Recensions

André Gounelle, Théologie du protestantisme. Notions et structures. Paris, Van Dieren Éditeur (coll. « Références théologiques »), 2021, 402 p.[Notice]

  • Jean Richard

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  • Jean Richard
    Université Laval, Québec

Tout au long de sa carrière, André Gounelle a étudié, enseigné et publié sur le protestantisme. Le volume qu’il nous présente maintenant constitue comme la somme théologique de ses recherches et de ses réflexions. Il se compose de quatre grandes parties. La première porte sur « Réforme et protestantisme » ; la deuxième, sur « La Bible » ; la troisième, sur « Grâce et foi » ; la quatrième, sur « L’Église ». Le tout s’achève avec un « Envoi », intitulé : « L’esprit du protestantisme ». La première partie est plus spécifiquement historique. Elle porte sur les différentes réformes qui ont marqué le xvie siècle. Ce fut d’abord la Réforme luthérienne, suivie de la Réforme réformée de Zwingli et de Calvin en Suisse ; puis la réforme anglicane ; enfin la réforme catholique avec le concile de Trente. Cela met déjà les choses en place. Les réformes ne sont pas d’abord des mouvements anticatholiques ; elles comprennent le catholicisme lui-même. La division des Églises ne survient qu’après. À propos du protestantisme, Gounelle rappelle, en effet, que dans la langue du xvie siècle « protester » ne signifie pas d’abord une attitude d’opposition ; il a plutôt le sens d’« attester », de « proclamer » (p. 50). Cela nous introduit aux parties suivantes du volume. Car Gounelle entend bien faire une théologie — non seulement une histoire — du protestantisme. Au coeur de cette théologie, il y a deux principes : « […] le principe dit formel de l’autorité souveraine de l’Écriture en matière de foi ; [et] le principe dit matériel de la justification par la grâce ou du salut gratuit » (p. 59). Le principe matériel indique le contenu de la foi ; la Bible est elle-même dite principe formel parce qu’elle est « la “forme” qu’a prise l’annonce de la justification par la grâce » (ibid.). Le principe formel de l’autorité de l’Écriture fera donc l’objet de la deuxième partie du volume ; celui de la justification par la grâce sera exposé dans la partie suivante. L’intérêt prépondérant du protestantisme pour la Bible s’explique par son rapport à l’Église. Celle-ci se trouve soumise à la Bible en tant qu’autorité divine : « La Réforme innove […] en faisant de l’Écriture le juge de l’Église » (p. 80). Il en va de même pour la tradition des Pères de l’Église et des conciles : « Si la Réforme luthéro-réformée ne conteste pas la valeur de la tradition, par contre elle en nie catégoriquement la normativité. Elle refuse d’en faire le juge qui tranche » (p. 88). Le débat surgit quand il s’agit d’expliquer l’autorité divine de la Bible. Quel rapport entre l’Écriture et la Parole de Dieu ? La Réforme radicale se caractérise par une double position, bibliciste et spiritualiste. La tendance bibliciste veut s’en tenir à la lettre même de l’Écriture, refusant toute expression (telle la Trinité) qui ne se retrouve pas explicitement dans la Bible. La tendance spiritualiste va dans le sens contraire : « La véritable parole de Dieu est spirituelle et intérieure. Le Saint-Esprit la dit directement au coeur et à l’âme des fidèles ; nous entendons sa voix au-dedans de nous » (p. 99). Luther voudra lui-même faire la synthèse de ces deux points de vue : « Luther s’efforce de comprendre l’Écriture de telle façon qu’elle ne soit pas une simple lettre, c’est-à-dire quelque chose d’étranger, de distant, d’extérieur, mais qu’elle soit Esprit, c’est-à-dire qu’elle devienne vivante dans le coeur de l’homme et qu’elle prenne possession de l’homme » (p. 103). Autre chose encore. On …