FR :

La question des limites des honneurs dus aux parents croise celle de l’impact des circonstances sur l’accomplissement de nos devoirs. Se peut-il qu’en situation critique il convienne de négliger nos parents ? Si la plupart des auteurs s’accordent sur certaines frontières à ne pas outrepasser (la sauvegarde de la patrie, la loi de la raison), Épictète semble exiger des fils une obéissance inconditionnelle au père (Manuel, 30). Après avoir interrogé la taxinomie des devoirs et restitué la position majoritaire de l’école sur la question, nous verrons que la position défendue par Épictète s’explique par la nécessité de remplir ses devoirs, indépendamment de toute réciprocité.

EN :

The question of the extent of the honours due to one’s parents is related to the role of circumstances on the achievement of one’s duties. Is it acceptable in certain critical situations to neglect one’s parents ? If most authors agree that certain limits should not be overstepped (the defense of the nation, the laws of reason), Epictetus seems to call for the unconditional obedience of children to their fathers (Encheiridion, 30). After examining the taxonomy of duties and presenting the school’s majority position on the issue, we shall see that the position defended by Epictetus is explained by the need to do one’s duty regardless of considerations of reciprocity.

FR :

L’éthique de Condillac brille par son absence, ou du moins par l’espace limité qu’elle revêt dans ses textes, et cela malgré le fait que l’abbé reconnaît dans la connaissance des principes de la morale ce qui distingue l’intelligence humaine de l’animale. Malgré les maladresses et les silences, l’approche de Condillac révèle toutefois une démarche cohérente qui analyse la moralité comme un besoin de second degré et qui cherche à reconstituer l’origine et la génération du sentiment du devoir à partir d’une transformation du besoin lui-même.

EN :

Condillac’s ethics occupies a limited space in his texts, despite the fact that the Abbé recognises that knowledge of the principles of morality is what distinguishes human intelligence from animal intelligence. Despite the awkwardnesses and silences, Condillac’s approach nevertheless reveals a coherent approach that analyses morality as a second-degree need and seeks to propose an empirical genesis of the feeling of duty based on a transformation of the need itself.

FR :

De prime abord, tout semble opposer l’attitude de Platon et de Kant relativement à la loi. Selon Kant, seule la soumission à la loi morale permet au sujet d’accéder à l’autonomie, et donc à la liberté, tandis que Platon affirme que toute soumission à une loi est incompatible avec la liberté authentique de l’intelligence. Le présent article s’attache à nuancer cette opposition, en montrant que l’approfondissement de la position respective de chacun des deux auteurs permet de les rapprocher, tout en mettant en évidence le point précis qui les distingue, à savoir la question de l’application de cette loi aux cas particuliers qui se présentent dans l’expérience.

FR :

At first sight, everything seems to oppose the attitude of Plato and Kant with regard to law. According to Kant, only submission to the moral law gives access to autonomy, and therefore freedom, to the subject, while Plato affirms that any submission to a law is incompatible with the authentic freedom of intelligence. This article tries to make this opposition more nuanced, showing that the deepening of the respective position of each of the two thinkers allows them to be brought closer together, while at the same time highlighting the precise point on which they differ, i.e. the question of the application of this law to particular cases arising in experience.

FR :

La distinction souvent faite entre « éthique des vertus » et « éthique du devoir » a pu laisser penser que les conceptions aristotélicienne et kantienne de la moralité étaient radicalement différentes l’une de l’autre. Cette distinction pourrait justifier que l’on refuse de considérer les motivations de l’action vertueuse comme des motivations « morales » à proprement parler. Pourtant, agir vertueusement, n’est-ce pas, au fond, la même chose qu’agir « par devoir » ? Ainsi, Rosalind Hursthouse peut-elle noter, dès la fin du siècle dernier, que soulève « un enthousiasme grandissant » l’idée selon laquelle « l’agent kantien idéal » et « l’agent néo-aristotélicien idéal » ne sont « pas si différents que ce qu’ils étaient supposés être ». Nous voudrions examiner cette thèse en remontant à ses sources dans certaines interprétations contemporaines de la conception kantienne de l’action accomplie « par devoir ».

EN :

The distinction often made between “ethics of virtue” and “ethics of duty” may have led to the suggestion that the Aristotelian and Kantian conceptions of morality were fundamentally different from each other. This distinction could justify refusing to consider the motives of virtuous action as “moral” motivations in the strict sense. Yet, is it not the same thing to act in a virtuous manner as to act “by seeing”? Rosalind Hursthouse can thus note, as early as the end of the last century, that there is “growing enthusiasm” for the idea that “the ideal Kantian agent” and “the ideal neo-Aristotelian agent” are “not so different from what they were supposed to be”. We would like to examine this thesis by going back to its sources in some temporal interpretations of the Kantian conception of action accomplished “by duty”.

FR :

La responsabilité pour X est le devoir de répondre de X. Cette théorie permet de clarifier le lien entre devoir, responsabilité et blâmabilité. La blâmabilité, mais pas la responsabilité, implique un manquement à un devoir. Et un manquement à un devoir implique la responsabilité, mais pas la blâmabilité — du moins, chez les adultes normaux. Ces thèses intuitives semblent peut-être triviales, mais elles donnent des raisons de croire en deux thèses controversées : les excuses ne sont pas toujours partielles et la responsabilité requiert le libre arbitre.

EN :

Responsibility for X is the duty to answer for X. This theory clarifies the link between duty, responsibility and blameworthiness. Blameworthiness, but not responsibility, implies a breach of duty. And a breach of duty involves responsibility, but not blameworthiness — at least for normal adults. These intuitive theses may seem trivial, but they give some reason to accept two controversial theses : apologies are not always partial, and responsibility requires free will.