Résumés
Résumé
Localisé dans la région de Rabat-Salé-Zemour, le bassin versant du Bouregreg est un espace essentiellement pastoral dans ses parties intérieures montagneuses et une zone agro-pastorale en aval. Les dynamiques paysagères observées sur ce bassin versant, à l’instar de la plupart des bassins versants du Maroc atlantique, sont marquées par une densification des zones de cultures dans les plaines et de leur extension sur les versants. La classification supervisée des images Landsat de 1987 et 2006 a permis de mettre en évidence l’évolution de l’occupation du sol. Sur l’ensemble du bassin versant, entre 1987 et 2006, 15 % des surfaces boisées ont été transformées en espaces agricoles. La prise en compte de la morphologie du bassin versant permet de mettre en évidence la fragilité des paysages agricoles. En effet, près de 39 % des surfaces cultivées sont situées sur des pentes de 5 à 10 % et près de 24 % sur les pentes de 10 à 20 %.
Ces terres de culture présentent une quasi-absence de végétation durant la période de préparation des sols et de semis. L’archivage et le suivi à l’échelle saisonnière des NDVI (indice de végétation normalisé) décadaires du capteur Spot végétation sur la période 2001-2009 révèlent un allongement de la période au cours de laquelle les sols sont quasi-dénudés durant les années de sécheresses exceptionnelles.
Par ailleurs, l’analyse de la série pluviométrique de la station de Rabat met en évidence une modification du régime des pluies automnales à partir de 1999, marquée notamment par une tendance à l’accroissement des hauteurs de pluie en octobre. Cette situation est susceptible d’accélérer la vulnérabilité des sols dénudés (à pentes fortes) à l’érosion pluviale, notamment à l’occasion d’années particulièrement sèches comme ce fut le cas en 2003 et 2007.
Mots clés:
- État de surface,
- NDVI,
- variabilité climatique,
- érosion,
- télédétection,
- Bouregreg
Abstract
The Bouregreg watershed is located in the Rabat-Salé-Zemour Region in Morocco. It is a pastoral area in the interior mountainous parts and agro-pastoral in the plains. Like most watersheds of Atlantic Morocco, the landscape dynamics observed in the Bouregreg watershed are marked by an intensification of agricultural areas in the plains and their extension to the slopes. Indeed, land cover supervised classification using Landsat images around 1987 and 2006 indicate land cover changes in the Bouregreg watershed. Between 1987 and 2006, over the entire watershed, 15% of the wooded areas have been converted into agricultural areas. When taking the morphology of the watershed into account, the study shows the fragility of these agricultural areas. Indeed, 30% of the cultivated areas are located on slopes from 5 to 10%, and 24% on slopes from 10 to 20%.
These croplands exhibit almost no vegetation during land preparation and planting. The archiving and seasonal monitoring of variations in the Normalized Difference Vegetation Index (NDVI), derived from the SPOT vegetation sensor for the period from 2001 to 2009, reveal at the beginning and end of growing seasons, a lengthening of the period during which the soil is almost bare during the years of exceptional drought. In addition, analysis of the rainfall time series at the Rabat meteorological station shows a modification of autumn rainfall regime since 1999, with an increasing trend specifically during October. This situation is likely to make the bare soil on steep slopes vulnerable to erosion by rain especially during particularly dry years like 2003 and 2007.
Key words:
- Land cover,
- NDVI,
- climate variability,
- erosion,
- remote sensing,
- Bouregreg
Corps de l’article
1. Introduction
La région de Rabat-Salé-Zemour-Zaër, à laquelle appartient le bassin versant du Bouregreg, représente au Maroc un espace essentiellement pastoral dans ses parties intérieures montagneuses et une zone agro-pastorale en aval. À l’instar de la plupart des bassins versants du Maroc atlantique, la question de la vulnérabilité des sols à l’érosion occupe une place importante dans les stratégies tendant à augmenter la productivité agricole et à assurer l’amélioration des parcours des pâturages publics.
L’objectif de ce travail est de mettre en évidence la vulnérabilité de ces sols liée à la forte pression agricole dans un contexte de topographie de montagne, d’une part, et à leurs expositions aux averses automnales durant la période de labour et de semis, marquée par une quasi-absence de végétation, d'autre part.
2. Matériel et méthodes
L’analyse de l’occupation du sol est basée sur l’exploitation des images Landsat ETM+ de 2006 et TM de 1987. Une classification dirigée par la méthode du maximum de vraisemblance a été effectuée. Il s'agit de la méthode jugée la plus performante par de nombreux auteurs dont Bonn et Rochon (1993). L’utilisation d’une image spot 5 (très haute résolution) de 2010 a facilité la classification supervisée. Pour étudier la relation culture/pente sur le bassin vervant, la carte d’occupation du sol a été couplée à un modèle numérique d’élévation de type SRMT (Shuttle Radar Topography Mission).
Le suivi de la variabilité saisonnière du couvert végétal a été possible grâce à l’utilisation des images décadaires du capteur Végétation de SPOT sur la période 1999-2009. Avec un pixel de 1 km de résolution, ces images conviennent parfaitement aux études de suivi de la végétation à l’échelle de l’ensemble du bassin versant puisque les principales caractéristiques de ce capteur sont optimisées pour le suivi global de la végétation (Brouet al., 2005, Ehrliche et Lambin, 1996).
L’effet des pluies automnales sur les terres à faible couverture végétale est étudié à partir de l’analyse de la covariation des précipitations saisonnières automnales et du niveau de couverture végétale, estimé par la mesure du NDVI (indice de végétation normalisé). Le NDVI exprime l’activité chlorophyllienne, la densité du feuillage et, par effet indirect, le stress hydrique d’une surface végétale (Lambin, 1997; Lambin et Estrahler, 1994; Robin, 2002).
Pour analyser l’évolution des hauteurs pluviométriques des mois automnaux (septembre, octobre et décembre), nous avons utilisé l’indice de Nicholson basé sur l’écart à la moyenne, rapporté à l’écart-type (Servat et al., 1997). Les indices ont par la suite été lissés par des moyennes mobiles de trois ans afin de mettre en évidence les tendances. Les données utilisées sont celles de la station synoptique de Rabat, située dans la partie aval du bassin versant sur le littoral atlantique. Elles proviennent de la Direction de la Météorologie Nationale du Maroc.
3. Résultats et discussion
3.1 Évolution de l’occupation des sols entre 1987 et 2006
Quatre classes d’occupation du sol ont été retenues : eau, espace boisé, culture et sol nu ou habitat (Figure 1a). D’une façon générale, le bassin versant se structure en deux parties. Une zone très agricole, en aval, dominée par la céréaliculture et une zone plus boisée, en amont. Les espaces boisés connaissent des évolutions importantes, notamment en aval du bassin versant. Ces évolutions se font au profit des zones de cultures (Brouet al., 2011). Sur l’ensemble du bassin versant, entre 1987 et 2006, 15 % des surfaces boisées ont été transformées en espaces agricoles (Figure 1b).
3.2 Superficies cultivées et pentes
La prise en compte du modèle révèle une fragilité de ces espaces agricoles. En effet, le couplage de la carte d’occupation du sol avec la carte des pentes (Figure 2) permet de calculer que 39 % des surfaces (soit 11 % de la superficie du bassin versant) cultivées sont situées sur des pentes de 5 à 10 %. Sur les pentes de 10 à 20 %, on retrouve près de 24 % des espaces de cultures (soit 7 % de la superficie du bassin).
3.3 Effets des pluies automnales sur les terres à faible couverture végétale
Durant la période d’automne, des hauteurs de pluies importantes peuvent tomber sur des sols dénudés (Figure 3). En 2002, par exemple, alors que les zones de cultures présentaient un indice de végétation encore faible (NDVI <0,3) durant le mois de novembre, des quantités particulièrement importantes de précipitations (350 mm pour le seul mois de novembre) sont tombées sur ces sols. Cette situation rend ces sols à faible végétation vulnérables à l’érosion, surtout ceux situés sur des terrains en pente.
Laouinaet al. (2004) ont trouvé que ce sont les pluies d’automne qui comportent les intensités les plus fortes. Et c’est durant cette saison que l’on décèle une tendance au changement. En sélectionnant les journées de pluie de plus de 5 mm de la station de Rabat, la moyenne des hauteurs journalières, sur les trois dernières décennies, indique, en effet, selon leurs études, un regain très net de concentration, entre 1994 et 2004, avec une hauteur d’eau moyenne qui s’élève à 20,4 mm•j‑1 de pluie, alors que ce chiffre tournait autour de 14 depuis 1973. Ils indiquent, par ailleurs, que les journées pluvieuses réellement intenses en automne (> 30 mm) sont au nombre de 28, en 30 ans. Sept d’entre elles ont été enregistrées en 2002, trois en 1999 et deux en 2000. L’année 2001 a eu des pluies plus tardives (en décembre), mais tout aussi concentrées que les années de la période 1994-2004. L’automne 2002, à lui seul, a enregistré une pluviosité mensuelle record de plus de 400 mm.
À l’échelle mensuelle, l’analyse de la série pluviométrique de Rabat sur la période 1950 à 2005 révèle également une tendance à l’augmentation des pluies automnales. Cette tendance est constatée depuis la fin de la décennie 1990 et le début de la décennie 2000. La figure 4 montre, en effet, une tendance à la hausse pour les mois d’octobre et novembre entre 1994 et 2005. L’absence de données au-delà de 2005 ne permet pas de dire si cette tendance se poursuit actuellement. Le mois d’octobre est particulièrement excédentaire à partir de 1998. Cette période contraste avec ce qui est observé de 1950 à 1998, marquée par une alternance de déficit et d’excédent. Les mois de septembre et de novembre ne présentent pas les mêmes évolutions. Le mois de septembre est marqué par une évolution différente, une baisse des hauteurs précipitées étant enregistrée à partir de 1996.
4. Conclusion
Le bassin versant du Bouregreg constitue un milieu vulnérable à l’érosion à cause de la progression des activités agricoles, notamment céréalière et de parcours des pâturages publics sur des terrains en pente forte. Ces sols ont été particulièrement exposés à de fortes pluies d’automne entre 1999 et 2005. Sur la période 1950-2006, pour laquelle nous disposons des données, on note, en effet, un changement dans le régime des précipitations à partir de 1999, particulièrement pour le mois d’octobre, marqué par des excédents pluviométriques importants. Ce nouveau contexte pluviométrique est susceptible d’augmenter le risque érosif durant l’automne.
Parties annexes
Remerciements
Remerciements à l’AUF et à l’IRD, soutiens financiers et scientifiques du projet SIGMED (Approche Spatialisée de l’Impact des activités aGricoles au Maghreb sur les transports solides et les ressources en Eau De grands bassins versants)
Références bibliographiques
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