Avec Seen but Not Seen, Donald Smith, professeur émérite d’histoire à l’Université de Calgary, livre une étude utile, si quelque peu particulière, en ce qui concerne sa structure et son argument principal. Ce livre s’inscrit parfaitement dans la lignée de ceux que Smith a signés depuis une quarantaine d’années, qui portent, entre autres sujets, sur des personnages marquants chez les Mississaugas du sud de l’Ontario (2013a et 2013b), d’une part, et sur des individus ayant faussement prétendu être autochtones (des « pretendians » dans l’argot anglais évocateur de nos jours), d’autre part (1990 et 1999). Ce corpus de travaux d’historiens, constitué essentiellement d’études biographiques, affirme qu’il a longtemps existé de nombreux lieux de rencontres entre les peuples autochtones et la société coloniale. Ces lieux sont, dans l’ensemble, témoins de rapports plutôt harmonieux, même s’ils ne sont pas exempts de sources de tensions. En tant que collection de biographies d’allochtones ayant entretenu pour la plupart de bonnes relations avec des Premières Nations, Seen but Not Seen abonde dans le même sens. Le livre est constitué de neuf chapitres. Si les six premiers tournent en principe autour d’un individu d’origine européenne, la plupart se concentrent sur une constellation restreinte de personnages davantage que sur un seul individu. Les trois derniers chapitres, quant à eux, présentent chacun un portrait régional distinct (du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta). Smith clôt le livre avec un épilogue qui affirme un lien direct entre le traitement réservé aux Premières Nations par la société canadienne et la « conscience nationale ». Le tout est suivi des notes de fin, de la bibliographie et de l’index, ces trois derniers représentant un tiers du livre, ce qui en dit long sur l’érudition tout à fait impressionnante au coeur de Seen but Not Seen. Le premier chapitre se concentre sur John A. Macdonald (1815-1891). Après une courte analyse de son rôle en tant que procureur général du Canada-Ouest dans l’adoption de l’Acte pour encourager la civilisation graduelle (1857), Smith observe qu’à l’époque de la Confédération, « les politiciens sont convaincu que la ‘question indienne’ est réglée » (p. 13). Ainsi, il explique de façon convaincante l’absence totale de débats quant à la politique autochtone lors des négociations de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Bien que Smith ne néglige pas les gestes troublants ni les politiques colonialistes de Macdonald, il tire tout de même un trait gras sur les épisodes qu’il qualifie de positifs. Étant donné le contexte politique actuel, dans lequel de nombreuses personnes – chercheurs et chercheuses autant que militants et militantes – font valoir la contribution déterminante du premier premier ministre au colonialisme canadien, pour ne rien dire de son rôle clé dans la formation d’un État fédéral raciste débordant la seule question autochtone (Stanley 2016), on est en droit de se demander si Smith n’a pas laissé échapper une analyse véritablement scientifique au profit d’un portrait qui préserve le statut d’élu du grand « père fondateur » du Canada. Le deuxième chapitre porte sur John McDougall (1842-1917), missionnaire méthodiste auprès des Stoneys-Nakodas dans l’actuelle province d’Alberta. Selon Smith, bien que les Stoneys-Nakodas aient longtemps gardé une mémoire très positive de McDougall, les historiens ont jusque-là négligé ses écrits à cause de l’apparent égoïsme du missionnaire. Il décrit McDougall comme « un prisonnier de la pensée et des valeurs de son époque » (p. 65). C’est un refrain auquel Smith retourne à plusieurs reprises. On voit ici un des points contentieux du livre. Bien qu’il faille souligner et étudier la pensée distincte des personnages historiques vis-à-vis celle du présent, le rôle de l’historien …
Parties annexes
Bibliographie
- Dragland, Stan. 1994. Floating Voice: Duncan Campbell Scott and the Literature of Treaty 9. Concord : Anansi.
- Smith, Donald B. 1990. From the Land of Shadows: The Making of Grey Owl. Saskatoon : Western Producer Prairie Books.
- Smith, Donald B. 1999. Chief Buffalo Child Long Lance: The Glorious Imposter. Red Deer : Red Deer Press, Red Deer.
- Smith, Donald B. 2013a. Mississauga Portraits: Ojibwe Voices from Nineteenth-Century Canada. Toronto : University of Toronto Press
- Smith, Donald B. 2013b. Sacred Feathers: The Reverend Peter Jones (Kahkewaquonaby) and the Mississauga Indians. Toronto : University of Toronto Press.
- Stanley, Timothy. 2016. « John A. Macdonald, ‘the Chinese’ and Racist State Formation in Canada ». Journal of Critical Race Inquiry 3(1) : 6-34.
- Titley, E. Brian. 1986. A Narrow Vision: Duncan Campbell Scott and the Administration of Indian Affairs in Canada. Vancouver : UBC Press.
- Yu, Henry. 2017. « A Provocation: Anti-Asian Exclusion and the Making and Unmaking of White Supremacy in Canada ». Dans Dominion of Race: Rethinking Canada’s International History. Sous la direction de Laura Madokoro, Francine McKenzie et David Meren, 25-37. Vancouver : UBC Press.