FR :
L'analysant l'apprend tôt ou tard : l'enfance ne se raconte pas. Il n'y a pas de mots propres pour la dire. L'oubli qui la recouvre n'est sans doute pas à comprendre en tant qu'effet de la censure et du refoulement, mais plutôt comme la conséquence d'une incompréhension foncière, d'un abandon de la mémoire devant ce qu'elle n'a pas pu saisir faute de mots, de mots qui jamais ne nous appartiennent tout à fait, fussent-ils ceux de l'autre en nous. Dans toute son oeuvre, Julien Bigras a donné à l'enfance sa valeur transférentielle, la faisant lieu d'un véritable investissement, très proche du transport amoureux, et non l'assise d'une commode référence. Particulièrement dans Ma vie, ma folie (1983), roman autobiographique à deux voix, il fait du « chagrin d'enfant » l'histoire insue de signifiants en délire autour desquels Docteur Bigras et sa patiente Marie construisent leur énonciation spéculaire.
EN :
The analysand learns it sooner or later: childhood cannot be told. There are no owned words to say it. The process of forgetting that conceals it is probably to be understood not so much as the result of censorship and repression but as the consequence of a fundamental lack of understanding, of a surrender of the memory in the face of what it cannot comprehend because there are no words for it, as words never belong to us completely, even when they are the words of the other in us. In all his writings, Julien Bigras confers to chilhood its value of tranference, making it the locus of a true cathexis, very similar to the amourous transports, and not the foundation of a convenient reference. Particularly in Ma vie, ma folie (1983), a two-voice autobiographic novel, he transforms the "sorrow of the child" in the unknown story of delirious signifyers, and it is around those that Docteur Bigras and Marie, his patient, compose their mirrored statement.