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1. Introduction

Au cours des campagnes de forage, on a constaté que la décision d’arrêt de foration n’est pas rationalisée. Certains forages sont précocement arrêtés dès l’obtention du débit escompté. En revanche, d’autres sont prolongés jusqu’au métré maximum défini dans les clauses techniques du projet, surtout lorsque le résultat du sondage est négatif. Ainsi, dans les bases de données des campagnes de forages, les profondeurs les plus grandes sont en général celles des forages négatifs. Or, selon l’environnement géologique et hydrogéologique, il existe une profondeur au-delà de laquelle les chances de trouver un horizon aquifère s’amenuisent, notamment au sein des roches de socle altérées, du fait de la diminution de la fréquence puis de la disparition des fissures perméables (Dewandelet al., 2006). En continuant un forage dans de tels cas, on crée un surcreusement inutile (Biemi, 1992; Savane; 1997; Soro, 1987). Dewandelet al. (2006) montrent en effet que l’essentiel de la perméabilité des aquifères de socle provient de la partie inférieure du profil d’altération, l’horizon fissuré stratiforme qui est situé sous les altérites meubles (lorsque celles-ci n’ont pas été érodées). L’épaisseur de l’horizon fissuré peut atteindre plusieurs dizaines de mètres.

Si l’on cumule, pour chaque campagne de forage, les différents métrés considérés comme inutiles, on aboutit en moyenne à des dizaines de kilomètres. Et, comme le mètre linéaire est très coûteux, on peut estimer les dépenses inutiles à plusieurs millions de francs CFA. Cette situation peut s’expliquer par l’absence d’appui scientifique rationnel susceptible de prévoir la profondeur d’arrêt d’un ouvrage (Gombert, 1992).

C’est dans l’optique de palier les insuffisances ci-dessus évoquées que cette étude tire son essence. Elle vise deux objectifs. Il s’agit, d’une part, de concevoir une équation pour optimiser la profondeur des forages et, d’autre part, d’accroître, dans la mesure du possible, le nombre d’ouvrages à réaliser sans incidence financière sur l’enveloppe budgétaire.

2. Matériel et méthodes

L’optimisation de la profondeur des forages consiste à déterminer la profondeur la plus correcte possible pour arrêter la phase de foration, en tenant compte des caractéristiques des aquifères. Elle répond à un besoin d’efficacité et de rationalisation des décisions sur le chantier.

L’étude est basée sur des moyens mathématiques et consiste à déterminer les facteurs mesurables ou calculables qui sont en rapport avec la productivité d’un ouvrage en cours d’exécution. Cela permet, à terme, de construire des équations susceptibles de régir les décisions.

Pour ce faire, les forages étudiés sont en majorité les plus récents de la région du Denguélé. Ils sont issus de l’exécution de la première phase du projet financé par la Banque Arabe de Développement en Afrique (BADEA). Le suivi de centaines de forages nous a permis de recueillir des données nécessaires à la réalisation de cette étude dans la région du Denguélé.

Cette région se situe au nord-ouest de la Côte d’Ivoire (Figure 1). Elle présente une morphologie dominée par une pénéplaine incisée par quelques vallées. L’altitude des sommets varie entre 600 et 900 mètres. On y note localement la présence de plateaux cuirassés. La géologie de cette région de socle est variée avec la présence de roches métamorphiques (schistes, gneiss, métavolcanites, etc.) et de roches magmatiques dominées par les granitoïdes (granite à biotite, granite à deux micas, granodiorite, etc.). Les altérites meubles ont une épaisseur très variable à l’échelle régionale (0 à 50 mètres) du fait du degré variable d’érosion des profils d’altération et de la grande variété pétrographique.

Figure 1

Carte de situation de la région du Denguélé en Côte d’Ivoire.

Map of the Denguélé region of the Ivory Coast.

Carte de situation de la région du Denguélé en Côte d’Ivoire.

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La banque de données des forages antérieurement réalisés dans cette même région par la Direction de l’Hydraulique Humaine a été ajoutée pour étoffer la population étudiée. Les données ont été scindées en deux parties : une partie pour l’analyse et l’autre partie pour vérifier les résultats.

Le traitement des données a été effectué avec la méthode d’Analyse en Composantes Principales Normées (ACPN). Compte tenu de la complexité des calculs, nous avons utilisé le logiciel NCSS6.O (TETCHI, 2007) spécifique aux analyses statistiques.

La dimension des espaces de travail étant multiple, le logiciel procède à des calculs matriciels. Pour ce faire, on introduit au départ la matrice des données dont on veut tirer les renseignements.

La population étudiée est l’ensemble des forages exécutés. Elle a une taille de 199 forages. Chaque forage constitue l’unité statistique. Les observations s’opèrent sur chacun des forages où sont produites les variables statistiques qui sont :

  • la vitesse d’avancement de l’outil dans les altérites meubles (Vaa);

  • la vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (Vas), c’est‑à‑dire dans les formations situées sous les altérites meubles (en général dans l’horizon fissuré);

  • la profondeur de la première arrivée d’eau (Pae);

  • le nombre d’arrivée d’eau (Nae);

  • l’épaisseur d’altération (Alt) ou épaisseur des altérites meubles;

  • l’épaisseur de socle traversé (Soc) ou épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles.

Toutes ces variables sont physiques et discrètes.

Les données résultent de mesures directes réalisées sur le terrain par les opérateurs des campagnes d’hydraulique villageoise. Ces informations ont fait l’objet d’une analyse critique de sorte que les données utilisées dans le cadre de la recherche soient les plus fiables possibles. Les données fournies par la Direction de l’Hydraulique Humaine ont été triées de manière à ne retenir que les forages d’eau captant les nappes de fissures. Par exemple, les forages dont les venues d’eau déclarées sont situées dans les altérites meubles ont été systématiquement rejetés. Il en est de même pour un forage arrêté au toit du socle (toit de l’horizon fissuré).

La vitesse d’avancement de l’outil de forage (V) est égale à la profondeur forée (P) par unité de temps (t). La profondeur est mesurée en mètres et le temps est exprimé en heures; ces deux paramètres sont mesurés par le foreur; en général, une valeur est acquise pour chaque tige de forage (6 m de longueur pour la plupart des machines de forage utilisées), ce qui permet de différencier les vitesses obtenues au sein des altérites meubles et au sein de l’horizon fissuré sous-jacent, puis du socle sain. Ainsi sont déterminées Vaa et Vas.

La première arrivée d’eau significative (Pae) indique la profondeur de la première fissure de l’horizon fissuré qui est suffisamment perméable pour pouvoir être identifiée lors de la foration.

L’épaisseur d’altération, ou épaisseur des altérites, correspond à l’épaisseur des altérites meubles, l’horizon fissuré étant rarement considéré comme partie intégrante du profil d’altération par les géologues assurant le suivi des forages. Ainsi, l’épaisseur de socle traversé (Soc) est la différence entre la profondeur totale du forage et l’épaisseur des altérites meubles; le paramètre Soc intègre donc tout ou parties de l’horizon fissuré.

Ces profondeurs et épaisseurs sont mesurées avec une précision inférieure ou égale au mètre.

Le débit Q d’un forage est le débit mesuré, par soufflage, en fin de foration. De nombreux travaux ont montré la bonne représentativité de ce paramètre qui, s’il ne peut être assimilé à un débit exploitable à long terme, permet une bonne estimation relative de la transmissivité.

Le nombre d’arrivées d’eau, quant à lui, est déterminé par comptage du nombre de fractures productives rencontrées au cours de l’exécution d’un même forage.

Avant d’appliquer la méthode de l’ACPN, la matrice des données a été soumise à un test dit « test de Bartlett ». Le but de ce test est de montrer que l’hypothèse nulle qui prédit qu’il n’y a pas de relation entre les variables est fausse (Igartua, 2002).

La matrice des données (N unités statistiques et p variables) peut être représentée par un nuage de points dans un espace vectoriel à p dimensions muni d’une structure euclidienne (espace des unités statistiques). La structure du nuage de points exprime les distances entre les points et les positions relatives des points entre eux et par rapport aux axes (Saporta, 1990).

On dispose dans cette étude d’une matrice de six colonnes (variables) et 199 lignes (unités statistiques). La représentation d’un espace à six dimensions (espace des unités statistiques) ou d’un espace à 199 dimensions (espace des variables) est pratiquement impossible. Pour cela, les statisticiens ont été amenés à projeter le nuage de points sur un sous-espace de dimension inférieure. Un sous-espace usuel peut être l’espace à une dimension ou l’espace à deux dimensions auxquels nous sommes habitués. C’est cette perspective de réduction des dimensions des espaces de travail qui se traduit par la recherche des composantes principales à travers les valeurs propres et les vecteurs propres (Dagnelie, 1982).

Dans le nuage de points (espace des unités statistiques), les composantes principales sont des axes factoriels ayant absorbé le maximum de variance totale (Jay, 1983). En d’autres termes, le maximum d’information se rapporte à ces axes.

Les vecteurs propres et valeurs propres de la matrice variance‑covariance sont obtenus par sa diagonalisation (Lefebvre, 1983). Ces axes sont appelés axes principaux. Le premier axe est celui qui absorbe la plus grande partie possible de la variance du nuage. C’est donc l’axe passant par le centre de gravité du nuage de points. Il est parallèle au vecteur propre associé à la plus grande valeur propre (Grolier et Riss, 1997). Le deuxième axe (perpendiculaire au premier) absorbe la plus grande partie de la variance restante du nuage de points. Il passe par le centre de gravité du nuage de points et il est parallèle au vecteur propre associé à la deuxième plus grande valeur propre. Ainsi de suite, ces axes absorbent chacun et par ordre décroissant le maximum de variance possible et l’ensemble des axes absorbe la totalité de la variance.

Cependant, on ne peut donner d’office une signification aux composantes principales après connaissance de celles-ci. En effet, l’étude des facteurs repose sur l’analyse du rapport entre les variables étudiées et les composantes principales ou axes factoriels. Cela s’opère à travers du cercle de corrélation ou cercle de communauté sur la base des ACP centrées réduites. Les composantes sont non corrélées. Elles sont donc représentées par des axes orthogonaux.

Après avoir identifié les composantes et les variables qui les déterminent, on procède à la conception proprement dite de l’équation de productivité, de laquelle se déduit l’équation de profondeur limite.

Au cours de l’analyse, il est question d’expliquer un paramètre fondamental qui est la productivité des forages. En statistique, ce paramètre est dit caractère expliqué. Ce dernier s’exprime à travers d’autres paramètres qui sont, de ce fait, les caractères explicatifs.

Il en découle que la relation mathématique qui lie un caractère expliqué (la productivité des forages) à des caractères explicatifs (paramètres étudiés) est une régression linéaire multiple (Grolier et Riss, 1997).

C’est le principe d’analyse lorsque, dans une série statistique à p dimensions, une relation est établie entre l’un des caractères et l’ensemble des autres caractères.

Dans cette étude, le caractère expliqué, c’est‑à‑dire la productivité, est représenté par le débit Q du forage. Les caractères explicatifs, quant à eux, sont les paramètres des forages dont la relation avec la productivité a été prouvée par l’analyse en composantes principales.

Dans une régression linéaire multiple, l’équation est sous la forme suivante :

Y :

variable expliquée

xi :

variables explicatives

Ci  (0≤i≤N):

coefficients de pondération des variables xi

Dans sa conception théorique, la profondeur limite (Plt) est égale à la somme de l’épaisseur d’altération (Alt) et de l’épaisseur de socle foré (Soc). Par traduction mathématique, on écrit :

L’épaisseur de socle foré est, en réalité, l’élément autour duquel le problème d’optimisation se pose. Elle est variable dans l’espace et fonction des formations géologiques. En optimisant ce paramètre, la profondeur totale de l’ouvrage est, par la même occasion, optimisée (Kouadio, 2005).

Plt = Alt + Soc implique que Soc = Plt – Alt.

Dans l’équation de productivité, la variable Soc est remplacée par son expression Plt‑Alt.

Ainsi, en intégrant dans l’équation 1 les variables explicatives (Alt, Nae, Vas et Pae) et leurs coefficients de pondération respectifs, on arrive à établir la formule de Plt.

Pour vérifier la fiabilité de l’équation de profondeur limite, on l’applique à des forages autres que ceux utilisés pour construire l’équation et les résultats sont soumis au test de validité.

Ce test a été réalisé à la fois sur 171 forages de la région du Denguélé pour différents types de formations géologiques et sur 43 forages réalisés dans d’autres régions de Côte d’Ivoire. Sur les 171 forages du Denguélé, 129 sont positifs (Q ≥ 1 m3•h‑1) et 42 sont négatifs (Q < 1 m3•h‑1).

Il s’agit de prendre chaque forage et d’injecter les valeurs de ses paramètres dans l’équation de la profondeur limite. Le calcul donne la valeur théorique à laquelle la phase de foration aurait pu être arrêtée. Le jugement porté sur cette valeur est basé sur la profondeur des arrivées d’eau principales ou, du moins, significatives (Q ≥ 1 m3•h‑1) et sur la profondeur réelle du forage en question.

Pour rappel, la profondeur limite recherchée est la profondeur au-delà de laquelle il n’est plus possible d’obtenir une venue d’eau significative, puisque la base de l’horizon fissuré est atteinte (Dewandelet al., 2006).

La vérification a donc porté sur des forages existants dont on connaît les paramètres Alt, Nae, Vas et Pae. Alors, en intégrant les paramètres d’un forage existant donné, la profondeur d’arrêt ou profondeur limite est calculée. Comme la profondeur de la première venue d’eau est déjà connue, on procède à des comparaisons entre la profondeur limite calculée et la cote de la première venue d’eau réelle du forage existant. L’appréciation consiste à dire si le résultat théorique (issu de l’équation) est acceptable, c’est-à-dire le forage aurait été arrêté à la bonne cote (ok) ou non (échec).

Si la profondeur limite calculée est inférieure à celle de la première venue d’eau réelle du forage existant, alors l’application de l’équation n’aurait pas permis d’atteindre laquifère avant l’arrêt de la foration. Ce cas est considéré comme un échec de l’équation. Par contre, si la profondeur limite calculée est telle que l’arrêt de la phase de foration intervient postérieurement à la traversée des fractures suffisamment productives, alors on a un cas de succès (ok). Ainsi, l’équation est évaluée en l’appliquant à tous les forages tests existants.

Par ailleurs, la comparaison entre la profondeur limite calculée et la profondeur réelle du forage existant permet de déterminer le surcreusement inutile.

La profondeur minimale à partir de laquelle l’équation peut être appliquée est statistiquement estimée à partir des données existantes. Il s’agit d’évaluer, à partir du toit du socle, l’épaisseur moyenne de socle dans laquelle se situent les fractures (BGR, 1987). Autrement dit, il s’agit d’évaluer les niveaux productifs. Les paramètres de forage sont calculés au cours de l’exécution du forage et, à la traversée du niveau productif estimé, on est censé être en possession des informations nécessaires (vitesse d’avancement, nombre et profondeur des venues d’eau, etc.) à l’application de l’équation. Les niveaux fracturés sont évalués selon les faciès géologiques. Pour ce faire, on regroupe les forages par formation géologique. Cela permet d’estimer les moyennes de certains paramètres comme l’épaisseur d’altération, la cote de la première venue d’eau significative, etc.

3. Résultats, interprétations et discussions

3.1 Les composantes principales

Dans la recherche des composantes principales, nous avons obtenu six valeurs propres. Selon le principe de la méthode, les valeurs retenues sont celles qui sont supérieures à 1. Ainsi, deux composantes ont été retenues avec un pourcentage cumulé de 55,3 (Tableau 1). Ce qui signifie que ces deux axes factoriels détiennent l’essentiel des informations.

Tableau 1

Valeurs propres et composantes principales.

Typical values and principal components.

No.

Valeur propre

Pourcentage individuel

Pourcentage cumulé

Forme graphique

1

1,93

32,19

32,19

|||||||

2

1,39

23,11

55,3

|||||

3

0,98

16,36

71,66

||||

4

0,96

16,07

87,73

||||

5

0,49

8,13

95,85

||

6

0,25

4,15

100

|

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À ce niveau, il est question d’identifier le phénomène exprimé par ces composantes principales, d’où l’analyse du cercle de communauté.

3.2 Le cercle de communauté

L’analyse du cercle de communauté nécessite la connaissance du poids des variables dans la constitution des composantes retenues, c’est-à-dire les facteurs 1 et 2 (Tableau 2).

Tableau 2

Poids des variables.

Variable loadings.

Variables

Facteur 1

Facteur 2

Alt

‑0,13

0,85

Soc

0,20

‑0,70

Nae

0,86

0,12

Vas

0,91

‑0,03

Pae

0,55

0,30

Vaa

‑0,06

‑0,29

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Ces valeurs représentent le poids de chaque variable dans la constitution d’un facteur donné. Elles peuvent être positives comme négatives. Lorsqu’elles sont positives, elles favorisent la constitution du facteur et, dans le cas contraire, elles s’y opposent. Ainsi, la représentation dans un espace à deux dimensions permet d’établir la corrélation entre les variables et chacun des deux facteurs (Figure 1).

L’analyse a porté sur le cosinus de l’angle qui sépare l’axe passant par la variable et le facteur considéré. Si la valeur absolue du cosinus est proche de 1, alors la corrélation est forte. Elle est faible dans le cas contraire (Tableau 3). Les variables qui traduisent la présence de fractures ou d’eaux souterraines (Vas, Pae, Nae) sont préférentiellement correlées avec l’axe 1, au regard de leur proximité avec cet axe et à travers les valeurs élevées du cosinus (0,995; 0,999 et 0,904 respectivement). Ces paramètres sont ceux qui expliquent la productivité des forages. Les hypothèses suivantes peuvent être invoquées pour expliquer ces coefficients de corrélation :

  • à proximité d’une fissure de l’horizon fissuré, l’outil de forage (le marteau fond de trou) avance plus rapidement du fait de la moindre résistance locale de la zone fissurée; d’où une possible explication pour la corrélation entre Vas et la productivité;

  • le niveau auquel le forage recoupe la fracture est appelé profondeur de la venue d’eau, et c’est cette venue d’eau qui, lorsqu’elle est significative, traduit la productivité du forage; d’où son rapport avec la productivité;

  • généralement, plus un forage recoupe de fissures perméables, plus son débit cumulé devient important (voir par exemple Dewandelet al., 2006); d’où la corrélation du nombre de venues d’eau avec la productivité.

Tableau 3

Corrélation variables-facteurs.

Relationship between variables and factors.

Variables

Angle par rapport à F1

Cosinus

Angle par rapport à F2

Cosinus

Alt

80°

0,179

10°

0,995

Soc

73°

0,292

17°

0,955

Nae

0,995

82°

0,139

Vas

0,999

88°

0,035

Pae

29°

0,904

61°

0,495

Vaa

78°

0,301

12°

0,978

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La vitesse d’avancement et l’arrivée d’eau au soufflage sont des critères de reconnaissance d’un horizon aquifère pendant l’exécution d’un forage en milieu de socle (Kouadio, 2005). Visiblement, l’axe 1 représente la productivité des ouvrages.

Quant à l’axe 2, il est fortement lié aux paramètres Alt et Soc, qui représentent respectivement les épaisseurs d’altérites et de socle foré. Le paramètre Vaa, du fait de sa proximité de l’origine des axes, ne peut être rattaché de manière fiable à l’un des axes. L’axe 2 est donc assimilable aux épaisseurs des horizons traversés par le forage.

Les paramètres Alt et Vaa sont spécifiques des altérites meubles dont les nappes ne sont pas captées en raison de leur qualité douteuse et surtout du fait de leur faible perméabilité et du débit faible produit lorsqu’elles sont reconnues en forage (petit diamètre). On retiendra finalement que les variables qui expliquent la productivité sont celles qui sont représentatives du socle fissuré.

Ainsi, les variables liées au socle ont été retenues pour la conception de l’équation, à savoir : Vas, Pae, Nae et Soc. Dès lors, il a été possible de concevoir l’équation de productivité.

3.3 L’équation de productivité

La forme littérale de l’équation est la suivante :

Y est la variable expliquée, c’est-à-dire la productivité exprimée à travers le débit. Les variables explicatives xi sont les paramètres de forage qui, après analyse en composantes principales, ont été jugés déterminants dans la productivité d’un forage. Ce sont : Soc, Vas, Pae et Nae.

Les coefficients de pondération sont produits par traitement automatique de la matrice des données (Tableau 4).

Tableau 4

Coefficients de pondération.

Coefficient weightings.

Variables indépendantes

Coefficients de régression

Décision

Soc

0,013

accepté

Nae

‑0,19

accepté

Vas

‑0,34

accepté

Pae

‑0,003

accepté

La constante Co = 4,9

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En remplaçant les Ci par leurs valeurs, on obtient cette expression de l’équation :

C’est de cette expression que se déduit l’équation de la profondeur limite.

3.4 L’équation de profondeur limite

Dans sa conception technique, la profondeur limite théorique (Plt) est la somme de l’épaisseur d’altération (Alt) et de l’épaisseur de socle foré (Soc) :

En remplaçant la variable Soc qui est l’élément à optimiser par son expression, on obtient une nouvelle expression de la productivité et on peut alors exprimer Plt en fonction des autres paramètres.

Finalement, on aboutit à une équation à deux variantes en considérant le débit de 1 m3•h‑1 comme seuil de coupure entre un forage dit positif et un forage négatif.

Si Q ≥ 1 m3•h‑1, alors l’équation est :

Plt = Alt + 14,61 Nae + 23 Vas + 0,23 Pae – 107,70 (variante I)

Si Q < 1 m3•h‑1, alors l’équation devient :

Plt = Alt + 14,61 Nae + 23 Vas + 0,23 Pae – 61,54 (variante II)

Cette équation, conçue à partir des données issues des campagnes de forage déjà réalisées, peut être utilisée directement sur le terrain, pendant l’exécution des forages des futures campagnes. La profondeur seuil, à partir de laquelle l’équation pourrait être appliquée, est de 30 m environ dans le socle fissuré de la région du Denguélé. L’analyse statistique des données a montré en effet que les premières venues d’eau importantes se trouvent dans les 30 premiers mètres de l’horizon fissuré du socle dans la région du Denguélé (Kouadio, 2005). Cette estimation est similaire à celle mise en évidence par Dewandelet al. (2006), au sein de granites, en Inde.

L’équation en deux variantes a été testée, pour juger de son applicabilité, sur un échantillon de 171 forages comprenant 129 forages positifs (> 1 m3•h‑1) et 42 forages négatifs. La variante I est appliquée lorsque le forage est positif (Q ≥ 1 m3•h‑1) après 30 m de socle foré. La variante II est appliquée dans le cas où le forage est négatif (Q < 1 m3•h‑1) après 30 m de socle foré. Le test a été effectué sur les différentes formations géologiques de la région du Denguélé. Un exemple des résultats détaillés du test est consigné dans le tableau 6. Les résultats sont résumés dans le tableau 5 et sont relativement satisfaisants en appliquant l’une ou l’autre des variantes selon les cas.

Tableau 5

Résultats du test en fonction de la pétrographie (les débits sont supérieurs ou égaux à 1 m3•h‑1 pour les forages positifs).

Test results according to petrography (the yields are equal to or greater than 1 m3•h‑1 for positive boreholes).

Formations géologiques

Nombre de forages testés

Nombre de cas de test positif

% de forages arrêtés à la bonne cote

Dolérite

3

3

100 %

Granite à biotite

77

70

91 %

Migmatites post‑birrimiennes

19

17

89 %

Granite à deux micas

16

15

94 %

Granodiorite

6

6

100 %

Gabbro

2

2

100 %

Métasédiment

13

13

100 %

schistes

5

4

80 %

Granites migmatitiques

11

11

100 %

Gneiss

19

14

74 %

TOTAL

171

154

90 %

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Tableau 6

Exemple des résultats obtenus dans la région du Denguélé (Alt : épaisseur des altérites meubles (m), Q : débit du forage (m3•h‑1), Soc : épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles (m), Nae : nombre d’arrivées d’eau, Vas : vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (m•h‑1), Pae : profondeur de la première arrivée d’eau (m), Plt : Profondeur limite théorique (m). Les 129 premiers forages étaient positifs (>1 m3•h‑1) et les 42 suivants négatifs.

Example of results obtained for the Denguele region (Alt: thickness of altered and uncemented rock (m), Q: yield of borehole (m3•h‑1), Soc: thickness of drilled rock (m), Nae: number of times groundwater observed, Vas: drilling rate into bedrock (m•h‑1), Pae: depth at which groundwater first observed (m), Plt: theoretical depth limit of borehole (m). The first 129 boreholes were positive (>1 m3•h‑1), while the remaining 42 were negative.

Exemple des résultats obtenus dans la région du Denguélé (Alt : épaisseur des altérites meubles (m), Q : débit du forage (m3•h‑1), Soc : épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles (m), Nae : nombre d’arrivées d’eau, Vas : vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (m•h‑1), Pae : profondeur de la première arrivée d’eau (m), Plt : Profondeur limite théorique (m). Les 129 premiers forages étaient positifs (>1 m3•h‑1) et les 42 suivants négatifs.

Tableau 6 (suite)

Exemple des résultats obtenus dans la région du Denguélé (Alt : épaisseur des altérites meubles (m), Q : débit du forage (m3•h‑1), Soc : épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles (m), Nae : nombre d’arrivées d’eau, Vas : vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (m•h‑1), Pae : profondeur de la première arrivée d’eau (m), Plt : Profondeur limite théorique (m). Les 129 premiers forages étaient positifs (>1 m3•h‑1) et les 42 suivants négatifs.

Tableau 6 (suite)

Exemple des résultats obtenus dans la région du Denguélé (Alt : épaisseur des altérites meubles (m), Q : débit du forage (m3•h‑1), Soc : épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles (m), Nae : nombre d’arrivées d’eau, Vas : vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (m•h‑1), Pae : profondeur de la première arrivée d’eau (m), Plt : Profondeur limite théorique (m). Les 129 premiers forages étaient positifs (>1 m3•h‑1) et les 42 suivants négatifs.

Tableau 6 (suite)

Exemple des résultats obtenus dans la région du Denguélé (Alt : épaisseur des altérites meubles (m), Q : débit du forage (m3•h‑1), Soc : épaisseur des formations recoupées sous la base des altérites meubles (m), Nae : nombre d’arrivées d’eau, Vas : vitesse d’avancement de l’outil dans le socle (m•h‑1), Pae : profondeur de la première arrivée d’eau (m), Plt : Profondeur limite théorique (m). Les 129 premiers forages étaient positifs (>1 m3•h‑1) et les 42 suivants négatifs.

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Cependant, il y a des cas d’échec, c’est-à-dire des cas où l’utilisation de la formule aurait conduit à arrêter le forage avant d’atteindre une fracture perméable, dont la réalisation du forage a montré qu’elle existe. C’est le cas des cases grisées dans le tableau 6 avec la mention « échec ». Sur un total de 171 forages testés, 154 seraient arrêtés à la bonne cote, soit un taux de succès de 90 % environ. Cela équivaut à un taux d’échec de 10 % environ (Tableau 5). Ces « échecs » de la formule entraînent aussi une diminution du débit de certains forages, qui peuvent même, dans certains cas, tel qu’il est évoqué ci-dessus, être ainsi déclarés négatifs à tort. Au regard du tableau 6, sur l’échantillon testé, le débit global obtenu sans l’utilisation de la formule est de 460,2 m3•h‑1 alors que l’utilisation de la formule réduirait le débit total à 410,7 m3•h‑1. Ainsi, le débit global serait diminué de 49,5 m3•h‑1, soit 0,3 m3•h‑1 en moyenne, en raison des « échecs » de la formule. Cette baisse est estimée à 11 % du débit global exploitable. Cette baisse du débit n’entache pas le taux de succès global d’une campagne de forage basée sur une telle stratégie. En effet, la productivité de l’horizon fissuré est supérieure lorsque la formule est utlisée (0,0935 m3•h‑1•m‑1 foré - 4 393 m d’horizon fissuré foré) que lorsqu’elle ne l’est pas (0,0899 m3•h‑1•m‑1 foré - 5 120 m d’horizon fissuré foré). Ce test montre ainsi qu’une campagne de forage menée avec l’utilisation de l’équation serait meilleure qu’une campagne qui ne tiendrait pas compte des formules proposées.

Un autre test a été effectué sur onze autres régions de Côte d’Ivoire et les résultats ont été satisfaisants dans l’ensemble. Les forages testés ont été réalisés dans le cadre du projet KfW VI dont nous avons assuré le contrôle pour le compte du cabinet Gauff Ingénieur. L’objectif est de montrer que l’équation conçue avec les données de la région du Denguélé pourrait s’appliquer aux forages réalisés dans d’autres région de la Côte d’Ivoire.

Par exemple, dans les schistes de Buyo (sud-ouest de la Côte d’Ivoire), la profondeur réelle du forage réalisé est de 79,1 m, alors que sa profondeur théorique limite est de 68,83 m. À cette profondeur, au regard de la figure 2a, toutes les arrivées ou fractures importantes ont été traversées. On pouvait donc s’arrêter à 68,83 m et économiser le surplus de métré de 10,27 m (différence entre 79,1 et 68,83 m). De même, dans le granite de Doropo (nord-est de la Côte d’Ivoire), la même situation se présente et on aurait pu économiser 29,1 m au regard de la figure 2b.

Figure 2

Test de validité sur les forages de BUYO et de DOROPO (les débits sont cumulés).

Validity test on the drilling wells BUYO and DOROPO (the yields are cumulative).

a

(BUYO)

(BUYO)

b

(DOROPO)

(DOROPO)

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Ainsi, l’application de cette stratégie procure un intérêt socio-économique considérable. Au niveau des forages positifs de la région du Denguélé, sur une population de 129 forages, le métré cumulé est de 6 695 m (Tableau 6), alors que l’application de l’équation prévoit un métré total de 6 236 m, soit un surcreusement de 459 m. On peut estimer cela à environ 36 720 000 FCFA de fonds perdus, puisque le mètre linéaire d’un forage positif s’estime à 80 000 FCFA.

Au niveau des forages négatifs, sur une population de 42 forages, le métré cumulé est de 2 526 m, alors que l’application de l’équation prévoit un métré total de 2 257 m, soit un surcreusement de 269 m. On peut estimer cela à environ 6 725 000 FCFA de fonds perdus à raison de 25 000 FCFA le mètre linéaire pour un forage négatif.

En somme, l’étude a permis de prévoir les profondeurs d’arrêt des forages dans les différentes formations géologiques rencontrées. Il a donc été possible d’évaluer le surcreusement inutile à 728 m sur une profondeur cumulée de 9 221 m pour 171 forages. Et ce surcreusement équivaut à 43 445 000 FCFA de fonds perdus. Logiquement, la profondeur moyenne qui aurait pu être économisée sur chaque forage négatif (6,4 m) est plus élevée que celle qui aurait pu être économisée sur les forages positifs (3,5 m).

4. Conclusion

L’Analyse en Composantes Principales Normées (ACPN) a permis de montrer que la profondeur de la première arrivée d’eau dans le socle (Vas), la vitesse d’avancement dans le socle (Vas) et le nombre d’arrivées d’eau (Nae) sont les paramètres qui expliquent la productivité des forages en milieu cristallin. Partant de cette considération, la technique de la régression linéaire multiple a permis de concevoir l’équation de profondeur limite théorique des forages.

L’équation a été testée sur 171 forages répartis dans les différentes formations géologiques de la région du Denguélé; les résultats sont positifs. L’application de l’équation permet d’optimiser la profondeur des forages dans la région du Denguélé, mais aussi dans les autres régions ivoiriennes. La stratégie d’optimisation est un outil scientifique qui contribue à la maîtrise des décisions d’arrêt des forages et un instrument précieux qui permet de gérer efficacement les budgets alloués aux campages de forage et d’accroître le nombre d’ouvrages à réaliser sans créer une incidence financière supplémentaire.