langage à l’âge numérique de Kenneth Goldsmith (traduction de François Bon, 2018, Jean Boîte Éditions)
Catherine Bernier
pp. 1–28
AbstractFR:
L’Écriture sans écriture : du langage à l’ère numérique est un patchwork hétéroclite d’essais du poète conceptuel Kenneth Goldsmith dont l’objectif est de renouveler la réflexion sur la création artistique et littéraire dans un monde numérique. Les treize chapitres de cette récente traduction française de François Bon s’emploient à illustrer des concepts tels que le génie non-original, la réappropriation et le recyclage au moyen d’oeuvres artistiques diverses. Y sont ainsi convoquées parmi d’autres les créations de Lawrence Weiner, Henri Chopin, Tan Lin, le Collectif Flarf, Christian Bök, Cervantes et Walter Benjamin. La présente recension tentera de mettre de l’avant la question qui nous apparaît fondamentale chez Goldsmith : l’impermanence du langage ou de toute forme d’identification du symbole à son sens. Si, dans l’espace numérique, les mots apparaissent comme des rebuts indifférenciés produits à la chaîne et susceptibles d’être réutilisés à l’infini dans d’autres contextes, on verra justement que ce recyclage, qui appartient en propre à l’écriture sans écriture, est une opération nécessaire pour qu’émerge la beauté non-préméditée de la « littérature du protocole » telle que la prône Goldsmith.
EN:
Writing without writing: from language to the digital age is a patchwork of essays by the conceptual poet Kenneth Goldsmith dealing with artistic and literary creation in a digital world. The thirteen chapters of this French translation by François Bon attempts to illustrate such concepts as non-original genius, re-appropriation and recycling through examples drawn from art and literature : Lawrence Weiner, Henri Chopin, Tan Lin, the Flarf Collective, Christian Bök, Cervantes and Walter Benjamin, among others. In the following lines, we will put forward Goldsmith’s central question : the impermanence of language, or of any form of identification of the symbol to its meaning. In the digital age, if words appear as undifferentiated garbage meant to be reused again and again in other contexts, then we can assert that this recycling processus is necessary for the emergence of the unpremeditated beauty of the “protocol literature” as advocated by Goldsmith.
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La littérature, un art visuel comme les autres ? / L’Écriture sans écriture de Kenneth Goldsmith (2018)
Jean-Michel Lapointe
pp. 1–7
AbstractFR:
Compte-rendu de l’ouvrage L’Écriture sans écriture de l’écrivain conceptuel américain Kenneth Goldsmith paru chez Jean Boîte Éditions dans une traduction de François Bon. Ce recueil d’essais explore la philosophie de la création littéraire de l’auteur, qui est ici synthétisée suivant trois éléments centraux relatifs à l’environnement numérique contemporain : la situation d’abondance et d’omniprésence du langage, la généralisation du copier-coller et l’idée suivant laquelle « le contexte est le nouveau contenu ». Provocatrice et suggestive, cette approche de la création émancipée du geste de lecture culmine dans un plaidoyer démocratique qui laisse sceptique.
EN:
Book review of L’Écriture sans écriture by American conceptual writer Kenneth Goldsmith published by Jean Boîte Éditions in a translation by French writer François Bon. This collection of essays explores the author’s philosophy of creative writing, which is synthesized here according to three central elements relating to the contemporary digital environment: the situation of abundance and omnipresence of language, the generalization of copy-paste and the idea that “context is the new content”. Provocative and suggestive, this approach to creation emancipated from the necessity of reading culminates in a democratic plea that leaves one sceptical.
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Les HN ne sont pas HS / Les humanités numériques : Une histoire critique de Pierre Mounier (Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2018)
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Les impensés de la littérature contemporaine / Moderne/contemporain de Pascal Mougin (Paris, Les Presses du réel, 2019)
Servanne Monjour
pp. 1–20
AbstractFR:
Depuis quelques années, la théorie littéraire se réinvente au contact d’un corpus longtemps ignoré par la critique et les institutions littéraires, parce qu’il s’érige hors du livre et revêt des formes hybrides : intermédiales, transmédiales, numériques, etc. Ce corpus témoigne de la présence d’un paradigme contemporain - par ailleurs déjà bien institué et bien balisé dans le domaine de l’art - dans des pratiques littéraires qui échappent encore aux institutions éditoriales traditionnelles de la littérature. Longtemps délaissé par une critique quelque peu déboussolée voire révoltée par ces formes peu conventionnelles, ce corpus fait aujourd’hui l’objet d’une attention croissante et suscite un effort théorique particulièrement stimulant dans le champ des études littéraires, autour d’une double question : qu’est-ce que le « paradigme contemporain » et, surtout, qu’est-ce que la littérature contemporaine ? Dans son dernier ouvrage, Moderne/contemporain, Pascal Mougin vient poser les bases d’un champ d’étude encore en construction.
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Humour et tragédie / La Paria de Claude Kayat (Paris, Maurice Nadeau, 2019)
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Le Capital au XXIe siècle, volume II / Thomas Piketty, Capital et idéologie, Paris, Seuil, 2019
Damien Larrouqué
pp. 1–36
AbstractFR:
Dans cet ouvrage de presque 1200 pages, l’économiste Thomas Piketty explore, en une perspective historique et comparée, les soubassements idéologiques et politiques des structures économiques et sociales. Il s’agit de percer, dans le temps et l’espace, les ressorts de la relation entre la politique et l’économie, afin de comprendre comment les « régimes inégalitaires » s’établissent, se transforment ou se perpétuent. Étayant le constat d’une exacerbation des inégalités socio-économiques depuis une trentaine d’années, le chercheur propose des pistes de réflexion en faveur d’un modèle de développement socialement plus juste.
EN:
In this almost 1,200-page book, economist Thomas Piketty explores the ideological and political foundations of economic and social structures through a historical and comparative lens. It is about unravelling the relationships between politics and the economy in time and space, in order to understand how “unequal regimes” are established, transformed or perpetuated. After demonstrating the exacerbation of socio-economic inequalities over the past thirty years, he suggests solutions for a socially fairer model of development.
Création
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Fêter Sens public
Sens public
pp. 1–9
AbstractFR:
Sens public est, depuis toujours, un chantier. Une dynamique ouverte qui crée des réseaux complexes, disséminés dans le monde entier. À partir de 2015, Sens public s’est engagé dans un processus de refonte de son site web. Ce qui devait être une simple mise à jour, un petit « lifting », s’est transformé en une remise à plat de l’ensemble de notre modèle éditorial, alimentant une réflexion technique et théorique majeure sur l’édition numérique et le rôle d’une revue savante aujourd’hui. Pour fêter la sortie de la version 0 de cette plateforme, nous avons demandé aux personnes ayant participé aux activités de la revue dans les dernières années de collaborer à un texte commun, car justement c’est ce partage qui représente le mieux notre projet. Chacun a écrit en quelques lignes ce que Sens public représente pour elle ou pour lui et a suggéré un article à relire.
EN:
Sens Public has always been an ongoing work in progress, an open dynamic that creates complex networks scattered all over the world. In 2015, Sens public started to redisign its website. What was supposed to be a simple update turned into a complete overhaul of our editorial workflow and engeaged a major technical and theoretical reflection on digital publishing and on the role of scholarly journals today. To celebrate the release of the version 0 of this platform, we have asked those who have participated in the activities of the journal in recent years to collaborate on a common text, because it is precisely this sharing that best represents our project. Each one explains here in a few lines what Public Sense represents for her or him and suggests to our readers an article published during the last years.
Les naissances du cinéma numérique
Sommaire dossier
Essai
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Les technologies numériques au service de la cinéphilie : l’hybridation ciné-picturale dans Tintin de Steven Spielberg et l’immersion cinéphile dans Hugo Cabret de Martin Scorsese
Baptiste Creps
pp. 1–33
AbstractFR:
Au cours de la décennie précédente, les technologie numériques ont été utilisées par Hollywood comme arguments pour remporter la guerre contre les petits écrans (télévisions, tablettes numériques, smartphones, etc.) et les plateformes numériques naissantes. Parmi ces technologies, le cinéma en relief (3D) et la performance capture ont été employés dans de nombreux films pour accentuer le caractère monumental du spectacle hollywoodien et plonger les spectateurs dans leurs mondes diégétiques, notamment en tentant de faire disparaitre le plus possible le cadre matériel de l’écran. Le texte qui suit met en exergue l’utilisation de ces technologies dans Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne (Steven Spielberg, 2011) et Hugo Cabret (Martin Scorsese, 2011) à la suite du succès colossal d’Avatar (James Cameron) en 2009. Il propose d’étudier comment Spielberg et Scorsese ont travaillé cette idée de disparition du cadre de manière tout particulièrement cinéphile.
EN:
In the past decade, digital technology has been used by Hollywood as arguments to win the war against the smaller screens (TVs, tablet computers, smartphones, etc.) and the emerging streaming platforms. Among these technologies “3D” and “performance capture” have been employed in many movies in order to enhance the dramatic and spectacular power of films and immerse the audience into their diegetic worlds, especially by trying to make the frame disappear the more they could. The following text argues about the use of these technologies in The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn (Steven Spielberg, 2011) and Hugo Cabret (Martin Scorsese, 2011) following the huge success of James Cameron’s Avatar in 2009. It focuses on how Spielberg and Scorsese managed to work this idea of disappearance of the frame with a pure cinephile style.
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The Birth of a Notation: Myths and Histories of Digital Cinema
Enrico Terrone
pp. 1–13
AbstractEN:
Does the digital turn introduce a total discontinuity in the history of cinema? André Gaudreault and Philip Marion (2015) claim that it does and provide an argument in favour of such “total discontinuity” view. In this paper, I shall reject their argument by debunking one of its premises. I shall then consider an alternative perspective, the “continuity view” proposed by philosophers such as Berys Gaut (2010) and David Davies (2011), who argue that the digital turn does not break the history of cinema. Finally, I shall find middle ground between the continuity view and the total discontinuity view, arguing that although the digital turn does not involve a total discontinuity in the way films are made by filmmakers and seen by spectators, it significantly changes the way films travel, as it were, from filmmakers to spectators.
FR:
Est-ce que le numérique introduit une discontinuité totale dans l’histoire du cinéma ? André Gaudreault et Philippe Marion (2015) affirment que c’est le cas et fournissent un argument en faveur de la « discontinuité totale ». Dans cet article, je rejetterai leur argument en démystifiant l’une de ses prémisses. J’examinerai ensuite une autre perspective, la « continuité », proposée par des philosophes tels que Berys Gaut (2010) et David Davies (2011), qui soutiennent que le numérique ne bouleverse pas l’histoire du cinéma. Enfin, je proposerai une médiation entre la continuité et la discontinuité totale : bien que le virage numérique n’entraîne pas une discontinuité totale dans la manière dont les films sont réalisés par les cinéastes et vus par les spectateurs, il modifie considérablement la façon dont les films voyagent, en quelque sorte, des cinéastes aux spectateurs.
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Quand le numérique fait ressurgir le passé… Le paradoxal retour de la théorisation de la réception filmique comme phénomène collectif à l’heure du numérique
Emmanuel Plasseraud
pp. 1–18
AbstractFR:
Les technologies numériques ont remis en cause l’identité du cinéma, que ce soit selon la perspective constructiviste proposée par Gaudreault/Marion ou selon le point de vue essentialiste défendu par Aumont ou Bellour. Nous proposons un retour sur ces débats en les mettant en regard avec l’évolution de la théorisation de la réception filmique, et le passage du paradigme attaché à sa dimension collective, prédominant avant la Seconde Guerre mondiale, à celui mettant en avant l’expérience individuelle du spectateur, après la Seconde Guerre mondiale.
EN:
The digital technologies questioned the identity of cinema, whether it is according to the constructivist perspective proposed by Gaudreault/Marion or according to the essentialist point of view defended by Aumont or Bellour. We propose a return on thses debates by putting them on the opposite page with the evolution of the theorization of the cinematic reception, and the passage from the paradigm of collective dimension, prevailing before World War II, tothe one that puts forward the individual experience of the spectator, after World War II.
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Il mistero di Oberwald : retour sur une expérience de cinéma électronique
Arnaud Widendaële
pp. 1–20
AbstractFR:
Cet article s’intéresse aux usages de la couleur électronique dans Il mistero di Oberwald de Michelangelo Antonioni (1980). Le film fait partie des premières œuvres cinématographiques à employer des outils électroniques et à expérimenter grâce à eux de nouvelles méthodes de réalisation. Parmi elles figurent également 200 Motels, Parade, Steppenwolf, etc. À l’heure où le cinéma est désormais numérique, l’étude d’un tel corpus permet de réinterroger le passage d’une technologie à l’autre, de l’argentique au numérique. En adoptant une perspective archéologique inspirée par Foucault, cet article propose d’examiner plusieurs énoncés d’abord associés à la vidéo analogique, puis à la vidéo numérique, afin d’établir une comparaison et de relever à la fois des écarts et des correspondances. Une telle méthode, avant tout préoccupée par la circulation des idées, offre selon nous la possibilité d’éviter le piège téléologique et de réévaluer la place historique du « cinéma électronique ».
EN:
This article focuses on the uses of electronic color in Michelangelo Antonioni’s Il mistero di Oberwald (1980). The film belongs to the first cinematic works which use electronic devices and experiment new film techniques with them. Among them there are also 200 Motels, Parade, Steppenwolf, etc. At a time when cinema is digital, the study of this corpus allows to re-examine the change from a technology to another, from celluloid to digital. By choosing an archaeologic viewpoint inspired by Foucault, this article proposes to study several statements first about analog video, and then about digital video, in order to make a comparison and to identify both differences and similarities. Such a method, above all concerned with the circulation of ideas, gives the possibility of avoiding the trap of teleology and of reassessing the place of “electronic cinema” in history.
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La pensée im-matérielle de l’écriture filmique : des questions à propos du tupos argentique et de la pictura numérique
Lucie Roy
pp. 1–22
AbstractFR:
L’auteure conjugue trois termes. L’Histoire, l’imaginaire et l’écriture. Il s’agira de comprendre le lien qui unit, si étroitement, l’Histoire et l’écriture ou son travail de représentance et de lieutenance. Elle examine ensuite l’écriture de l’image, dont on sait qu’elle est liée à un imaginaire en vertu duquel sans doute le tupos (l’empreinte argentique) a été un peu trop fermement associé à la réalité, ou à sa répétabilité, et la pictura numérique (l’image de synthèse), qui, à la hauteur de l’archè, en a été désolidarisée. Elle profite de l’occasion pour mettre à jour l’im-matérialité de la pensée des images. Elle constate que ce n’est pas le capital des empreintes qui, à une époque, servait de garantie à l’ontologie du cinéma ou, en leur absence, à sa nouveauté, mais le fait que le cinéma s’offre, en effet, à la pensée ou que, ancien ou nouveau, il ait le caractère du « penser ».
EN:
Three terms are joined by the author. History, imagination and writing. The first task at hand will be to understand the close link between history and writing, or writing’s function of standing-for (représentance) and taking-the-place-of (lieutenance). The author then examines the writing of the image, known to be related to an imaginary by virtue of which, undoubtedly, the tupos (the silver print) has been a little too resolutely associated with reality, or its repeatability, and digital pictura (the computer-generated image), which, regarding the archè, has been disconnected from reality. She takes this opportunity to revise the im-materiality associated with the thought of images. She finds that it is not the wealth of the imprints that, at one time, guaranteed the ontology of cinema or, in their absence, its novelty, but rather that, in effect, the cinema offers itself to thought, or that, old or new, it is of the nature of “thinking”.
Authentique artifice
Essai
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Authenticity and Verfremdung: Öyvind Fahlström’s performance Kisses Sweeter than Wine (1966)
Per Bäckström
pp. 1–23
AbstractEN:
Performance art has been regarded as solidly rooted in the “Hier und Jetzt”, asserted by Walter Benjamin as the only remaining condition for the Aura. However, as Philip Auslander observes, every performance today is always already mediatized in one way or another, and still we might experience liveness and then also authenticity. Mediatization is, therefore, a (necessary) condition for authenticity. In my discussion on the Swedish artist Öyvind Fahlström’s (1928–76) performance Kisses Sweeter than Wine 1966, I nonetheless argue that not even the use of Verfremdungseffekts in avant-garde performance disrupts the construction of authenticity, even though this effect is used to attack the (presupposed) media-transparency believed to be necessary for an “authentic” experience. In his use of new technology and different broadcasting media, Fahlström was a forerunner for media art. The intermedial intricacy can be fully understood and discussed only in our own information age. His and other similar experiments in the 1960s are important links in the genealogy of today’s networked, global and multiscreen world, since they constitute early confluences of cybernetics, art and media. This is best seen in his performance, which was part of 9 Evenings. Theatre and Engineering arranged, in 1966, by Experiments in Art and Technology (E.A.T.) at the 69th Regiment Armory in New York. Fahlström mixes performance on stage with a plethora of mediated and mediatized events, which results in a show that is characterized by strong Verfremdungseffekts, yet still gives rise to an experience of authenticity.
FR:
Depuis longtemps, on considérait l’art de la performance comme étant enraciné dans le « Hier und Jetzt », qui est, comme l’affirme par Walter Benjamin, la seule condition restante pour l’Aura. Cependant, Philip Auslander constate qu’aujourd’hui toute représentation est toujours déjà médiatisée d’une manière ou d’une autre ; et pourtant, nous pourrions encore ressentir de la vivacité et également de l’authenticité. La médiatisation est donc une condition (nécessaire) de l’authenticité. Dans cette étude consacrée à la performance de l’artiste suédois Öyvind Fahlström (1928-1976), intitulée Kisses Sweeter than Wine (1966), j’affirme toutefois que même l’utilisation de Verfremdungseffekts dans la performance avant-gardiste ne perturbe pas la construction de l’authenticité, même si cet effet est employé afin d’attaquer à la transparence médiatique (présupposée), jugée comme fondamentale pour une expérience « authentique ». Dans son emploi des nouvelles technologies et des divers médias audiovisuels, Fahlström était un précurseur dans le champ de l’art médiatique. La subtilité intermédiale peut donc être comprise à fond et discutée par le seul prisme de notre propre ère de l’information. D’autres exemples comparables durant les années 1960 créent des liens importants avec la généalogie de notre société contemporaine en réseau et à plusieurs écrans, car elles constituent les premières confluences de la cybernétique, de l’art et des médias. Ce phénomène est surtout perceptible dans la performance de Fahlström, qui faisait partie de 9 Soirées (9 Evenings). Théâtre et Ingénierie est arrangé, en 1966, par Experiments in Art and Technology (E.A.T.) au 69th Regiment Armory à New York. Fahlström mélange la performance sur scène avec une pléthore d’événements médiatisés, ce qui donne lieu à un spectacle caractérisé par de forts Verfremdungseffekts, tout en créant une expérience d’authenticité.
Le néolibéralisme autoritaire au miroir du Brésil
Sommaire dossier
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Le néolibéralisme autoritaire au miroir du Brésil
Pierre Sauvêtre, Pierre Dardot and Christian Laval
pp. 1–10
AbstractFR:
Le Groupe d’études sur le néolibéralisme et les alternatives (GENA) a organisé au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) un colloque franco-brésilien à Paris le mercredi 20 mars et le jeudi 21 mars 2019 intitulé « La crise de la démocratie et le néolibéralisme à la lumière de la situation brésilienne ». C’est pour l’essentiel le contenu des contributions à ce colloque que vous allez lire dans ce dossier.
EN:
The Study Group on Neoliberalism and Alternatives (GENA) organized at the Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) a Franco-Brazilian colloquium in Paris on Wednesday, March 20 and Thursday, March 21, 2019 entitled «The crisis of democracy and neoliberalism in light of the Brazilian situation». It is essentially the content of the contributions to this colloquium that this dossier is composed of.
Essai
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La victoire de Bolsonaro à la lumière de l’histoire brésilienne
Maud Chirio and Camille Noûs
pp. 1–18
AbstractFR:
À quelles échelles de temps et d’espace doit-on penser l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil ? Dans l’histoire longue d’une société autoritaire, conservatrice, raciste et patriarcale, ou bien dans le temps court de la « crise des démocraties occidentales », dont la multiplication des ultra-droites démagogues a été l’un des produits ? Ces deux lignes interprétatives traduisent la même demande sociale : rendre intelligible l’événement inattendu, qui bouleverse et suscite la peur et l’incompréhension. Mais elles se fondent sur deux hypothèses différentes : le néofascisme boslonariste est-il né de tendances de fond de la société et de la démocratie brésiliennes que nous n’avons pas su ou que nous avons refusé de voir, ou bien d’un retournement rapide de conjoncture – ce que nous pourrions appeler une « histoire à pente forte » ?
EN:
At which time and space scales should we analyse Bolsonaro’s rise to power in Brazil? As the result of the long-term history of an authoritarian, conservative, racist and patriarchal society, or as part of the « crisis of occidental democracies », cause of the proliferation of demagogic extreme rights? These two interpretative lines result from the same social demand: make an unexpected, upsetting and scary event intelligible. They rely, however, on two different hypotheses: was bolsonarist neo-fascism born from deep-rooted social trends that we failed or refused to see, or from quick and unpredictable changes – what we could call “steep slope history”?
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Le comportement de la classe moyenne et le recul de la démocratie au Brésil : le facteur subjectif dans l’histoire
Soleni Biscouto Fressato
pp. 1–15
AbstractFR:
Le texte vise à penser la classe moyenne et son rôle durant les élections présidentielles de 2018 qui ont élu Jair Messias Bolsonaro, du Parti Social Liberal (PSL), au Palais du Planalto. Comme thèse principale, le texte argumente que la classe moyenne n’a pas sa propre identité de classe et, ainsi, prend les références culturelles des classes aisées. En conséquence de cette absence d’idéologie propre, la classe moyenne, comme tentative de se différencier, démontre préjugés contre les classes populaires. Pour comprendre cette question, le texte est divisé en trois moments. Premièrement, une analyse historique de la formation de la classe moyenne est faite ; après, l’émergence de la « nouvelle » classe moyenne est discutée ; dans un troisième moment, la perception de la classe moyenne sur la crise économique globale de 2008 est présentée.
EN:
The text aims to think about the middle class and its role in the 2018 presidential elections, which took Jair Messias Bolsonaro, from the Social Liberal Party (PSL), to the Planalto Palace. As a main thesis, the text argues that the middle class does not have a class identity of its own and thus assimilates the cultural references of the upper classes. As a consequence of this absence of its own ideology, the middle class, in an attempt to differentiate itself, demonstrates prejudice against the popular classes. To understand this issue, the text is divided into three parts. Initially, a historical analysis of the formation of the middle class is made; then the emergence of the “new” middle class is discussed; in a third moment, the perception of the middle class about the global economic crisis that started in 2008 is presented.
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O comportamento da classe média e o declínio da democracia no Brasil: O fator subjetivo na história
Soleni Biscouto Fressato
pp. 1–15
AbstractFR:
Le texte vise à penser la classe moyenne et son rôle dans les élections présidentielles de 2018 qu’ont élu Jair Messias Bolsonaro, du Parti Social Liberal (PSL), au Palais du Planalto. Comme thèse principale, le texte argumente que la classe moyenne n’a pas sa propre identité de classe et, ainsi, prend les références culturelles des classes aisées. En conséquence de cette absence d’idéologie propre, la classe moyenne, comme tentative de se différencier, démontre préjugés contre les classes populaires. Pour comprendre cette question, le texte est divisé en trois moments. Premièrement, une analyse historique de la formation de la classe moyenne est faite ; après, l’émergence de la « nouvelle » classe moyenne est discutée ; dans un troisième moment, la perception de la classe moyenne sur la crise économique globale de 2008 est présentée.
EN:
The text aims to think about the middle class and its role in the 2018 presidential elections, which took Jair Messias Bolsonaro, from the Social Liberal Party (PSL), to the Planalto Palace. As a main thesis, the text argues that the middle class does not have a class identity of its own and thus assimilates the cultural references of the upper classes. As a consequence of this absence of its own ideology, the middle class, in an attempt to differentiate itself, demonstrates prejudice against the popular classes. To understand this issue, the text is divided into three moments. Initially, a historical analysis of the formation of the middle class is made; then the emergence of the “new” middle class is discussed; in a third moment, the perception of the middle class about the global economic crisis that started in 2008 is presented.
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L’alt-lite de Steve Bannon et les techniques de prise de pouvoir
Simon Ridley
pp. 1–24
AbstractFR:
Cet article propose d’examiner certaines des techniques de prise de pouvoir qui ont permis à Donald Trump d’accéder à la présidence des États-Unis par le biais de l’étude de la trajectoire de Steve Bannon. En effet, celui-ci montre particulièrement bien deux échelles de la prise de pouvoir : le travail de propagande culturelle qui se déroule sur le temps long et l’action ponctuelle qui se joue sur un temps court. Cette distinction est un reflet de la dichotomie entre alt-right et alt-lite, qui montre que Bannon n’est pas le « prince des ténèbres » comme il est souvent décrit.
EN:
This article aims to examine the techniques used for Donald Trump to gain access to power. With the analysis of the trajectory of Steven Bannon, we can show that there are two simultaneous aspects at play: one long-term cultural propaganda process and another short-term effect that has an important influence over events. This mirrors the distinction between alt-right and alt-lite that shows that Bannon is far from being the “dark prince” he is made out to be.
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Regarder l’université, voir la société : que peuvent craindre les universités publiques brésiliennes ?
Márcia Pereira Cunha and Nilton Ken Ota
pp. 1–22
AbstractFR:
Depuis l’impeachment de la présidente Dilma Rousseff, la démocratie brésilienne est le théâtre d’affrontements et de conflits qui la mettent en danger. Jair Bolsonaro a pris ses fonctions en janvier 2019, transformant ses discours réactionnaires et autoritaires en discours du gouvernement. Les universités publiques font partie des nombreuses cibles de leurs attaques. Cet article a pour but de contribuer à l’analyse de ce scénario, en offrant tout d’abord un enregistrement des moyens et des idées mobilisés sur différents fronts de persécution et d’interpellation institutionnel. Sur la base de trois épisodes récents, on cherche à indiquer les points où des actions et des discours aujourd’hui radicalisés sont liés à des processus sociaux plus anciens, en particulier la décalage entre la redémocratisation et les réformes néolibérales à l’intérieur et à l’extérieur du milieu universitaire. Placer les attaques actuelles dans cette perspective semble essentiel pour comprendre leurs significations et les conditions qui les ont rendues possibles.
EN:
Since the impeachment of President Dilma Rousseff, Brazilian democracy has been the scene of clashes and conflicts that put it at risk. Jair Bolsonaro took office in January 2019, turning his then reactionary and authoritarian rhetoric into a government speech. Among the many targets of their attacks are public universities. This article aims to contribute to the analysis of this scenario, firstly by offering a record of the expedients and ideas mobilized on different fronts of persecution and institutional heckle. Three recent episodes are described in order to indicate points where today radicalized actions and discourses are linked to older social processes, especially the mismatches between redemocratization and neoliberal reforms within and outside the university environment. Placing current attacks in this perspective seems critical to understand their meanings and the conditions that made them possible.
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Olhar a universidade, ver a sociedade: O que devem temer as universidades públicas brasileiras?
Márcia Pereira Cunha and Nilton Ken Ota
pp. 1–22
AbstractFR:
Depuis l’impeachment de la présidente Dilma Rousseff, la démocratie brésilienne est le théâtre d’affrontements et de conflits qui la mettent en danger. Jair Bolsonaro a pris ses fonctions en janvier 2019, transformant ses discours réactionnaires et autoritaires en discours du gouvernement. Les universités publiques font partie des nombreuses cibles de leurs attaques. Cet article a pour but de contribuer à l’analyse de ce scénario, en offrant tout d’abord un enregistrement des moyens et des idées mobilisés sur différents fronts de persécution et d’interpellation institutionnel. Sur la base de trois épisodes récents, on cherche à indiquer les points où des actions et des discours aujourd’hui radicalisés sont liés à des processus sociaux plus anciens, en particulier la décalage entre la redémocratisation et les réformes néolibérales à l’intérieur et à l’extérieur du milieu universitaire. Placer les attaques actuelles dans cette perspective semble essentiel pour comprendre leurs significations et les conditions qui les ont rendues possibles.
EN:
Since the impeachment of President Dilma Rousseff, Brazilian democracy has been the scene of clashes and conflicts that put it at risk. Jair Bolsonaro took office in January 2019, turning his then reactionary and authoritarian rhetoric into a government speech. Among the many targets of their attacks are public universities. This article aims to contribute to the analysis of this scenario, firstly by offering a record of the expedients and ideas mobilized on different fronts of persecution and institutional heckle. Three recent episodes are described in order to indicate points where today radicalized actions and discourses are linked to older social processes, especially the mismatches between redemocratization and neoliberal reforms within and outside the university environment. Placing current attacks in this perspective seems critical to understand their meanings and the conditions that made them possible.
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Crise et agencement de l’ultime capital : « Nouvelles » formes de domination au Brésil
Jorge Nóvoa
pp. 1–27
AbstractFR:
Aujourd’hui, devant la montée du populisme de droite, plusieurs acteurs politiques pensent le besoin d’un populisme de gauche. Certains secteurs politiques de gauche prônent la réinvention d’un nationalisme populiste. Malgré les différences par rapport à cette expérience qui a été forte au Brésil des années 1950/60, certains éléments se maintiennent comme un noyau dur de cette idéologie politique. Parmi eux le fétiche du développement comme croissance industrielle, le développement du « marché intérieur », la caractérisation du pays comme dépendant, la conception que cette dépendance tient aux relations d’une domination extérieure du « capital impérialiste » qui opprime et empêche la soi-disant « bourgeoisie nationale » de se développer. Le développement doit se faire en alliance aux « entrepreneurs nationaux » dirigé vers le dépassement de la dépendance à travers l’industrialisation. Cette « théologie développementiste » remonte, en vérité, à la fin de la II Guerre Mondiale avec la fondation de la CEPAL. Mais si pendant les années 1960 est devenu claire que la stratégie du grand capital brésilien était devenir transnational - chose faite pendant les années d’affirmation de la doctrine néolibérale (1990/2020), la crise de reproduction du capital a promu un processus profond de désindustrialisation. Une partie des grands capitaux brésiliens rejettent toute aspiration à une troisième voie, dont le développement devrait être dans l’intérêt de la grande majorité de la population brésilienne avec répartition des richesses. Ils fusionnent avec de grands oligopoles financiers internationaux.
EN:
Today, faced with the rise of right-wing populism, several political actors believe the need for left-wing populism. Certain leftist political sectors advocate the reinvention of populist nationalism. Despite the differences from this experience which was strong in Brazil in the 1950s / 60s, certain elements remain as a hard core of this political ideology. Among them the fetish of development as industrial growth, the development of the “internal market”, the characterization of the country as dependent, the conception that this dependence derives from the relations of an external domination of “imperialist capital” which oppresses and prevents self-sufficiency. saying “national bourgeoisie” to develop. Development must be done in alliance with “national entrepreneurs” directed towards overcoming dependence through industrialization. This “developmental theology” goes back, in truth, to the end of the Second World War with the foundation of CEPAL. But if during the 1960s it became clear that the strategy of Brazilian big capital was to become transnational - something done during the years of the assertion of the neoliberal doctrine (1990/2020), the crisis of reproduction of capital promoted a deep process de-industrialization. Part of the big Brazilian capitals finish all aspiration for a third way, the development of which should be in the interest of the great majority of the Brazilian population with distribution of wealth. They merge with large international financial oligopolies.
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Reflux conservateur et tensions régressives en Amérique latine : les gouvernements « progressistes » dans leur labyrinthe
Franck Gaudichaud
pp. 1–26
AbstractFR:
Le sous-continent latino-américain est indéniablement entré dans une nouvelle période politique depuis quelques années, notamment depuis la mort d’Hugo Chávez en mars 2013, alors que se multiplient les gouvernements de droite ou d’extrême-droite (comme au Brésil). Au-delà de la discussion sur la « fin de cycle », il convient de faire les bilans critiques des expériences dites « progressistes » et national-populaires dans un contexte de crise et de reflux conservateur.
EN:
The Latin American sub-continent has undeniably entered in a new political period in recent years, particularly since the death of Hugo Chávez in March 2013, when right-wing or extreme right-wing governments are multiplying (as in Brazil). Beyond the discussion on the “end of the cycle”, it is appropriate to make critical assessments of the so-called “progressive” and national-popular experiences in a context of crisis and conservative backlash, but also of reactivation of social and popular struggles.
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Le Brésil à reculons ?
Pierre Salama
pp. 1–34
AbstractFR:
Prévoir un ou plusieurs futurs possibles pour le Brésil est aujourd’hui particulièrement malaisé pour deux raisons : l’une spécifique tient au contexte international particulièrement mouvant, l’autre, au choc politique que le pays connaît depuis l’élection d’un président désirant rompre avec le passé d’une manière particulièrement brutale et très souvent incohérente. La politique économique proposée par le nouveau gouvernement est de plus en plus mal acceptée, que ce soit par le Congrès ou par la population. Elle se présente parfois de manière incohérente par des déclarations intempestives soit de proches du président (famille, conseillers), soit de ministres incompétents en opposition avec celle du ministre de l’Économie ou bien du vice-président. Elle souffre d’un déficit de rationalité (Habermas), c’est-à-dire d’une incapacité à mettre en œuvre un programme économique controversé conduisant à une politique libérale certes, mais boiteuse. Il est possible que les réformes telles qu’elles ont été prévues ne puissent être mises en œuvre et que les conflits d’intérêts aboutissent à des réformes profondément édulcorées. Des « cris d’alarme » parsèment déjà les journaux financiers. Son taux de croissance est très faible et chaque jour qui passe est annonciateur d’une révision à la baisse de la croissance. Le déficit de rationalité augmente, jusqu’où ira-t-il ? L’impeachment du vice-président appuyé par les militaires, le départ du président appuyé par les sectes religieuses ? Le retour des gauches ? La pandémie et ses conséquences économiques, sociales et politiques accentuent les contradictions. Comme l’écrit le journal Folha de Sao Paulo le 21 mai 2020: « Jair Bolsonaro se compraz em apostar no caos » et le Financial Times le 25 mai: « Jair Bolsonaro’s populism is leading Brazil to disaster ».
EN:
Forecasting one or more possible futures for Brazil is today particularly difficult for two reasons: one specific reason is the particularly shifting international context, and the other is the political shock that the country has been experiencing since the election of a president wishing to break with the past in a particularly brutal and very often inconsistent manner. The economic policy proposed by the new government is increasingly poorly accepted, both by Congress and by the population. It sometimes presents itself in an inconsistent manner through untimely statements either by those close to the President (family, advisers) or by incompetent ministers in opposition to the Minister of the Economy or the Vice-President. It suffers from a rationality deficit (Habermas), i.e. an inability to implement a controversial economic programme leading to a liberal but lame policy. It is possible that the reforms as planned cannot be implemented and that conflicts of interest will lead to deeply watered-down reforms. Alarm bells’ are already ringing in the financial newspapers. Its growth rate is very low and every day that passes is a harbinger of a downward revision of growth. The rationality deficit is increasing, how far will it go? The impeachment of the vice-president supported by the military, the departure of the president supported by religious sects? The return of the leftists? The pandemic and its economic, social and political consequences accentuate the contradictions. As the newspaper Folha de Sao Paulo wrote on May 21, 2020: “Jair Bolsonaro se compraz em apostar no caos” and the Financial Times on May 25: “Jair Bolsonaro’s populism is leading Brazil to disaster”.
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La crise de la démocratie et le capitalisme néolibéral à la lumière de la situation brésilienne : formes d’intervention de l’État et politiques du travail et de l’emploi en Amérique latine
Isabel Georges and Ania Tizziani
pp. 1–30
AbstractFR:
Dans la période récente, la réflexion sur les inégalités devient une clé de lecture des dynamiques sociales, économiques et politiques que les pays latino-américains ont connu depuis le début du siècle. Elle est au centre des analyses sur le bilan des politiques sociales « de gauche », ou plus « volontaristes », mises en place dans nombre de pays de la région au cours de la première décennie des années 2000, de leur dite efficacité, en termes de réduction de la pauvreté. Le débat se situe autour de la durabilité des transformations opérées par ces politiques sociales. Est-ce qu’il s’agit d’améliorations conjoncturelles ou plutôt structurelles ? Dans cet article nous nous proposons d’explorer ces transformations, en soulignant l’importance de centrer l’analyse sur le rapport entre différentes politiques publiques (du travail et de l’emploi, politiques sociales, éducatives, habitation) et un éventail plus vaste des formes d’intervention de l’État. L’analyse porte sur deux dimensions principales : la capacité de cette articulation de politiques publiques à transformer/améliorer les conditions de vie et de travail de vastes secteurs de la population, d’un côté ; ses effets sur les formes de construction identitaires, les subjectivités et les rapports de classe, de l’autre.
EN:
In recent years, the debate on inequalities became a central issue in order to understand the social, economic and political dynamics in Latin American countries since the beginning of the century. Indeed, this debate is in the heart of the discussion about the effectiveness with behalf to poverty reduction of the “progressive”, so called “left-wing” social policies, implemented in many countries of the region during the first decade of the 2000s. The debate evolves around the sustainability of the transformations brought by these social policies. These transformations, are they punctual or rather structural improvements? In this article we propose to explore these transformations, focusing on the analysis of the relationship between different public policies (work and employment, social, educational and housing policies) and a wider range of forms of state intervention. The analysis focuses on two main issues: the ability of this articulation of public policies to transform / improve the living and working conditions of large segments of the population, on the one hand; its effects on forms of identity construction, subjectivities and class relations, on the other.
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Néolibéralisme « classique » et nouveau néolibéralisme
Pierre Dardot
pp. 1–23
AbstractFR:
Il n’y a pas de néolibéralisme classique, il n’y a que l’ancien et le nouveau néolibéralisme. Quelles sont les nouvelles formes du néolibéralisme? En particulier, quelles sont les différences entre nationalistes et globalistes? Telles sont les principales questions abordées dans cette contribution.
EN:
There is no such a thing as classical neoliberalism, there is only an old and a new neoliberalism. What are the new forms of neoliberalism? Particularly, what are the differences between nationalists and globlalists? These are the main questions examined in this contribution.
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Nature du bolsonarisme
Ruy Fausto
pp. 1–13
AbstractFR:
Le bolsonarisme est un phénomène complexe qui doit être replacé dans un contexte mondial et dans une perspective longue. Il ne peut être réduit au néolibéralisme, lequel est une forme contemporaine de l’utilitarisme. Le bolsonarisme se distingue par la pluralité des forces qui le soutiennent et la diversité des registres de mobilisation et de justification qu’il manipule en direction de l’opinion publique. Il est difficile de prévoir son évolution. L’hétérogénéité des motifs des électeurs, comme des forces qui le soutiennent pourrait conduire à sa crise avant qu’il n’ait atteint ses objectifs. Pourtant, au vu des premiers mois du bolsonarisme, l’extrême radicalité de son programme fait craindre le pire.
EN:
Bolsonarism is a complex phenomenon that needs to be placed in a global context and in a long-term perspective. It cannot be reduced to neoliberalism, which is a contemporary form of utilitarianism. Bolsonarism is distinguished by the plurality of forces that support it and the diversity of the registers of mobilization and justification that it manipulates towards public opinion. It is difficult to predict its evolution. The heterogeneity of voters’ motives, as well as of the forces that support it, could lead to its crisis before it has achieved its objectives. However, in view of the first months of Bolsonarism, the extreme radicality of its programme makes one fear the worst.
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Le néolibéralisme autoritaire au Brésil : réforme économique néolibérale et militarisation de l’administration publique
Daniel Pereira Andrade
pp. 1–29
AbstractFR:
Pour comprendre le tournant autoritaire du néolibéralisme au Brésil sous le gouvernement Bolsonaro, l’article examine comment les réformes néolibérales sont composées avec une rationalité politique historiquement située : la logique militaire de la guerre contre l’ennemi interne. L’article énumère d’abord les projets de réforme néolibérale proposés par le ministre de l’économie Paulo Guedes au cours des trois premiers mois de son administration. Ensuite, il cartographie la participation des militaires au gouvernement Bolsonaro et analyse l’émergence de la logique militaire de la guerre contre l’ennemi interne pendant la Dictature militaire (1964-1985), sa métamorphose en guerre contre la drogue dans la Nouvelle République et son actualisation par des opérations de “pacification”. Enfin, l’article montre comment les rationalités néolibérales et militaires se composent dans le tournant autoritaire brésilien, créant, d’un côté, un renforcement mutuel et, de l’autre, des blocages qui mettent la démocratie brésilienne en risque.
EN:
To understand the authoritarian turn of neoliberalism in Brazil during the Bolsonaro government, the article examines how neoliberal reforms are composed with a historically situated political rationality: the military logic of war on the internal enemy. The article first lists the neoliberal reform projects proposed by Economy Minister Paulo Guedes during the first three months of his administration. Second, it maps the participation of the military in the Bolsonaro government and analyzes the emergence of the military logic of war on the internal enemy during the Military Dictatorship (1964-1985), its metamorphosis in war on drugs throughout the New Republic and its updating through “pacification” operations. Finally, the article shows how neoliberal and military rationalities are composed in the Brazilian authoritarian turn, creating, on one side, mutual reinforcement, and, on the other, blockades that put Brazilian democracy in check.
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Neoliberalismo autoritário no Brasil: Reforma econômica neoliberal e militarização da administração pública
Daniel Pereira Andrade
pp. 1–28
AbstractFR:
Pour comprendre le tournant autoritaire du néolibéralisme au Brésil sous le gouvernement Bolsonaro, l’article examine comment les réformes néolibérales sont composées avec une rationalité politique historiquement située : la logique militaire de la guerre contre l’ennemi interne. L’article énumère d’abord les projets de réforme néolibérale proposés par le ministre de l’économie Paulo Guedes au cours des trois premiers mois de son administration. Ensuite, il cartographie la participation des militaires au gouvernement Bolsonaro et analyse l’émergence de la logique militaire de la guerre contre l’ennemi interne pendant la Dictature militaire (1964-1985), sa métamorphose en guerre contre la drogue dans la Nouvelle République et son actualisation par des opérations de “pacification”. Enfin, l’article montre comment les rationalités néolibérales et militaires se composent dans le tournant autoritaire brésilien, créant, d’un côté, un renforcement mutuel et, de l’autre, des blocages qui mettent la démocratie brésilienne en risque.
EN:
To understand the authoritarian turn of neoliberalism in Brazil during the Bolsonaro government, the article examines how neoliberal reforms are composed with a historically situated political rationality: the military logic of war on the internal enemy. The article first lists the neoliberal reform projects proposed by Economy Minister Paulo Guedes during the first three months of his administration. Second, it maps the participation of the military in the Bolsonaro government and analyzes the emergence of the military logic of war on the internal enemy during the Military Dictatorship (1964-1985), its metamorphosis in war on drugs throughout the New Republic and its updating through “pacification” operations. Finally, the article shows how neoliberal and military rationalities are composed in the Brazilian authoritarian turn, creating, on one side, mutual reinforcement, and, on the other, blockades that put Brazilian democracy in check.
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Mouvements sociaux et résistances : violence d’État et les dernières menaces
Dal’Bó da Costa André
pp. 1–16
AbstractFR:
Ce texte a pour but contribuer à l’exercice collectif engagé par le Groupe d’études sur le néolibéralisme et les alternatives (GENA) pour discuter et essayer de mieux comprendre l’actuelle crise de la démocratie et le néolibéralisme, sous l’angle de ses formes nouvelles et de certains des aspects et événements récents de la situation brésilienne. Tout d’abord, je pose en évidence la violence d’État et la militarisation de la politique qui sont les constats de départ qui guideront cet article. La violence d’État n’est pas seulement un élément toujours présent et historiquement constitutif au Brésil — la façon dont elle s’exprime aujourd’hui constitue maintenant une des menaces évidentes pour la possibilité de résistance — et même d’existence — des mouvements sociaux. En un mot, la limite toujours latente de la possibilité de résistance des mouvements sociaux qui luttent pour la défense des droits fondamentaux, au Brésil aujourd’hui, c’est la constante menace d’être tué — violemment — par la police d’État, par des groupes criminels armés ou même par des milices et des groupes paramilitaires qui se sont renforcés au cours de la dernière période.
EN:
The purpose of this text is to contribute to the collective exercise undertaken by the Study Group on Neoliberalism and Alternatives (GENA) to discuss and try to better understand the current crisis of democracy and neoliberalism, from the perspective of its new forms and some of the recent aspects and events of the Brazilian situation. First of all, I will highlight State violence and the militarization of politics as the starting points that will guide this article. State violence is not only an ever-present and historically constitutive element in Brazil - the way it is expressed today is now one of the most obvious threats to the possibility of resistance - and even the existence - of social movements. To sum up, the ever-latent limit to the possibility of resistance by social movements fighting for the defence of fundamental rights in Brazil today is the constant threat of being killed - violently - by the state police, by armed criminal groups or even by militias and paramilitary groups, which have recently become stronger.
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Un gouvernement néolibéral face à la révolte sociale des Gilets jaunes : répression massive et contrôle de l’opinion
Christian Laval
pp. 1–23
AbstractFR:
L’article montre comment un gouvernement typiquement néolibéral comme celui du président Macron a réagi à la révolte sociale des Gilets jaunes. Analysant les différentes tactiques utilisées, distinguant notamment les « tactiques secondaires » et les « tactiques principales », le texte montre qu’il n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire d’opposer un néolibéralisme respectant les formes du libéralisme politique et un néolibéralisme autoritaire et répressif. Sans tomber dans l’amalgame, il apparaît que toutes les formes de néolibéralisme ont en commun de suivre une trajectoire, certes plus ou moins rapide et tranchée, de sortie de la démocratie.
EN:
The article shows how a typically neo-liberal government like President Macron’s reacted to the Yellow Vests social revolt. Analyzing the different tactics used, distinguishing between “secondary tactics” and “main tactics”, the text shows that it is not as easy as one might think to oppose a neoliberalism that respects the forms of political liberalism and an authoritarian and repressive neoliberalism. Without falling into the confusion, it appears that all forms of neoliberalism have in common that they follow a trajectory, albeit more or less rapid and clear-cut, of exit from democracy.
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National-néolibéralisme : de quoi le « populisme » est le nom
Pierre Sauvêtre
pp. 1–32
AbstractFR:
Alors que les discours médiatiques et parfois académiques opposent régulièrement les gouvernements favorables à la mondialisation néolibérale aux gouvernements populistes prônant un repli nationaliste et protectionniste, l’article montre que les gouvernements populistes contemporains comme ceux de Trump, de Bolsonaro, de Johnson ou d’Orban sont en réalité issus de divers courants du néolibéralisme nés au début des années 1990 qui se sont appuyés sur une matrice nationaliste pour revendiquer davantage de libéralisation économique contre des organisations transnationales jugées trop protectrices et régulatrices. Plutôt que de tomber dans une fausse opposition entre globalisme et nationalisme, il serait donc préférable de reconnaître que le jeu économico-politique mondial est de plus en plus structuré autour d’un national-néolibéralisme.
EN:
While media and sometimes academic discourses regularly pit pro-globalization neo-liberal governments against populist governments advocating a nationalist and protectionist retreat, the article shows that contemporary populist governments such as Trump, Bolsonaro, Johnson or Orban’s are in fact the product of various currents of neo-liberalism that emerged in the early 1990s and that have relied on a nationalist matrix to push for more economic liberalization against transnational organizations deemed too protective and regulatory. Rather than falling into a false opposition between globalism and nationalism, it would therefore be preferable to recognize that the global economic-political game is increasingly structured around a national-neoliberalism.
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Science et développement durable au Brésil : à quoi peut-on encore rêver ?
Mayra Juruá
pp. 1–17
AbstractFR:
Cet article cherche des racines de l’ultralibéralisme dans la politique scientifique brésilienne et présente les contradictions et les transformations vécues par l’État et la société brésilienne dans les premières décennies du 21e siècle. On présente l’évolution des politiques publiques nationales et son importance pour le renforcement de la démocratie, trajectoire interrompue par la crise politique, économique et sociale du Brésil. L’auteur met en lumière l’urgence de la construction du pacte social du pays, une vision sociétale nouvelle comportant des valeurs et des rêves pour un avenir commun et défends des accords internationaux comme l’Agenda 2030, comme point de départ possible.
EN:
This article aims to seek the roots of ultraliberalism in the brasilian scientific policy and puts forward the contradictions and transformations the State and the brazilian society went through in the early 21st century. The article also depicts the evolution of the national public policies and their impact on the reinforcement of democracy – which has been halted by the political, economical and social crisis. The author highlights the urge to state a social pact in the country, a new societal vision with morals and dreams for a common future, and defends international agreements such as the 2030 Agenda as a possible starting point.
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La psychanalyse et le politique : regards
Heitor O’Dwyer de Macedo
pp. 1–19
AbstractFR:
Comment la psychanalyse freudienne peut nous aider à interpréter le politique. Comment les concepts de la clinique psychanalytique peuvent servir d’outils pour nommer et penser la haine présente dans le champ du politique. Comment les théories psychanalytiques déterminent les positions politiques des psychanalystes.
EN:
How freudian psychoanalysis can help us interpret the political dimension. How the concepts of psychoanalysis can be tools for naming and thinking hate in Politics. How psychoanalytical theories determine the political choices of psychoanalysts.