Consacré au récit biblique de Jonas, l’ouvrage des professeur(e)s Graybill (en études religieuses), Kaltner (en relations islamo-chrétiennes) et McKenzie (en Bible hébraïque) ajoute un précieux volume à la vaste collection de langue anglaise « The Anchor Yale Bible Commentaries ». Comme l’indique le sous-titre, leur livre est structuré en trois parties : après une vaste « introduction » (135 p.), les auteurs proposent « une nouvelle traduction » du texte hébraïque (p. 137-141), puis livrent leur « commentaire » biblique à proprement parler (155 p.). L’« introduction », riche d’une bibliographie de 572 références, constitue une ressource pédagogique fort utile, puisqu’elle permet (i) de situer les enjeux historiques, canoniques et littéraires de Jonas, (ii) de décrire le cadre méthodologique de sept « nouvelles approches » interprétatives que les auteurs utilisent ultérieurement (spatial theory, trauma theory, postcolonial criticism, affect theory, psychological criticism, animal studies, performance criticism), et (iii) d’offrir un vaste panorama des diverses réceptions du récit, tant dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, que dans l’art, les films, la littérature ou la musique. La partie « commentaire » subdivise le texte biblique en huit unités textuelles (1,1-5 ; 1,6-12 ; 1,13-16 ; 2,1-11 ; 3,1-4 ; 3,5-10 ; 4,1-4 ; 4,5-11). Chacune est analysée successivement selon le même procédé opératoire. D’abord, les auteurs discutent, verset par verset, des enjeux exégétiques propre à la sémantique hébraïque et, le cas échéant, à leur choix de traduction (section « Notes »). Ils explorent ensuite les enjeux interprétatifs de la péricope (« Comments »), à l’aide de deux mouvements d’analyse consécutifs : le premier, plus classique, souligne les enjeux littéraires les plus saillants (« Chasing the Currents : Literary Analysis »), tandis que le second ouvre de nouvelles perspectives de lecture à partir des cadres méthodologiques susnommés (« A Deeper Dive »). Le livre comprend enfin une série de huit excursus qui approfondissent ou élargissent un thème ou une réflexion en cours, ainsi qu’un index final des sujets, des auteurs et des sources. L’ouvrage de Graybill, Kaltner et McKenzie est très bien documenté. On apprécie sa clarté, sa pédagogie d’exposition, et la cohérence de sa vision d’ensemble. À cet égard, il convient de souligner le rôle déterminant que la reconstitution historique des couches rédactionnelles de Jonas (p. 21-26) joue sur l’ensemble du projet. En effet, dans leur introduction, les auteurs cisèlent le texte biblique de façon à identifier, avec précision, les différentes couches rédactionnelles de sa prose (Jon 1, 3, 4) et de son psaume (Jon 2). Ils postulent notamment que les éléments satiriques du récit ne figuraient pas dans le « conte didactique » d’origine (période perse), mais ont été ajoutés lors de révisions éditoriales ultérieures (période hellénistique). Cette hypothèse rédactionnelle n’est pas anodine, puisqu’elle corrèle la compréhension historique du processus de rédaction à celle d’une intention littéraire évolutive. On notera toutefois que ce postulat rédactionnel influence aussi certains choix de traduction, en particulier celui de la péricope 3,8b-9 qui n’apparaît plus comme le prolongement de l’oracle royal (commencé en 3,6-8a), mais comme la description de la réaction des Ninivites eux-mêmes. On peut aussi regretter que, lors de l’étape d’analyse littéraire de la forme finale du texte, cet enjeu diachronique mobilise encore souvent l’attention des auteurs, notamment lorsqu’ils commentent 2,1-11, 3,5-10, 4,1-4 et 4,5-11. Les sections de commentaires visant à ouvrir l’interprétation de Jonas aux « nouvelles approches » de la critique littéraire et des sciences sociales sont particulièrement bien réussies. Au regard du contexte postexilique du livre, on ne sera pas surpris de ce que la relecture des auteurs puise surtout et avant …
Rhiannon Graybill, John Kaltner, Steven L. McKenzie, Jonah. A New Translation with Introduction and Commentary. New Haven, London, Yale University Press (coll. « The Anchor Yale Bible Commentaries »), 2023, xvi-346 p.
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David Renault
Université Laval, Québec
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