Résumés
Résumé
« J’avais souvent pensé que pour les futurs historiens de la littérature moderne, les revues seraient d’un grand profit et principalement les revues de jeunes écrivains, parce qu’on pouvait y suivre, de mois en mois, le cours de la “littérature qui se faisait” », écrivait Valery Larbaud au début du xxe siècle. Malgré le développement remarquable des travaux sur les revues, cette histoire n’a pas encore été écrite. Cependant l’idée m’est chère et c’est sous son aiguillon que je souhaite réfléchir à l’étude historique de la littérature contemporaine, en quittant les revues littéraires françaises des années 1900 à 1920 pour les revues littéraires québécoises des dix dernières années. Le saut d’une époque et d’un domaine littéraire à l’autre, loin d’être balayé sous le tapis, servira de point de départ à mon interrogation. Peut-on toujours souligner, comme Larbaud le faisait, « l’importance capitale des revues » dans la littérature qui se fait maintenant ? Les revues servent-elles toujours de rampe de lancement pour les oeuvres nouvelles, de catalyseur esthétique pour les regroupements d’écrivains, de lieu de confrontation entre les écritures d’une même époque, voire de vecteur de « contemporanéité » ? Ces questions sur l’historicité des revues suscitent, du même souffle, une interrogation sur les méthodes de l’histoire littéraire.
Abstract
“I had often thought that future historians of modern literaturewould find literary journals, mainly those of young writers, highlyuseful because historians could follow, month by month, the course of‘literature as it was being written’,” wrote ValeryLarbaud in the early twentieth century. Despite the remarkabledevelopment of research on these journals, this history has not beenwritten. Since this idea is a favourite of mine, however, I wasmotivated to conduct a historical study of contemporary literature byeschewing the French literary journals of 1900 to 1920 to concentrateon literary journals in Québec during the last ten years.Skipping from one period and one literary field to another, far frombeing swept under the rug, serves as a point of departure for myinvestigation. Can we continue to underscore, as Larbaud did,“the capital importance of journals” in the literaturebeing written today? Do the journals still serve as a launching pad fornew works, an aesthetic catalyst for writers’ organizations, aplace of comparison for writings of the same time period, even a vectorof “contemporaneity”? These questions on journals’historicity prompt, at the time, an investigation into the methods ofliterary history.
Corps de l’article
Invité en 1923 à présenter la littérature française contemporaine aux lecteurs du journal argentin La Nación[1], Valery Larbaud y reprenait un rôle familier, qui a nourri depuis de nombreuses études[2], celui de passeur, de spécialiste de l’import-export littéraire. Cependant, il déploya dans cette série d’articles une réflexion méthodologique moins fréquente dans ses écrits, qui le déportait sur le terrain des manuels, guides, prix et autres repères signalétiques de légitimation, auxquels il consacra ses premiers articles. Abordant entre autres la campagne entreprise contre les manuels littéraires par Fernand Vandérem[3], il évoquait ses souvenirs scolaires pour opposer le manuel de littérature « [d]es éducateurs à l’ancienne mode » « capable à lui seul [d’]ôter, pour toute la vie, tout désir de lire une oeuvre littéraire[4] » au « premier manuel moderne d’histoire littéraire » (MHL, p. 46), celui de Lanson, dont la découverte aurait suscité en lui une vive émotion. Cette étonnante reconnaissance, qui mène l’écrivain à avouer qu’avec ses condisciples il en venait « presque à considérer [ce] manuel […] comme une oeuvre littéraire […] d’une valeur critique indiscutable » (MHL, p. 47), tenait essentiellement au chapitre consacré aux auteurs contemporains (Mallarmé y compris). Paradoxalement, cette préoccupation pour la « littérature qui se fait », selon le titre donné par le maître de la Sorbonne à ce chapitre crucial[5], conduit Larbaud à s’attaquer à « l’esprit même de la critique universitaire », incapable d’accumuler autre chose qu’un « monceau de nouveautés tardives et de jugements imbéciles » (MHL, p. 49), lorsqu’elle se penche sur les écrivains vivants (l’incompréhension de Lanson à l’endroit de Mallarmé s’avérant l’archétype de l’erreur de jugement critique).
Par-delà le conflit ouvert entre critique littéraire et critique universitaire relancé par Vandérem, éclairé par Larbaud et analysé par Albert Thibaudet dans ses articles de la fin des années 1920[6], ce texte manifeste une ambivalence, un tiraillement commun à Larbaud et plusieurs collaborateurs de la NRF, dont Paulhan et Thibaudet, entre l’habitus de l’orpailleur (ou de gardien du temple), axé sur la recherche de génies méconnus, le tri entre les vraies et fausses réputations, et un habitus scolaire, basé sur l’érudition, la connaissance des minores, la nomenclature des périodes et des groupes[7]. On pourrait y ajouter les manies du bibliophile ou les dispositions du cosmopolite polyglotte et rentier, mais cela m’entraînerait trop loin du rapport ambigu à l’histoire, aux questions de méthode, qui mène Larbaud à statuer, catégoriquement « on ne peut écrire l’histoire des événements littéraires contemporains » (MHL, p. 48), dans une série d’articles qui tendent continuellement à historiciser la littérature contemporaine, jusqu’à esquisser une historiographie de son traitement par les manuels.
On voit ainsi cet « historien malgré lui » dans « Souvenirs de conférencier[8] », autre texte de cette série, une nouvelle méthode d’histoire littéraire. Bloqué dans l’écriture d’une conférence, ne sachant comment séparer les « quatre ou cinq générations d’écrivains » que « ce mot de “contemporain” embrasse » (RL, p. 88), Larbaud aurait trouvé une « idée heureuse », alors qu’il devait mettre de l’ordre dans les revues empilées sur sa table de travail, celle de transformer l’ordonnancement matériel en clé de la littérature « in flagrante[9] » : « J’avais souvent pensé que pour les futurs historiens de la littérature moderne, les revues seraient d’un grand profit et principalement les revues de jeunes écrivains, parce qu’on pouvait y suivre, de mois en mois, le cours de la “littérature qui se faisait” » (RL, p. 88). Larbaud va même plus loin dans son anticipation des succès de sa méthode : « Peut-être publiera-t-on un jour une histoire littéraire de l’époque contemporaine qui ne sera que l’histoire ou le catalogue historique des revues[10] » (RL, p. 89).
Groupes et revues : le divorce ?
Malgré le développement remarquable des travaux sur les revues[11], cette histoire n’a pas encore été écrite. Cependant l’idée m’est chère et c’est sous son aiguillon que je souhaite réfléchir à l’étude historique de la littérature contemporaine, en quittant cette fois-ci les revues littéraires françaises des années 1900 à 1920 pour les revues littéraires québécoises des dix dernières années. Le saut d’une époque et d’un domaine littéraire à l’autre, loin d’être balayé sous le tapis, servira de point de départ à mon interrogation. Peut-on toujours souligner, comme Larbaud le faisait, « l’importance capitale des revues » (RL, p. 95) dans la littérature qui se fait maintenant ? Les revues servent-elles toujours de rampe de lancement pour les oeuvres nouvelles, de catalyseur esthétique pour les regroupements d’écrivains, de lieu de confrontation entre les écritures d’une même époque, voire de vecteur de « contemporanéité » ? Ces questions sur l’historicité des revues suscitent, du même souffle, une interrogation sur les méthodes de l’histoire littéraire.
Fernand Divoire, dans sa Stratégie littéraire, avait souligné le rôle des revues dans les trajectoires d’écrivains, faisant de leur fondation ou de la participation à celles-ci la toute première étape dans la vie littéraire, bien avant la parution d’un recueil de poèmes ou d’un roman : « le premier livre ne doit pas être publié avant que le nom de l’auteur ait été imprimé plusieurs fois sur des couvertures de revues[12]. » De même, quoique dans une perspective plus théorique, Jacques Dubois place les revues aux côtés des écoles et des salons dans la série des instances du premier degré de légitimation, celles qui permettent (ou non) l’émergence des noms propres sur la place publique (ceci dans un cadre collectif, dominé par les groupes[13]).
Qu’en est-il, à cet égard, pour la littérature québécoise contemporaine ? Faute d’enquêtes minutieuses, il est difficile d’en avoir une idée précise ; l’impression générale laisserait penser que pour de nombreux écrivains (romanciers surtout), la revue n’a pas joué le rôle de première instance de légitimation. On peut se demander, d’ailleurs, si ceci ne participe pas d’une radicale transformation du monde de l’imprimé : les revues ont longtemps été un moyen pour « collectiviser » les difficultés financières de l’auto-édition et contourner le numerus clausus que les maisons d’édition réservent aux jeunes entrants. Il était plus facile, en somme, de publier un numéro de revue qu’un livre. De nos jours, la publication d’un livre ne paraît plus un honneur réservé aux happy few ; le rôle de la revue comme « antichambre » éditoriale serait dès lors remis en question. Toutefois, il s’agit probablement d’une illusion, du moins si la situation québécoise se rapproche de celle découverte par l’enquête de Bernard Lahire, qui montre que l’on publie en moyenne un premier article dans une revue sept ans avant de publier un premier livre[14]. Ce même travail démontre par ailleurs qu’il y a un rapport direct entre le degré de reconnaissance littéraire et la publication dans une revue[15]. Pourtant, l’étude de la littérature contemporaine, au Québec comme en France, tend à ignorer ces données, ne prenant en compte qu’une temporalité, qu’un mode de publication : ceux propres au livre.
Un glissement significatif s’est opéré, cependant, entre les observations de Divoire et Dubois d’un côté, et celles de Lahire de l’autre : la référence au groupe. Car, là où, pour les deux premiers, revue et groupe participent en quelque sorte d’un même phénomène (avec nuances, dans le cas de Divoire, qui leur consacre des chapitres distincts, séparés par ceux sur les manifestes, le premier livre et les dédicaces), Lahire ne parle à aucun endroit de son ouvrage des groupes littéraires (et aucune des 124 questions de son enquête n’utilise le terme). S’il tient compte des sociabilités entre écrivains, c’est dans une perspective de « socialisation », d’intégration professionnelle. Tout se passe comme si, de Dubois à Lahire, une cassure s’était produite, mettant fin au « temps des groupes[16] », et battant en brèche l’équation entre revues et collectifs littéraires, dont l’évidence[17] a longtemps caché la complexité, mais que la littérature contemporaine, au Québec comme en France, tend à défaire, donc à repenser.
Il faut noter, au passage, la fonction de médiation entre la littérature et le contemporain accomplie par les revues, et souligner la contribution possible des revues (et plus généralement des médias) aux réflexions théoriques sur la notion de « contemporanéité ». Ne serait-ce pas, en effet, dans les revues (et la sphère des périodiques) que la littérature « qui se fait » devient objet de discours, et qu’un premier tri se fait entre ce qui existe, ce qui s’impose aux écrivains comme coprésence, comme trait du présent de la littérature, et ce qui n’existe pas, littérairement, parce que les revues et critiques littéraires n’en parlent pas ? N’y a-t-il pas aussi des liens complexes à examiner entre la relation paradoxale à l’actualité, constitutive des revues et de leur périodicité spécifique, qui fait de celles-ci le lieu d’un retour critique, d’une dialectique de distance et de proximité face à l’actualité, et esquisse ainsi une opposition première, fondatrice, entre les « faits du jour » et les « phénomènes importants » du présent, entre la surface agitée et les courants profonds, le quotidien et le contemporain ?
Cette contemporanéité littéraire, à l’heure actuelle, est marquée par un étonnant contraste entre l’abandon quasi total des « étiquettes collectives », noms de groupe ou d’école, dans les travaux sur la littérature contemporaine au Québec (et dans une moindre mesure en France) et le recours continu des écrivains aux revues, lesquelles refusent étrangement de se coucher dans les tombeaux de la littérature[18]. La fin des avant-gardes, la disparition de la logique de constitution et de dissolution des groupes, apparaît en effet, explicitement ou implicitement, un topos incontournable, un phénomène emblématique de la littérature contemporaine. Les tables des matières des collectifs consacrés à la littérature des 20 dernières années, au Québec comme en France, consignent à leur manière les effets de ce constat : tout se passe en effet comme s’il n’y avait plus que des monades esthétiques, susceptibles de critiques individuelles, que seules des catégories génériques ou thématiques pouvaient parvenir à intégrer dans des ensembles plus vastes. Nombreux sont ceux qui, à l’instar de Dominique Viart, notent que « les effets de groupe » n’existent plus[19], ne signalent plus aux critiques l’existence de programmes esthétiques collectifs. Les écrivains, désormais, « n’ont pas besoin d’appartenir à un groupe[20] ». Il n’est donc guère étonnant que les revues n’aient droit qu’exceptionnellement à des études spécifiques[21], cherchant à les situer dans la littérature contemporaine, voire à éclairer cette dernière par leur étude ; tout au plus mentionne-t-on une revue ici et là (la Revue de littérature générale étant le plus souvent l’élue).
Malgré tout, les revues : l’exemple de la littérature québécoise
Et pourtant, elles sont là, les revues. Sans compter celles fondées auparavant et qui continuent de paraître, pas moins de 83 revues nouvelles ont paru, au Québec, entre 1990 et 2004[22], dont L’Inconvénient (2000), Contre-jour, La Conspiration dépressionniste et Le Quartanier (toutes trois en 2003). À tel point qu’Isabelle Daunais, dans un numéro de L’Atelier du roman consacré à « l’improbabilité des revues littéraires », déplorait cette banalisation : « rien n’est devenu plus facile ni plus probable que la création d’une revue littéraire », signale-t-elle, de sorte que celle-ci est tombée au rang de « la plus ordinaire et la plus courante des marchandises[23] ». Il est tentant, ici, d’ironiser doucement, en rappelant que vers 1910, époque décrite par Larbaud, des dizaines et dizaines de revues littéraires encombraient les librairies et les tables des écrivains[24], signe que la fondation de revue était déjà facile et banale, tentant aussi de souligner que L’Inconvénient, dont Isabelle Daunais est une importante collaboratrice, bénéficie généreusement des subventions qui, selon son analyse, auraient contribué à banaliser les revues[25]. Je soulignerai plutôt une autre facette de son article, où elle avance que les historiens du futur ne pourront plus expliquer la « vie des revues » en fonction de rupture, de combat et de déclarations de principes[26]. Elle rejoint ainsi Andrée Fortin qui notait également le caractère flou, pluraliste, sans antagonisme précis des programmes des revues contemporaines[27].
Y aurait-il là le signe d’une bifurcation majeure, d’une nouvelle période dans l’histoire des revues littéraires québécoises, marquée par de nouvelles configurations des communautés littéraires ? Bien qu’il soit tentant d’acquiescer, je tenterai plutôt de justifier une réponse négative, en prenant comme exemple une revue qui naît sans véritable « manifeste » ou « éditorial » d’ouverture, pour reprendre les termes d’Andrée Fortin : la revue Contre-jour[28]. Plusieurs voix nouvelles s’y sont fait entendre, et une interrogation constante s’y manifeste sur l’idée de communauté et sur la confrontation au contemporain, entre autres au sein du numéro du printemps 2005 intitulé « Une génération ? Quelle génération ? », dans lequel Martine-Emmanuelle Lapointe voyait poindre un récit générationnel adoptant la posture de « l’héritier éclairé[29] ».
Héritage divisé, soulignerais-je, dans la mesure où Contre-jour s’avère un des trois regroupements partageant le legs de Liberté et découlant partiellement de l’éclatement de l’équipe de cette dernière, au cours des années 1990, les deux autres étant L’Inconvénient et la « nouvelle nouvelle Liberté », à compter de 2006[30]. On peut considérer comme hautement significatif que trois des plus importantes revues des dernières années se rencontrent et se séparent dans le partage de l’héritage de Liberté, qui fut la plus prestigieuse revue littéraire québécoise des générations de la Révolution tranquille et du baby-boom[31]. Ces trois revues partagent aussi un discours de déterritorialisation sur « la noirceur de notre temps[32] » qui oppose au déferlement des industries culturelles et du « paradigme » de la communication la résistance de l’art et de la littérature. Cependant, sur les formes de résistance, les rapports au politique, à la hiérarchie des oeuvres, à la théorie, sur la galerie des ancêtres même : les héritiers ne s’entendent plus tout à fait. C’est d’ailleurs cette mésentente, partielle mais capitale, qui explique qu’un trio de doctorants de l’Université McGill (Étienne Beaulieu, Antoine Boisclair et Jean-François Bourgeault)[33], appuyé par un professeur de la même université (Yvon Rivard), ait fondé une seconde revue aux racines nettement mcgilliennes, trois ans seulement après la fondation de L’Inconvénient dont plusieurs collaborateurs étaient aussi professeurs ou étudiants au même département (parmi eux, François Ricard, Isabelle Daunais, Nadine Bismuth, Ying Chen, Yannick Roy).
François Hébert, qui a dirigé Liberté de 1986 à 1992 et collaboré à L’Inconvénient comme à Contre-jour, schématisait ce processus en notant qu’Alain Roy, « pressenti pour devenir le nouveau directeur » de Liberté « s’en all[a] fonder L’Inconvénient » et que « [l]a naissance de cette revue eut pour conséquence la naissance d’une concurrente, Contre-jour, laquelle dans son premier numéro […] esquinta les auteurs de L’Inconvénient[34] ». Il y a en effet eu quelques passes d’armes entre ces deux revues, fondées entre autres sur des lectures opposées de l’histoire du roman, sur des « prédilections » génériques pour le moins contrastées (le soupçon radical à l’endroit du lyrisme et d’une certaine poésie n’étant guère reconduit à Contre-jour[35]), ainsi que sur des attitudes divergentes en ce qui a trait au présent. Quand Étienne Beaulieu, dans l’article de tête du premier numéro, dénonce « l’oubli de l’être », la « fermeture de l’âme » propres à l’idéologie romanesque, laquelle ferait corps avec le monde contemporain, « où tous sont certains de ne plus avoir de certitude[36] », quand il s’attaque à la valorisation unilatérale de la distance critique, de la subversion humoristique et mentionne à pas moins de 16 reprises le nom de Kundera, on peut en effet interpréter cela comme une charge contre les idées et auteurs défendus par plusieurs collaborateurs de L’Inconvénient. Lancé sur cette piste, un lecteur peut aisément trouver, dans l’emploi des termes « ironie », « cynique », dans une expression comme « théologie du roman », et quantité d’autres, sous la plume de plusieurs collaborateurs, bien des marqueurs d’un fossé entre les deux revues.
Cette lecture, non sans fondements, peut mener à une appréhension de ce clivage dans la perspective de la sociologie du champ, et en particulier dans l’optique du « champ des revues », à l’instar des analyses des luttes entre Les Temps modernes, Esprit et La Nouvelle critique opérées par Anna Boschetti[37] ; elle peut aussi bien être saisie dans une perspective historique moins sociologique, comme une opposition relativement « classique » entre groupes littéraires. Un changement majeur se serait ainsi produit depuis le moment où Michel Biron écrivait en 2000 : « Pas de grantécrivain, pas de conflit de génération, pas de Père à tuer : le romancier d’aujourd’hui ne connaît d’autre école du roman que l’École elle-même, où il a étudié la création littéraire[38]. » Ironie de l’histoire, ce serait à l’École elle-même, dans les cours (de création comme de théorie ou d’histoire), que seraient formées ces « écoles ». L’Inconvénient, surtout, paraît correspondre à cette étiquette, avec sa chaîne de maîtres et disciples réunissant plus d’une génération, de François Ricard à Mathieu Bélisle en passant par Isabelle Daunais et Alain Roy, sous la tutelle du « grantécrivain » de l’ambiguïté[39].
Cependant, nonobstant l’emploi d’une notion délicate, sur laquelle je reviendrai (celle d’école), aborder ainsi le débat le rigidifie, surjoue les tensions en négligeant aussi bien les lieux et niveaux de proximité que le sens de l’adversité manifesté par et dans la revue. Car ce fut à fleurons mouchetés que ces passes d’armes eurent lieu, dans un esprit mêlant « devoir de blâmer », ouverture à la pensée discordante et dégoût envers le « bonententisme » ou la politesse « scolaire » de la « jeune génération[40] » (à laquelle, non sans malaise, s’identifient les animateurs de la revue, dont l’âge moyen était de 30 ans, aux alentours de 2005). Sarah Rocheville, du nombre des fondateurs, associait ainsi la « prolifération des nouvelles revues » à la difficulté, voire l’impossibilité, de « rassembler des esprits contraires (et donc contrariés) au sein d’un même projet public[41] ».
Voilà pourquoi dans ce même numéro on peut voir Éric Méchoulan mettre en question le concept même de génération[42], comme dans un numéro antérieur on pouvait lire un article de François Ricard[43], présumé grand prêtre de la chapelle rivale ; voilà pourquoi plusieurs collaborateurs de Contre-jour ont aussi publié dans L’Inconvénient (Jean Bédard, Mélissa Grégoire, François Hébert, Georges Leroux, Jonathan Livernois, Gilles Marcotte, Robert Melançon, Yvon Rivard), et pourquoi on retrouve dans le numéro sur la génération un texte de Mathieu Arsenault[44], qu’on aurait plutôt vu dans Le Quartanier, ou à la rigueur dans Liberté[45]. La présentation du numéro « 30 : manifestes » place significativement le désaccord avant l’union : « nous avons choisi de publier non pas un seul mais bien trente manifestes pour ce trentième numéro. Voici donc des manifestes qui donnent à entendre les dissensions et les communes aspirations que portent les cahiers Contre-jour[46] ».
La revue vise ainsi à être un espace « où le polemos génère de la communauté, c’est-à-dire un respect et une estime des positions contraires[47] », pour reprendre une formule de Méchoulan. Le terme même de communauté revient d’ailleurs fréquemment, dans Contre-jour, sous le double signe du désir et du deuil, de l’espoir et des doutes, dans des syntagmes qui signalent la participation à une collectivité lacunaire, floue, paratopique, et pourtant revendiquée : communauté « dans le manque », « fantomatique », « communauté des ébranlés », des êtres qui s’inquiètent, etc.
Dans la façon de dire la communauté, de la nommer, de la pratiquer, dans l’absence quasi systématique d’énonciation au « nous » pour parler de l’équipe de la revue, Contre-jour ne se présente pas comme une école littéraire. Sa dynamique n’est pas celle des groupes fermés, pourvus de programmes définis et définitifs, qui apparaissent armés de pied en cap sur la scène littéraire, dès le premier numéro, comme Athéna jaillissant de la cuisse de Jupiter ; sa poétique ne se fonde pas sur l’exigence communautaire étudiée par Kaufmann dans sa Poétique des groupes littéraires[48]. Elle ne tombe pas pour autant dans un pur éclectisme, dans un accueil indifférent aux conceptions et pratiques du littéraire, comme peuvent le faire, au même moment, des revues comme Moebius ou XYZ, lesquelles tendent à être des auberges espagnoles esthétiques.
Quelques traits caractérisent en effet la revue, cernent un champ de préoccupations, informent son ton, colorent son rapport aux mots, aux choses, aux noms. Je vais en signaler trois, pour contribuer à approfondir l’étude des revues contemporaines[49], quitte à le faire en vitesse et en glissant d’un niveau de description à l’autre[50]. On observe, en premier lieu, une volonté constante d’articuler la littérature, la création, la pensée et « le monde[51] », dans une dialectique qui est tantôt verticale (la pensée se penchant sur le monde, ce qui est humble, concret, le monde trouvant élévation, aspiration à une transcendance, dans l’art, la poésie surtout)[52], tantôt horizontale (le monde étant alors ce qui s’offre à la vue, au contact, en particulier dans le paysage). Ainsi Fernando Pessoa, à qui est consacré un dossier, n’est plus tant l’écrivain des masques, des expérimentations formalistes, qu’un « sujet littéraire divers mais responsable face au monde[53] », qui cherche à atteindre « la profondeur de l’être[54] ». Objet de pensée, objet du regard, le « monde » est un espace où s’affrontent la conscience et le langage, un cosmos sensible que l’art seul parvient à saisir dans son essence, non pas un lieu d’action, une sphère sociale, divisée, hiérarchisée. Le recours nettement majoritaire à l’expression telle quelle, sans épithète qui viendrait préciser de quel « monde » il s’agit, dévoile ce caractère « holiste » du discours[55]. Le rapport au monde se concrétise en particulier dans un topos, celui de la « sortie dans le monde[56] » (et souvent dans la nuit). Il sert de suture à la fin d’« Une épopée faite de haïkus » entre l’analyse de l’oeuvre de Peter Handke et l’épilogue en italiques : « Fermant le livre, je sors dans la nuit de novembre… et une fraîcheur confuse tombe du haut[57]. » Il sert de finale à la réflexion d’Étienne Beaulieu sur la génération : « [J]e dois couper court à cette méditation, quitter mon seuil, fermer la porte de l’atelier et sortir marcher à l’air libre, dans la faible lumière qui annonce le printemps[58]. » Il sert enfin de titre à la contribution d’Yvon Rivard au numéro de L’Atelier du roman sur « L’improbabilité des revues littéraires » : « Sortir de chez soi », tel est pour lui le rôle des revues[59]. Ce tropisme mène à une image plus forte encore, qui exprime par un caractère excessif le déchirement entre la beauté et la banalité, l’art et le quotidien, le monde de la pensée et le monde tout court, celle de la neige sur une crotte de chien : « La neige tombante, je n’en doute pas, incarne l’idéal d’une poétique absolue : elle donne du silence à ce qu’elle touche, indifféremment, ennoblit une merde de chien […]. Leçon de la neige[60] ! »
Ce topos distingue très nettement Contre-jour de Liberté nouvelle mouture, où le mouvement de sortie hors de l’atelier, hors de la chambre d’écriture n’existe pas, comme si l’énonciateur était toujours déjà dans le monde[61], aussi bien que de L’Inconvénient, où le mouvement essentiel serait plutôt de retrait, de recul. Il s’avère cependant moins caractéristique que le recours massif à l’isotopie de la foi, de la croyance, du sacré, qui informe tout à la fois une conception « auratique » de l’oeuvre d’art et le refus de « distanciation », de cynisme envers l’art comme « le monde ». Un chiffre permettra de mesurer l’importance de ce lexique : le terme « âme » se retrouve à pas moins de 435 occurrences dans les cinq premiers numéros, et dans pas moins de 67 articles (sur 78, ce qui signifie que près de 90 % des textes l’emploient). D’autres termes, pourtant importants, que j’aurais estimé tout aussi présents, à première vue, « beau » et « beauté », ne se rapprochent pas de ce chiffre, même en cumulant leurs occurrences (242 et 50 respectivement[62]). Une formule, très forte, condense à mes yeux la relecture désespérément désirante que Contre-jour accomplit de la littérature (comme de l’art et de la philosophie) : « espérer tout court[63] ». Précisons, pour ne pas gauchir l’approche de la revue, qu’il y a une disposition spirituelle à l’endroit de l’art et du monde, mais pas de discours spécifiquement religieux ou sur la religion. On pourrait dire de Contre-jour ce que le cinéaste Bernard Émond disait de La neuvaine, à savoir qu’elle est « appelé[e] par le sacré[64] ».
On peut souligner, enfin, le sort fait à la nomination, en particulier en ce qui a trait aux noms propres. Ce sont ces derniers, de prime abord, que remarque le lecteur même le moins attentif, tellement ils foisonnent. Les articles d’Étienne Beaulieu, Antoine Boisclair et Jean-François Bourgeault publiés dans le premier numéro de Contre-jour mentionnent respectivement 42, 26 et 17 noms propres différents (certains à plus d’une reprise), ceci en quelque 60 pages. Adorno, Basho, Blanchot, Brault, Broch, Dante, Flaubert, Heidegger, Kant, Kundera, Levinas, Lukacs, Mallarmé, Miron, Nepveu, Novalis, Rimbaud, Sapho, Vadeboncoeur, Valéry : les grands noms du panthéon culturel occidental (sauf pour quelques ouvertures du côté de l’Orient) semblent se bousculer dans ces pages, sans qu’on puisse voir de manière claire quels critères ont présidé à leur sélection. Car, à l’exception de Kundera, ces noms-oeuvres ne sont pas bousculés, bien au contraire. Il y a bien, ici, une prédilection marquée pour les philosophes, qui n’ont sans doute jamais été sollicités aussi systématiquement, au Québec, depuis les beaux jours de l’existentialisme sartrien (à Parti pris, entre autres) ou ceux du néo-thomisme de Jacques Maritain (si important pour les écrivains de La Relève), mais leur sollicitation ne s’inscrit pas dans le cadre d’une filiation univoque, caractéristique des écoles, littéraires ou philosophiques. De même, l’extrême ouverture de l’horizon de références, leur remarquable variété est caractéristique de Contre-jour, toutefois on peut y voir, porté à un niveau supérieur, un même renversement du rapport à l’héritage, au canon, qu’à Liberté et qu’à L’Inconvénient. Tous, dans ces revues, sont des héritiers, chargés d’une mémoire culturelle précieuse (les éléments du legs intellectuel et le sort qui lui est fait diffèrent grandement, cependant, d’une revue à l’autre).
La célébration des noms propres, à Contre-jour, ne tient pas qu’à la mise en valeur d’un héritage (et de la maîtrise intellectuelle de l’héritier), mais s’inscrit dans un rapport amoureux, orphique au langage, aux idées. Antoine Boisclair, dans « La pesanteur et la grâce du nom propre », déclare ainsi : « les mots ont un pouvoir, une force. » De là découle, pour lui, l’intérêt des mythes, car ils mettent en scène une « parole qui nomme les choses pour une première fois ». L’écriture, la vraie, celle propre à la poésie, mène à une présence accrue au monde (et non à une distanciation cynique, « démoniaque », comme le roman) : « la parole poétique semble depuis toujours indissociable de la nomination, et plus précisément du nom propre […] : Amour, Désir, Sagesse, mais aussi Béatrice, Laure, Délie et tant d’autres personnifications constituent les fondements de la parole “essentielle” lorsqu’elle cherche à accroître une présence ou à dévoiler l’existence du monde[65] ». Ceci éclaire la nostalgie des substantifs pourvus de majuscules, la célébration du chant, la tendance au vocatif, propres à de nombreux textes de Contre-jour, qui manifestent, sous la lecture philosophique de la poésie, un désir de poétiser la pensée et le monde, ceci dans une « aspiration vers les hauteurs[66] ».
Ces quelques traits, loin d’être exhaustifs, dévoilent la conjonction, à Contre-jour, d’une conception littéraire sacralisante (mais souvent ombrée de doute, effrangée d’angoisse) et d’une exigence de confrontation au monde, dans une visée dialectique qui s’appuie, entre autres, sur Adorno, Patočka et Rancière, et vise à refonder une communauté fervente, dans une scénographie du contact, de la présence. Cette communauté n’est pas, dans les textes, celle de l’équipe, elle ne projette pas une extension utopique entre le noyau dur du groupe et une collectivité englobante ; néanmoins, il y a, à Contre-jour, un imaginaire, un discours, un ethos spécifiques, qui circonscrivent un espace d’écriture distinct et produisent une identité publique, collective.
Comment dès lors nommer, décrire ce qui se manifeste, avec Contre-jour, quelle catégorie employer pour rendre compte de cet aspect de l’histoire littéraire, si les termes d’école, de groupe, et a fortiori, d’avant-garde s’avèrent de mauvaise méthode ? Telle est la question cruciale, peut-être, que l’examen des revues pose à l’histoire du contemporain comme à l’histoire littéraire en général. Il convient, ici, de souligner la nécessité de pousser plus loin la précision théorique des outils de l’histoire littéraire, entreprise entre autres par Alain Vaillant[67], pour établir sur des bases historiques et théoriques solides les distinctions entre les formes de « collectivités » littéraires, en tenant compte aussi bien des dimensions esthétiques (ou conceptuelles) et poétiques que discursives et sociologiques. Car, le cas de Contre-jour, loin d’être unique, me paraît être caractéristique d’un grand nombre de revues québécoises : celui de Liberté, entre autres, celle des dernières années comme celle des années 1980 ou celle des années 1960, qui signalait dans son premier numéro ne pas être « l’organe d’un groupe fermé » mais « au contraire […] ouverte à tous ceux qui ont quelque chose à dire[68] », formule on ne peut plus oecuménique. De même, la revue Situations, fondée elle aussi en 1959, proclame qu’elle « restera libre et indépendante de tous les groupes politiques et littéraires[69] ».
On trouverait quantité d’autres exemples de revues, au Québec comme en France, tout au long du xxe siècle, dont l’équipe refuse en quelque sorte de devenir un groupe au sens fort, d’afficher un programme excluant, d’emblée, des collaborateurs éventuels, mais qui définit néanmoins, de numéro en numéro, un territoire spécifique, dans la sphère littéraire ou intellectuelle. On pourrait inclure, dans cette catégorie, des revues comme Le Mercure de France, La Nouvelle Revue française et Les Lettres nouvelles. Entre l’ouverture maximale, sur les plans esthétique et social, de la forme « réseau » et la fermeture caractéristique des écoles, fermeture qui atteint son degré maximal avec les avant-gardes, une zone intermédiaire demande à être mieux explorée. Pour cerner les « agrégats de solidarité » qu’on y trouve, je reprendrai à Jacqueline Pluet-Despatins le terme de « groupement », qui signale le caractère dynamique, instable, de la « réunion d’éléments[70] », ainsi que la volonté fédératrice.
Cette distinction serait particulièrement utile pour l’examen de la littérature contemporaine, mais aussi pour la relecture de l’histoire littéraire française ou québécoise du xxe siècle (je laisserai les dix-neuviémistes trancher la question, pour les corpus qui les concernent), car, en permettant de repenser la relation entre groupes et revues, à partir de la disjonction opérée par la période contemporaine, il serait possible de mettre en évidence un type de communauté littéraire et de publication périodique, celui de la « revue-groupement », qui n’a pas été emporté par le reflux des avant-gardes mais au contraire émerge avec plus de netteté. Une telle piste de recherche invite en quelque sorte les historiens de la littérature à réexaminer sous cet angle le vaste corpus des revues qui ont été ignorées parce qu’elles n’ont pas produit d’écoles ou qu’on a pourvu sans examen véritable d’un « groupe » littéraire, parce qu’elles se sont affublées d’un « isme » quelconque, malgré leur éclectisme. Inversement, cette piste invite les critiques du contemporain à combler le décalage entre l’importance quantitative (et, fort probablement, qualitative) des revues dans la vie littéraire et leur absence quasi systématique dans les études sur la littérature contemporaine. À côté et en relation avec une étude du contemporain essentiellement axée sur les livres, un examen de la littérature « qui se fait » dans d’autres mediums offrirait sans doute un regard différent, qui ne serait pas nécessairement conforme avec l’idée de l’atomisation absolue, de la dissolution irréversible des collectifs littéraires.
Parties annexes
Note biographique
Michel Lacroix est professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). Il fait partie du collectif de rédaction de La vie littéraire au Québec, dont le sixième tome est paru en 2010 (« Le nationaliste, l’individualiste et le marchand, 1919-1933 », Presses de l’Université Laval). Il poursuit des recherches sur les relations franco-québécoises, les sociabilités intellectuelles et les représentations de la vie littéraire.
Notes
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[1]
Ces chroniques, écrites et publiées en espagnol, n’ont été publiées en français qu’en 2003 : Valery Larbaud, Du navire d’argent, éd. Anne Chevalier, trad. de Martine et Bernard Fouques, Paris, Gallimard, 2003.
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[2]
Pierre Brunel, « Paul Claudel, Valery Larbaud et les problèmes de la traduction », dans Jean Bessière et Jacques Darras (dir.), Valery Larbaud. La prose du monde, Paris, Presses universitaires de France, 1981, p. 163-175 ; Jeanyves Guérin, « Portrait de l’artiste en passeur », dans Louise Bénat Tachot et Serge Gruzinski (dir.), Passeurs culturels et mécanismes de métissage, Paris, Maison des sciences de l’homme, 2001, p. 97-110 ; Françoise Lioure (dir.), De la traduction : sur les chemins de Saint-Jérôme, Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 1998 ; Georges May, « Valery Larbaud : Translator and Scholar », Yale French Studies, no 6, 1950, p. 83-90 ; Mathilde Pomes, « Valery Larbaud et les écrivains d’Amérique latine », La Nouvelle Revue des deux mondes, no 4, 15 février 1967, p. 521-523.
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[3]
Selon les précisions données par Anne Chevalier, cette campagne, qui fut « [d]éclenchée par Fernand Vandérem, en août-septembre-octobre 1922 dans La Revue de France », suscita une intense polémique dans les journaux et revues, et « aboutit à un débat parlementaire en décembre 1922 » (Valery Larbaud, Du navire d’argent, ouvr. cité, p. 55).
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[4]
Valery Larbaud, « Les manuels d’histoire littéraire (Vandérem, etc.) », Du navire d’argent, ouvr. cité, p. 45. Désormais, les références à cette partie de l’ouvrage seront indiquées par le sigle MHL, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.
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[5]
Expression que Larbaud semble envier à Lanson, tant elle désigne cela même qu’il a à coeur de découvrir, de mettre en valeur ; il s’en sert ainsi à plusieurs reprises dans les chroniques envoyées à La Nación.
-
[6]
Notons, en particulier, celui qui réagit à Vandérem : Albert Thibaudet, « Les trois critiques », La Nouvelle Revue française, 1er décembre 1922, repris dans Réflexions sur la critique [3e édition], Paris, Gallimard, 1939, p. 125-144 (Thibaudet a aussi publié une Physiologie de la critique en 1931, aux Éditions de la Nouvelle Critique). Ce conflit s’inscrit dans la longue tradition des tensions entre l’univers des doctes et des écrivains, dont Alain Viala a analysé la genèse au xviie siècle (La naissance des écrivains. Sociologie de la vie littéraire à l’époque classique, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1985) ; cependant, des mutations significatives du rapport de force s’esquissent, au cours de l’entre-deux-guerres, entre autres sous la poussée des effectifs dans l’éducation supérieure. Or, comme le souligne Anna Boschetti, le succès de La Nouvelle Revue française tient en partie au recrutement d’abonnés dans le public élargi des professeurs et étudiants des lycées et universités (« Légitimité littéraire et stratégies éditoriales », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l’édition française, t. iv Le livre concurrencé, 1900-1950, Paris, Fayard/Cercle de la Librairie, 1991, p. 526-529).
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[7]
Ainsi Anne Chevalier écrit-elle, à ce sujet : « Il est clair que Larbaud […] reste lesté par une formation universitaire qu’il respecte trop pour s’octroyer une totale liberté » (« Introduction », Du navire d’argent, ouvr. cité, p. 15). La NRF a par ailleurs regroupé plusieurs écrivains portés sur la réflexivité littéraire et la pratique de l’essai, ce qui les a parfois menés du côté de la théorisation. Le cas de Valéry et de ses cours de poétique au Collège de France est le plus connu, mais la réflexion de Paulhan sur la terreur et la rhétorique va dans ce sens, tout comme les esquisses narratologiques développées par Léon Bopp, disciple de Thibaudet, dans les traités et les romans (Esquisse d’un traité du roman, Paris, Gallimard, 1935 et Jacques Arnaut ou la somme romanesque, Paris, Gallimard, 1933).
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[8]
Publié en espagnol sous le titre « Recuerdos de un conferenciante », ce texte a été repris, en français, sous le titre « Les revues littéraires », Du navire d’argent, ouvr. cité, p. 87-102. Désormais, les références à cette partie de l’ouvrage seront indiquées par le sigle RL, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. Notons qu’une dizaine d’années plus tôt, dans une chronique semblable, publiée dans The New Weekly de Londres, Larbaud soulignait de même l’intérêt des revues pour répondre à la question « que se pose tout étranger intelligent », à savoir, où trouver « la meilleure littérature contemporaine ». « Voici la réponse, écrit-il : dans les revues “jeunes” » (Valery Larbaud, Lettres de Paris pour le New Weekly (mars-août 1914), éd. Anne Chevalier, trad. de Jean-Louis Chevalier, Paris, Gallimard, 2001, p. 51-52).
-
[9]
« En flagrant délit » : Larbaud utilise à dessein l’expression qu’il attribue à l’italien, plutôt qu’au latin.
-
[10]
Les catalogues de Roméo Arbour (Les revues littéraires éphémères paraissant à Paris entre 1900 et 1914. Répertoire descriptif, Paris, José Corti, 1956) et de Richard Admussen (Les petites revues littéraires 1914-1939 : répertoire descriptif, Paris, Nizet, 1970) allaient dans cette direction, mais il faudra attendre la publication du Dictionnaire des revues littéraires au xxe siècle (Paris, Honoré Champion, à paraître), dirigé par Bruno Curatolo, pour que le voeu de Larbaud se trouve partiellement exaucé.
-
[11]
J’ai tenté d’en donner une indication dans « Sociopoétique des revues et l’invention collective des petits genres : lieu commun, ironie et saugrenu au Nigog, au Quartanier et à La Nouvelle Revue française », Mémoires du livre/Studies in Book Culture [En ligne], vol. 4, no 1, automne 2012, URL : http://id.erudit.org/iderudit/1013328ar.
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[12]
Fernand Divoire, Stratégie littéraire [éd. augmentée], préface de Charlotte Rabette, Paris, La Tradition de l’intelligence, 1928, p. 24.
-
[13]
Jacques Dubois, « Instances de production, instances de légitimation », L’institution de la littérature [1978], préface de Jean-Pierre Bertrand, Bruxelles, Espace Nord, coll. « Références », 2005, p. 121-152.
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[14]
« [L]’âge moyen de proposition du premier texte à une revue est de 31,7 ans ; l’âge moyen de publication du premier texte, de 33,5 ans. […] Les enquêtés ont en moyenne soumis leur premier livre à un éditeur avant l’âge charnière de 40 ans (36,6 ans) et l’âge moyen de publication du premier livre est de 40,7 ans » (Bernard Lahire, La condition littéraire. La double vie des écrivains, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/Laboratoire des sciences sociales », 2006, p. 183 ; Lahire souligne).
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[15]
« Cette publication en revue — qui constitue pour 86,2 % d’entre eux une entrée dans le jeu littéraire — est beaucoup plus fréquente chez les écrivains […] les plus reconnus » (Bernard Lahire, La condition littéraire, ouvr. cité, p. 183). Le tableau 68 détaille l’écart, très grand, entre les enquêtés pourvus d’une reconnaissance littéraire nationale très faible, dont 32 % seulement ont publié en revue, et ceux jouissant d’une très forte reconnaissance littéraire nationale, dont 75,2 % ont publié dans une revue (Bernard Lahire, La condition littéraire, ouvr. cité, p. 590).
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[16]
Michel Pierssens, « Le temps des groupes », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 102, no 5, 2002, p. 789-797. Précisons que Pierssens, dans cet article, aborde tout à la fois l’idée d’une « phase » de l’histoire littéraire, marquée par la dynamique des groupes, et celle d’une temporalité spécifique, propre aux groupes.
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[17]
Affirmée avec force par Anna Boschetti : « Dans une organisation du champ où ne comptent que des groupes, identifiés par des revues, celles-ci sont la réalité par rapport à laquelle se définit la position des [Temps modernes] » (Sartre et Les Temps modernes : une entreprise intellectuelle, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1985, p. 185). Il faut signaler, par ailleurs, que la logique du « groupement » propre aux revues (Jacqueline Pluet-Despatins, « Une contribution à l’histoire des intellectuels : les revues », Cahiers de l’IHTP, no 20, 1992, p. 125-136) offre une catégorisation déjà effectuée, un artefact historique parfait à la disposition méthodologique de l’histoire littéraire aux « regroupements », classements, catégorisations, etc. : je renvoie ici aux « opérations principales » distinguées par Gustave Lanson dans « La méthode de l’histoire littéraire » qui, écrivait-il, « consistent à connaître les textes littéraires, à les comparer pour distinguer l’individuel du collectif, […] à les grouper par genres, écoles et mouvements » (dans Essais de méthode de critique et d’histoire littéraire, éd. Henri Peyre, Paris, Hachette, 1965, p. 43. Je souligne).
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[18]
Selon l’expression qui sert de titre à la sixième livraison de la revue LHT (LHT [En ligne], no 6 (Tombeaux de la littérature), mis en ligne le 10 juin 2009, URL : http://www.fabula.org/lht/6/).
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[19]
Dominique Viart, « Le moment critique de la littérature », dans Bruno Blanckeman et Jean-Christophe Millois (dir.), Le roman français aujourd’hui : transformations, perceptions, mythologies, Paris, Prétexte, coll. « Critique », 2004, p. 11-36.
-
[20]
Lakis Proguidis, « Une décennie romanesque », dans Michel Braudeau, Lakis Proguidis, Jean-Pierre Salgas et Dominique Viart, Le roman français contemporain, Paris, Ministère des Affaires étrangères, 2002, p. 53. Les formulations semblables abondent ; en voici deux : « aucune école ou aucun groupe ne domine l’univers romanesque, et […] aucun mouvement n’impose profondément sa marque sur la scène littéraire » (Barbara Havercroft, Pascal Michelucci et Pascal Riendeau, « Frontières du roman. Limites du romanesque. Introduction », dans Barbara Havercroft, Pascal Michelucci et Pascal Riendeau (dir.), Le roman français de l’extrême contemporain. Écritures, engagements, énonciations, Québec, Nota bene, 2010, p. 7) ; ceci vaut aussi pour la poésie où, désormais, il n’y a plus d’écoles mais « une multitude de pratiques poétiques qui ouvrent bien des espaces de voix et d’interprétation » (« Note de l’éditeur », dans Lionel Destremau et Emmanuel Laugier (dir.), Pluralités du poème. Huit études sur la poésie contemporaine, Paris, Prétexte, coll. « Critique », vol. 2, 2003, p. 8). Deux groupes, toutefois, émergent de ce paysage atomisé, celui des « nouveau nouveaux romanciers » des Éditions de Minuit et celui de la « Nouvelle Fiction » ; de même, un mouvement se dessine autour du « néo-lyrisme », en poésie, mais cela est plus souvent qu’autrement présenté avec force guillemets, signalant que les étiquettes collectives ne se manipulent plus qu’avec réticence.
-
[21]
Thierry Bissonnette (« Des langues qui se refusent à être contemporaines », dans René Audet (dir.), Enjeux du contemporain : études sur la littérature actuelle, Québec, Nota bene, 2009, p. 129-142) est un des rares qui soulignent le rôle des revues et des maisons d’édition dans l’émergence de « noyaux ou agrégats de solidarité », et distingue la revue Contre-jour et celle du Quartanier, « la première valorisant une intention ontologique à rebours du nihilisme postmoderne, la seconde se tournant spécialement vers une expérimentation déconstructrice à portée polémique » (p. 137). Mentionnons aussi l’article de François Dumont, « Un nouveau conflit de références. Trois revues littéraires québécoises contemporaines : Liberté, L’Inconvénient et Contre-jour », Cahiers de l’association internationale d’études françaises, n° 58, 2006, p. 191-204.
-
[22]
Le décompte est basé sur la liste des fondations de revues établie par Andrée Fortin, dans Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues [1993], Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, p. 420-421 (ce total inclut les revues classées par Fortin comme intellectuelles, littéraires ou artistiques).
-
[23]
Isabelle Daunais, « Des revues sans début », L’Atelier du roman, no 38 (L’improbabilité des revues littéraires), juin 2004, p. 47.
-
[24]
Jean-Charles Geslot et Julien Hage, dans une enquête méthodologique fine, dénombrent pas moins de 1278 revues publiées en 1908 (« Recenser les revues », dans Jacqueline Pluet-Despatins, Jean-Yves Mollier et Michel Leymarie (dir.), La Belle époque des revues, 1880-1914, Paris, Éditions de l’IMEC, coll. « Octavo », 2002, p. 29-42.) Ce chiffre regroupe tous les types de périodiques de plus de 30 pages (y compris les bulletins paroissiaux). Cependant, ceci confirme l’enquête de Roméo Arbour qui recense des dizaines de petites revues littéraires éphémères, auxquelles il faut ajouter toutes celles qui ne furent pas « éphémères », selon le critère d’Arbour (moins de cinq ans).
-
[25]
En 2012-2013, 20 025 $ ont été versés à L’Inconvénient par le Conseil des arts et des lettres du Québec dans le cadre du financement des périodiques culturels (Contre-jour et Liberté, autres revues abordées ici, ont reçu respectivement 7 500 $ et 43 500 $ du même organisme). En 2011, L’Inconvénient s’était vu octroyer 26 600 $ par le Conseil des arts du Canada (ni Contre-jour ni Liberté ne bénéficièrent de subvention du Conseil des arts du Canada, cette année-là).
-
[26]
Isabelle Daunais, « Des revues sans début », art. cité, p. 47.
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[27]
« [O]n a l’impression qu’ils ne veulent pas tant prendre la parole que créer un dispositif permettant la prise de parole » ; « [l]e pluralisme qu’ils souhaitent [les fondateurs] ne conduit pas les revues à se situer les unes par rapport aux autres » ; « [l]e pluralisme visé demeure abstrait » ; « ce qu’ils proposent sur le fond est plutôt flou » (Andrée Fortin, Passage de la modernité, ouvr. cité, p. 395, p. 396 et p. 404).
-
[28]
Pas de manifeste ou d’éditorial en ce sens qu’il n’y a pas de texte liminaire, signé par un collectif de rédacteurs ou informé par une énonciation au « nous », indiquant les objectifs ou les positions de la revue. La position de l’article d’Étienne Beaulieu, « Croire à ce monde-ci : essai sur l’ouverture de l’âme », en tête de la revue, de pair avec le discours sur la littérature qu’il propose, invite en quelque sorte à y voir un « texte d’orientation », dont la portée engage les autres membres de la revue. Telle est la lecture qu’en propose François Dumont (« Un nouveau conflit de références », art. cité, p. 197). Le numéro publié à l’occasion du dixième anniversaire de la revue laisse entrevoir un autre récit, celui de l’« impossibilité d’en arriver à un texte commun » (Étienne Beaulieu, « Dix années à Contre-jour », Contre-jour, no 30, été 2013, p. 10). Sous le titre « 30 : manifestes », ce numéro exhume des archives de la revue l’esquisse de liminaire prévu pour le tout premier numéro, texte à propos duquel l’entente n’aurait pas été possible. Bien que regroupés sous le signe du manifeste, les 30 articles du numéro anniversaire n’adoptent guère les traits majeurs du genre, allant même jusqu’à thématiser leur méfiance face à la « démangeaison ultramanifestaire » (Jean-François Bourgeault, « Épître du bananier », Contre-jour, no 30, été 2013, p. 15), quand ils n’en offrent pas une réécriture distanciée, fortement teintée d’ironie, comme pour Catherine Mavrikakis (« Manifeste toc toc contre le tic tac du présent », Contre-jour, no 30, été 2013, p. 31-34).
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[29]
Martine-Emmanuelle Lapointe, « Un récit, quel récit ? », Spirale, no 214, 2007, p. 34.
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[30]
Au cours de l’année 2006, une nouvelle équipe prend la direction de la revue, composée de Pierre Lefebvre, Olivier Kemeid et Robert Richard, auxquels se joindront plus tard Jean-Philippe Warren et Évelyne de la Chenelière.
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[31]
Fondée en 1959, la revue eut, parmi ses animateurs et collaborateurs, quelques-uns des plus importants écrivains des années 1960, 1970 et 1980, dont Hubert Aquin, André Belleau, Jacques Brault, Jacques Godbout, Gaston Miron, Fernand Ouellette, François Ricard et Yvon Rivard, même si sa position plus audacieuse et radicale, du début des années 1960, fut progressivement délaissée, pour l’amener à résister, tout à la fois, aux avant-gardes, à la culture de masse et aux institutions médiatico-culturelles. Outre l’anthologie des essais de Liberté, proposée par la nouvelle équipe (Olivier Kemeid, Pierre Lefebvre et Robert Richard (dir.), Anthologie Liberté, 1959-2009. L’écrivain dans la Cité. 50 ans d’essai, Montréal, Le Quartanier, 2011), voir, au sujet de cette revue : Robert Dion, L’Allemagne de Liberté. Sur la germanophilie des intellectuels québécois, Ottawa/Würzbourg, Les Presses de l’Université d’Ottawa/Könighausen & Neumann, 2007 ; Michèle Ducrocq-Poirier (dir.), La revue Liberté, Montréal, l’Hexagone, 1990 ; Laurent Mailhot, « L’action de Liberté », Ouvrir le livre, Montréal, l’Hexagone, 1992, p. 225-237 ; Jean-Louis Major, « Liberté, l’écriture et le pays », Le jeu en étoile. Études et essais, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1978, p. 155-167.
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[32]
Étienne Beaulieu, « Croire à ce monde-ci », art. cité, p. 33. On trouve de nombreuses occurrences du terme dans Liberté, souvent au sein de déclarations indiquant que la « Grande Noirceur » du régime Duplessis, combattue par l’équipe fondatrice de Liberté, s’est métamorphosée en nouvelle noirceur culturelle dans le Québec contemporain. Un exemple révélateur : « nous ne sommes pas […] convaincus que la noirceur, grande ou petite, soit définitivement dernière nous » (Le comité de rédaction, « Assoiffés de sens », Liberté, no 273, 2006, p. 3).
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[33]
Membres de l’équipe de fondation et collaborateurs réguliers des premiers numéros, ils étaient tous trois doctorants au Département de langue et littérature françaises de McGill lors de la parution du premier numéro. D’autres collaborateurs y ont étudié, soit à la maîtrise, soit au doctorat, mais Contre-jour n’est pas une revue exclusivement mcgillienne, ni même strictement universitaire (du point de vue du statut « professionnel »).
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[34]
François Hébert, « Circa 1980 », Liberté, no 285, septembre 2009, p. 92.
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[35]
François Dumont souligne l’opposition entre l’attachement au roman, à L’Inconvénient, et la prédilection pour la poésie, à Contre-jour (« Un nouveau conflit de références », art. cité, p. 197).
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[36]
Étienne Beaulieu, « Croire à ce monde-ci », art. cité, p. 18.
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[37]
Anna Boschetti, Sartre et Les Temps modernes, ouvr. cité.
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[38]
Michel Biron, « Lettre à un étudiant », Voix et Images, no 75, 2000, p. 583.
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[39]
Il est vrai que Biron traitait du cas des romanciers, là où, dans le clivage entre Contre-jour et L’Inconvénient, ce sont surtout les essayistes qui entreprennent une relecture des héritages, une réévaluation de la leçon des maîtres. Tous, cependant, pratiquent l’essai en marge, sinon en tournant le dos à l’université, c’est-à-dire aux traits associés aux articles de revues dites « scientifiques ». De plus, Contre-jour publie aussi nombre de poèmes et récits, où l’on retrouve, bien souvent, la confrontation au monde, l’appel à la transcendance, développés dans les essais.
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[40]
Sarah Rocheville, « Limites de la convivialité », Contre-jour, no 5, printemps 2005, p. 58.
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[41]
Sarah Rocheville, « Limites de la convivialité », art. cité, p. 58.
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[42]
Éric Méchoulan, « De l’inutilité contemporaine de la génération », Contre-jour, no 6, printemps 2005, p. 87-94.
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[43]
François Ricard, « Expérience de poésie commune », Contre-jour, no 4, été 2004, p. 151-166.
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[44]
Mathieu Arsenault, « Critique, cowboy cynique ! », Contre-jour, no 6, printemps 2005, p. 61-73.
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[45]
Le grand intérêt prêté par Arsenault, dans son article (et ailleurs) à la culture populaire, la déconstruction cynique des jeux institutionnels (il a fondé une Académie de la vie littéraire au tournant du xxie siècle) ainsi que l’humour volontairement potache des créations « para-littéraires » de son avatar Doctorak Go !, dont les « T-shirts » « Platon Mont-Royal » ou « Rien comprendre à Lacan », ne cadrent guère avec l’ethos résolument grave et fervent qui domine chez Contre-jour.
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[46]
Étienne Beaulieu, « Dix années à Contre-jour », art. cité, p. 11.
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[47]
Éric Méchoulan, « La guerre dans un jardin ancien : compte rendu d’une polémique », Contre-jour, no 2, automne 2003, p. 81. À cet égard, je formulerais une réserve à l’endroit de l’analyse de Dumont, qui juge que Contre-jour, L’Inconvénient et Liberté sont trois revues sans débats, sans divisions internes. Sans être éclatée, sans juxtaposer des positions ou esthétiques nettement divergentes, Contre-jour ne me semble pas entièrement réductible à un discours, à un programme philosophique, politique ou littéraire. D’où l’absence de déclaration liminaire, d’où la recherche de dissensus.
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[48]
Vincent Kaufman, Poétique des groupes littéraires, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Écriture », 1997. En bonne théorie, il faudrait distinguer ici entre les « écoles », qui adoptent un programme esthétique collectif, précis et explicite, tout en fonctionnant dans le cadre même de l’institution littéraire, des « avant-gardes », qui adoptent elles aussi des programmes spécifiques, mais en s’attaquant à l’idée même d’institution (Peter Bürger, Theory of the Avant-garde [1974], préface de Jonathan Schulte-Sasse, Manchester, University of Manchester Press, 1984). Toutefois, dans le cadre qui est ici le mien, écoles et avant-gardes se rejoignent dans la corrélation entre groupe et programme, la clôture de l’un correspondant à la clôture de l’autre. Pour l’école comme pour l’avant-garde, l’unité prime dans les conceptions esthétiques et dans l’appartenance au groupe.
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[49]
On pourra consulter sur le sujet les articles réunis dans le numéro « Les revues culturelles au Québec » de Globe, et tout particulièrement l’article suivant, qui esquisse une topographie des revues intellectuelles québécoises entre 2003 et 2008 (revues littéraires non comprises) : Laurence Bernier-Renaud, Jean-Pierre Couture et Jean-Charles St-Louis, « Le réseau des revues d’idées au Québec : esquisse d’une recherche en cours », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. 14, no 2, 2011, p. 59-84.
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[50]
Mes analyses portent surtout sur les cinq premiers numéros (surtout pour ce qui est des indications quantitatives). Toutefois, je n’ai pas observé de tournant majeur, dans les numéros qui ont suivi.
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[51]
L’expression (« le monde ») revient à plus de 205 reprises, dans 43 articles différents des 5 premiers numéros (sur 78 textes, au total). Noter, en comparaison, que « le réel » ne revient qu’à 53 reprises toutes concentrées sur 13 articles.
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[52]
« L’élévation survient par le rapprochement du plus bas » (Étienne Beaulieu, « Se pencher sur la terre obscure », Contre-jour, no 4, été 2004, p. 140).
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[53]
« Envisager Fernando Pessoa », Contre-jour, no 5, hiver 2004, p. 73.
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[54]
Antoine Boisclair, « Le regard d’Estève », Contre-jour, n° 5, hiver 2004, p. 77.
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[55]
Lequel manifeste un extrême désir de « réunification de la vie » (Rémy Gagnon, « Nuktoshêmera (la nuit et le jour) : essai sur la pensée du sens chez Jan Patočka », Contre-jour, no 2, automne 2003, p. 118) ; l’insistance sur les mythes, les cosmogonies, n’est pas étrangère à cette forte réaction au « désenchantement de la vie » dont parlait Max Weber.
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[56]
Le « tournant vers le dehors » (« Croire à ce monde-ci », art. cité, p. 39) est une formule équivalente, qui exprime un même désir de tourner le dos à la fois au formalisme, à l’intimisme et à la « fermeture de l’âme » attribuée à la lignée kundérienne, pour « envisager » le monde, au sens fort du terme (connotations lévinassiennes comprises).
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[57]
Jean-François Bourgeault, « Une épopée faite de haïkus », Contre-jour, no 1, printemps 2003, p. 84-85.
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[58]
Étienne Beaulieu, « Au seuil de l’atelier », Contre-jour, no 6, printemps 2005, p. 81.
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[59]
Yvon Rivard, « Sortir de chez soi », L’Atelier du roman, no 38 (L’improbabilité des revues littéraires), juin 2004, p. 35-39 : « Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à écrire pour une revue ou à en faire partie ? Deux choses me viennent à l’esprit, qui au fond se rejoignent et n’en font qu’une : le désir de sortir de chez soi, le désir d’agir » (p. 36).
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[60]
Jean-François Bourgeault, « Une épopée faite de haïkus », art. cité, p. 86.
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[61]
Cela les distingue aussi de la configuration imaginaire des tout premiers numéros de Liberté, informés par les scènes de flânerie, d’errance dans les rues de la ville (Montréal).
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[62]
« Poésie » et « poète » ont pour leur part 280 et 219 emplois. « Roman » en a 186, mais « romancier » 7 seulement, ce qui confirme en quelque sorte les remarques de Dumont. Il y a bien une rivalité entre la poésie et le roman, mais le romancier, comme acteur spécifique du monde intellectuel n’existe guère (« écrivain » a 25 occurrences, « philosophe » 29, « intellectuel » 3).
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[63]
Étienne Beaulieu, « Croire à ce monde-ci », art. cité, p. 39.
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[64]
Frédérique Bernier et Étienne Beaulieu, « Sortir du Cyclorama : entretien avec Bernard Émond autour du film La neuvaine », Contre-jour, no 8, hiver 2005, p. 254. Il y aurait une exploration plus poussée à entreprendre sur la proximité entre la relecture des vertus théologales entreprise par Émond dans ses plus récents films, l’inflexion « présocratique » d’Yvon Rivard, qui fait ressurgir dans l’essai littéraire les « grandes questions » du Bien et du Bonheur (et de l’âme), ainsi que l’ouverture d’un courant de la gauche québécoise aux préoccupations éthiques, voire spirituelles, comme on peut le voir, par exemple, dans le premier numéro de Nouveau projet (printemps 2012).
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[65]
Antoine Boisclair, « La pesanteur et la grâce du nom propre », Contre-jour, no 4, été 2004, p. 123.
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[66]
Antoine Boisclair, « La pesanteur et la grâce du nom propre », art. cité, p. 138.
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[67]
Alain Vaillant, L’histoire littéraire, Paris, Armand Colin, coll. « U », 2010.
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[68]
« Présentation », Liberté, vol. 1, no 1, janvier-février 1959, p. 1.
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[69]
Encart placé dans le numéro 3, mars 1959.
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[70]
Jacqueline Pluet-Despatins, « Une contribution à l’histoire des intellectuels », art. cité, p. 126.