Partie III - DossierDokumentation

Peter Szondi, « Sur la connaissance philologique »[Notice]

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    • Traduction
      André Laks
      Universidad Panamericana, Mexico

    S’interroger sur le mode de connaissance propre à la science de la littérature, c’est se situer sur un terrain où l’on ne voit guère le vieux Briest renoncer à sa formule favorite. Ce vaste champ, il convient de le limiter dès l’abord. Une phrase tirée de la Présentation abrégée des études théologiques de Schleiermacher précisera la façon dont le terme de « connaissance » doit ici être entendu, tout en indiquant le lieu où se dissimulent les problèmes qu’il pose à une science de la littérature : « La compréhension parfaite d’un discours ou d’un écrit est une oeuvre de l’art et exige une doctrine de l’art ou une technique, que nous désignons par l’expression d’herméneutique ». Il peut paraître surprenant de restreindre le concept de connaissance à la simple compréhension du texte au lieu de la référer aux idées et à la structure de l’oeuvre ainsi qu’à la situation qu’elle occupe dans le contexte historique. En outre, le concept philosophique de connaissance dépayse en philologie. Mais cet effet ne révèle au fond pas moins l’existence des problèmes spécifiques à la connaissance philologique que la question spontanément provoquée par la citation : pourquoi la science de la littérature dont la tâche doit être « la compréhension parfaite d’un discours ou d’un écrit », loin de développer la doctrine que Schleiermacher réclamait, et dont il a esquissé les linéaments dans ses cours de théologie, s’est-elle à peu près totalement fermée aux problèmes de l’herméneutique? Aucun manuel de littérature allemande n’initie l’étudiant aux questions fondamentales de la compréhension des textes; les discussions des savants soulèvent d’ailleurs à peine ces questions, et ils ne reconnaissent guère que les divergences d’opinion y ont souvent leur origine. Le statut réflexif de l’herméneutique théorique pourrait expliquer son absence des études littéraires. Avec l’herméneutique, la science n’interroge pas son objet, mais elle-même, pour savoir comment elle parvient à connaître son objet. Il peut aussi y avoir connaissance sans cette conscience herméneutique. Mais l’état d’irréflexion ne convient pas à la science, la discussion méthodologique qui se poursuit sans trêve depuis des décennies suffirait à le manifester. Cette situation doit donc être expliquée autrement, par la compréhension que la science de la littérature a d’elle-même. Si la problématique de la connaissance philologique n’est guère prise en considération par les études littéraires, cela semble tenir au fait qu’elles se comprennent comme une science, qu’elles voient l’essentiel d’elles-mêmes dans un savoir, donc dans un état stable. Un coup d’oeil sur la situation de la France et des pays anglo-saxons montre que cette conception ne va nullement de soi. Le danger que l’on prenne cette remarque à contresens pour une louange de la non-scientificité n’est pas d’un prix trop élevé si l’on y gagne de comprendre que la science de la littérature, précisément pour sauvegarder sa scientificité, ne peut être la science qu’elle voudrait souvent être, à l’imitation de ses soeurs aînées. L’approche savante d’oeuvres littéraires se nomme en anglais literary criticism, ce n’est nullement une science. Le français offre un usage similaire. Même si le terme allemand de « Kritik » ne peut plus guère être sauvé en ce domaine, il serait présomptueux de vouloir reprocher leur non-scientificité à ceux qui en Angleterre, en Amérique ou en France, pratiquent ce que le mot signifie dans leur langue. Le fait qu’ils ne considèrent pas leur activité comme une science témoigne de la conscience qu’un type de savoir différent de celui des autres sciences détermine et rend possible la connaissance des oeuvres d’art. Depuis Dilthey, la différence fondamentale entre les sciences de la nature − celles du XIXe siècle − et les …

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