Résumés
Résumé
L’urbanisation dispersée représente un véritable casse-tête pour la transition écologique urbaine en Amérique du Nord. Depuis des décennies, les plans et discours d’urbanisme font la guerre à l’étalement urbain, tandis que les représentations de la maison unifamiliale, véritable icône de la banlieue nord-américaine, s’adaptent à l’émergence des discours sur la soutenabilité urbaine. Au Québec (Canada), la mini-maison participe de ces dynamiques, mais de manière ambiguë. La mini-maison se présente à la fois comme une utopie d’habitation écologique et abordable, comme une niche du marché immobilier à combler et comme l’élément potentiel d’une stratégie plus flexible de densification douce des territoires suburbains. Cette étude de cas de type recherche-action propose d’étudier cette équivocité en analysant le processus de coconstruction de l’objet « mini-maison » au Québec à partir d’une analyse de presse, d’une analyse documentaire et d’observations participantes. Cet article conclut, d’une part, que ce processus a permis de créer des liens entre une grande diversité d’acteurs et, d’autre part, qu’il favorise la remise en question du modèle conventionnel de la maison unifamiliale détachée en répondant à des enjeux d’abordabilité, de simplicité volontaire, de densification douce et de transition écologique des périphéries urbaines.
Mots-clés :
- mini-maison,
- unité d’habitation accessoire,
- habitation durable,
- discours environnemental,
- transition écologique urbaine,
- banlieue,
- ville durable
Abstract
Urban sprawl has long been a puzzle for sustainable urban transition in North America. For decades, urbanism has been waging war against it. Simultaneously, representations of the single family detached home has been evolving and adapting to the emergence of discourses about sustainable cities. In Quebec, Canada, the tiny house phenomenon place in these debates is ambiguous. Tiny houses have been presented as a sustainable and affordable housing utopia, as an inexploited market niche and as a key element in a « soft » densification strategy that could help suburbs transition to a more sustainable urban form. This action research case study proposes to study this ambiguity by analyzing the process of coconstruction of the « tiny house » object in Quebec by using press analysis, documentary analysis and participant observations. This article concludes that this process facilitated the creation of new links between a wide variety of actors and seems to be an opportunity to question the single family detached home model in regard to affordability, voluntary simplicity, soft densification and the sustainable transition of suburbs.
Keywords:
- tiny house,
- accessory dwelling units,
- sustainable housing,
- environmental discourse,
- sustainable urban transition,
- suburbs,
- sustainable cities
Corps de l’article
L’urbanisation dispersée représente un véritable casse-tête pour la transition écologique urbaine en Amérique du Nord (Bailey et Wilson, 2009 ; Filion, 2010 ; Audet, 2015). Depuis des décennies, les plans et discours d’urbanisme font la guerre à l’étalement urbain (Lacaze, 2002 ; Mercier et Côté, 2012), alors qu’au même moment les représentations de la maison unifamiliale, véritable icône de la banlieue nord-américaine, s’adaptent à l’émergence des discours sur la soutenabilité urbaine (Fortin et al., 2011 ; Simard, 2014). Par exemple, la construction de maisons plus performantes d’un point de vue énergétique a souvent été présentée comme un moyen de combattre le changement climatique (Lovell, 2004 ; Jensen, 2012), ce qui a ainsi ironiquement contribué à éluder le rôle significatif de la maison unifamiliale détachée dans l’étalement urbain (Reid et Houston, 2013). Au Québec, la mini-maison participe de ces dynamiques de manière ambiguë.
La mini-maison se présente à la fois comme une utopie d’habitation minimaliste, écologique et abordable[2], comme une niche de marché immobilier à combler et comme un élément potentiel d’une stratégie plus flexible de densification douce des territoires suburbains. Née aux États-Unis, elle a d’abord été vue comme une manière de sauver le rêve nord-américain d’accès à la propriété privée dans le contexte de la crise immobilière de la fin des années 2000 (Vail, 2016). Puisqu’elle nécessite moins de matériaux pour être construite, moins d’énergie pour fonctionner et qu’elle implique une forme ou une autre de simplicité volontaire, la mini-maison est fréquemment présentée comme plus « écologique » que la maison traditionnelle (Carlin, 2014). Cette affirmation est, par contre, sérieusement remise en question par une analyse qui s’appuie sur les trois piliers de la soutenabilité : social, économique et environnemental[3] (Ford et Gomez-Lanier, 2017). Dans l’optique de favoriser la densification « douce[4] » des secteurs de faible densité et la transition écologique des banlieues, certains soulignent néanmoins le fait que la mini-maison peut être construite comme une deuxième unité sur un lot déjà occupé par une habitation principale, c’est-à-dire comme une unité d’habitation accessoire (UHA) (Wegmann et Nemirow, 2011 ; Peterson, 2018). Cet article examine l’intérêt croissant pour la mini-maison et l’ambiguïté persistante du discours sur celle-ci, qui résulte de la grande flexibilité du concept. Il propose donc d’analyser le processus de construction de l’objet « mini-maison » au Québec (Star et Griesemer, 1989 ; Flichy, 2001) en documentant les discours variés, voire conflictuels, produits par ses différents promoteurs et détracteurs.
Approche théorique : analyse de discours
L’analyse de discours s’inscrit dans une perspective socioconstructiviste. Un discours peut être défini comme un ensemble d’idées, de concepts et de catégorisations qui sont produits, reproduits et transformés dans des pratiques particulières et à travers lesquels on donne du sens aux réalités physiques et sociales (Hajer, 1995). Ainsi lue, la notion de discours permet de comprendre l’émergence ou l’évolution d’un problème social en retraçant les lignes argumentatives et logiques sous-jacentes soutenant les revendications avancées par les institutions, les organisations et les acteurs impliqués (Fischer, 2003 ; Hajer et al., 2006).
Nous ferons aussi appel aux concepts d’objet-valise et d’objet-frontière[5] utilisés en sociologie des techniques. Favorisant la coopération entre des acteurs appartenant à des mondes distincts, l’objet-frontière (dans ce cas-ci, la mini-maison) est un concept assez flexible pour s’adapter aux besoins et aux nécessités spécifiques de chacun, et suffisamment robuste pour rassembler les acteurs autour d’une identité commune (Star et Griesemer, 1989). L’objet-valise prend racine dans l’étape initiale plus brouillonne. À cette étape, l’objet est extrêmement flexible, et peut donc s’adapter aux discours et aux intérêts parfois divergents d’une grande variété d’acteurs jusqu’à son éventuel « verrouillage », par exemple suite à l’adoption de réglementations et de spécifications techniques. Les rencontres occasionnées par cet objet-valise peuvent cependant être extrêmement fécondes : elles favorisent les interrogations, les rapprochements et la découverte des projets d’autres acteurs (Flichy, 2001).
Pour mener cette analyse de discours sur l’objet « mini-maison » au Québec, nous avons documenté les différentes définitions qui en sont faites (en fonction de la taille, du design, de spécifications techniques, des idéaux de simplicité volontaire, d’autosuffisance ou de minimalisme, etc.), ainsi que les enjeux qui lui sont associés (économie d’énergie et de matériaux, étalement urbain, abordabilité, etc.). Dans le but de peindre une image plus vivante des acteurs et de favoriser la compréhension des interactions entre les discours parfois contradictoires sur la mini-maison, nous avons élaboré des profils types de ceux-ci. Puis, nous avons aussi porté attention aux débats et tensions dans la construction de l’objet en analysant plus en détail le processus d’élaboration du discours au sein du Mouvement québécois des mini-maisons (MQMM), de même que les prises de position publiques de plusieurs organismes, municipalités et institutions gouvernementales sur la question.
Méthodologie
Le design de recherche s’inscrit dans la recherche-action (Bradbury, 2015 ; Robson et McCartan, 2016). En effet, le chercheur a joué un rôle actif dans les réflexions sur la place de la mini-maison et de l’UHA au Québec en servant d’intermédiaire entre les milieux de la recherche et de la pratique, notamment à travers son travail avec l’organisation l’Arpent et son implication au sein du MQMM[6]. Ce design de recherche a permis une proximité avec les acteurs et leurs espaces d’interaction. Il est clair, par ailleurs, que le chercheur a participé à l’évolution du discours et avait un parti pris pour le développement des mini-maisons qu’il associait, par son travail avec l’Arpent, aux unités d’habitation accessoires et à la densification douce. Cette étude se présente donc comme une analyse du processus de coconstruction des discours sur l’objet mini-maison, vu de l’intérieur.
Cette étude de cas qualitative fait appel à trois types de données : une analyse de presse, une analyse documentaire et des observations participantes. Pour présenter ces données, nous avons recours à des citations représentatives des discours des acteurs, insérées tout au long de l’étude. Pour la revue de presse, nous avons d’abord mené une veille médiatique de plus d’un an (mars 2017 à août 2018) sur la question des mini-maisons au Québec auprès des médias écrits traditionnels (La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal, ICI Radio-Canada, TVA Nouvelles, etc.). Une soixantaine d’articles pertinents ont été retenus. Pour analyser les discours sur la mini-maison qui sont diffusés par ces articles, nous avons surtout cherché les termes par lesquels la mini-maison y est définie (éléments de taille, de design, idéal de simplicité volontaire, autosuffisance, etc.), les principaux arguments évoqués pour justifier son développement, ainsi que les principaux obstacles identifiés. Pour l’analyse documentaire, nous nous sommes appuyés sur les rapports de recherche et les articles de fond produits par les principaux organismes s’étant prononcés sur la question de la mini-maison au Québec, soit : Écohabitation, Vivre en Ville et l’Arpent. Nous avons étudié les mêmes éléments que pour la revue de presse.
Pour documenter les prises de position du MQMM, nous avons mené des participations observantes au sein de celui-ci (Peneff, 2009). Nous avons aussi réalisé des observations participantes lors des principaux événements de la mini-maison au Québec entre octobre 2016 et août 2018.
Nos analyses de ces observations se fondent sur des enregistrements, des notes prises durant les événements, ainsi que sur la documentation connexe. Lors de ces observations, nous avons examiné les mêmes éléments que ceux étudiés dans la revue de presse et l’analyse documentaire.
De l’idéalisation de la mini-maison aux enjeux d’urbanisme
L’analyse de presse sur la mini-maison permet de constater l’évolution récente du discours sur celle-ci. Dans les dernières années, plusieurs émissions de télévision, des documentaires et des articles de blogues et de journaux ont encensé les mini-maisons. Il suffit de regarder certains titres d’articles recensés : « Cette mini-maison vous donnera envie de paqueter vos boîtes sur-le-champ (Montigny, 2017) ». Néanmoins, on rencontre de plus en plus de mises en garde contre elles dans le traitement médiatique de la question : « Mini-maisons : tout n’est pas rose » (Les Affaires, 2016). Publiés tant par des journaux (Bonneau, 2018) et des revues des ordres professionnels (Boullosa, 2017) que par les institutions financières (Sapona, 2017), les institutions fédérales canadiennes (SCHL, 2016) et divers organismes (Vivre en Ville, 2018 ; Gherbi et Lessard, 2018a et 2018b ; Écohabitation, 2018). Ces articles soulèvent plusieurs questionnements qui sont au coeur des débats et des tensions que nous étudierons dans une section ultérieure.
Ce changement dans le traitement de l’objet « mini-maison » au Québec survient surtout à la suite du Premier colloque québécois sur l’avenir de la mini et de la micro habitation. Tenu en juin 2017, cet événement réunit plus de deux cents personnes aux profils diversifiés : entrepreneurs, architectes, urbanistes, élus, institutions financières et chercheurs, ayant comme objectif explicite de réfléchir à l’avenir de ces habitations et de se doter de définitions communes. L’événement se conclut avec une proposition de définitions plus claires de la mini-maison et de la micro-maison[7], proposition qui souligne le fait que le concept est indissociable d’une certaine « manière de vivre » associée à la simplicité volontaire et au minimalisme. À l’issue de cet événement, l’objet « mini-maison » est donc mieux balisé, ce qui facilite le rassemblement d’une variété d’acteurs autour d’un projet commun, annonçant ainsi le passage d’un objet-valise à un objet-frontière (Flichy, 2001). En effet, à la suite d’une suggestion faite lors de l’événement, le MQMM est créé : l’organisation a la mission d’assurer la promotion du concept. Avant d’aborder les débats et tensions rencontrés lors du processus de construction de l’objet mini-maison au Québec, nous présentons des profils types des principaux acteurs participant à ces débats avec les discours qu’ils défendent.
Profils types des promoteurs de la mini-maison au Québec
La grande entreprise
Les représentants des grandes entreprises de construction sont surtout présents lors d’événements tels que le Salon de l’habitation, où ils présentent leurs nouveaux modèles de maisons, ainsi que lors du colloque de juin 2017. Pour la grande entreprise, la mini-maison semble surtout être une nouvelle niche immobilière et une occasion de réactualiser la maison unifamiliale en fonction des nouvelles tendances : « Nous répondons au goût du client et nous construisons sur mesure des maisons d’un ou deux étages » (Gagné, 2017). Bien qu’elles soient plus petites que la maison unifamiliale moyenne[8] et généralement plus abordables, et malgré leurs appellations de « mini » et de « micro », les maisons proposées par ces entreprises sont pour la plupart au-dessus des empreintes au sol maximales déterminées lors du colloque de juin 2017.
Reprenant les caractéristiques du discours du marketing vert, la grande entreprise présente généralement les améliorations incrémentales de la performance du bâtiment comme des gains environnementaux : « ces maisons se démarquent par leur fonctionnalité, l’optimisation des espaces, leur faible empreinte environnementale et leur coût de construction nettement moindre » (Dessins Drummond, 2014). Ce discours est en cela très semblable au cadrage discursif de l’habitation écologique (Lovell, 2004 ; Jensen, 2012 ; Reid et Houston, 2013). Tablant sur l’intérêt du public et sur le flou entourant la définition de la « mini-maison », la grande entreprise semble surtout engagée dans un processus de recadrage discursif de l’objet « mini-maison », où elle tente de présenter ses pratiques de construction, somme toute conventionnelles, comme des innovations « vertes ».
L’institution financière
Les représentants des institutions financières et des compagnies d’assurances sont présents lors des grands événements sur la mini-maison, car ils souhaitent évaluer le potentiel de création de richesse que recèle le financement des hypothèques de mini-maisons et les éventuels nouveaux risques que pose l’assurance de ces bâtiments. Une fois ses recherches faites, l’institution financière publie du contenu en ligne pour informer ses futurs clients (Belairdirect, 2017). Malgré une curiosité marquée, elle adopte une attitude plutôt prudente, en cela qu’elle ne milite pas pour l’avancement du dossier. Sa principale peur réside dans le fait que les projets de quartiers de mini-maisons rappellent les parcs de maisons mobiles, qui ont mauvaise presse au Québec en raison de leur décrépitude. Ce faisant, les institutions financières craignent que la valeur de revente de ces maisons n’augmente pas, et elles hésitent à les financer (Sapona, 2017).
La petite entreprise
Contrairement à la grande entreprise, la petite entreprise est spécialisée dans la mini-maison. C’est même parfois son seul produit. Souvent, la petite entreprise contrevient aux réglementations en vigueur en raison de la petite taille des habitations qu’elle vend (Schenk, 2015 ; Hutchinson, 2016). La plupart de ses ventes se font donc à l’étranger, notamment en Californie, où plusieurs municipalités l’autorisent. Ou alors, elles reposent sur des marchés nichés, tels ceux du micro-chalet en bordure des centres de ski ou celui de la micro-maison sur roue déclarée comme véhicule récréatif. Désirant aussi offrir de plein droit des maisons au Québec, la petite entreprise est fréquemment engagée dans des démarches de dérogation et de modification réglementaire. Elle n’hésite pas à partager ses apprentissages lors des forums et des colloques sur la mini-maison, et à s’impliquer bénévolement au sein d’organismes comme le MQMM. La petite entreprise s’oppose à la grande entreprise sur la question de l’empreinte au sol de la mini-maison. Sa définition minimaliste de cette dernière prime lors du colloque de juin 2017. Elle tente aussi de se différencier des bungalows, des maisons mobiles et des véhicules récréatifs en faisant valoir la qualité et la durabilité des matériaux utilisés dans ses constructions (Gagné, 2017).
Certains petits entrepreneurs sont porteurs d’un discours de marketing vert similaire à celui de la grande entreprise : « La mini-maison est écologique à tout point de vue : par sa dimension, mais aussi parce que sa construction demande moins de matériaux et elle coûte peu en chauffage et en entretien toute l’année » (Mariette, 2018). D’autres tiennent un discours nourri des réalités urbanistiques et s’investissent dans le MQMM pour proposer d’utiliser les mini-maisons afin de lutter contre l’étalement urbain en intégrant celles-ci dans la trame urbaine existante :
Si tu me le demandais, ça serait quoi le meilleur scénario, je te dirais que j’aimerais ça l’avoir dans un centre urbain. On veut pas l’avoir nécessairement en périurbain, parce que, là, c’est un peu contre indicatif en terme d’environnement […] et avoir des petits condos, des petits commerces, que ce soit pas juste du résidentiel […] dans une trame urbaine déjà construite (sic)
ICI, 2018a
En milieu urbain, ça aiderait aussi à régler certains problèmes liés à la mobilité ainsi qu’à l’environnement. La possibilité de construire des mini-maisons sur le toit de certains bâtiments dans les grandes villes est très intéressante
Le président du MQMM, cité par M. Dauphinais-Pelletier, 2018
Selon nos observations et notre travail au sein du MQMM, similaire à ce que Lovell (2004) a pu constater chez les précurseurs de l’habitation durable, le projet de la petite entreprise prend racine dans les valeurs et les convictions des fondateurs. Ceux-ci mettent principalement de l’avant deux dimensions délaissées par le discours dominant sur l’habitation durable (Reid et al., 2010 ; Shove, 2014), soit l’importance d’offrir une alternative plus abordable à la maison unifamiliale conventionnelle et la nécessité de réduire l’empreinte environnementale des ménages dans une optique d’économie d’énergie et de matériaux, mais aussi de simplicité volontaire.
L’élu municipal
Plusieurs élus municipaux ayant fait modifier leur réglementation locale ou étant intéressés par une telle éventualité sont présents aux différents événements sur la mini-maison. Règle générale, l’élu municipal est soucieux de répondre aux besoins en logement de sa population en offrant des habitations plus abordables et en favorisant la cohabitation intergénérationnelle :
Les prix des maisons sont en augmentation, les petits villages comme le mien se dévitalisent. […] Un village de villégiateur aussi, t’as des maisons de 500 000, 800 000, un million. Tes résidents eux autres, tu fais quoi avec ? […] Nous autres, à Lantier, quand Habitat Multi Générations nous a approchés, j’ai été emballé par le projet. De un, ça nous permettait de donner l’accès à la propriété aux jeunes, c’est souvent leur première maison. Mais il y a aussi les personnes âgées qui n’ont plus les moyens de garder leur grosse maison. Ça peut être leur dernière maison au lieu d’aller dans un centre d’hébergement. Avec le concept communautaire, ces gens-là […] ne seront pas tout seuls
Premier colloque québécois sur l’avenir de la mini et de la micro habitation, 2017
Comme plusieurs élus nous en ont fait part lors des observations et de notre travail au sein du MQMM, bien qu’ils soient quelquefois appuyés par les Municipalités régionales de comté (MRC[9]), ils ont souvent dû porter le projet seuls face aux réticences de conseillers municipaux et du service d’urbanisme (Lévesque-Boucher, 2016 ; Gagné, 2017 ; ICI, 2018b). Les principaux obstacles mentionnés par ceux-ci sont que, pour le même coût en infrastructures publiques (aqueduc, égout et voirie), les mini-maisons génèrent moins de revenus fonciers et risquent de stimuler la grogne des voisins. Qui plus est, si elles sont construites sur roue, elles sont difficiles à taxer au niveau foncier, puisque le propriétaire peut facilement quitter le terrain. Puis, comme la plupart des projets « pionniers » de mini-maisons prennent la forme de développements pavillonnaires, ils exacerbent le problème de l’étalement urbain, et menacent les milieux agricoles et les zones naturelles. Aussi, l’élu municipal qui désire favoriser les mini-maisons dans sa municipalité se heurte généralement à plusieurs obstacles réglementaires, de même qu’à de nombreux défis, pour réussir à les intégrer adéquatement.
L’urbaniste militant
L’urbaniste militant — groupe dont l’auteur fait partie — est souvent affilié à un organisme à but non lucratif, à un ordre professionnel, à une université ou à un centre de recherche. Il possède généralement une expertise en architecture, en design ou en études urbaines. Si nous le qualifions de militant, c’est qu’il profite de l’engouement pour la mini-maison pour traiter des enjeux d’étalement urbain et de l’offre inégale de logements abordables notamment en militant en faveur de la densification douce et d’une offre en logement plus diversifiée dans les périphéries urbaines. En milieu urbanisé, il priorise la construction de la mini-maison en tant qu’UHA : « Dans des quartiers vieillissants, il y a moyen d’adapter des maisons ou d’ajouter des annexes sur de grands terrains, pour favoriser la création de logements abordables […]. Les avantages seraient nombreux, explique-t-il, puisque cela permettrait de préserver des terres agricoles et des milieux naturels, tout en diminuant la dépendance à l’automobile » (L’Arpent, cité par Bonneau, 2018).
Informé des réalités du marché immobilier, de l’historique de la maison unifamiliale au Québec et des risques de l’étalement urbain, il met aussi en garde contre les dérapages potentiels de la mini-maison en contexte québécois :
Là où j’ai énormément de réserves [...], c’est le phénomène qui se passe dans toutes les banlieues des aires métropolitaines au Québec, c’est le bungalow bas de gamme construit aux extrêmes limites inférieures des codes de construction […]. Par aveuglement volontaire, dans les municipalités, on est en train de laisser se construire les ghettos ou les taudis […]. Le danger de la mini-maison ce n’est pas le concept, c’est sa récupération par des promoteurs immobiliers qui veulent absolument écrémer les dernières strates de marché disponibles […]. Ce qu’il faut pour ces projets-là, pour celui de Lantier, c’est casser la dépendance à l’automobile […]. Il va falloir qu’on développe une approche communautaire de la mobilité dans les périphéries urbaines comme à Sherbrooke dans les villages comme Lantier, parce que, si on reste dépendant de l’automobile, on n’a réglé que très partiellement le problème
Un urbaniste militant, en conférence d’ouverture du Premier colloque québécois sur l’avenir de la mini et de la micro habitation, 2017
L’urbaniste militant situe donc la mini-maison à l’intérieur de la question plus vaste de la soutenabilité urbaine. Il a recours à un discours semblable à celui qu’ont tenu les groupes de réflexion sur l’habitation écologique en Grande-Bretagne lorsqu’ils ont tenté d’amener le débat « en silo » de l’habitation sur le terrain de l’urbanisme (Lemprière, 2016). Pour faire valoir sa vision, il publie des rapports de recherche et des articles, et il documente les bonnes pratiques réglementaires. Il organise aussi des événements, présente des communications, prend position dans les médias et s’implique bénévolement au sein de divers organismes.
L’enthousiaste
Présent à tous les événements de la mini-maison où il peut partager et échanger savoirs, connaissances et expériences avec d’autres passionnés, l’enthousiaste adore parler de son projet personnel. Deux principaux profils d’enthousiastes ont été rencontrés. Dans le premier cas, il s’agit d’une personne qui s’est construite elle-même sa mini-maison et qui désire incarner le changement par la pratique (Hutchinson, 2016). Quelquefois, son habitation est non déclarée et contrevient à un ou à plusieurs règlements en vigueur (Dauphinais-Pelletier, 2018 ; ICI, 2018c ; Drouin, 2018). Son projet comprend souvent une dimension d’autosuffisance : une serre, un potager, des panneaux solaires, une toilette à compost, etc. Si les pratiques de vie et les petits gestes du quotidien sont essentiels à ses yeux, son autonomie doit souvent être atteinte à tout prix et il préfère généralement être au coeur de la nature, ce qui suppose souvent l’installation de technologies onéreuses à l’empreinte énergétique élevée, comme les panneaux solaires. Cela implique de surcroît que l’habitation soit construite loin des centres urbains, ce qui augmente la dépendance de l’habitant à l’automobile (Carlin, 2014) :
J’ai fait le choix de prioriser la résilience et l’autosuffisance. Avec les panneaux solaires et la toilette compostable, je n’ai pas besoin d’être connecté aux réseaux [d’aqueduc, d’égout et d’électricité]. Puis, ma maison me coûte pas cher, je n’ai pas d’hypothèque et je peux partir en voyage l’hiver !
Un enthousiaste autoconstruit, entendu lors du Premier colloque québécois sur l’avenir de la mini et de la micro habitation, 2017
Dans le second cas, l’enthousiaste est plutôt intéressé par un projet de mini-maison construite en tant qu’UHA ou par un projet coopératif de mini-maison. Dans certains cas, il installe une micro-maison sur roue déclarée comme « véhicule récréatif » dans la cour d’un ami ou d’un membre de la famille. Ainsi, le projet implique souvent une forme ou une autre de cohabitation inter- générationnelle ou multifamiliale. Bien que l’on retrouve de jeunes familles désireuses d’accéder à une propriété abordable et de vivre différemment, ce profil est surtout caractéristique de personnes en situation de vieillissement qui planifient leur retraite, et qui désirent réduire leurs dépenses et éviter l’isolement : « L’idéal pour moi, ça serait que ma fille rachète la maison avec son conjoint et que je m’installe une mini-maison en fond de cour, mais c’est pas permis ici ! » (Enthousiaste, entendu lors de l’Assemblée du MQMM, 2018). Quel que soit son profil, l’enthousiaste s’implique volontiers de manière bénévole au sein des organismes à but non lucratif comme le MQMM.
Débats et tensions dans la construction de l’objet mini-maison
Ces profils types nous donnent un aperçu des principaux discours sur l’objet mini-maison et permettent de situer les acteurs en présence. L’intérêt est maintenant de les dépasser et d’étudier plus en détail les tensions et les évolutions du discours dans la construction de l’objet mini-maison. Pour ce faire, nous analyserons dans cette section la construction du discours sur l’objet mini-maison au sein du MQMM, le travail en parallèle de plusieurs autres organismes qui se sont prononcés sur la question, ainsi que les positionnements récents de municipalités et d’institutions gouvernementales.
Dans les mois suivant la tenue du colloque de juin 2017, de petits entrepreneurs, des élus locaux, des enthousiastes et des urbanistes militants se regroupent pour fonder le MQMM. Sa mission est de « promouvoir et favoriser l’implantation des mini-maisons au Québec comme style de vie et option de logements viables et adaptés aux réalités et aux défis environnementaux, sociaux, économiques et politiques actuels, dans une perspective durable » (MQMM, 2018b). En janvier 2018, lors de l’Assemblée générale de fondation, sont présentes environ 200 personnes, dont la moitié deviennent membres. La plupart sont des citoyens présents à titre personnel, surtout des retraités ou futurs retraités, ainsi que de jeunes familles qui habiteront sous peu dans une mini-maison dans la coopérative d’habitation Le Petit Quartier de Sherbrooke, ou qui ont un projet de micro-chalet, un projet de mini-maison autosuffisante ou, plus souvent, un projet intergénérationnel de type UHA.
Malgré la vision commune sur l’objet « mini-maison » et une norme de consensus qui anime la démarche du MQMM dès ses débuts[10], on constate en analysant les prises de position du MQMM que l’organisme accueille dans son microcosme plusieurs discours quelque peu contradictoires qui reflètent la diversité des acteurs impliqués. La principale tension trouve sa source dans le type de développement mis de l’avant par l’organisme. D’un côté, le MQMM reprend le discours des enthousiastes et des petits entrepreneurs pour soutenir la déréglementation, ainsi que le droit de chacun de vivre comme il l’entend :
Chaque fois que les gens veulent créer un quartier, faire un développement ou s’acheter un terrain pour implanter une mini-maison, il faut qu’ils fassent changer la réglementation. Souvent, les villes ne veulent pas, alors il faut recommencer dans la ville voisine
Une petite entreprise membre du CA du MQMM, citée par Lemieux, 2018
Les gens qui veulent se construire ou habiter une mini-maison ont la plupart du temps des valeurs environnementales et veulent réduire leur consommation. Ils décident de vivre selon leurs valeurs, ce qui devrait être encouragé pour chaque individu
Le président du MQMM, cité par Dauphinais-Pelletier, 2018
Selon nos observations, en règle générale, les tenants de ce discours sont surtout ceux qui désirent vivre dans des mini-maisons ou ceux qui se spécialisent dans la construction de la micro-maison (300 p², généralement sur roue).
D’un autre côté, sous l’impulsion principale de l’auteur, mais aussi de petites entreprises et d’élus, l’organisme adopte un discours plus urbanistique. Sur ce dossier, le MQMM se positionne alors plus clairement comme ce que Fressoli et al. (2014) nomment une organisation « grassroots », réunissant des citoyens aux profils variés ayant comme but commun de mettre en avant des modèles alternatifs de développement auprès des institutions gouvernementales :
L’idée du mouvement, c’est d’approcher les municipalités, puis de dire « voici comment on pense que tu devrais inclure, par exemple, la micro-maison sur fondation en arrière-cour pour en faire une annexe résidentielle »
Une petite entreprise membre du MQMM, en entrevue à ICI, 2018a
Il y a évidemment une différence entre une mini-maison située en milieu rural ou semi-rural, et un secteur consacré à ce type d’habitation en milieu urbain, ce qui permet de densifier les quartiers et de favoriser l’utilisation du transport en commun […]. Mais il appartient d’abord au ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire de donner le signal en vue d’encadrer et de favoriser la construction de mini-maisons
Le président du MQMM, paraphrasé par Dufresne, 2018
Ainsi, bien que l’on constate un consensus sur l’objet « mini-maison » concernant le bâtiment (superficie, type de matériaux, etc.), une ambiguïté persiste quant à son déploiement sur le territoire québécois, ambiguïté qui reflète les intérêts variés des acteurs investis au sein du MQMM, ainsi que les nombreux besoins et contextes auxquels la mini-maison peut s’adapter.
À l’intérieur du microcosme qu’est le MQMM, coexistent plusieurs discours sur la mini-maison qui peuvent nous informer sur cette question. Toutefois, pour comprendre le processus de définition de l’objet à l’échelle du Québec, il faut considérer les prises de position des autres organismes s’étant prononcés sur le sujet. Voyant l’intérêt grandissant pour la mini-maison suite au colloque de juin 2017 et parallèlement à la création du MQMM, les organismes à but non lucratif Écohabitation et l’Arpent prennent position sur la question. La posture de ces organismes se distingue de celle du MQMM surtout dans la mesure où leur objectif est de tenter d’éviter toute nouvelle forme d’étalement urbain. Aussi, pour eux, la construction de mini-maisons en tant qu’UHA n’est, en fin de compte, qu’un outil de densification douce au sein d’une stratégie plus vaste de transition vers des périphéries urbaines plus durables :
L’Arpent considère que les mini-maisons devraient contribuer à l’actualisation des territoires suburbains et des quartiers résidentiels des villes étendues. Le développement des mini-maisons au Québec devrait donc s’inscrire dans une stratégie de développement intercalaire et de densification douce qui passerait notamment par la construction d’annexes résidentielles
Lessard, 2017
Plus de la moitié des Québécois habitent des quartiers à faible densité. Cela entraîne beaucoup de dépenses liées au déplacement et d’émanations de gaz à effet de serre. Une meilleure occupation du territoire, c’est très écolo. C’est ce qui aura le plus d’incidences sur l’environnement
Écohabitation, cité par Bonneau, 2018
Engagés dans une mission de diffusion de leur vision urbanistique du développement des mini-maisons et des moyens pour y parvenir, ces organismes publient des rapports de recherche (Lessard, 2017 et 2018 ; Gherbi et Lessard, 2018a et 2018b) et des articles de fond (Paradis et Duchaine, 2017), mettent sur pied des manifestes pour faire pression sur le gouvernement (Écohabitation, 2018), organisent des événements de transfert de connaissance tel que le Premier forum sur l’avenir de l’unité d’habitation accessoire (UHA) au Québec et prennent position dans les médias. Suite à ces prises de position, Vivre en Ville (un OBNL qui est un joueur majeur de l’urbanisme durable au Québec) a lui aussi commencé à mettre de l’avant les UHA comme mesure de densification douce dans sa nouvelle offre de service d’accompagnement (Oui dans ma cour, 2018). En adoptant un vocabulaire et un discours unifié dans leurs prises de position, ces organismes ont créé un lien persistant dans les esprits entre la mini-maison, l’unité d’habitation accessoire et la densification douce, ce qui a des répercussions sur le traitement de l’objet mini-maison, tant dans les médias qu’auprès des élus et des urbanistes (Dauphinais-Pelletier, 2018 ; Perrier, 2018 ; Bonneau, 2018).
Au départ, seules de petites municipalités rurales autorisaient les mini-maisons au Québec, car elles y voyaient un outil de revitalisation et un moyen de répondre aux besoins en logements et aux changements démographiques (Thibaudeau, 2015 ; ICI, 2017 et 2018b). Les choses ont changé après le lancement du premier chantier de mini-maisons en milieu urbain à Sherbrooke, la sixième ville en importance au Québec. Dans cette ville, c’est l’aspect coopératif du projet qui a permis de le faire accepter par la municipalité et par la collectivité (Chatard, 2017 ; Cotnoir, 2017). Depuis, plusieurs municipalités urbaines ont commencé à témoigner leur ouverture face aux mini-maisons, mais sous certaines conditions. D’abord, ces municipalités ont été claires sur leur fermeture aux développements pavillonnaires de mini-maison :
Selon [le service d’urbanisme], un problème supplémentaire est lié au fait que ce projet [de quartier de mini-maisons] se situe à l’extérieur du périmètre d’urbanisation
Le service d’urbanisme de Drummondville, cité par Boisvert, 2018
Nous, disons que [les quartiers de mini-maisons], ça nous intéresse moins, car ça favorise l’étalement urbain plutôt que d’augmenter la [densité]
Une élue de Gatineau, citée par ICI, 2018a
Alors que Sherbrooke a autorisé la mini-maison au sein d’un projet particulier, la Ville de Gatineau, la quatrième en importance en matière de population au Québec, a quant à elle choisi une intégration plus complète à la trame urbaine. Désirant concilier l’intérêt des citoyens pour les mini-maisons à l’impératif de réduire l’étalement urbain, Gatineau s’est engagée à autoriser la construction d’UHA à l’échelle de la ville lors de la révision de sa politique d’habitation (Trudel, 2017 ; Doherty, 2018 ; ICI, 2018a). Son objectif est ainsi de densifier en douceur certains secteurs de maisons unifamiliales.
De leur côté, les institutions gouvernementales chargées de l’habitation, tant au niveau fédéral (Société canadienne d’hypothèque et de logement) que provincial (Société d’habitation du Québec), ont déjà exprimé leur réticence face aux micro-maisons sur roue, sauf dans certains contextes spécifiques. Par contre, elles semblent toutes deux enthousiastes face au potentiel des UHA (SCHL, 2016). Supportant financièrement les travaux et événements de l’Arpent et d’Écohabitation sur le sujet, car ils sont en ligne avec leur mission, ces institutions reconnaissent surtout dans les UHA le potentiel de favoriser l’inclusion sociale, l’accès à la propriété, l’accessibilité à un logement abordable et le développement des habitations intergénérationnelles.
Ainsi, sans affirmer que la définition de la mini-maison est désormais « verrouillée » suite aux événements récents et aux prises de position de divers organismes, les différents enjeux liés à la mini-maison sont davantage discutés et mesurés par les municipalités et dans l’espace public. Plusieurs indicateurs témoignent de ce changement : principalement le fait que, dans la dernière année, les villes ont commencé à discuter d’intégration des mini-maisons dans une perspective de lutte contre l’étalement urbain en s’opposant aux nouveaux développements pavillonnaires et en favorisant leur construction en fond de cour en tant qu’UHA, alors même que les institutions d’État ont accordé du financement aux projets étudiant cette question.
Conclusion
L’analyse de l’objet « mini-maison » au Québec a permis de démontrer la coexistence de plusieurs discours sur celui-ci. Utilisée dans les stratégies de marketing vert de petits et de grands entrepreneurs, mise au coeur des projets d’autosuffisance d’enthousiastes, présentée comme utopie d’accès à la propriété par les élus et comme outil de densification par les urbanistes militants, la mini-maison revêt au Québec plusieurs visages. À la suite de la tenue d’un colloque sur l’avenir de la mini-maison en juin 2017, le sujet a rapidement gagné en importance, soulevant de ce fait plusieurs enjeux, notamment relativement à l’étalement urbain et à l’intégration des mini-maisons en milieu urbanisé. Avec la création du Mouvement québécois des mini-maisons (MQMM) et la prise de position d’organismes comme Écohabitation, l’Arpent et Vivre en Ville, cette question est mise au premier plan. Elle revêt désormais une importance fondamentale pour plusieurs municipalités. En peu de temps, on semble ainsi être passé du registre de « l’objet-valise » très flou à celui d’un « objet-frontière » plus défini (Flichy, 2001), où deux discours sur la mini-maison coexistent néanmoins.
D’un côté, un grand nombre d’acteurs associent surtout la mini-maison à la liberté, à la simplicité volontaire, à la performance énergétique, à l’économie de matériaux et à la quête d’autonomie et d’autosuffisance. Dans ce cas, on parle généralement de la micro-maison sur roue. De l’autre côté, un discours urbanistique met surtout en avant le potentiel de la mini-maison (sur fondation) pour la densification douce et pour l’actualisation des périphéries urbaines si la mini-maison est construite en fond de cour (en tant qu’UHA). Si ces discours sur le même objet entrent en contradiction sur plusieurs points, il se peut aussi qu’ils se nourrissent mutuellement. En effet, l’utopie écologique d’autosuffisance et de minimalisme de la mini-maison attire un grand nombre d’acteurs. Bien que cette vision soit en opposition au discours urbanistique, elle favorise néanmoins un engouement pour le concept de mini-maison et une mobilisation pour cette modalité d’habitation, contribuant de ce fait à l’avancement du dossier de l’UHA auprès des municipalités, qui tentent de concilier cette nouvelle demande avec le besoin de réduire l’étalement urbain. Comme quoi, certaines réponses à l’étalement urbain et à l’actualisation des périphéries urbaines pourraient se nourrir de sources insoupçonnées, voire contradictoires !
Parties annexes
Remerciements
Un remerciement aux éditeurs du numéro spécial ainsi qu’aux évaluateurs et évaluatrices pour leurs révisions, leurs précieuses remarques et critiques constructives qui ont grandement amélioré cet article.
Notes
-
[1]
Cette recherche a reçu le soutien de Mitacs dans le cadre du programme Mitacs Accélération, ainsi que le soutien d’une bourse doctorale du Fonds de recherche du Québec — Société et culture (FRQSC).
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[2]
Selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), un logement est considéré comme abordable s’il coûte moins de 30 % du revenu du ménage avant impôt.
-
[3]
Malgré leur capacité à contribuer à une plus grande diversité de l’offre immobilière et à un accès plus facile au logement abordable, les mini-maisons s’inscrivent surtout, sous leur forme actuelle, dans une mouvance consumériste. En effet, en raison des coûts initiaux importants et de la nécessité de posséder un terrain, la mini-maison est souvent une deuxième habitation, qui ne contribue pas à atténuer les disparités socio-économiques d’accès à la propriété. De même, le fait de vivre dans un espace aussi petit implique des restrictions en matière de stockage de nourriture dans des quartiers qui ne sont pas nécessairement bien desservis en services et en commerces, ce qui se traduit par une plus grande dépendance à la voiture et, donc, par une empreinte environnementale plus grande (Carlin, 2014 ; Vail, 2016 ; Ford et Gomez-Lanier, 2017).
-
[4]
La densification forte repose généralement sur la démolition de bâtiments dans des secteurs de faible densité pour reconstruire des immeubles de haute densité. Ce faisant, elle est associée à un changement important du caractère du quartier et à la gentrification. Elle stimule souvent des réactions négatives des résidents du quartier (syndrome du « pas dans ma cour ») (Fischel, 2001 ; Touati, 2015). La densification douce fait, quant à elle, référence à une stratégie d’intensification progressive de la densité d’occupation du territoire. Faisant usage des espaces vacants ou sous-utilisés (développement intercalaire), la densification douce se veut un outil d’optimisation des infrastructures et de densification plus acceptable socialement (Jaglin, 2010 ; McConnell et Wiley, 2010 ; Darley et Touati, 2013).
-
[5]
Merci à un des évaluateurs, qui a suggéré ce concept.
-
[6]
Au cours de cette étude, le chercheur a travaillé bénévolement, ainsi que grâce à l’obtention de deux bourses, comme chargé de projet en recherche au sein de l’Arpent — une firme d’urbanisme à but non lucratif. Avec cette firme, l’auteur a publié trois rapports de recherche concernant la mini-maison et l’unité d’habitation accessoire (UHA), ainsi qu’un guide destiné aux municipalités canadiennes au sujet de l’UHA. Il a aussi participé à plusieurs entrevues auprès des médias. Enfin, l’auteur a participé à la création de l’organisme à but non lucratif le Mouvement québécois des mini-maisons (MQMM) et a été élu comme membre de son conseil d’administration en janvier 2018. L’obtention de ce poste bénévole n’a créé aucune situation de conflit d’intérêts.
-
[7]
On considère que la micro-maison est généralement construite sur roue et qu’elle a une empreinte au sol de 300 p² (28 m²) maximum, alors que la mini-maison est sur fondation et fait au maximum 700 p² (65 m²).
-
[8]
En 1940, la superficie des nouvelles maisons unifamiliales variait de 750 p² (70 m²) à 1200 p² (111,5 m²), pour passer à plus de 2000 p² (186 m²) dans les années 1980 (SHQ et Légaré, 2010).
-
[9]
Une MRC est un organe intermédiaire entre le gouvernement provincial et les municipalités, ayant notamment la charge de faire respecter les objectifs des schémas d’aménagement et de développement.
-
[10]
Selon les règlements généraux, la prise de décision du CA doit être consensuelle. Dans l’impossibilité d’obtenir un consensus, un vote à la majorité des deux tiers des membres du CA tranche la question.
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