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1. Introduction

L’abattoir municipal de la ville de Meknès consomme une quantité énorme d’eau potable, estimée à quelque 70 000 m3•an‑1. Cette quantité se transforme en rejets liquides d’aspect rougeâtre, fortement turbides, caractérisés par des fluctuations de charge au cours de l’activité journalière.

La caractérisation de ces effluents révèle des paramètres de pollution sévères pour l’environnement et la santé publique. Ils constituent une source de contamination par l’existence de bactéries de la flore intestinale des ruminants (Entérobactéries, coliformes totaux, coliformes thermo-tolérants et E. coli), variant entre 103 et 107 ufc•mL‑1 (LOUKIADIS, 2007), et par leur charge en matières oxydables (une DCO qui peut atteindre les 4 500 mg•L‑1, (GIDEON, 2000) et une DBO5 qui dépasse les 2 000 mg d’O2•L‑1 (FILALI, 2003).

Le traitement biologique aérobie de ces rejets demande un prétraitement. Un dégrillage pour réduire les matières en suspension et un déshuilage (flottation à air dissous) pour éliminer les huiles et graisses. En effet, la concentration élevée de ces matières porte atteinte à l’efficacité du traitement biologique aérobie (GAURI, 2006). Les détergents utilisés en abattoir influencent aussi sur l’activité des micro-organismes épurateurs (GAURI, 2006). À cela s’ajoutent l’emprise de sol et le temps de séjour qui dépasse les 10 jours. Le traitement biologique anaérobie est aussi entravé par la concentration élevée de matière en suspension et graisses (BATSTONE et al., 1997) cité par GAURI (2006). Le traitement par coagulation-floculation est régi par la relation stoechiométrique entre la charge polluante et la dose de coagulant requise (LEFEBVRE et LEGUBE, 1993). Ceci exige un contrôle continu de la variation de charge polluante. Aussi, ce procédé produit un effluent traité acides et des quantités importantes de boues.

Ce travail vise l’application du procédé d’électrocoagulation-flottation avec des électrodes de fer pour traiter les effluents d’abattoir de viande rouge. Il porte sur l’optimisation des paramètres régissant ce procédé, tels que la tension aux bornes de générateur, le temps de contact et la masse de fer dissous. Ce traitement électrochimique a l’avantage, d’une part, de générer in situ les ions métalliques responsables de la coagulation. D’autre part, il peut éliminer la matière organique et minérale, la coloration et les huiles et graisses. Cette efficacité vient des phénomènes mis en jeu lors de l’électrocoagulation tels que les réactions chimiques inter-ioniques, les réactions électrochimiques d’oxydoréduction, les phénomènes de transfert de charge à l’interface électrode solution, les adsorptions chimiques ou physiques entre les hydroxydes métalliques et la pollution, les phénomènes hydrodynamiques et les interactions entre les gaz produits et la solution (ZONGO, 2009). Ce procédé électrochimique produit des quantités de boues réduites, plus denses et moins hydrophiles (LARUE et VOROBIEV 2003).

2. Matériel et méthodes

2.1 Échantillonnage

Des échantillons ont été prélevés à partir d’un regard de visite qui reçoit l’effluent brut en sortie de hall d’abattage. Vingt bouteilles de 2 litres sont remplies après tamisage sur un tamis de 1 mm (JOHANET et MIZIER, 2004). Au laboratoire, les échantillons sont homogénéisés pour avoir la même absorbance de 0,8 à 450 nm, puis décantés pendant 30 min. Un tamisage et une sédimentation peuvent réduire la DCO et la matière en suspension entre 25 - 30 % (GAURI. 2006).

2.2 Analyses microbiologiques

Les analyses microbiologiques portent sur les coliformes fécaux. Elles sont effectuées selon les méthodes standards de microbiologie (APHA 1989).

2.3 Analyses physico-chimiques

2.3.1 Paramètres opératoires

  • Le pH est mesuré par un pH-mètre HANNA HI 8519 préalablement étalonné entre les valeurs 4 et 12 par des solutions tampon de pH = 4, pH = 7 et pH = 12.

  • La conductivité est mesurée par un conductimètre CONSORT K 912 à électrode combinée de platine, à précision de 1 %. Il est étalonné par une solution étalon de chlorure de potassium de concentration molaire 1,0 10‑2 mole•L‑1. Les mesures ont été réalisées à 25 °C.

  • Le potentiel d’oxydoréduction (POR) est mesuré par un pH-mètre GPHR 1400 Digital-pH /mv-meter.

  • Les solides totaux dissous (STD) ou Total Dissolved Solids (TDS) : c’est la quantité totale de minéraux dissous dans l’eau en mg•L‑1, elle est mesurée par le même conductimètre et dans les mêmes conditions.

2.3.2 Matières inorganiques et MES

Les matières inorganiques concernées sont : Ions ortho-phosphates (PO4-), Chlorure (Cl-) et Azote totale (NT); ils sont dosés selon les méthodes rapportées par RODIER et al. (1996). Le fer est dosé par spectrométrie de masse à plasma couplée par induction.

  • Ions orthophosphates (PO4-) : Le dosage des orthophosphates est fait par méthode colorimétrique, en milieu acide et en présence de molybdate d’ammonium. Les orthophosphates donnent un complexe phosphomolupdique qui, réduit par l’acide ascorbique, développe une coloration bleue, susceptible d’un dosage colorimétrique.

  • Azote total (NT) : Il est mesuré par autoclavage. Les composés azotés présents dans l’eau sont oxydés en nitrates dans un autoclave par une solution alcaline de persulfate. Les nitrates sont ensuite réduits et dosés.

  • Chlorures : Les chlorures sont mesurés selon la méthode de Mohr. En milieu neutre, la concentration est dosée par une solution de nitrate d’argent (Ag NO3) en présence de chromate de potassium, la fin de la réaction est indiquée par l’apparition de la teinte rouge caractéristique du chromate d’argent.

  • Fer résiduel dans la solution : L’objectif de ce dosage est de savoir la quantité de fer existante avant et après traitement, pour en déduire le fer résiduel dans l’effluent traité. La technique d’analyse utilisée est la spectrométrie de masse à plasma couplée par induction de type.

  • La matière en suspension (MES) : La matière en suspension a été déterminée selon la norme NFT 90-105, par pesée avant et après filtration et étuvage à 105 °C de 100 mL d’échantillon. Le passage sur des filtres de porosité 0,45 µm est facilité par une pompe à vide.

2.3.3 Matière organique et oxygène dissous

La matière organique oxydable est représentée par la DCO.

  • Demande chimique en oxygène (DCO) : Elle est mesurée par un DCO-mètre selon la méthode APHA (1989). À un volume de 2 mL de l’échantillon à analyser on ajoute 0,04 g de sulfate de mercure (HgSO4), 3 mL de sulfate d'argent préparé avec l’acide sulfurique concentré à 6,6 g•L‑1, et 1 mL de dichromate de potassium à 0,25 N (K2Cr2O7). La solution obtenue est mise dans un DCO-mètre (ISCO record 19) pendant 2 heures à une température de l’ordre de 100 °C. L’absorbance est mesurée par un spectrophotomètre visible - UV NACHEN 220 à 585 nm.

  • Oxygène dissous : L’oxygène dissous est mesuré directement après prélèvement de l’échantillon par un oxy-mètre type thermo-orion 810 à 2 % de précision.

2.3.4 Matière Extractible à l’Hexane (MEH)

Elle consiste en l’extraction des lipides totaux par un mélange d’hexane et de méthanol. La technique d’analyse utilisée est celle de BRIDOUX et al. (1994). Un échantillon de 40 mL est acidifié par l’acide sulfurique jusqu’à pH3 afin de maintenir les acides gras sous leurs formes non dissociées, donc plus solubles dans le solvant et moins solubles dans l’eau. On ajoute 40 mL d’hexane et 20mL de méthanol. Le mélange est centrifugé à 4 000 rpm pendant 5 min. Après décantation, les deux phases sont séparées. Le mélange hexane-graisse est mis dans un ballon préalablement pesé, puis ce dernier est connecté à un rota vapeur. la température est réglée à 75 °C, l’hexane est évaporé à 68 °C, le résidu restant dans le ballon représente la quantité des huiles et graisses par rapport au volume initial de l’échantillon. L’erreur sur la mesure est de 10 %.

2.4 Montage électrochimique

Le réacteur utilisé au laboratoire est une cellule électrolytique de 21,75 dm3 de capacité. Le système de traitement est choisi discontinu (batch). Ce système est approprié pour de faibles volumes ayant une charge polluante élevée, de manière à mieux contrôler le temps de séjour. Le volume utilisé au laboratoire est 1 litre. Quatre électrodes de fer sont utilisées, deux anodes et deux cathodes. Ce sont des plaques planes, de 15 cm de longueur et de 4 cm de largeur et de 0,2 cm d’épaisseur, fixées à la cellule en position parallèle. L’espace inter-électrode est de 2 cm (PERSIN ET RUMEAU, 1989). Cet espace inter électrode est choisi faible pour limiter la chute ohmique (CHEN et al., 2002). Les électrodes planes offrent un montage et un nettoyage faciles des plaques (ZONGO, 2009). Le mode de connexion choisi est monopolaire en parallèle (GOLDER et al., 2007). Le courant est généré par un générateur LW Labor GMBH à alimentation variable allant de 1 à 30 volts, qui affiche l’intensité de courant au temps réel entre les électrodes. L’intensité de courant varie en fonction de la tension aux bornes et la conductivité de l’effluent. C'est pour cette raison que les densités de courant et les énergies consommées sont calculées par les intensités de courantes maximales. Le dispositif expérimental est présenté par la figure 1.

Figure 1

Dispositif d’électrocoagulation.

Electrocoagulation device.

Dispositif d’électrocoagulation.

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Le brassage de l’échantillon dans la cellule électrolytique est assuré par un agitateur magnétique, situé au fond du réacteur et au-dessous des électrodes. L’intensité de l’agitation choisie de 60  tr•min‑1 pour faciliter la floculation et éviter le cisaillement des flocs (ACHOUR et GUESBAYA, 2005). Après chaque test d’électrocoagulation, les électrodes sont retirées du réacteur et traités par un papier abrasif. Ensuite, elles sont nettoyées par une solution acide concentrée à 0,2 N pour éliminer les polluants déposés à leurs surfaces (BENNAJAH, 2007).

2.5 Masse théorique et masse réelle de fer en solution

avec :

  • mth : masse du métal dissous ou de gaz formé (g);

  • I : intensité du courant imposé (A);

  • t : durée d’électrolyse (s).

  • M : poids moléculaire de l’élément considéré (g•mol‑1);

  • F : constante de Faraday (96 500 C•mol‑1);

  • n : nombre d’électrons mis en jeu dans la réaction considérée

La masse réelle de fer dissous est calculée par la différence des pesées des électrodes avant et après traitement.

2.6 Rendement faradique Øc de la dissolution du fer

Le rendement faradique Øc est estimé par le rapport de la perte de masse effective des électrodes lors des expériences Δmexp à la masse théorique Δmth. Ce rapport et la loi de faraday donne (BENNAJAH 2007) :

2.7 Mesure de l’absorbance

La décoloration de l’effluent à différentes tensions est mesurée par l’absorbance à 450 nm (BENNAJAH, 2007). La matière organique dissoute est aussi suivie par mesure de l’absorbance à 254 nm. La décoloration et la matière organique de l’effluent sont données par la densité optique en fonction de la tension électrique. La densité optique est mesurée par un spectrophotomètre UV-visible NACHEN 220.

2.8 Énergie consommée par le procédé

Elle est déterminée par la relation suivante :

où :

  • U : est la tension aux bornes des électrodes (v);

  • I : est l’intensité de courant en (A);

  • t : est le temps en (h) et;

  • V : le volume de l’échantillon (m3).

3. Résultats et discussion

3.1 Caractérisation des effluents d’abattoir de viande rouge

Les résultats de la caractérisation physico-chimique et microbiologique d’effluent brut sont présentés dans le tableau 1. Ce dernier montre que l’effluent d’abattoir est neutre avec un pH qui varie entre 6,4 et 7,6. Ceci est imputé à l’eau potable utilisée pour le traitement des carcasses et le sang qui ont un pH neutre.

Tableau 1

Caractérisation physico-chimique et microbiologique d’effluent brut d’abattoir.

Physico-chemical and microbiological characterization of the raw effluent from the abattoir.

Caractérisation physico-chimique et microbiologique d’effluent brut d’abattoir.

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La conductivité moyenne est de 1 340 µS•cm‑1, cette valeur est proche de celle trouvée par EL GUAMRI et al. (2008). Elle justifie d’avantage le choix de traitement électrochimique. La charge minérale de cet effluent montre des concentrations moyennes des orthophosphates et de l’azote total respectives de 35 mg•L‑1 et de 290 mg•L‑1.Ces concentrations sont liées à la charge en sang, et peuvent entraîner l’eutrophisation du milieu récepteur. La concentration moyenne des chlorures est de 426 mg•L‑1. La matière oxydable est représentée par une DCO moyenne de 2 240 mg•L‑1. La MEH désigne les huiles et les graisses, elle varie entre 900 et 1 100 mg•L‑1. Cette concentration est proche de celle citée par GAURI (2004). Les huiles et graisses constituent un facteur limitant pour les traitements biologiques. L’optimisation du procédé est recherchée sur l’abattement de la matière organique représenté par la DCO, les MEH et la décoloration de l’effluent, et également sur le coût de procédé représenté par la quantité de fer dissous et l’énergie consommée. Ces paramètres sont étudiés en fonction du temps de contact et la tension électrique aux bornes de générateur.

3.2 Traitement électrochimique des effluents d’abattoir de viande rouge

3.2.1 Évolution de la DCO en fonction du temps

L’étude de la cinétique d’abattement de la DCO en fonction du temps a été réalisée dans le but d’optimiser le temps de contact. La tension électrique est fixée à 12 V correspondant à une densité de courant de 85,7 A•m‑2 (Figure 2). Cette densité de courant est calculée par l’intensité de courant maximal de 2,4 A.

Figure 2

Évolution de la demande chimique d’oxygène (DCO) en fonction du temps.

Variation of the chemical oxygen demand (COD) as a function of time.

Évolution de la demande chimique d’oxygène (DCO) en fonction du temps.

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La figure 2 montre qu’à 10 min la DCO est réduite de plus de 50 %, l’abattement augmente avec le temps de contact jusqu'à ce qu’il atteingne 90,6 % à 25 min. Ces résultats sont proches de ceux rapportés par CAMILLERI (1980) et DROGUI et al. (2007). Donc le temps de contact optimal est 25 min.

3.2.2 Effet de la tension électrique sur la DCO et la décoloration de l’effluent

La coloration de l’effluent d’abattoir est causée par le sang issu de la salle d’abattage. Le sang représente la majeure partie de la DCO de ces rejets liquides. Ce qui implique que la décoloration de cet effluent est fortement liée à l’abattement de la DCO. Pour cela, l’évolution de ces deux paramètres a été étudiée en fonction de la tension aux bornes (de 4 à 15 V). Le temps est fixé à 25 min. Les résultats sont montrés dans la figure 3. D’après ce dernier, les courbes de la DCO et l’absorbance suivent la même évolution. Pour une tension égale à 4 V (densité de courant de 42,8 A•m‑2), l’abattement est quasiment négligeable. À 6 V, plus de 50 % de la DCO est éliminé. L’élimination de la DCO résiduelle est plus significative à 10 V (correspond à 71,4 A•m‑2) et 12 V (correspond à 85,7 A•m‑2), elle est respectivement de 84,8 % et 92,6 %. À 15 V (107,1 A•m‑2), il n'y a pas de diminution remarquable de la DCO. On peut déduire que la tension optimale est 12 V. L’efficacité de traitement s’élève avec la tension aux bornes de générateur. En effet, la densité du courant s’élève dans le réacteur. Le taux de fer dissous augmente, entraînant une grande quantité de coagulant et de précipité formés suite aux réactions aux électrodes. Pour expliquer cela, MOLLAH et al. (2001) ont proposé deux mécanismes pour décrire les réactions d’électrolyse aux électrodes :

Mécanisme 1

Anode : oxydation

Cathode : réduction

Mécanisme 2

Anode : oxydation

Cathode : réduction

Figure 3

Évolution de la DCO et de l’absorbance en fonction de la tension électrique.

Variation of COD and absorbance as a function of the voltage.

Évolution de la DCO et de l’absorbance en fonction de la tension électrique.

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À l’anode par action de courant électrique, le fer s’oxyde et libère des ions ferreux qui s’hydrolysent par les ions OH- formés par réduction de l’eau à la cathode (Équations 4 et 5). L’hydroxyde de fer produit par la réaction 5 forme, par adsorption et précipitation, avec la matière organique dissoute et la matière colloïdale, des précipités hydroxydes de fer-polluant (MOLLAH et al., 2001). La réaction 8 donne des hydroxydes ferriques par oxydation des ions ferreux. Celle-ci ne peut se déclencher que dans des conditions acides, et avec un potentiel proche de 0,8 V (POURBAIX et ZOBOV, 1963) cité par ZONGO (2007).

L’évolution de la décoloration de l’effluent est suivie par l’absorbance à 450 nm durant l’électrocoagulation (BENNAJAH, 2007). la densité optique (D.O) est mesurée sur des échantillons pour chaque essai d’électrocoagulation en fonction de la tension électrique. Le temps est fixé à 25 min. Les résultats sont illustrés dans la figure 3.

La figure 3 montre que pour des échantillons de même densité optique 0,8 et même DCO initiale, l’absorbance augmente avec la tension aux bornes de générateur. En effet, à 4 V l’effluent garde sa coloration rouge avec une densité optique de 0,5. À partir de 6 V, la diminution de l’absorbance devient significative. À 12 V, l’absorbance atteint 0,08 (90 %). Pour la même tension l’abattement de la DCO atteint les 92,6 %. L’augmentation de la tension à 15 V ne provoque aucun changement d’absorbance. Cela signifie que le potentiel optimal est bien 12 V. L’effluent est totalement décoloré avec une bonne séparation liquide-solide. Ceci dit, toutes les molécules du sang (notamment l’hémoglobine) sont éliminées par adsorption et/ou oxydation. De manière générale, l’action des processus électrochimiques sur la matière organique conduit essentiellement à son oxydation directe à la surface de l'anode et/ou à son oxydation indirecte par des oxydants en solution (LABANOWSKI, 2004). En conclusion, la densité de courant est jugée comme un paramètre essentiel en électrocoagulation, spécifiquement pour la cinétique d’abattement de DCO et la coloration (BAYRAMOGLU et al., 2007; MOLLAH et al., 2001).

3.2.3 Variation de la matière organique

Pour suivre l’influence du procédé sur la matière organique, des mesures d’absorbance UV à 254 nm ont été effectuées. Les résultats sont illustrés dans la figure 4. L’évolution de la courbe montre une diminution de l’absorbance avec l’augmentation de la tension électrique. Elle atteint 0,22 à 10 V (correspondant à 77,7 % d’abattement), puis elle augmente légèrement jusqu'à 0,35 correspondant à 66,6 % d’abattement). L’abattement important de l’absorbance indique une forte élimination des composés organiques qui absorbent à 254 nm. L’augmentation de l’absorbance peut être expliquée par une transformation structurelle de la matière organique en d’autres sous-produits organiques (LABANOWSKI, 2004). La diminution remarquable des concentrations des ions chlorures à partir de 10 V peut témoigner d’une éventuelle oxydation indirecte de la matière organique par les oxydants tels que le ClO- et le HClO.

Figure 4

Variation de l’absorbance UV à 254 nm en fonction de la tension.

Variation of UV absorbance at 254 nm as a function of the voltage.

Variation de l’absorbance UV à 254 nm en fonction de la tension.

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3.2.4 Quantité théorique et réelle de fer dissous et énergie consommée

La consommation d’énergie électrique et de fer des électrodes détermine le cout de procédé et permet de prévoir sa faisabilité sur le plan économique. L’optimisation de ces deux paramètres a été étudiée en fonction de la tension électrique et de l’abattement de la DCO (Figures 5 et 6). Le temps est fixé à 25 min.

Figure 5

Évolution de la masse de fer dissous en fonction de la tension.

Variation in the mass of dissolved iron as a function of voltage.

Évolution de la masse de fer dissous en fonction de la tension.

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Figure 6

Évolution de pourcentage d’abattement de la DCO en fonction de l’énergie consommée.

Variation of the percentage reduction of COD as a function of the energy consumed.

Évolution de pourcentage d’abattement de la DCO en fonction de l’énergie consommée.

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La courbe de la figure 5 montre qu’à 4 V, la masse de fer dissous est faible (1,2 g•L‑1), mais elle augmente avec la tension électrique. L’élévation de la densité du courant accélère l’oxydation du fer, par le fait même le taux de coagulant dans la solution (HOLT et al., 2002; LETTERMAN et al., 1999). La quantité de fer dissous atteint 0,6 g•L‑1 à 15 V en passant par 0,45 g•L‑1 à 12 V. Par contre, 0,6 g•L‑1 dépasse la quantité nécessaire pour l’efficacité du traitement, parce que 15 V n’apportent rien à l’abattement de la DCO. Par conséquent, le taux de traitement optimal est de 0,45 g•L‑1 et correspond à 12 V. Le rapport de la masse réellement dissoute de fer à la masse théoriquement dissoute donne le rendement faradique (Tableau 2). Ce dernier varie avec la densité de courant et les conditions opératoires. Le rendement maximal montré dans le tableau 2 est 71 %. Cette valeur est moins importante que celle trouvée dans la littérature. Selon de nombreux auteurs tels que KHARLAMOVA et GOROKHOVA (1982), GROTERUD et SMOCZYNSKI (1986) et PRETORIUS et al. (1991), ces derniers rapportent que le rendement anodique est de 100 % pour des électrodes en fer. Pour BUREAU (2004), ce rendement est élevé pour des intensités de courant supérieures à 5 A.

Tableau 2

Rendement faradique sur le fer dissous.

Performance faradic of the dissolved iron.

Rendement faradique sur le fer dissous.

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La consommation d’électricité est décisive pour le choix du procédé. La courbe de la figure 6 montre que le pourcentage d’abattement de la DCO augmente avec l’énergie consommée. L’abattement de 84,8 à 92,6 % demande une énergie allant de 8 à 11,5 KWh•m‑3. Ces valeurs correspondent à l’intervalle de tension 10 - 12 V, et de densités de courant maximales 71,4 A•m‑2 - 85,7 A•m‑2. À 15 V, le système fournit une énergie de 18 KWh•m‑3 (107,1 A•m‑2) et sans changement significatif sur la DCO. Ceci veut dire que l’énergie optimale du procédé ne dépasse pas 11,5 KWh•m‑3. Ces résultats sont différents de ceux de HANAFI et al. (2009). Ces derniers ont rapporté que 75 à 80 % de réduction des polyphénoles demande 14 KWh•m‑3 d’énergie. Cette différence revient à la charge importante en DCO des margines, l’application d’un potentiel électrique élevé (20 V) et une densité de courant importante (250 A•m‑2), par conséquent une surface active d’électrode réduite. L’énergie consommée dépend en général du potentiel appliqué, et la résistance électrique de la solution entre les électrodes. Cette dernière peut provoquer les déperditions énergétiques (KOREN et SYVERSEN, 1995). Par conséquent, il faut agir sur certains paramètres, comme la réduction de l’espace inter-électrodes et l’augmentation de la surface active des électrodes.

3.2.5 Abattement de la matière inorganique et matière en suspension

L’effet de traitement sur l’abattement de la matière inorganique est étudié en fonction du potentiel électrique aux bornes de la cellule électrolytique. Les résultats sont présentés dans le tableau 3.

Tableau 3

Concentration de la matière minérale en fonction de la tension.

Concentration of inorganic matter as a function of the voltage.

Concentration de la matière minérale en fonction de la tension.

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3.2.5.1 Orthophosphates

La concentration des orthophosphates chute de façon remarquable avec la tension électrique jusqu'à ce qu’elle atteigne 86,8 % vers 12 V. Cette forte élimination des orthophosphates par électrocoagulation s’explique par la précipitation chimique des ions phosphates avec l’hydroxyde de fer.

3.2.5.2 Azote total

La concentration élevée de l’azote est liée à la charge importante de cet effluent en sang. L’élimination des molécules d’hémoglobines implique l’abattement en grande partie de l’azote lié à ces molécules. D’après la figure 3, l’azote total baisse aussi de manière significative. À 4 V, 27,5 % d’azote total est éliminé. L’abattement maximal est 76,2 % à 12 V.

L’azote est aussi éliminé sous forme inorganique par oxydation des ions NH4+ et formation des chloramines et d’azote gazeux (CHIANG et al., 1995) et (COSSU et al., 1998) (cité par LABANOWSKI,2004).

3.2.5.3 Chlorures

Le tableau 3 montre une régression des ions chlorures avec l’augmentation de la tension électrique. De 4 V à 12 V, la concentration des chlorures à baissé de 35,4 %. Cela pourrait s’expliquer probablement par la conversion des ions chlorures existant en chlore actif par oxydation et la formation d’espèces oxydantes, telles l’acide hypochlorique (HClO) et l’ion hypochlorite (ClO-) (GE et al., 2004). Selon les mêmes auteurs, pour un grand nombre d’effluents contenant des ions chlorures, l’oxydation anodique de ces ions peut conduire à la production d’hypochlorite par les réactions suivantes :

D’après cela, nous pouvons suggérer une éventuelle oxydation de la matière organique par l’hypochlorite. Cette oxydation a probablement transformé les polluants organiques en d’autres sous-produits non identifiés, et facilement éliminables. Ceux-ci contribuent aussi à l’abattement de la DCO et convergent avec la diminution des concentrations des chlorures dans le tableau 3.

Par ailleurs, et fort probablement, des réactions des ions chlorures avec les molécules d’hémoglobine (cycliques et insaturées), constituant principal d’effluents d’abattoir, sont envisageables. Ces réactions peuvent ouvrir les cycles d’hémoglobine et engendrer des composés organo-halogénés qui consomment des ions chlorures (DE LAAT et al.,1982) cité par (LABANOWSKI, 2004).

Aussi, l’augmentation de pH lors d’électrocoagulation provoque la déprotonation des fonction acides de la matière organique (RIBORDY et al., 1997). Ces deux mécanismes induisent la formation de complexes organochlorés chargés négativement pouvant précipiter avec le fer et former des résidus métalliques éliminés par les boues flottées.

3.2.5.4 Fer résiduel dans la solution

Cette analyse a été faite pour déterminer le degré de contamination en fer résiduel de la solution. Les résultats des analyses par spectroscopie de masse à plasma couplée par induction sont présentés dans le tableau 3. Entre les tensions 10 et 12 V, la concentration de fer résiduel est proche de celle initialement mesurée dans l’effluent. Une légère diminution est observée avec la tension 4 et 6 V. Cette diminution pourrait s’expliquer probablement par le besoin du système électrolytique en coagulant. En effet, les tensions 4 et 6 V produisent respectivement 0,12 et 0,25 g•L‑1 de fer. Ces doses sont très inferieures aux taux de traitement. En conclusion, avec 12 V, l’effluent traité n’est pas contaminé en fer dissous.

3.2.5.5 Matières en suspension

Les MES sont dosées à 10 min de repos après chaque traitement. Elles baissent de la même façon que les autres paramètres et dépassent les 94 % (Tableau 3). En comparaison avec la coagulation-floculation, certaines études rapportent une meilleure efficacité de l’électrocoagulation sur l’élimination des MES (MURUGANANTHAN et al., 2004) et des flocs les plus fins par la production des bulles de gaz permettant la flottation de ces éléments (MICHEL, 1996) cité par LABANOWSKI (2004).

3.2.6 Variation de pH

Le pH initial de l’effluent, (7,0 ± 0,6), répond bien au pH requis pour une électrocoagulation optimale (MATTESON et al.,1995). Au cours de l’électrocoagulation, le pH augmente en fonction du temps. Ceci est expliqué par la libération des ions hydroxydes dans la solution (CHEN et al., 2000; VIK et al., 1984) Pour cela, l’évolution du pH durant 25 min de traitement avec une tension de 12 V a été étudiée. Les résultats sont présentés dans la figure 7. Durant l’électrocoagulation, le pH-mètre affiche une augmentation de pH en fonction du temps. Cette augmentation de l’alcalinité revient au taux des ions (OH-) libérés à la cathode, et qui atteint un maximum de 12 unités en 25 min (fin de traitement), puis il descend progressivement jusqu'à la valeur de 8,1 après 15 min de repos. La consommation des ions OH- par piégeage dans le précipité hydroxyde de fer interprète la diminution du pH. Cette valeur de pH légèrement basique est considérée non sévère pour le milieu récepteur.

Figure 7

Évolution de pH au cours de l’électrocoagulation en fonction de temps.

Variation of pH during electrocoagulation as a function of time.

Évolution de pH au cours de l’électrocoagulation en fonction de temps.

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3.2.7 Flottation

Selon BENNAJAH (2007), plusieurs travaux portant sur les procédés d’électrocoagulation rapportent que la séparation des matières agglomérées en solution à l’issue de l’adsorption des polluants peut se réaliser soit par décantation (HU et al., 2006; YLDIZ et al., 2008), ou par flottation (ESSADKI et al., 2008; MORENO-CASILLAS et al., 2007). La flottation est un procédé de séparation solide/liquide ou liquide aqueux/liquide huileux qui consiste à rassembler en surface les matières dont la densité est inférieure, égale, ou très légèrement supérieure à celle du liquide de base (en général de l'eau) (GARDAIS, 1990). Dans cette expérience, les essais de traitement avec 4, 6, 10 volts ont donné une séparation des boues par décantation après 20 min de repos, sauf les mousses qui flottent. Avec 12 et 15 V, le traitement donne une séparation liquide-solide par flottation, et la masse des bous récupérée à ces tensions varie entre 4 et 5 g•L‑1 d’effluent. Ces résultats peuvent être interprétés ainsi : En électrocoagulation, la densité de courant détermine la dose de coagulant, le taux de production des bulles de gaz et la croissance des flocs (HOLT et al.,2002 ; LETTERMAN et al.,1999). En effet, au voisinage de la cathode, la réduction du solvant (eau) provoque la formation du gaz d’hydrogène. Ce dégagement de gaz se présente sous forme de bulles, estimées à un diamètre d’environ 10 à 100 μm d’après ESSADKI et al. (2008) et contribue fortement à l’agitation du milieu. Le pH légèrement basique de la solution ne permet pas la production de l’oxygène par la réaction 7. Donc, c’est le dégagement d’hydrogène qui prédomine. Par conséquent, le volume d’hydrogène dégagé a été calculé théoriquement en fonction de la tension pendant 25 min d’électrocoagulation. Ces calculs sont faits d’après la seconde loi de Faraday et la relation des gaz parfaits. Les résultats sont illustrés dans la figure 8. Cette dernière montre que l’augmentation du courant du système induit une augmentation de la quantité totale des gaz dégagés par les réactions d'électrolyse. Entre les tensions 12 et 15 V, le volume théorique de gaz dégagé varie entre 1 810 et 2 250 mL. Cette quantité semble la valeur optimale permettant le succès de la flottation. À cela s’ajoute l’action de l’agitation mécanique du barreau magnétique, qui diffuse la solution vers le haut en parfaite compatibilité avec le mouvement des bulles d’hydrogène. Ces deux mécanismes ont permis le contact des hydroxydes formés avec les colloïdes et les bulles d’hydrogène. Ceci crée des conditions hydrodynamiques favorisant une augmentation de la vitesse de coagulation-floculation et un écoulement vertical important vers le haut, facilitant la flottation des boues. D’après les résultats de ces tests, la tension optimale permettant la flottation commence à partir de 12 V. Par ailleurs, KHOSLA et al. (1991) expliquent cela. Ils rapportent que le nombre de bulles augmente avec l’augmentation de la densité de courant. Et plus le rapport surface/volume des particules en suspension est grand, meilleure est la fixation des bulles et l'élimination rapide des polluants.

Figure 8

Volume théorique d’hydrogène dégagé en fonction de la tension.

Theoretical volume of hydrogen liberated as a function of the voltage.

Volume théorique d’hydrogène dégagé en fonction de la tension.

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3.2.8 Abattement des huiles et graisses

D’après le tableau 1 la concentration des graisses est importante. Le traitement des eaux usées et la récupération des huiles ont été les principales applications de l'électroflottation dans l'industrie alimentaire (ARAYA-FARIAS, 1999). Hosny (1992) a étudié la séparation de l'huile d'émulsion huile-eau par électroflottation. L’élimination des huiles et des graisses est liée à la flottation puisque son principe repose sur le rassemblement des huiles et des éléments légers en surface par des bulles de gaz. D’où l’intérêt de l’application de ce procédé pour le traitement des effluents d’abattoir. L’étude de l’effet de traitement sur les huiles et graisses a donné des résultats importants présentés dans la figure 9. En effet, l’abattement des MEH augmente avec la tension. À 6 V, il n’arrive pas à 50 %. Mais il atteint 62,5 % à 12 V, correspondant à une densité de courant de 85,7 mA•m‑2. Un tel résultat s’explique par l’augmentation du flux de bulles de gaz en fonction de la densité du courant électrique. Cela signifie qu’il est possible de modifier la concentration de bulles dans le milieu de flottation en variant la densité du courant, et augmentant ainsi la probabilité de collision entre les bulles et les particules (GARDAIS, 1990; HOSNY, 1992) (cité par ARAYA-FARIAS, 1999).

Figure 9

Abattement des huiles et graisses en fonction de la tension.

Reduction of oils and fats as a function of the voltage.

Abattement des huiles et graisses en fonction de la tension.

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3.2.9 Abattement des coliformes fécaux

D’après le tableau 4, la diminution des coliformes fécaux commence par une unité logarithmique à 4 V jusqu’à 3 unités à 15 V. En matière de taux de coagulant, une masse de fer comprise entre 0,35 et 0,45 g•L-1 peut abattre entre 2 et 3 unités logarithmiques les coliformes fécaux. Le traitement par coagulation-floculation avec 0,3 g•L‑1 de chlorure ferrique d’effluent d’abattoir n'a permis l’élimination que de 50 % des coliformes (KHENNOUSSI et al., 2011). Un tel résultat témoigne de l’effet bactéricide du système électrochimique.

Tableau 4

Charge en coliformes fécaux résiduels en fonction de la tension électrique.

Fecal coliform residual loads as a function of the voltage.

Charge en coliformes fécaux résiduels en fonction de la tension électrique.

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4. Conclusion

À la lumière des résultats trouvés dans ce travail, nous pouvons retenir que les effluents d’abattoir de viande rouge de la ville de Meknès sont à forte charge organique (2 240 mg•L‑1 de DCO moyenne). La concentration des huiles et graisses est élevée (900 - 1 100 mg•L‑1). Les concentrations de l’azote total, les ortho-phosphates et les chlorures sont respectivement de 290 ± 50 mg•L‑1, 35 ± 10 mg•L‑1 et 426 ± 30 mg•L‑1. Le traitement des effluents d’abattoir de viande rouge par d’électrocoagulation-flottation avec des électrodes de fer a donné des résultats importants. L’efficacité de ce procédé apparaît dans l’abattement important de la DCO (92,6 %), les huiles et graisses (62,5 %), l’azote total (76,2 %), les orthophosphates (95,4 %), et une décoloration totale. Cette efficacité est doublée par un coût abordable. En effet, la consommation d’énergie ne dépasse pas les 11,5 KWh•m‑3. La tension électrique optimale est 12 V, le temps de contact est de 25 min et la masse réelle de fer dissous est 0,45 g•L‑1.