Volume 32, numéro 1-2, printemps 2000 La tolérance
Sommaire (22 articles)
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Présentation
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À propos de l’Édit de Nantes : la tradition latine et la tolérance
Alain Michel
p. 25–35
RésuméFR :
Si le mot n'est pas fréquent dans les textes de l'Antiquité, l'esprit de la tolérance y préside par la culture humaniste du doute critique qui diffère sans cesse la certitude et partant l'intolérance intellectuelle. Avec Cicéron, la tolérance apparaît au principe d'une pensée dialectique et au centre de la réflexion morale. Et cette pensée de la tolérance jette déjà les bases du conflit perdurant qu'instaure la notion de tolérance, clivée entre liberté individuelle et exigences d'un droit collectif pour tous. Les débats religieux dans l'empire romain, divisé entre paganisme et christianisme, en seront la preuve. Le triomphe de l'Église au Moyen Âge aurait pu signifier sans exception une ère de dogmatisme ; il n'en reste que s'y font entendre la voix de Jean de Salisbury, ensuite celle deThomas d'Aquin.À la Renaissance, la notion resurgit en deux thèses opposées, celle d'un exercice privé chez Juste Lipse et celle d'un exercice collectif de la liberté de conscience que prône Jean Bodin : l'Édit de Nantes réalisera un compromis, il sera aussi le produit d'une histoire ancienne qui recouvre les raisons plus présentes de sa promulgation.
EN :
If tolerance is not a word frequently encountered in the texts of Antiquity its spirit nevertheless appears in the humanist culture of critical doubt, which continually defers certitude and, with this, intellectual intolerance. With Cicero, tolerance appears in the principle of a dialectical mode of thinking and as the focus of moral reflection. Furthermore, even at that time, this way of conceiving tolerance lays the foundations of the ongoing conflict between individual freedom and the requirements of a rule of law applying to ail. The religious debates of the Roman empire, at that time divided between paganism and Christianity, bear this observation out. The triumph of the Church during the Middle Ages might hâve signified an era of unremitting dogmatism. Nevertheless, the period also resounded with the voice of John of Salisbury, followed by that of Thomas Aquinas. During the Renaissance, the notion of tolérance reemerged in the form of two opposing thèses — that of the private exercise of the freedom of conscience, as advocated byjustus Lipsius, versus that of the collective exercise of this freedom, as advocated byjean Bodin.The Edict of Nantes was to achieve a compromise between thèse two views ; it was, as well, the outcome of the intersection of an older history with the more contemporary justifications of its promulgation
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Énée sur le chemin de la tolérance
Philippe Heuzé
p. 37–43
RésuméFR :
Il semble que la voix de Virgile possède naturellement la tessiture pour chanter la tolérance. Le héros qu'il façonne à son goût est doué pour cette qualité-là, en particulier pour l'accueil de l'autre, de l'étranger, voire de l'ennemi. Mais la richesse de ce que peint le poète apparaît pleinement dans les cas limites, quand il met cette âme d'élite en contact avec l'intolérable.
EN :
It seems that the voice of Virgil naturally possesses the range required to sing of tolerance. The hero that he fashioned after his own liking is gifted for that quality — in particular, for receptiveness to the other, the foreigner, and indeed the enemy. But the richness of the poet's depiction stands out most fully in the situations of extremity, when he places this elite soul in contact with the intolerable.
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La tolérance de l’Église et de l’État à l’égard des œuvres d’art du paganisme dans l’Antiquité tardive
Henri Lavagne
p. 45–54
RésuméFR :
L'Église chrétienne et l'État dans l'antiquité tardive n'ont pas fait œuvre de destruction systématique des temples païens et de leurs objets d'art. Au contraire, des décrets officiels témoignent de la volonté de l'État de conserver ce patrimoine artistique. La position des autorités chrétiennes est plus complexe : certaines communautés ont fait preuve de fanatisme destructeur mais ont été désavouées par les grands esprits de leur époque, comme saint Augustin. Cette tolérance s'explique par la paideia commune dans laquelle chrétiens et païens avaient été éduqués.
EN :
The christian Church and the State in the late antiquity have not conspired in a systematic destruction of pagan temples and their art objects. On the contrary, official laws prove the State's intentions to conserve this artistic patrimony. Christian positions are more complex : some communities have given proofs of their fanatism but have been condemned by the major thinkers of the time, namely saint Augustin. This tolerance can be explained by the common paideia in which Christian and Pagans were educated.
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Diabolisation, tolérance, glorification ? La Renaissance et la sculpture antique
Édouard Pommier
p. 55–70
RésuméFR :
Le regard porté sur les sculptures de l'Antiquité commence à changer au cours du XIVe siècle : considérées comme des œuvres démoniaques, elles deviennent des objets dignes d'admiration, pour des raisons artistiques (modèles pour l'imitation de la nature) et politiques (images de la " Virtù " romaine). Ce mouvement atteint son apogée au début du XVIe siècle ; puis il est menacé par une réaction morale dans la deuxième moitié du siècle, aboutissant à l'occultation des statues du Belvédère. Mais le rôle médiateur de ces œuvres dans la culture et dans la création artistique, en particulier, exclut toute rechute dans l'iconoclasme. La création du Museo Pió Clementino symbolise la glorification de la sculpture antique, tandis que son inauguration par Pie VI et Gustave III de Suède montre que l'Antiquité est devenue une promesse de tolérance et de dialogue.
EN :
The look cast on the antique sculptures begins to change during the XIV teenth century : considered as works of the devil, they turn into objects worth of admiration, for artistic (model for the imitation of nature) or political reasons (reflections of the roman "virtù"). This evolution was coming to a climax at the beginning of the XVI teenth century ; and then it was threatened with a moralizing reaction in the second half of the century, that leads to the occultation of the statues in the Belvedere courtyard. But the mediating part of the Antiques in the culture, especially in the artistic creation, rules out a relasp in iconoclasm. The foundation of the Pio Clementino Museo symbolizes the glorification of the antique sculpture, while its inauguration by pope Pius VI and King Gustav III of Sweden shows that Antiquity has turned into a promise of tolerance and dialogue.
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Le Traité de peinture et de sculpture de G. Domenico Ottonelli et Pietro da Cortona. La fin des imprécateurs ?
Yvon Le Gall
p. 71–93
RésuméFR :
En 1652 paraît en Italie un Traité de peinture et de sculpture fruit d'une collaboration entre un jésuite, G. D. Ottonelli, principal contributeur, et Pietro da Cortona, artiste majeur sur la scène baroque romaine. Il s'inscrit dans la lignée d'ouvrages prescriptifs en matière artistique. Très démarqué du Discours de Paleotti (1582), référence absolue, il s'en éloigne par le souci de ménager à la fois les créateurs et les mécènes. Une casuistique très élaborée, où s'actualise une certaine tolérance, maintient un équilibre entre le soin des âmes et les bienfaits de la création, en recourant notamment à la dissimulation.
EN :
In Italy in 1652, the Trattato délia pittura e sculturawas published ; it was the result of the collaboration between a Jesuit, G. D. Ottonelli, its main contributor, and Pietro da Cortona, a leading artist on the Roman baroque scene. The work is one of a long line of prescriptive treatises on art. It contrasted sharply with Cardinal Paleotti's Discorsointorno le imagini sacre e profane(1582), which had been enshrined as the ultimate reference, owing to its concern with conciliating creators and patrons. A highly sophisticated casuistry, in which a certain form of tolerance took shape, was deployed to maintain a balance between the care of souls and the benefits of creation, particularly through the use of dissimulation
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Aurait-il fallu des édits de tolérance en science au XVIe siècle ?
Jean Dhombres
p. 95–109
RésuméFR :
Il est convenu, sinon prouvé, que science et tolérance ne soient guère compatibles. Pareille convention se fonde sur la confusion de la science, toujours relative et précaire en ses savoirs accumulés et certitude dogmatique. Les nouvelles découvertes et la pénétration des Portugais en Chine notamment sont l'occasion de vérifier combien la géographie demeure une science humaine et qu'elle ordonne ses connaissances au partir de celui qui en formalise les acquis sous forme de carte. La présence occidentale en Extrême-Orient est aussi l'occasion de la confrontation de deux systèmes de la connaissance du monde et de son organisation intellectuelle. Au XVI e siècle, la science pré-moderne rencontre les conditions objectives de la tolérance : confrontée qu'elle est à des savoirs autres - étrangers - mais non moins efficaces pour certains ; soutenue, en Europe même, par les théologies protestantes, réalisant l'alliance stratégique d'un discours nouveau sur Dieu et de la science, subalterne en cette tâche d'une représentation nouvelle du créateur et de sa création.
EN :
It is often agreed, if not proven, that science and tolerance are scarcely compatible with one another. This sort of agreement is based on the confusion of science, with its continually relative and tentative accumulation of Knowledge, and dogmatic certainty.The new discoveries and the penetration of the Portuguese in China represent, in particular, an opportunity for verifying the extent to which geography remains a humane science and orders its Knowledge from the point of view of the person who formalizes its findings in the shape of maps. The Western presence in the Far East is also the occasion of a confrontation of two Systems of Knowledge of the world and their underlying intellectual organizations. During the l6 th century, pre-modern science met the objective conditions of tolérance ; on the one hand, it was confronted with other — foreign — knowledge that, according to some, was no less effective for ail that ; on the other, it was sustained, in Europe itself, by Protestant theologies, and brought about a strategie alliance between a new discourse on God and science, in which the latter played a subordinate role in the task of developing a new representation of the creator and His creation
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Éloge de la frivolité. Tolérance et idéal mondain au XVIIe siècle
Patrick Dandrey
p. 111–123
RésuméFR :
On propose de rechercher dans l'idéal mondain, élaboré par les salons parisiens et la cour de France au milieu du XVIIe siècle, l'une des origines du mouvement intellectuel qui fait évoluer en principe moral universel l'idée de tolérance limitée jusqu'alors à une pratique chrétienne de l'indulgence charitable. Trois modalités de l'ethos mondain peuvent avoir concouru à cette évolution : l'éthique de la " complaisance " nécessaire à la belle conversation ; le modèle de l'honnête homme, régi par des principes universels de raison et de mesure ; la conception d'une vérité " à géométrie variable ", fondant une attitude de relativisme tempéré envers toute forme de valeur et de critère. Le Misanthrope de Molière (1666) définit en termes dramatiques le débat suscité par cette théorie et cette pratique nouvelles des relations sociales et affectives, en plaçant l'intransigeance d'Alceste et la complaisance frivole de Célimène sous le regard surplombant de Philinte, qui anticipe par son acceptation flegmatique et souriante des défauts et des vices inhérents au genre humain une morale éclairée de la tolérance par principe.
EN :
In this article, I propose to locate within the worldly ideal developed in the Parisian salons and the French court in the mid-17 th century one of the origins of the intellectual movement that caused the idea of tolérance, hitherto limited to a Christian practice of charitable indulgence, to evolve into a universal moral principle. Three modes of the worldly ethosmay have contributed to this development : the ethic of"compliancy''as a requirement for sophisticated conversation ; the model of the honest man,governed by the universal principles of reason and modération ; and a"sliding scale" type of truth that established a basis for an attitude of tempered relativism toward any form of truth and criterion. Molière's le Misanthope(1666) defined,in terms of drama,the debate rising out of this new theory and practice of social and affective relationships ; it placed the intransigence ofAlceste and the frivolous indulgence of Célimène beneath the all-encompassing gaze of Philinte, who, with his phlegmatic but smiling acceptance of the defects and vices inhérent to mankind, anticipated an enlightened ethics of tolerance founded on principle.
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La tolérance, de Spinoza à Locke
Jean-Michel Vienne
p. 125–132
RésuméFR :
Pour bien concevoir (et mettre en œuvre) la tolérance, il est nécessaire de l'appuyer sur une théorie politique et sur une épistémologie cohérentes. Spinoza, Locke et Bayle offrent en un autre siècle des liens dont il ne serait pas inutile de s'inspirer, notamment le respect de la séparation des champs, des points de vue, des méthodologies. Ce n'est pas parce que le concret est un que son étude peut être une.
EN :
In order to rightly conceive (and apply) toleration, one must found it on clear epistemological and political theories. In their own age, Spinoza, Locke and Bayle link toleration which such theories, and it could be helpful to follow their suggestions : separation of powers, of aspects, of methodologies. In spite of the fact that the real world is unified, its knowledge must be multifarious.
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L’utilité est-elle le meilleur fondement de la tolérance ?
Jean-Pierre Cléro
p. 133–146
RésuméFR :
Il existe deux façons fondamentales de justifier la tolérance : soit la conception qui la fait reposer sur la " personne " ou sur la volonté autonome, comme on peut la trouver chez Locke ou chez Kant ; soit la conception utilitariste qui calcule qu'il est plus utile de pratiquer la tolérance que de ne pas la pratiquer. Nous cherchons à établir que les meilleures chances de la tolérance tiennent plutôt dans cet utilitarisme, c'est-à-dire dans la conjugaison d'un certain type de structuration du champ social et d'un mode d'attachement indirect, aveugle ou symbolique aux valeurs.
EN :
There are two main ways to justify tolerance ; either the conception which makes it depend on the "person", that is the autonomous will, as it may be found in the works of Locke or Kant ; or the utilitarian conception which calculates that it is more useful to practice tolerance than not to. We are seeking to establish that the better chances of tolerance are on the side of utilitarinism which associates a certain structure of the social field and a certain indirect, blind or symbolic link to values.
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La tolérance est elle une vertu ?
Baldine Saint Girons
p. 147–160
RésuméFR :
Célèbres par leur lutte contre l'intolérance, les philosophes du XVIIIe siècle n'ont cependant pas été les apôtres d'une tolérance inconditionnelle, conçue comme excellente en soi. Toute la difficulté tient, en effet, à l'existence de l'intolérable, laquelle rend indispensable l'analyse de ce qu'on doit ou ne doit pas tolérer. Voltaire fait de la tolérance un devoir minimal, destiné à être remplacé par la fraternité, cependant que Rousseau, dans sa fine analyse des mystifications engendrées par la prétendue tolérance, risque lui-même de passer pour intolérant. Dans le domaine de la religion, l'idéal de tolérance tend finalement à être dépassé vers la fin du siècle.
EN :
Famous by their struggle against intolerance, the philosophers of the XVIIIth century did not preach an unconditional tolerance, which would have been conceived excellent in itself. The whole difficulty lies indeed in the existence of the intolerable, which makes necessary the analysis of what must or must not be tolerated. Voltaire finally sees in tolerance a minimal duty vowed to be replaced by fraternity ; while Rousseau, analysing mystifications produced by the so called tolerance, misses to be holded for an intolerant man. In the field of religion, the ideal of tolerance aims to be outpassed at the end of the century.
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Tolérance et « minorité » à l’âge des Lumières
Philippe Roger
p. 161–173
RésuméFR :
La notion de minorité, élément incontournable de toute réflexion sur les sociétés contemporaines, continue d'être présentée en France comme typiquement " anglo-saxonne ". C'est oublier qu'avant d'être occultée par la Révolution française, elle s'était introduite dans la pensée des Lumières à la faveur du combat pour la tolérance. Voltaire joue ici un rôle particulièrement important. Son traité sur la tolérance fait émerger la catégorie de minorité : 1- par retournement des logiques comptables mises en place par les pamphlétaires catholiques pour minimiser le coût de l'éradication des hérétiques ; 2- par identification avec la situation minoritaire, identification cultivée par la Philosophie à travers diverses figures emblématiques (Hypathie, les Guèbres, les " Welches qui ne sont pas welches ").
EN :
The concept of minority, an unavoidable part of any reflexion on contemporary society, is still considered typically "anglo-saxon" in France. But such an idea overlooks the fact that it was the struggle for tolerance that introduced the concept into Enlightenment thought, before it was occulted by the French Revolution. Voltaire plays a particularly important role in this respect. It was his Treaty on Tolerance which produced the category of minority : first, by upturning the accountant's logic used by Catholic pamphleteers to minimize the costs of eradicating heretics ; second, by identifying with the minoritary situation - a Philosophy - rooted identification made by means of a number of emblematic figures (Hypathie, the Guèbres, the "'Welches' who are not Welch").
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La tolérance et la norme dans l’expression nationale écossaise au XVIIIe siècle : l’anglais face aux langues vernaculaires
Pierre Carboni
p. 175–183
RésuméFR :
L'entreprise de rénovation culturelle suscitée par les Lumières écossaises comprend également une recherche sur les principes du discours et de la composition. Confrontés aux conséquences mutilantes de l'intégration politique, nombre de penseurs écossais du XVIIIe siècle (Adam Smith, William Robertson, David Hume) tentèrent de définir des critères de clarté et de correction. Leur souhait était de soutenir l'ambition de l'Écosse à participer à l'établissement du nouvel idiome britannique, conçu comme l'aboutissement inévitable et prometteur de l'Union. En raison de la montée en puissance de l'anglais par rapport aux langues nationales écossaises (Scots et gaélique) comme instrument de communication internationale, cet effort normatif fut réinterprété par la suite comme une entreprise intolérante d'anglicisation. Pourtant, tout en recommandant l'utilisation efficace d'un anglais de communication (à tel point qu'ils espéraient dépasser les Anglais dans le maniement de l'anglais en éradiquant leurs propres scotticismes), ils défendirent également l'emploi des langues et des traditions vernaculaires en littérature. Dans les dernières décennies du siècle, ils sensibilisèrent le public aux poèmes d'Ossian, puis encouragèrent l'expression conjointe en anglais et en Scots de Robert Burns dans ses poèmes et chansons. L'utopie caractéristique des Lumières qu'ils entretenaient d'élaborer une langue abstraite universelle, bien loin de prêcher l'intolérance linguistique, contribua en fait à créer les conditions propices à la réapparition et à la plus large diffusion d'une voix " naturelle " et déjà romantique, ouverte à l'expression nationale et personnelle.
EN :
The Scottish Enlightenment's enterprise of cultural re?evaluation also includes an inquiry into the principles of speech and written communication. Confronted to the dispossessing consequences of political integration, several Scottish literati of the eighteenth century (Adam Smith, William Robertson, David Hume) aimed at delineating standards of perspicuity and correctness. Their wished to support their nation's cultural claim over the establishment of a new British idiom which they saw as the inevitable and promising linguistic outcome of the Union. Because of the rising preeminence of English over Scotland's national languages (Scots and Gaelic) as international language, this norinative attempt was later reinterpreted as an intolerant enterprise of anglicization. However, while recommending an efficient use of communication English (to the point that they hoped to outdo the English in English by eradicating any scotticism) they also vindicated the use of vernacular languages and vernacular traditions in literature. In the last decades of the century, they publicized and patronized the poems of Ossian before encouraging Robert Bums's joint use of English and Scots in his poems and songs. Their typical Enlightenment utopia of elaborating an abstract universal tongue, far from preaching linguistic intolerance, also contributed to create the conditions for the re?emergence and wider reception of an already Romantic "natural" voice, open to national and self expressions.
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La paix civile grâce à la tolérance religieuse. Quelques options dans la presse allemande de la fin du XVIIIe siècle.
Gunter Volz
p. 185–200
RésuméFR :
Le débat sur la tolérance en Allemagne se déroule surtout durant le dernier tiers du XVIIIe siècle et de préférence dans la presse périodique. Compte tenu de la situation particulière d'une quasi-parité confessionnelle, il porte principalement sur la tolérance religieuse et se situe toujours dans un étroit rapport avec le concept des Lumières. L'article confronte les positions de plusieurs auteurs, en majorité protestants, et détaille en particulier un essai de politique-fiction que l'auteur Julius Möser situe dans le cadre des institutions à créer dans les nouveaux états américains.
EN :
The debate on toleration took place in Germany mainly during the last third of the 18th century especially in the periodical press. Owing to the peculiar context of vitrual parity between denominations, it deals essentially with religious toleration and is closely linked to the principles of the Enlightenment. The article compares several (mainly Protestant) writers' opinions and offers a reading of an essay in political fiction whose action the author J. Möser situates in the framework of the political institutions still to be created in the new American states.
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Réflexion d’une hispaniste
Michèle Gendreau-Massaloux
p. 201–210
RésuméFR :
Après la période andalouse qui marqua une cohabitation linguistique et religieuse où interagirent savoirs d'Orient et d'Occident, du Nord et du Sud, l'histoire espagnole semble ordonner en même temps que l'unification castillane, une progressive pente à l'intolérance avec l'institution de l'Inquisition et les proclamations nombreuses des Statuts de la propreté du sang, dès le XVIe siècle. Le Siècle d'Or est le pic des politiques de l'exclusion civile et religieuse en même temps qu'il interroge le lien causal entre répression et épanouissement remarquable des arts qui notamment organisent un contrepoint à la vérité officielle et intolérante en faisant de leurs emprunts mythologiques plus que des motifs d'ornementation. Le XVIIIe siècle verra, en Espagne, l'émergence d'un catholicisme éclairé qui, s'il prend forme parmi les clercs, est soutenu par des figures importantes des lettres, comme le bénédictin Feijóo qui combattra autant les préjugés universitaires que religieux. Ce combat confirmera combien la tolérance ne peut se penser dans un premier temps que dans le christianisme ou, autrement dit, que l'origine de la tolérance postule le retour aux origines du christianisme.
EN :
After the Andalusian era, which marked a form of linguistic and religious coexistence that intermingled knowledge from the West and East, the North and South, Spanish history also seemed to command that the Castilian unification should occur in conjunction with a progressive inclination toward intolerance, with the institution of the Inquisition and the numerous proclamations of statutes governing purity of blood beginning in the l6 th century. Spain's GoldenAge represents the apogee of policies aimed at civil and religious forms of exclusion. Likewise, it raises questions as to the causal link between repression and the remarkable efflorescence of the arts which, in particular, created a foil to officiai truth and intolerance by making more of mythological borrowings than mere ornamentation.Eighteenth-century Spain saw the emergence of an enlightened form of Catholicism which, while taking shape among the clerics, was also supported by major figures in the world of letters such as the Bénédictine monk and scholar Feijôo, who combated both academic and religious prejudices. This combat confirms the extent to which tolerance, to begin with,can be conceived of only within Christianity, or, in other words, how the origin of tolerance présupposes a return to the origins of Christianity.
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Lazare Carnot l’encyclopédiste : théologie, morale et politique de la tolérance
Nicole Dhombres
p. 211–219
RésuméFR :
L'objet de cette étude est d'analyser les origines de l'idée de tolérance chez Lazare Carnot. Elles se trouvent de façon explicite dans la pensée des encyclopédistes, analysée ici à partir de l'article " Tolérance " de l'Encyclopédie de Diderot et de d'Alembert. Cette notion y émerge à trois plans différents de la connaissance, théologie, morale, et politique. Dans la seconde partie de l'étude, on confronte la conception philosophique de Carnot à ses applications pratiques : l'encyclopédiste confronté à l'homme politique, au cours d'une carrière que structure la Révolution française. Le moment privilégié retenu pour cette confrontation est la Terreur. Quand, membre du Comité de salut public de la Convention, se pose à lui et de façon aiguë le problème de la cohabitation entre radicalisme politique et tolérance. Deux notions, celle de " salut public ", et précisément celle de " tolérance " apparaissent alors au-delà des frontières de la tolérance. On montre ici que ces limites ne sont pas imposées par la situation d'urgence révolutionnaire, mais déjà pensées par les encyclopédistes des Lumières.
EN :
The purpose of this study is to analyze the origins of the idea of tolérance in Lazare Carnot. They can be explicitly located in the thinking of the Encyclopedists, which I examine in light of the article "Tolérance" appearing in the Encyclopédieof Diderot and D'Alembert. In this article, the notion of tolérance is developed in terms of three différent spheres of knowledge : theology, ethics, and politics. In the second portion of this study, Carnot's philosophical conception is contrasted with its practical applications — in other words, the Encyclopedist is confronted with the politician, during a career framed by the French Revolution. The key moment for analyzing this opposition is theTerror ; then, as a member of the Convention^ Committee of Public Safety, Carnot was acutely confronted with the problem of the coexistence of political radicalism with tolerance. Thus.two notions — "public safety" and, precisely, "Tolérance" — appear beyond the limitsof tolerance. In this study, these limits are shown to have not been imposed by the situation of revolutionary urgency but instead as having already been conceived by the Encyclopedists of the Enlightenment.
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La tolérance en amour : de Sade à Fourier
Michel Delon
p. 221–229
RésuméFR :
La revendication d'une tolérance comme juxtaposition de manies se renverse vite chez Sade en dynamique vertigineuse de transgression et finit par perdre son sens. À cette tolérance passive, Fourier, qui cite Sade, substitue une tolérance comme complémentarité, sympathie et harmonie. Les Cent Vingt Journées de Sodome et le Nouveau Monde amoureux sont restés à l'état de manuscrit inachevés, inachevables comme toute conquête d'une tolérance véritable, aujourd'hui plus que jamais.
EN :
The claim to tolerance, conceived of as the juxtaposition of odd habits was, with Marquis de Sade, rapidly reversed into a vertiginous dynamic of transgression, to the point of ultimately losing its meaning. In place of this passive type of tolerance, Fourier, who quoted Sade, substituted another notion of tolerance, in the form of complementariness, sympathy and harmony. Both The 120 Days ofSodomand Le Nouveau Monde amoureuxhave survived as uncompleted manuscripts, and, as with any conquest of genuine tolerance, they cannot be brought to a close, now more than ever.
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Le moine, le juif, le nègre. Ou le cercle des intolérances
Jean-Paul Barbe
p. 231–241
RésuméFR :
L'analyse d'une satire anticléricale autrichienne à grand succès contemporaine du joséphisme met l'accent sur les formes de la déshumanisation satirique et les dangers idéologiques qu'elle recèle.
EN :
The analysis of a very successfull anticlerical Austrian satire contemporary with the Josephism stresses the forms of satirical deshumanisation and the ideological dangers it conveys
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Le Pongo, l’idiot et le cagot. Quelques remarques sur la définition de l’Autre
Jackie Pigeaud
p. 243–262
RésuméFR :
La question ici traitée concerne finalement la définition de la limite de l'humain ; c'est-à-dire la question de l'Autre. C'est le même problème, qu'il s'agisse de l'homme sylvestre (le Pongo), de l'idiot ou du cagot. Ces questions qui restent ouvertes encore au XVIIe siècle vont peu à peu se retrouver dans l'univers des débuts de la psychiatrie. La question de l'enfant sauvage de l'Aveyron, celle de l'idiot du Valais, celle du cagot se trouvent comme problèmes chez Pinel ou Esquirol. Nous avons pensé qu'il s'agissait bien là de questions qui pouvaient s'intégrer à la problématique de la tolérance.
EN :
In the final analysis, this article takes up the question of defining the limit of the human — that is,the question of the Other. lt is the same problem, regardless of whether it involves the "man of the woods"(the orangutan),the idiot or the "cagot" (a member of a group of outcasts in the south-western France, considered to be cretins).These questions, still unsettled during the 17 th century, gradually became the purview of the nascent field of psychiatry. The question of the wild boy of Aveyron, like that of the idiot of the canton of Valais or that of the cagot were taken up as problems by Pinel or Esquirol. It is my opinion that such questions could indeed be integrated into a problematic surrounding tolerance.
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La comédie de l’intolérance chez Proust et Joyce
David Spurr
p. 263–278
RésuméFR :
La satire contre l'antisémitisme, chez Proust comme chez Joyce, prend une envergure comique qui finit par mettre en cause non seulement l'intolérance, mais encore le caractère totalisant de toute idéologie. Malgré leurs différences de style et de sujet, les deux écrivains déploient un langage qui cherche à déstabiliser les idées reçues, même celles de gens bien-pensants. Cette déstabilisation se manifeste sous forme d'une multiplicité de niveaux discursifs, de sorte que même une critique de l'intolérance peut être exposée à l'ironie.
EN :
The satire of antisemitism, in Proust as in Joyce, takes on a comic dimension that calls into question not just intolerance, but also the totalizing character of all ideology. Despite their differences in style and subject matter, both writers deploy a language that seeks to destabilize received ideas, even those of well-meaning people. This destabilization manifests itself in the multiplicity of discursive levels, so that even a critique of intolerance may treated ironically
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Présentation des Entretiens de La Garenne Lemot
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Notices sur les collaborateurs et les collaboratrices