Volume 42, Number 2 (125), Winter 2017 André Belleau II : le texte multiple Guest-edited by David Bélanger, Jean-François Chassay and Michel Lacroix
Table of contents (17 articles)
Dossier
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ANDRÉ BELLEAU : LE TEXTE MULTIPLE
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PORTRAIT DE L’INTELLECTUEL « INTERMÉDIAIRE » : engagement de la parole et du geste chez André Belleau
JULIEN LEFORT-FAVREAU
pp. 13–23
AbstractFR:
Cet article vise à définir la notion d’intellectuel dans l’oeuvre théorique et critique d’André Belleau. Le terme « intermédiaire », que nous utilisons pour circonscrire la notion, renvoie d’abord à la notion de code, telle que développée par Belleau dans « Code social et code littéraire dans le roman québécois », où il met en relief le caractère intrinsèquement conflictuel du champ et de l’institution littéraires. Le terme « intermédiaire » renvoie également à la réflexion qu’entame Belleau sur les différents niveaux de culture. Belleau considère le rôle de l’intellectuel comme celui du « transcodeur », c’est-à-dire celui qui sait interpréter la nouveauté politique des discours. En somme, Belleau met au point une théorie de l’intellectuel québécois qui aménage une zone de médiation entre l’engagement intellectuel et l’action militante, entre le geste et la parole.
EN:
This article focuses on the idea of the intellectual in the theoretical and critical work of André Belleau. The word “intermediary” that we use to define the idea is associated, firstly, with the idea of the code as developed by Belleau in “Code social et code littéraire dans le roman québécois”, in which he emphasizes the intrinsically conflictual nature of the literary field and institution. “Intermediary” also evokes Belleau’s thinking about the various levels of culture: for Belleau, the intellectual’s role is to be a “transcoder”, i.e., a person able to interpret the political novelty of discourses. In short, Belleau develops a theory of the Québécois intellectual that creates an area of mediation between intellectual commitment and activism, between actions and words.
ES:
El objetivo de este artículo es definir la noción de intelectual en la obra teórica y crítica de André Belleau. El término ‘intermediario’ que utilizamos para circunscribir esta noción remite, en primer lugar, a la noción de código, tal y como la desarrolló Belleau en “Code social et code littéraire dans le roman québécois” (Código social y código literario en la novela quebequense), donde pone de relieve el carácter intrínsecamente conflictivo del campo y de la institución literarios. Asimismo, el término intermediario remite a la reflexión que inicia Belleau sobre los diversos niveles de cultura: considera el papel del intelectual como el del ‘transcodificador’, es decir, aquel que sabe interpretar la novedad política de los discursos. En resumen, Belleau pone a punto una teoría del intelectual quebequense que acondiciona una zona de mediación entre el compromiso intelectual y la acción militante, entre el gesto y la palabra.
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TRAHIR BELLEAU, OU Y A-T-IL UNE INTELLECTUELLE DANS LA SALLE ?
MARIE PARENT
pp. 25–34
AbstractFR:
L’oeuvre d’André Belleau trace la figure d’un intellectuel qui se pense implicitement au masculin. Bien qu’il se défende de reconduire une exclusion basée sur la différence sexuelle, sa réflexion sur la vie intellectuelle québécoise et les débats qui l’animent ne fait que très peu de place aux intervenantes féminines, à leur point de vue sur la culture et aux conditions sociales qui le déterminent. De nombreuses chercheuses ont documenté le peu de place accordée aux femmes ou au féminisme dans les revues d’idées québécoises pendant les décennies 1960 et 1970. Il s’agit donc d’étudier, dans certains textes de Belleau et dans certains éditoriaux collectifs de Liberté, les traces d’une minorisation des intellectuelles qui correspond au statut incertain de celles-ci dans le discours social québécois de cette époque. Dans un deuxième temps sera éprouvée l’hypothèse que la figure de l’intellectuel telle que Belleau la conçoit et telle qu’il l’incarne peut malgré tout contribuer à construire une pratique intellectuelle féministe.
EN:
The work of André Belleau gives us the figure of an intellectual who thinks of himself, implicitly, in the masculine mode. Although he denies reproducing an exclusion based on gender difference, his thinking about Quebec’s intellectual life and its debates makes very little room for women who express their view of culture and the social conditions by which it is determined. Many female scholars have documented how little space was given to women or feminism in Québécois journals of ideas during the 1960s and 1970s. The article studies, in some of Belleau’s writings and in Liberté collective editorials, the ways in which female intellectuals were assigned a minor role—one that coincided with their uncertain status in Quebec’s social discourse at the time. The article also examines the idea that the figure of the intellectual as conceived and embodied by Belleau may nonetheless be useful in building a feminist intellectual practice.
ES:
La obra de André Belleau esboza la figura de un intelectual que piensa implícitamente en masculino. Aunque se defiende de reconducir una exclusión basada en la diferencia sexual, su reflexión sobre la vida intelectual quebequense y los debates que la animan deja muy poco lugar a las participantes femeninas, al punto de vista de las mismas sobre la cultura y a las condiciones sociales que lo determinan. Numerosas investigadoras han documentado el poco espacio otorgado a las mujeres o al feminismo en las revistas de ideas quebequenses durante las décadas de 1960 y 1970. Por lo tanto, se trata de estudiar, en algunos textos de Belleau y en ciertos editoriales colectivos de Liberté, las huellas de una minorización de las intelectuales que corresponde al estatus incierto de estas en el discurso social quebequense de aquella época. En una segunda etapa, se probará la hipótesis según la cual la figura del intelectual, tal y como la concibe y tal como la encarna Belleau, puede, a pesar de todo, contribuir a construir una práctica intelectual feminista.
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LA POÉSIE À DISTANCE
FRANÇOIS DUMONT
pp. 35–45
AbstractFR:
Bien qu’André Belleau n’ait vraisemblablement jamais écrit que des poèmes de jeunesse, la poésie a joué un rôle important dans son parcours et sa pensée. Il faut d’abord noter la prégnance de la poésie dans la revue Liberté, qui a été pour Belleau, comme il le souligne lui-même, un milieu d’apprentissage déterminant. Du point de vue théorique, la poésie joue également un rôle central, cette fois comme repoussoir par rapport aux définitions de la littérature basées sur le genre poétique : marqué par la pensée de Mikhaïl Bakhtine, Belleau met en valeur le dialogisme du roman, mais il souligne aussi la part d’essai de la littérature, dimension qui serait masquée par la domination théorique de la poésie. À plusieurs égards, la poésie prend ainsi figure d’adversaire. Cependant, elle reste pour Belleau, tout au long de sa vie, une forme artistique primordiale, comme en témoignent ses traductions de poèmes de Nelly Sachs et comme on le voit dans certains articles et dans ses cahiers de lecture.
EN:
Although André Belleau probably never wrote poetry except when he was young, poetry played an important part in his thought and development. First, we may note the resonance of poetry in Liberté, a journal that was for Belleau, as he himself recognized, a key learning environment. From a theoretical standpoint, poetry also played a central role as a foil for definitions of literature based on the poetic genre: influenced by Mikhail Bakhtin, Belleau focused on the dialogic quality of the novel, but he also emphasized the element of essay in literature, an aspect that was concealed, according to him, by poetry’s theoretical domination. In some ways, then, poetry became the adversary. However, it remained for Belleau, throughout his life, an essential artistic form, as is shown by his translations of poems by Nelly Sachs, a number of articles, and his reading notebooks.
ES:
Aunque lo más probable es que André Belleau nunca escribió sino poemas de juventud, la poesía desempeñó un papel importante en su trayectoria y su pensamiento. Es preciso notar, en primer lugar, la pregnancia de la poesía en la revista Liberté, que fue para Belleau, tal y como lo recalca él mismo, un medio de aprendizaje determinante. Desde el punto de vista teórico, la poesía desempeña también un papel central, esta vez como un potenciador con relación a las definiciones de la literatura basadas en el género poético: marcado por el pensamiento de Mijaíl Bajtín, Belleau pone de relieve el dialogismo de la novela, pero también hace hincapié en la parte de ensayo de la literatura, dimensión que estaría oculta, debido a la dominación teórica de la poesía. En varios aspectos, la poesía adopta así la forma de un adversario. No obstante, sigue siendo para Belleau, a lo largo de su vida, una forma artística primordial, como lo demuestran sus traducciones de poemas de Nelly Sachs y como se ve en algunos artículos y en sus cuadernos de lectura.
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ANDRÉ BELLEAU, LECTEUR DE NORBERT WIENER
JEAN-FRANÇOIS CHASSAY
pp. 47–58
AbstractFR:
On connaît peu l’intérêt porté par André Belleau aux robots et aux automates, et surtout à une science en devenir au moment où il y portait son attention, la cybernétique. Cet article se penche sur une série de vingt-six émissions radiophoniques que l’essayiste a préparée pour la radio de Radio-Canada, diffusée entre novembre 1967 et avril 1968, et surtout sur un court texte intitulé « Wiener et McLuhan », qui rend compte de son intérêt pour les travaux et l’écriture du mathématicien Norbert Wiener, fondateur de cette science dans les années 1940.
EN:
André Belleau’s interest in robots and automatons, and especially in cybernetics—a science that was taking shape at the time he was interested in it—is little known. This article focuses on a series of twenty-six radio programs that Belleau recorded for Radio-Canada for broadcast between November 1967 and April 1968, and, especially, on a short text entitled “Wiener et McLuhan” that illustrates his interest in the work and writing of mathematician Norbert Wiener, who founded the science of cybernetics in the 1940s.
ES:
Se conoce poco el interés que muestra André Belleau por lo robots y los autómatas, y sobre todo por una ciencia en devenir, en el momento en que le prestaba su atención, esto es, la cibernética. En este artículo se estudia una serie de veintiséis emisiones radiofónicas que el ensayista preparó para la radio de Radio-Canadá y que se difundió entre noviembre de 1967 y abril de 1968, y sobre todo un texto corto titulado “Wiener et McLuhan” (“Wiener y McLuhan”), que muestra su interés por los trabajos y la escritura del matemático Norbert Wiener, fundador de dicha ciencia en los años 1940.
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ANDRÉ BELLEAU À LA RADIO OU LA THÉORIE LITTÉRAIRE DIALOGUÉE
MICHELINE CAMBRON
pp. 59–70
AbstractFR:
André Belleau a publié d’importants travaux sur des questions de théorie littéraire. La série d’émissions « Regards neufs sur la littérature » (Radio-Canada, 1975), constituée d’entrevues avec d’éminents critiques : Fayolle, Genette, Todorov, Deguy, Cohen, Leenhardt, Barbéris, Richard, Starobinski, Robert et Jauss, témoigne du caractère profondément heuristique de la démarche de Belleau. Nous nous intéressons à la conception de la littérature qui est construite au fil de ces émissions, à leur caractère dialogique, dans l’esprit de Bakhtine, et aux enjeux théoriques explicités par André Belleau. La dimension dialogique de l’émission favorisant le travail sur le doute, les ambiguïtés et les apories y trouvent un lieu d’expression qui permet de passer d’une historicité qui sert d’horizon sur lequel projeter le travail sur les discours à une historicité qui sert d’ancrage à la subjectivité qui s’y trouve engagée. Nous montrons ainsi le rôle joué par André Belleau à titre de passeur littéraire, mais aussi l’originalité de sa pensée au moment où triomphe un certain structuralisme.
EN:
André Belleau published important work on issues of literary theory. The series of broadcasts entitled “Regards neufs sur la littérature” (Radio-Canada, 1975), consisting of interviews with distinguished critics such as Fayolle, Genette, Todorov, Deguy, Cohen, Leenhardt, Barbéris, Richard, Starobinski, Robert and Jauss, illustrates the profoundly heuristic nature of his approach. We are interested in the idea of literature that is built up through these successive broadcasts, in their dialogic character in the spirit of Bakhtin, and in the theoretical issues made explicit by André Belleau. Dialogic in character, the broadcasts encouraged work on doubt, which made it possible to express ambiguities and aporias and to pass from a historicity serving as a horizon on which to project work on discourses to a historicity serving to anchor the subjectivity that engages in it. Thus, we show the role played by André Belleau in transmitting literary ideas, but also his originality as a thinker at a time when a certain kind of structuralism was becoming prevalent.
ES:
André Belleau publicó importantes trabajos sobre cuestiones de teoría literaria. La serie de emisiones “Regards neufs sur la littérature” (“Miradas nuevas sobre la literatura”) (Radio-Canadá, 1975), compuesta de entrevistas con eminentes críticos: Fayolle, Genette, Todorov, Deguy, Cohen, Leenhardt, Barbéris, Richard, Starobinski, Robert y Jauss, da fe del carácter profundamente heurístico del proceso de Belleau. Nos interesamos por la concepción de la literatura que elabora a lo largo de dichas emisiones, por su carácter dialogístico, en la óptica de Bajtín, y por los retos teóricos explicitados por André Belleau. Ya que la dimensión dialogística de la emisión propicia el trabajo sobre la duda, las ambigüedades y las aporías encuentran allí un vínculo de expresión que permite pasar de una historicidad que sirve de horizonte sobre el cual se proyecta el trabajo acerca de los discursos a una historicidad que sirve de anclaje a la subjetividad que se ve involucrada en la misma. Así pues, mostramos el papel que desempeña André Belleau en calidad de puente literario, pero también la originalidad de su pensamiento en el momento en que triunfa cierto estructuralismo.
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ANDRÉ BELLEAU À L’ÉPREUVE DE L’ÉTRANGER : l’exemple de l’Allemagne
ROBERT DION
pp. 71–84
AbstractFR:
À propos de la revue Liberté, dont il a été un cofondateur, André Belleau a maintes fois réitéré son caractère « ouvert » — d’une ouverture toutefois paradoxale, à la fois accueillante à l’Autre et néanmoins centrée sur elle-même. Dans le présent article, il est question d’observer comment Belleau a composé avec l’« épreuve de l’étranger » (Berman) par le truchement de la référence à une tradition étrangère, en l’occurrence allemande. Au terme d’un parcours analytique qui puise principalement dans les archives de l’essayiste (notes préparatoires, premières versions, notes de lecture, plans de cours et notes de cours, etc.), il apparaît que, pour Belleau, le recours à l’Allemagne, plus patent dans les marges et dans le versant oral de sa pratique que dans l’oeuvre publiée, constitue l’une des voies de sortie possibles du déterminisme « selon lequel un Québécois ne parle toujours, en définitive, que du Québec » (Dumont). Cette sortie comporte toutefois le risque de s’isoler et de se retrouver sans communauté, comme les écrivains romantiques marginalisés des cités atomisées de l’Allemagne des xviiie et xixe siècles ; ce risque, Belleau aura sans cesse tenté de le circonvenir en négociant une « ouverture » à l’altérité dont la complexité est analysée ici.
EN:
Speaking of Liberté, the journal that he cofounded, André Belleau often reiterated its “open” character—an openness that was paradoxical in that it both welcomed the Other and was centred on itself. In this article, the goal is to observe how Belleau handled the “trials of the foreign” (Berman) through references to a foreign tradition, in this case Germany. An analysis focusing chiefly on the essayist’s archives (preparatory notes, first drafts, reading notes, syllabi and course notes, etc.), shows that for Belleau, the move towards Germany—more apparent in the margins and the oral dimension of his practice than in his published work—was one way out of the determinism “according to which a Québécois, ultimately, never speaks of anything except Québec” (Dumont). However, those who take this way out may become isolated and find themselves without a community, like the marginalized Romantic writers of Germany’s atomized cities in the 18th and 19th centuries. This is a risk that Belleau always tried to parry by developing the “openness” to alterity discussed in this article.
ES:
A propósito de la revista Liberté, de la cual fue cofundador, André Belleau reiteró varias veces su carácter ‘abierto’ —no obstante una apertura paradójica, a la vez acogedora con el Otro y sin embargo centrada en sí misma. En el presente artículo, se trata de observar cómo Belleau transigió con la “prueba del extranjero” (Berman) mediante la referencia a una tradición extranjera, en este caso, la alemana. Al finalizar una trayectoria analítica que se alimenta principalmente de los archivos del ensayista (notas preparatorias, primeras versiones, apuntes de lectura, planes y apuntes de cursos, etc.), parece que, para Belleau, el recurso a Alemania, más patente en los márgenes y en la vertiente oral de su práctica que en la obra publicada, constituye una de las posibles vías de salida del determinismo “según el cual un quebequense no habla, en definitiva, más que de Quebec” (Dumont). Sin embargo, esta salida comporta el riesgo de aislarse y encontrarse sin comunidad, al igual que los escritores románticos marginados de las ciudades atomizadas de la Alemania de los siglos XVIII y XIX; Belleau trató constantemente de eludir este riesgo negociando una ‘apertura’ a la otredad cuya complejidad se analiza aquí.
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« UN COUP DÉLIVRÉ DE TRUDEAU… » : à propos de la correspondance entre André Belleau et Pierre Vadeboncoeur (1978-1985)
JONATHAN LIVERNOIS
pp. 85–94
AbstractFR:
L’étude de la correspondance inédite entre André Belleau et Pierre Vadeboncoeur, qui va de 1978 à la mort du premier, en 1986, permet de découvrir les signes d’une politique de la littérature chez Belleau. Elle donne à voir, du même souffle, le principal obstacle politique de sa génération, à savoir l’emprise de Pierre Elliott Trudeau sur la société canadienne-française. Par le truchement du dialogisme bakhtinien et des idées de Vadeboncoeur, Belleau réussit à proposer une résolution littéraire au « Cas Trudeau », identifiant du même coup les apories d’une telle solution.
EN:
André Belleau’s unpublished correspondence with Pierre Vadeboncoeur, from 1978 to Belleau’s death in 1986, provides elements of Belleau’s politics of literature. At the same time, it sheds light on the major political obstacle faced by his generation: the grip of Pierre Elliott Trudeau on French Canadian society. Through Bakhtinian dialogism and Vadeboncoeur’s ideas, Belleau is able to put forward a literary solution for the “Trudeau case”, and at the same time to identify the aporias of such a solution.
ES:
El estudio de la correspondencia inédita entre André Belleau y Pierre Vadeboncoeur, que abarca desde 1978 hasta la muerte del primero, en 1986, permite descubrir los signos de una política de la literatura en Belleau. Deja ver, a la vez, el principal obstáculo político de su generación, a saber, la influencia de Pierre Elliott Trudeau sobre la sociedad canadiense francesa. A través del dialogismo bajtiniano y las ideas de Vadeboncoeur, Belleau logra proponer una solución literaria al ‘Caso Trudeau’, identificando, al mismo tiempo, las aporías de semejante solución.
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RABELAIS AU PLURIEL : André Belleau et l’unité perdue
PIERRE NEPVEU
pp. 95–102
AbstractFR:
Ce texte a pour point de départ une expérience partagée, entre 1966 et 1969, par l’auteur de l’article et André Belleau lui-même : la fréquentation des cours de philologie faisant partie du programme de lettres à l’Université de Montréal, ainsi que du cours consacré à François Rabelais par le professeur invité Michaël Baraz. L’hypothèse développée est que la valorisation du multiple et de l’hétérogène chez Belleau doit beaucoup à ces enseignements, mais ne va pas sans problème. Bien que les travaux de Bakhtine, encore peu connus à l’époque, soient venus par la suite étayer la lecture festive et carnavalesque de la multiplicité rabelaisienne que propose Belleau, la possibilité que le pluriel confine au non-sens ne cesse de poindre. Si Baraz a recours à des philosophes, et principalement à Spinoza, pour affronter le problème du pluriel, Belleau pense que le multiple se réalise dans une éthique du mouvement et que c’est le langage, dans sa mouvance et son dynamisme historique, qui est par excellence son lieu d’accomplissement. Par là se marque chez lui l’héritage de la philologie, qui saisit la langue comme un processus contingent et comme le produit d’une multitude de faits liés à la mobilité des peuples et à l’interaction des cultures.
EN:
The starting-point of this text is an experience shared by the author and André Belleau between 1966 and 1969 when, in the literature program at the Université de Montréal, they studied philology and attended a course on Rabelais taught by visiting professor Michael Baraz. The author argues that Belleau’s recognition of the value of multiplicity and heterogeneity owes much to these teachings, but is not without problems. Although the work of Bakhtin, which at the time was not widely known, was later to support Belleau’s festive and carnavalesque reading of Rabelaisian multiplicity, the possibility that multiplicity may lead to nonsense continued to arise. While Baraz turned to philosophers and especially Spinoza to deal with the problem of plurality, Belleau thought that multiplicity realizes itself according to an ethics of movement and that language itself, in its mobility and historic dynamism, is the place where this multiplicity comes to life. Such a vision confirms the importance for Belleau of philology, which sees language as a contingent process and as the product of a great number of events related to the mobility of peoples and the interaction of cultures.
ES:
Este texto tiene como punto de partida una experiencia compartida, entre 1966 y 1969, por el autor del artículo y el mismo André Belleau: la asistencia a las clases de filología que formaban parte del programa de Letras en la Universidad de Montreal, así como a la asignatura dedicada a François Rabelais, impartida por el Profesor invitado Michaël Baraz. La hipótesis desarrollada es que la valorización de lo múltiple y lo heterogéneo en Belleau se debe en gran parte a dichos docentes, pero no deja de plantear problemas. Pese a que los trabajos de Bajtín, aún poco conocidos en aquella época, vinieron más adelante a apoyar la lectura festiva y carnavalesca de la multiplicidad de Rabelais que propone Belleau, no deja de asomar la posibilidad de que lo plural confine al contrasentido. Si bien Baraz recurre a filósofos, y principalmente à Spinoza, a fin de afrontar el problema de lo plural, Belleau piensa que lo múltiple se realiza dentro de una ética del movimiento y que el lenguaje, en su esfera de influencia y su dinamismo histórico, es su lugar de cumplimiento por excelencia. Es en ello donde se marca en él la herencia de la filología, que considera el idioma como un proceso contingente y como el producto de una multitud de hechos vinculados a la movilidad de los pueblos y a la interacción de las culturas.
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DOUZE TEXTES BREFS SUR BELLEAU
MICHEL LACROIX
pp. 103–116
AbstractFR:
Saisir Belleau dans sa dispersion même, sa résistance à la totalisation et aux conclusions : tel est l’objectif de cet article, qui examine entre autres son rapport à l’administration, à la bourgeoisie, au code et à l’espace de la rue. Pour ce faire, ses textes publiés et inédits, essais, cahiers et poèmes sont examinés. On y découvre un Belleau lecteur, constamment prêt à faire « le saut herméneutique », à relancer l’interprétation, conçue comme aventure, ébranlement, indéfiniment.
EN:
The purpose of this article is to grasp Belleau in his scatteredness and resistance to totalization and conclusions. It explores his relation to administration, the bourgeoisie, and street spaces and codes through an examination of published and unpublished texts, essays, notebooks and poems. We encounter Belleau as a reader constantly willing to take the “hermeneutic leap”, to reopen interpretation—viewed as adventure and process of unsettlement—over and over again.
ES:
Captar a Belleau en su dispersión misma, su resistencia a la totalización y a las conclusiones: he aquí el objetivo de este artículo, que estudia, entre otros temas, su relación con la administración, la burguesía, el código y el espacio de la calle. Para ello, se estudian sus textos publicados e inéditos, ensayos, cuadernos y poemas. En ellos se descubre a un Belleau lector, constantemente dispuesto a dar ‘el salto hermenéutico’, a reactivar la interpretación, concebida como aventura, estremecimiento, indefinidamente.
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BIBLIOGRAPHIE D’ANDRÉ BELLEAU
Étude
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MÉMOIRE TRAUMATIQUE ET MÉMOIRE COLLECTIVE DANS KAMOURASKA
ALEX GAGNON
pp. 137–150
AbstractFR:
Inspiré d’un fait divers de 1839, le roman Kamouraska d’Anne Hébert raconte un meurtre, non pas comme événement objectif et extérieur, mais comme événement vécu et remémoré, sur un mode résolument traumatique, par l’héroïne Élisabeth d’Aulnières, complice du crime. En analysant cette représentation hébertienne de la mémoire, et qui plus est la manière dont le texte, à l’aide de procédés formels, exhibe ou mime le fonctionnement même des processus mémoriels, cet article entend réinscrire le roman dans la généalogie des représentations (orales et littéraires) du fait divers entre 1839 et 1970, généalogie dont Anne Hébert est à la fois l’héritière directe, pour des raisons familiales, et la critique, en tant que romancière : il s’agit de montrer, en un mot, que le roman peut être lu comme une représentation du fonctionnement de la mémoire collective devant les événements traumatiques dont elle conserve la trace.
EN:
Based on a “fait divers” (miscellaneous news item) from 1839, Anne Hébert’s novel Kamouraska tells the story of a murder not as an objective, exterior event, but as a lived event that is remembered in an unambiguously traumatic mode by the heroine, Élisabeth d’Aulnières, an accomplice in the crime. In analyzing Hébert’s representation of memory, and especially the way in which the text, using formal techniques, displays or imitates the functioning of memory processes themselves, this article seeks to locate the novel in the genealogy of representations (both oral and literary) of “fait divers” between 1839 and 1970. Anne Hébert is both a direct heir of this genealogy, for family reasons, and, as a novelist, its critic. The purpose, then, is to show that the novel can be read as a representation of the way in which collective memory works in dealing with the traumatic events of which it preserves the traces.
ES:
Inspirada en un suceso de 1839, la novela Kamouraska, de Anne Hébert, narra un asesinato, no como un evento objetivo y exterior, sino como un acontecimiento vivido y rememorado, de una forma decididamente traumática, por la heroína Élisabeth d’Aulnières, cómplice del crimen. Al analizar esta representación hebertina de la memoria, y más aún, la manera en que el texto, mediante procedimientos formales, exhibe o imita el funcionamiento mismo de los procesos memoriales, este artículo pretende reinscribir la novela en la genealogía de las representaciones (orales y literarias) de los sucesos acaecidos entre 1839 y 1970, genealogía de la cual Anne Hébert es a la vez la heredera directa, por motivos familiares, y la crítica, en calidad de novelista: se trata de mostrar, en pocas palabras, que se puede leer la novela como una representación del funcionamiento de la memoria colectiva frente a los acontecimientos traumáticos cuya huella conserva.