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Ce manuel est à recommander aussi bien pour l’objectivité de sa présentation détaillée et précise des différentes méthodes sociologiques que pour ses mises en perspective critique. Il expose successivement l’observation compréhensive et l’observation explicative, ensuite l’expérimentation compréhensive et l’expérimentation explicative, enfin le traitement de l’information, la production des résultats et le passage à la connaissance, par le biais de la catégorisation et de la modélisation. Tout chercheur en sciences socio-humaines y trouvera une présentation et une discussion fort utiles des procédures variées de la recherche de terrain. En même temps, l’auteur ne se laisse piéger ni par les oppositions stériles (par exemple entre compréhension et explication), ni par les querelles de chapelle (il marque ainsi ses distances envers les malentendus liés à la réception nord-américaine de la notion d’idéal-type, dont il souligne la présence chez Durkheim et chez Marx antérieurement à Weber). À noter le néologisme de sciences socio-humaines, introduit judicieusement par l’auteur pour surmonter la scission entre les sciences sociales et les sciences humaines.

Parmi les nombreuses analyses de l’auteur, nous avons relevé son insistance sur la notion de terrain — dont on peut penser qu’elle ne devrait plus être l’apanage des sociologues et des ethnologues ; n’y a-t-il pas un terrain des éthiciens? — et son intérêt pour les situations cliniques. Nul doute que son ouvrage, de prime abord destiné et limité à la recherche de terrain de type sociologique et ethnologique, sera utile à d’autres disciplines, que ce soient les sciences des religions (souvent empêtrées dans des querelles méthodologiques trop étroites et pas assez critiques) ou l’éthique philosophique et théologique (disciplines dont nous savons de l’intérieur le manque fréquent d’intérêt pour les méthodologies empiriques et pour la théorie sociale, toutes deux pourtant indispensables au développement d’une véritable éthique sociale). « La connaissance n’est réelle que lorsque le chercheur jette un pont entre ses résultats et la théorie sociale » (p. 274) : cette affirmation forte résume sans doute l’ensemble de la visée du livre. Le projet global de l’auteur nous paraît offrir à de nombreux chercheurs en sciences socio-humaines, lassés par les prétentions naïves d’une recherche soi-disant purement empirique, des raisons et des outils pour affiner leur interprétation critique du monde.