Après plus de deux ans de pandémie et plusieurs années où il y a eu une augmentation des élèves ayant des besoins particuliers (CSE, 2017), on peut observer une fatigue générale chez le personnel enseignant. Le milieu bilingue ne fait pas exception à cette réalité. En effet, en plus de cette situation, les écoles anglophones manquent de continuité entre l’enseignement du français et de l’anglais, ce qui engendre une coupure pour les élèves. Cette situation nous a amenées à nous remettre en question. S’assurer de l’engagement des élèves malgré leurs difficultés, gagner du temps tout en promouvant le français, et retrouver notre passion sans épuisement professionnel sont nos principales priorités. C’est en recensant certaines recherches que nous avons décidé de prendre part à l’aventure du coenseignement. Plusieurs études portent sur le coenseignement entre un enseignant et un orthopédagogue (Dubé et al., 2021). Puisque nous sommes en milieu bilingue et enseignons chacune une langue différente, nous exerçons un coenseignement différent de ce qui est présenté dans la littérature scientifique. Pour cette raison, nous avons convié une chercheuse à venir observer dans nos classes. Dans cet article, nous présenterons notre expérience de coenseignement bilingue. Notre école offre un enseignement bilingue (50/50) dans un milieu où les familles sont plutôt anglophones. La grande majorité des élèves ont l’anglais comme langue maternelle et connaissent très peu la langue française. Dans notre organisation scolaire, chaque élève a deux enseignantes titulaires, soit une qui enseigne l’anglais, les mathématiques et la culture et la citoyenneté du Québec et l’autre qui enseigne le français, les sciences, l’histoire et la géographie, et les arts plastiques, ce qui veut donc dire que nous avons deux groupes d’élèves à qui enseigner. Habituellement, les élèves ont une journée en anglais et une autre en français, en alternance. Nous enseignions de cette façon depuis plus de 15 ans, lorsqu’on nous a confié deux groupes d’élèves présentant une grande diversité de besoins d’apprentissage. C’est à ce moment-là que l’idée de faire du coenseignement nous a été proposée par une conseillère pédagogique. Désormais, nous combinons donc nos deux classes afin d’en faire un seul grand groupe. Les élèves ont maintenant des matières enseignées en anglais et en français tous les jours. En tout temps, ils ont accès aux deux enseignantes. Puisque nous avons une relation basée sur la confiance et le respect, nous sommes à l’aise d’enseigner ensemble, malgré le fait que chacune doit le faire, à différents moments de la journée, dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Cette complicité est très précieuse dans la planification et la mise en oeuvre du coenseignement (Dubé et al., 2020). Un autre point important est le nombre grandissant d’élèves ayant des besoins particuliers en classe ordinaire (MEQ, 2021 ; Moronne et al., 2022). L’année précédant notre coenseignement, nous avions 16 élèves avec un plan d’intervention, dont six élèves ayant un trouble du spectre de l’autisme, sur un total de 30 élèves en deux classes. Dans notre école, nous avons pu constater cette nouvelle réalité depuis au moins les cinq dernières années. Nous avons appris à aider ces élèves à réussir grâce aux différentes expériences que nous avons vécues. Le taux d’épuisement professionnel dans la profession enseignante est malheureusement élevé (Janosz et al., 2017), ce qui a pour conséquence d’affecter aussi l’apprentissage et le bien-être des élèves. Pour l’avoir vécu nous-mêmes, cette réalité nous a amenées à nous questionner si nous souhaitions continuer dans la profession. Avec le coenseignement, un changement constaté, qui a été plus que bienvenu, est une revitalisation de notre profession. En étant toujours deux dans la classe, nous nous sentons maintenant …
Parties annexes
Bibliographie
- Benoit, V. et Angelucci, V. (2011). Réflexions autour du concept de coenseignement en contexte inclusif. Éducation et francophonie, 39(2), 105–121. https://doi.org/10.7202/1007730ar.
- Dubé, F., Cloutier, É., Dufour, F. et Paviel, M.-J. (2020). Coenseignement orthopédagogue-enseignante et orthopédagogue-enseignant : l’expérience de trois écoles primaires montréalaises. Éducation et francophonie, XLVIII(2), 35–56.
- Dubé, F., Dufour, F., Cloutier, É. et Paviel, M.-J. (2021). Coenseignement orthopédagogue-enseignant : collaborer et coplanifier pour soutenir la différenciation pédagogique au primaire. Éducation et socialisation, les Cahiers du CERFEE, (60). http://dx.doi.org/10.4000/edso.14680.
- Janosz, M., Marchand, A., Pagani, L.S., Archambault, I., et Chouinard, R. (2017). Déterminants et conséquences de l’épuisement professionnel dans les écoles publiques primaires et secondaires. Rapport déposé au FRQSC, 2014-RP-179379. https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/06/prs_2013-2014_rapport_mjanosz.pdf
- Jennings, P. A., et Greenberg, M. T. (2009). The prosocial classroom : Teacher social and emotional competence in relation to student and classroom outcomes. Review of Educational Research, 79 (1), 491-525 https://doi.org/10.3102/0034654308325693
- Ministère de l’Éducation du Québec. (2021). Effectif scolaire handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et effectif scolaire ordinaire de la formation générale des jeunes, selon les handicaps et difficultés et la fréquentation ou non d’une classe ordinaire, Québec, de 2012-2013 à 2020-2021. Système Charlemagne. Gouvernement du Québec.
- Moronne-Giroux, M., Leroux, M., Beaulieu, J. et Lefrançois, I. (2022). La nécessité de tenir compte des besoins des élèves qui rencontrent des difficultés. Dans Collectif Debout pour l’École ! Une autre école est possible et nécessaire (344-362). Delbusso Éditeur.