Résumés
Résumé
La quête d’acceptabilité sociale comme nouvelle norme de l’action publique pour les grands projets implique une transformation des processus décisionnels et des instruments. Au coeur de la transition énergétique, la question du transport de l’électricité apparaît stratégique. Le rôle des ententes sur les retombées et les avantages (ERA) est de plus en plus important et permet de poser la question de la justice distributive. L’article propose d’étudier la question de l’évolution d’une ERA sur quatre décennies, le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) d’Hydro-Québec concernant une vingtaine de projets de lignes à haute tension. Une approche sociopolitique par les instruments est mobilisée à cette fin et permet de rendre compte des résistances, ajustements et changements à l’oeuvre en s’interrogeant sur les implications de cet instrument de type conventionnel et incitatif du point de vue de la justice distributive dans le cadre de la gouvernance énergétique. La méthodologie repose sur l’analyse de contenu des rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Mots-clés :
- acceptabilité sociale,
- justice distributive,
- ERA,
- transport de l’électricité,
- Hydro-Québec,
- compensation,
- instruments
Abstract
The quest for social acceptability as the new standard for public action on major projects implies a transformation of decision-making processes and instruments. At the heart of the energy transition, the issue of electricity transmission appears strategic. The role of Impact Benefit Agreements (IBAs) is increasingly important, and raises the question of distributive justice. This article examines the evolution of an IBA, Hydro-Québec’s Programme de mise en valeur intégrée (PMVI), over four decades, involving some twenty high-voltage line projects. A socio-political instrumental approach is used to account for the resistance, adjustments and changes at work, by examining the implications of this conventional, incentive-based instrument from the point of view of distributive justice in the context of energy governance. The methodology is based on a content analysis of the reports of the Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Keywords:
- social acceptability,
- distributive justice,
- IBA,
- electricity transmission,
- Hydro-Québec,
- compensation,
- tools
Corps de l’article
Introduction
La montée en force des préoccupations environnementales et de la participation publique depuis la fin des années 1960 a profondément changé le processus décisionnel et l’action publique dans les secteurs en lien avec l’environnement. À l’ère de la transition énergétique, ces enjeux sont encore plus préoccupants compte tenu de l’ampleur des changements, des projets à venir et de l’urgence d’agir. Les conflits et les controverses sont souvent une source de blocages, mais peuvent conduire à des innovations importantes, et la multiplication des expériences peut apparaître comme des occasions d’apprentissage pour les individus et les organisations (Argyris et Schön, 1978 ; Huber, 1991 ; March et Olsen, 1975). La transformation des pratiques, des ententes, des procédures, des politiques publiques, des règlements et des lois en lien avec la conduite des grands projets concerne assurément la justice procédurale et la justice distributive. La première renvoie à l’idée d’équité dans les procédures utilisées pour prendre des décisions et résoudre des conflits. Elle peut dépendre de plusieurs critères comme la consistance, l’acuité, l’impartialité ou la représentation (Tyler, 1988). La deuxième renvoie à l’équité de la répartition des bénéfices et des inconvénients entre les parties prenantes (Jenkins et al., 2016). Elle peut concerner la modification des projets ou des mesures compensatoires de différentes natures. L’institutionnalisation de la notion d’acceptabilité sociale (AS) comme nouvelle norme pour l’action publique (Simard, 2021) interroge ces deux justices, la relation qui existe entre elles et les dispositifs qui les mettent en oeuvre.
La notion d’AS s’est développée essentiellement au cours des deux dernières décennies, et tout particulièrement au Québec (Batellier, 2015 ; Devine-Wright, 2005 ; Fournis et Fortin, 2017 ; Gaede et Rowlands, 2018 ; Gendron, 2014 ; Hamelin, 2023 ; Mayaux, 2015 ; Jobert, 2023 ; Simard, 2021 ; Wüstenhagen, Wolsink et Bürer, 2007)[1]. Elle constitue un impératif à dépasser les exigences strictement administratives et légales et à s’entendre, apparaissant comme un indicateur de l’ère postdémocratique (Dermont et al., 2017 ; Mayaux, 2015) et de la gouvernance comme mode d’organisation et de décision. Reconnue par la Cour supérieure du Québec en 2017 et confirmée en 2019 par la Cour d’appel (Cour supérieure du Québec, 2017 ; Cour d’appel du Québec, 2020), l’AS peut se définir comme « le résultat d’un processus par lequel les parties concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place pour qu’un projet, [un] programme ou [une] politique s’intègre harmonieusement, et à un moment donné, dans son milieu naturel et humain » (Caron-Malenfant et Conraud, 2009 : 14). Elle constitue d’abord et avant tout un résultat, et ne doit pas être confondue avec le processus qui y mène (Simard, 2021). Elle comporte un seuil exigeant (Batellier, 2015) entre la tolérance et la co-appropriation, son appréciation étant en définitive la prérogative des décideurs légitimes, démocratiquement élus, sachant que la démocratie participative n’a pas vocation à remplacer la démocratie représentative (Blondiaux, 2008). Dans la mesure de l’AS, la prépondérance des communautés locales (élus locaux et communautés autochtones notamment) est reconnue. Jamais définie a priori, l’AS prend forme en contexte et peut toujours évoluer (Gendron, 2014). En plus des processus décisionnels, cette quête d’AS par les promoteurs et les décideurs transforme les pratiques professionnelles comme la nature et l’ampleur des instruments participatifs et compensatoires, ce qui a une incidence sur la justice processuelle et la justice distributive. Les instruments compensatoires, communément appelés « ententes sur les retombées et les avantages (ERA) », jouent un rôle de plus en plus important dans la conduite des grands projets.
L’objectif de cet article est d’étudier l’effet de la quête d’AS sur l’évolution d’une ERA, le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) d’Hydro-Québec, au fil des projets de transport d’électricité ayant eu cours sur près de 40 ans. Le PMVI vise à favoriser l’acceptabilité de ces projets au sein des communautés locales et régionales concernées en permettant de financer certains types d’initiatives, en guise de compensation des impacts négatifs générés ou perçus. Après avoir défini les notions de justice distributive et d’ERA, nous présenterons le PMVI, puis le cadrage théorique et la méthodologie de cette recherche. Suivra la description des données, présentée en cinq phases chronologiques. Enfin, découlant de la synthèse des résultats, une réflexion sera proposée sur les implications d’un tel instrument pour l’action publique et les conséquences de la quête de l’acceptabilité sociale pour la gouvernance et la transition énergétiques.
1. Acceptabilité sociale, justice distributive et ententes sur les retombées et les avantages (ERA)
La quête croissante d’AS peut se traduire de deux manières : 1) sur le plan de la justice procédurale ; et 2) sur le plan de la justice distributive. La justice procédurale concerne l’exigence de justice liée aux modalités ou aux procédures d’élaboration d’un jugement ou des décisions et comprend notamment la délibération (Picavet, 2022). Ainsi, il s’agit dans le cas des grands projets de statuer sur la procédure suivie pour en décider. La justice distributive renvoie à la façon dont se fait la répartition (biens/services) entre les parties prenantes, et plus précisément à « l’idée d’une inégalité ou, plus exactement, d’une proportionnalité dans la “distribution” des biens, des récompenses ou des honneurs qui tient compte de la valeur de chacun » (Gaudemet, 2020). Celle-ci touche la résolution des conflits de répartition d’un ensemble de biens entre des individus (Forsé et Parodi, 2006 : 214 ; Bauwens, 2015). Dans le cas des grands projets, cela renvoie à la prise en compte des effets positifs et négatifs pour déterminer la compensation. L’appréciation de la qualité de ces deux justices dépend de critères comme l’inclusion, l’équité ou la transparence, lesquels renvoient aux instruments qui mettent en oeuvre la participation et la négociation/compensation. Ces instruments donnent lieu à autant de forums et d’arènes (Jobert, 1995 ; Latour, 1999)[2] où se renouvelle l’action publique en lien avec la fabrique de l’acceptabilité sociale.
Peu étudiée dans le cadre de la conduite des grands projets et notamment à la lumière de l’AS comme norme de l’action publique (Campbell et Prémont, 2016), la justice distributive qui nous intéresse plus particulièrement concerne le développement des ententes sur les retombées et les avantages (ERA) (Bouchard, 2018 ; Prémont, 2019). Faisant habituellement l’objet d’un programme ou d’un protocole, les ERA, de plus en plus courantes (Bouchard, 2018 ; Fidler et Hitch, 2007 ; Kermagoret, Levrel et Carlier, 2015 ; Gobert, 2008 ; Jobert, 1998), engagent le promoteur du projet envers certains acteurs directement concernés (propriétaires fonciers, groupes, municipalités, autorités régionales ou communautés autochtones). Considérées aujourd’hui comme de bonnes pratiques à développer (Lüdeke, 2017), les ERA sont une partie intégrante des projets et peuvent être prévues par une loi, une mesure publique ou de manière volontaire de la part d’un promoteur (Fast, 2018 ; Prémont, 2019). Les ERA portent habituellement sur des avantages financiers directs, des contributions à des projets donnés (protection de l’environnement, développement économique) ou des emplois reliés au projet (Walker et Baxter, 2017), et peuvent évoluer vers le partenariat ou un partage de la propriété du projet (Munday, Bristow et Cowell, 2011). Comme le mentionnent Sosa et Keenan (2001, citées par Campbell et Prémont, 2016 : 10 et Prémont, 2019 : 348), les ERA peuvent contenir différents types de clauses :
1. Les clauses introductives, dont l’engagement de la communauté à appuyer les démarches de l’industrie pour l’obtention des diverses autorisations administratives ; 2. Les emplois disponibles pour les membres de la communauté ; 3. Le développement économique du territoire et les opportunités d’affaires pour la communauté ; 4. Les redevances versées à la communauté ou la prise d’intérêts dans l’entreprise ; 5. La protection de l’environnement et, enfin ; 6. Les clauses sociales et culturelles.
À l’origine conçues pour favoriser l’AS (Cowell, Bristow et Munday, 2011 ; Gobert, 2008), les ERA génèrent aussi leur lot de problèmes. Elles peuvent créer une apparence de corruption, de marchandage du consentement et d’achat de l’adhésion au projet (Allemand et Prémont, 2021 ; Kermagoret, Levrel et Carlier, 2015 ; Olsen, 2016 ; Ferreira et Gallagher, 2010 ; Frey et Jegen, 2001 ; Prémont et Allemand, 2022) ; apparaître inacceptables lorsque le projet est en contradiction avec le mode de vie ou les « choix de société » (Axsen, 2014 ; Munday, Bristow et Cowell, 2011) ; sembler inéquitables en excluant certains acteurs ou à l’égard des traitements reçus entre eux (Christidis, Lewis et Bigelow, 2017 ; Bell, Gray et Haggett, 2005) ; ne pas respecter le processus décisionnel si l’arène (négociation) se déroule avant le forum (délibération) (Jobert, 1995 ; Latour, 1999 ; Walker et Baxter, 2017) ; décevoir quant aux limites liées à la nature, au montant et aux usages des compensations ; et, enfin, susciter la critique en raison de leur confidentialité (Fidler et Hitch, 2007 ; Prémont, 2019). Il apparaît particulièrement pertinent de se pencher sur la relation entre AS, justice distributive et ERA dans la mesure où elle constitue une dimension de plus en plus importante de la conduite des grands projets.
2. AS et ERA : des instruments de types normatif et conventionnel propres à la gouvernance énergétique
Dans le domaine de la conduite des grands projets, une panoplie d’instruments sont à l’oeuvre, qu’ils soient publics ou non. Ils découlent des politiques publiques dans le premier cas, et des promoteurs de projets dans l’autre. Ils apparaissent comme des institutions au sens sociologique du terme car ils balisent les interactions et les stratégies, mais également les représentations, bien que l’on observe toujours des phénomènes de résistance, de redéfinition et de réappropriation des instruments par les acteurs et les organisations. Il s’agit donc, selon la définition consacrée de Lascoumes et Le Galès, d’un « dispositif à caractère technique et social ayant une vocation générique, porteur d’une conception concrète du rapport politique/société et soutenu par une conception de la régulation » (Lascoumes et Le Galès, 2004 : 14). L’instrument, jamais neutre, implique un rapport politique spécifique et renvoie à un type de légitimité particulier. Parmi les trois types d’instruments associés à la gouvernance, par rapport à une action publique plus traditionnelle (types légal/réglementaire et économique/fiscal), se trouvent l’instrument normatif, qui correspond à l’AS, et celui de type conventionnel, qui correspond aux ERA[3]. L’instrument normatif se veut souple, volontaire et favorisant un changement progressif, la coordination, la coopération et la prévisibilité dans un champ d’activités entre promoteurs, gouvernements et acteurs de la société civile. Il « résulte d’un travail réalisé entre les parties intéressées, repose sur des données scientifiques et techniques, s’appuie sur un consensus et demeure d’application volontaire » (Borraz, 2004 : 128). Ainsi, les grands projets, en ce qui a trait à l’évaluation environnementale et aux études d’impacts, se trouvent discutés et négociés (modifications/compensations) par l’entremise notamment de dispositifs de participation publique afin d’atteindre l’AS comme norme d’action publique. Pour leur part, les ERA sont des instruments de type conventionnel et incitatif, inspirés de la gouvernance par contrat ou par projet (sur mesure, temporaire, négociée) (Lascoumes et Valluy, 1996), en réponse à une administration publique trop bureaucratique et rigide, peu adaptée et peu réflexive. Ces instruments renvoient plutôt à un « État en retrait de ses fonctions traditionnelles, renonçant en apparence à la contrainte » (Lascoumes et Le Galès, 2004 : 362), plutôt axé sur la mobilisation, l’incitation et une approche volontaire, avec un type de légitimité qui repose sur la recherche d’engagement direct. L’approche par les instruments s’inscrit dans une perspective néo-institutionnaliste ; elle permet de rendre compte de l’action publique en considérant ces derniers comme des traceurs du changement. L’étude de leur trajectoire permet d’observer l’évolution des rapports politiques et du mode de gouvernance. Le choix des instruments n’est pas neutre, et ses effets sont difficiles à anticiper lors de la mise en oeuvre.
Un important exemple d’instrument et d’ERA dans le domaine de l’énergie au Québec est le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) d’Hydro-Québec, qui accompagne les projets de lignes de transport de l’électricité à haute tension. Lancé il y a près de 40 ans, il a connu un grand nombre d’applications et de modifications à travers le temps. Pour ces raisons, il apparaît comme une référence dans le domaine ; traceur de changement, son étude semble incontournable quand il est question de transition énergétique et d’AS (Jobert, 2023).
3. Le Programme de mise en valeur intégrée d’Hydro-Québec : un instrument conventionnel, volontaire et standardisé
Le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) d’Hydro-Québec a été créé en 1985. Initiative volontaire, le PMVI accompagne les nouvelles installations de transport (postes et lignes) et de production (barrages) d’électricité, et vise à financer des initiatives environnementales proposées par des organismes admissibles – municipalité régionale de comté (MRC)[4], municipalité, ville ou communauté autochtone – au sein desquels vont s’implanter les projets. Ces initiatives sont autorisées par Hydro-Québec selon certains critères, pour l’équivalent de 1 % du coût du projet, une fois que la construction de ce dernier est lancée.
Dans la version de 2012 du PMVI, on pouvait lire :
Hydro-Québec tient à ce que ses équipements de transport d’électricité (lignes et postes) s’intègrent harmonieusement dans leur milieu d’accueil et que leur implantation soit une occasion de contribuer à améliorer le cadre de vie et l’environnement des communautés concernées. Hydro-Québec veille à la localisation judicieuse de ses équipements et à l’application des mesures d’atténuation appropriées. Il se peut toutefois que la construction des installations de transport entraîne des impacts environnementaux résiduels. L’objectif du Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) est d’offrir une compensation collective au regard de ces impacts.
Hydro-Québec, 2012 : 3
Les critères de réalisation du PMVI exigent que les initiatives financées : 1) concernent l’intérêt collectif ; 2) soient de propriété publique ; 3) respectent le milieu ; et 4) soient des réalisations durables (pérennité).
Aujourd’hui, les domaines d’activité des initiatives admissibles se sont grandement élargis, et doivent viser les éléments suivants : 1. Amélioration de l’environnement (milieu naturel, aménagement du territoire, paysage et qualité de vie) ; 2. Amélioration ou maintien d’infrastructures municipales, communautaires ou de loisirs ; 3. Appui au développement touristique ou régional ; 4. Participation à un fonds d’investissement destiné au développement régional et ; 5. Contribution à l’efficacité énergétique ou à l’électrification des transports dans le cadre d’initiatives d’intérêt communautaire ou collectif (Hydro-Québec, 2021). Le mode de financement des initiatives a également changé : un montant forfaitaire par kilomètre de ligne ou par superficie de poste est dorénavant attribué. Signe que la question des lignes de transport d’électricité est un élément clé de la transition énergétique, en décembre 2022, dans un nouvel engagement en faveur de l’acceptabilité sociale des projets (Hydro-Québec, 2022a), Hydro-Québec annonçait plusieurs principes qui guideraient les futures activités en la matière : 1) L’enfouissement, possible dans certaines situations ; 2) Des aménagements améliorés et un accompagnement personnalisé des propriétaires qui résident en bordure des lignes projetées ; 3) Des consultations plus tôt dans le processus et une approche plus flexible ; 4) Les paysages et les éléments valorisés du territoire au coeur des décisions ; et 5) De nouveaux outils pour élaborer [les] projets[5].
Le PMVI a connu des évolutions considérables au cours des années avec la montée en importance de l’AS. Nous allons rendre compte de son évolution par l’entremise de l’analyse des rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) portant sur l’ensemble des projets de lignes de transport d’électricité depuis le début des années 1980.
4. Méthodologie
Dans le contexte québécois, une institution joue un rôle incontournable dans le processus décisionnel des grands projets : le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Il s’agit d’un organisme indépendant qui informe, consulte, enquête et avise le gouvernement dans le cadre du processus décisionnel des grands projets d’infrastructures[6]. En vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement, le gouvernement accorde un mandat au BAPE pour mener des séances d’information et organiser des audiences publiques. Par la suite, le BAPE produit un rapport détaillé avec constats et avis, lequel est rendu public par le ministre. Le BAPE, qui détient un pouvoir d’enquête dans le cadre de ses mandats, est une référence internationale dans son domaine. Il est un espace récurrent de dialogue entre les acteurs clés du développement économique, de l’aménagement du territoire, de l’énergie, de l’extraction des ressources, du transport et de la protection de l’environnement, un lieu où se forgent idées, principes, pratiques qui génèrent des effets sur les décisions et les parties prenantes (Baril, 2006 ; Bherer, Gauthier et Simard, 2021 ; Gauthier et Simard, 2017). Le BAPE est au coeur d’une vaste communauté épistémique, au sens où il convie, lors de ses audiences publiques, des « réseaux de professionnels ayant une expertise et une compétence reconnues dans un domaine particulier qui peuvent faire valoir un savoir pertinent sur les politiques publiques du domaine en question » (Haas, 1992 : 3).
Notre étude consiste à proposer une analyse documentaire longitudinale du PMVI. En plus des documents en lien direct avec celui-ci (versions du PMVI, rapports d’Hydro-Québec le concernant), l’originalité de notre méthodologie repose sur l’analyse de contenu détaillée de l’ensemble des rapports du BAPE portant sur des projets de lignes de transport d’électricité d’Hydro-Québec de 1980 à 2023 (voir l’annexe I pour la liste complète). Au nombre de 23, ces projets concernent des lignes à haute tension de 315 à 735 kV de 2 km à plus de 1000 km ainsi que les postes de transformation (entre 0 et 4 selon les projets). Ces projets visent à transporter l’électricité d’une région à une autre à des fins de distribution ou d’exportation. Les rapports du BAPE peuvent varier de 50 à 400 pages, pour un corpus total, pour cette étude, de 3526 pages. Ce dernier a permis de constituer un sous-corpus d’extraits pertinents et riches en signification d’une quarantaine de pages autour des mots clés suivants : programme de mise en valeur (de l’environnement ou intégrée), PMVI, politique de mise en valeur (intégrée), compensation(s), compenser, indemnité(s), dédommagement(s), retombées économiques, partenariat(s), entente(s), gré à gré, programme, entente sur les retombées et les avantages (ERA). L’étude de ce corpus permet de rendre compte des échanges et des analyses en contexte autour du principe de compensation, et plus particulièrement du PMVI comme élément majeur de la mise en oeuvre du principe de justice distributive lors de projets précis sur plus de 40 ans. Plusieurs passages portent sur des compensations de différentes natures : milieux humides, couvert forestier, superficies forestières, services écologiques, ressources agricoles et forestières des propriétaires, valeur des propriétés, pour les municipalités. D’autres extraits des rapports portent sur des revendications, des critiques et des demandes d’ajustements ou de changements, sur la manière de décider des initiatives, sur des expériences étrangères comparables, bref sur l’ensemble des enjeux qui concernent le PMVI, la compensation et la justice distributive. L’analyse de contenu permet de discerner des thèmes qui peuvent revenir à plusieurs occasions dans un même rapport du BAPE (sections « Sommaire », « Table des matières », « Préoccupations des participants », « Chapitres d’analyse » du BAPE, « Conclusion » et « Constats et avis des commissions »). La description des données et l’analyse sont organisées en cinq périodes chronologiques pour faciliter la lisibilité. Les trois premières phases sont d’une durée de dix années, et les deux dernières de cinq et sept années.
5. Le PMVI : traceur de l’AS et de la justice distributive au fil des projets de transport de l’électricité
L’évolution du PMVI se fait en plusieurs étapes et de diverses manières tant sur le plan du contenu et de la portée que des sommes impliquées. Le PMVI change au fil de l’évolution des préoccupations, des demandes et du contexte général marqué par la montée en importance de la notion d’acceptabilité sociale. La trajectoire de cette évolution n’est pas unidirectionnelle ou naturelle : une résistance s’observe à l’égard de certaines dimensions.
5.1. 1980-1990 : des acteurs à compenser. Critiques, lancement du PMVI et demandes pour aller plus loin (nos 3, 14 et 22[7])
Avant que le PMVI ne voie le jour, dès le premier projet traité par le BAPE en 1980, des études sont exigées afin de mesurer les effets des lignes de transport d’électricité sur la valeur des immeubles. Dans le cadre des audiences sur le projet Réseau de transport La Grande, tronçon La Vérendrye-Duvernay (3), une douzaine d’études étrangères sur le sujet, concernant la valeur des terres, des cultures et des habitations, ont été consultées par la commission :
7.1.15 La commission considère de plus qu’il est impérieux qu’une étude soit réalisée, selon les règles de l’art, de façon à évaluer les conséquences, en milieu de villégiature, de la proximité d’une ligne de transport sur la valeur marchande des immeubles.
BAPE, 1980, Rapport no 3 : 222
Plusieurs autres constatations de la commission concernent la question des impacts visuels du projet.
Lors du projet suivant, Poste des Cantons et lignes Nicolet-Des Cantons et Des Cantons–Nouvelle-Angleterre (14), en 1983, la commission invite l’initiateur (Hydro-Québec) à reconnaître le principe de compensation tant à l’endroit des individus que des municipalités. Il y a lieu de compenser pour la perte de la valeur des terres et des cultures en raison de l’impact visuel et sonore. À cet égard, plusieurs décisions judiciaires concernant d’autres juridictions sont citées pour justifier cet avis :
Il apparaît sûr cependant que notre droit n’a pas encore été appliqué dans toutes ses dimensions par les justiciables pour ce qui est de la compensation ou de l’indemnité pour les troubles d’impact visuel ou sonore liés à la proximité des lignes à haute tension. La preuve de la viabilité de ce recours parallèle à l’expropriation, mais utilisable par des justiciables directement affectés sans être expropriés pour autant, reste à faire.
BAPE, 1983, Rapport no 14 : 7-13
La commission propose aussi de compenser les municipalités pour la perte de valeur financière et de taxes et pour les obstacles au développement de la municipalité que pourraient constituer les ouvrages. On mentionne que, bien que la société d’État paye 3 % de ses revenus bruts (à l’époque) au gouvernement du Québec pour de pareils ouvrages, dans le cas de projets à des fins d’exportation, la taxe ne s’applique pas[8]. La commission propose donc que, dans ce cas, Hydro-Québec paye un montant directement aux municipalités concernées :
La commission ajoute qu’une partie de cette nouvelle taxe que serait tenue de payer Hydro-Québec devrait être versée directement aux municipalités qui doivent souffrir le passage de lignes à haute tension destinées principalement ou exclusivement à l’exportation. Ceci représenterait une mesure de compensation en tout point conforme au discours que tient Hydro-Québec à ce sujet.
BAPE, 1983, Rapport no 14 : 7-17
Elle précise également que les entreprises pétrolières et gazières seraient plus généreuses qu’Hydro-Québec, et déplore par ailleurs certaines stratégies éprouvées pour limiter les montants versés dans le cadre des négociations avec les propriétaires[9]. Cette commission n’hésite pas à appeler plusieurs changements législatifs, considérant que, tant d’un point de vue individuel que collectif, « [l]a formule de compensation et tous les mécanismes qui l’entourent sont une des clés de l’acceptabilité sociale des projets » (BAPE, 1983, Rapport no 14 : 7-20). La conclusion du rapport mentionne à nouveau :
8. Si une ligne doit être construite, en termes d’équité sociale, des décisions devraient être prises au plus tôt pour modifier et améliorer les modes de compensation aux citoyens, tant individuellement que collectivement.
BAPE, 1983, Rapport no 14 : 10-5
En 1986, dans le cadre du Projet de ligne à courant continu à ± 450 kV, Radisson-Nicolet-Des Cantons (22), bien que le PMVI existe dans sa première mouture, comme l’entente avec l’UPA pour les propriétaires (cultures et ressources forestières), la commission souhaite que l’initiateur aille encore plus loin sur la question des compensations auprès des propriétaires et des municipalités. Elle mentionne que cela est d’autant plus justifié vu le virage commercial pris par l’entreprise au début des années 1980[10] :
En conséquence, il faut qu’Hydro-Québec s’assoie à la table et parle affaires avec les citoyens. L’entente avec l’UPA, ratifiée en 1986, marque un progrès considérable et a atténué bien des tensions dans ce milieu. La politique de mise en valeur marque également un progrès malgré des attitudes paternalistes dépassées. Mais il faudra aller beaucoup plus loin. Meilleure communication, meilleure surveillance, meilleur suivi. Il y a des négociations à poursuivre avec les propriétaires de boisés privés. La notion de compensation pour l’emprise seulement est insuffisante, car elle ignore entièrement la dimension visuelle ainsi que le stress et les effets potentiels sur la santé. Pourrait-on penser, par exemple, à des réductions du tarif d’électricité ?
BAPE, 1986, Rapport no 22 : 9-9
C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de projets pour l’exportation de l’électricité. Dans ce célèbre cas qui avait fait la manchette sur la possibilité « cachée » d’une version sous-fluviale de la ligne (Radio-Canada, 2008), la commission suggère, si la version aérienne était retenue, que la différence de coût entre les deux options devrait être versée aux municipalités :
Le montant de cette compensation, qui s’ajouterait à celui prévu par la politique de mise en valeur, devrait s’établir à au moins la différence de coût entre une traversée sous-fluviale et une traversée aérienne. Le promoteur a établi cette différence à 21 millions $.
BAPE, 1986, Rapport no 22 : 10-15
En outre, la commission conclut son rapport en soulignant l’importance de repenser entièrement la mise en oeuvre de la compensation et de l’amener plus loin :
128. Dans une perspective de projets de lignes axés sur l’exportation d’énergie, la commission considère qu’il devrait y avoir une révision des compensations, tant à l’égard des montants alloués et de leur mode de versement qu’à celui des gens atteints, même s’ils sont hors de l’emprise.
BAPE, 1986, Rapport no 22 : 10-25
Pour faire en sorte que les projets proposés soient plus acceptables, les trois premiers rapports du BAPE sur les lignes à haute tension demandent à la société d’État de reconnaître les impacts visuels et sonores des projets tant à l’échelle individuelle que collective, et d’aller plus loin que ce que la première mouture du PMVI prévoit, tout particulièrement lorsque les projets visent l’exportation de l’électricité et lorsque le passage en aérien est privilégié.
5.2. 1991-2000 : développement économique et sortie de l’emprise (nos 47, 68, 107, 144 et 148)
La décennie suivante se démarque par la poursuite des échanges sur le principe de compensation, l’élargissement des activités éligibles au financement du PMVI, les implications à long terme des projets financés et l’éligibilité aux compensations pour les citoyens hors de l’emprise (impact visuel et sonore).
En 1991, le PMVI avait encore comme titre Programme de mise en valeur de l’environnement. Dans le cadre du Projet de la 12e ligne à 735 kV (47), les demandes se multiplient à l’égard des contraintes trop strictes qui ne permettraient pas de financer des activités visant le développement régional. Les municipalités, et leurs représentants légitimement élus, revendiquent de pouvoir utiliser le financement du PMVI de manière plus flexible et adaptée à leur réalité. Nous sommes en effet quelques années après la publication du rapport Brundtland, qui propose en 1987 la notion de développement durable avec ses trois piliers : écologique, social et économique :
La commission considère que le promoteur devrait réviser les critères d’admissibilité au programme de mise en valeur de l’environnement. Cette révision pourrait permettre d’élargir la notion d’environnement de façon à permettre des projets de développement économique respectant le développement durable. Il est maintenant difficile d’ignorer cet élément […]. Par la même occasion, cette réflexion devrait le conduire à rendre publiques ses règles sur : – le pourcentage du budget réservé à la mise en valeur de l’environnement ; – le pourcentage du budget réservé aux projets économiques liés au développement durable ; – l’aspect discrétionnaire du budget pour les projets supérieurs à 500 millions.
BAPE, 1991, Rapport no 47 : 58-60[11]
La version de 2001 du PMVI abandonnera la distinction pour les projets de 500 M$ et plus qui ne prévoient pas de limite au financement des initiatives. En 1993, le PMVI est largement commenté dans le rapport du BAPE sur le Projet de ligne à 735 kV Des Cantons-Lévis et poste Appalaches (68), au sein de deux chapitres et dans la conclusion. Notons que cette même année, Hydro-Québec lancera une première réforme du PMVI en rendant admissibles les initiatives de développement régional.
De manière générale, la reconnaissance formelle du principe de compensation apparaît comme un enjeu. La société d’État ne souhaite pas aller dans ce sens, préférant utiliser la notion de « rééquilibrage » pour décrire son initiative[12] :
Par ce programme, Hydro-Québec permet à des municipalités et à des MRC d’élaborer et de réaliser des projets de nature environnementale afin de protéger ou d’améliorer leur propre environnement. Le programme de mise en valeur n’est pas considéré par Hydro-Québec comme étant un programme compensatoire aux impacts résiduels :
[O]n a plutôt préféré dire à l’occasion des projets : nous aurons un programme, une politique de mise en valeur de l’environnement, et les municipalités qui sont touchées auront droit à un certain montant pour pouvoir rééquilibrer leur environnement, à leur façon, en établissant eux-mêmes leurs priorités. (Porte-parole Hydro-Québec, transcription de la séance du 15 avril 1993, p. 122)
BAPE, 1986, Rapport no 68 : 205-206
Par ailleurs, des effets d’apprentissage sont observables de la part des participants au fil des projets. Sur la base des premières expériences, la pérennité des projets financés et les coûts d’entretien sont des questions soulevées. Des participants font valoir qu’à long terme, les municipalités ont parfois du mal à entretenir les projets qui ont été réalisés grâce au PMVI :
Considérer les frais d’entretien des projets financés :
L’expérience acquise à la suite des divers projets s’insérant dans le cadre du programme de mise en valeur a fait dire à certains participants à l’audience publique que, parmi ces projets, certains sont difficiles à maintenir ou à entretenir et deviennent des fardeaux financiers pour les municipalités. La commission est d’avis que les critères pour évaluer les propositions de projet devraient tenir compte de la notion de développement durable et du fait que le maintien d’un projet ne devrait pas représenter une charge financière supplémentaire pour les municipalités.
BAPE, 1986, Rapport no 68 : 206
Dans le cas du Projet de ligne Duvernay-Anjou à 315 kV (107) en 1996, le PMVI ne semble pas suffisant pour obtenir l’accord de la Ville de Montréal, et la compensation concernera l’acquisition et l’aménagement d’espaces verts :
Le parc du ruisseau De Montigny
Un élément spécifique de l’aménagement du territoire a retenu l’attention des participants à l’audience. Il s’agit de l’aménagement du parc du ruisseau De Montigny, dont les limites rejoignent le tracé proposé pour le corridor MTQ sur une partie de son parcours. Ce ruisseau fait l’objet d’une très nette volonté d’utilisation de la part de la Ville de Montréal. Le plan d’urbanisme prévoit la réhabilitation du ruisseau De Montigny comme espace vert qui serait rendu à la population environnante (p. 108). […] Hydro-Québec alloue jusqu’à 1 % du coût total du projet aux autorités locales par son Programme de mise en valeur intégrée (document déposé PR3, p. 72). Il faut cependant noter que la portion pour la Ville de Montréal est incluse dans la somme de 1,6 million octroyée à la Ville pour le projet de parc du ruisseau De Montigny.
BAPE, 1996, Rapport no 107 : 118
Bien que plusieurs acteurs expriment leur satisfaction à l’endroit des sommes reçues grâce au PMVI, les demandes concernant des compensations relatives aux impacts visuels et sonores se maintiennent pour les propriétaires et les villes se situant en dehors de l’emprise de la ligne. Il en est question tout au long des années 1990, particulièrement dans le cadre des projets en lien avec la crise du verglas de 1998, soit le Projet de ligne à 735 kV Saint-Césaire-Hertel et poste de la Montérégie (144) et le Projet de ligne à 315 kV Grand-Brûlé–Vignan (148) :
La commission est d’avis que les niveaux de nuisance subis par les propriétaires résidant à moins de 100 m de la limite de l’emprise d’une ligne à 735 kV justifient un dédommagement qui pourrait être proportionnel à la distance séparant la ligne de leur résidence.
BAPE, 1998, Rapport no 144 : 83
La commission est d’avis qu’afin d’éviter toute apparence d’iniquité, Hydro-Québec devrait définir un cadre de négociation des servitudes et compensations aussi clair et exhaustif que celui établi avec I’UPA, lequel profiterait à tous les propriétaires fonciers. Dans l’intervalle, les paramètres inclus dans l’entente avec I’UPA devraient servir de base, en les adaptant, à tout dossier d’expropriation.
BAPE, 1998, Rapport no 148 : 105
Cette décennie, qui comprend cinq projets, se caractérise par une évolution du PMVI (possibilité de financer des initiatives de développement économique). Les demandes se poursuivent en revanche à l’égard de la portée de la compensation pour une meilleure acceptabilité sociale des projets : prise en compte des dépenses des communautés pour entretenir les projets sur le long terme, dépassement des critères du PMVI à Montréal, reconnaissance formelle du principe de compensation et inclusion des propriétaires fonciers extérieurs à l’emprise de la ligne mais à proximité.
5.3. 2001-2010 : compensation environnementale, bonification du PMVI, participation publique et communautés autochtones (nos 253, 259 et 270)
Les projets, peu nombreux au cours de cette période, se concentrent à la fin de la décennie. Le contexte d’urgence et de crise qui caractérise ces années post-tempête du verglas[13] pourrait expliquer pourquoi le PMVI est moins abordé dans les échanges, de même que la réaction favorable liée à l’ajout de l’admissibilité des projets visant le développement régional au PMVI. Pour des motifs esthétiques et liés à la sécurité (technique et santé), la question de l’enfouissement des lignes haute tension fera son chemin au cours de cette décennie, avec d’un côté la commission Nicolet[14] sur la crise du verglas, qui recommandera de développer un ambitieux programme d’enfouissement du réseau de distribution, et de l’autre la controverse du passage par voie aérienne au-dessus de la rivière des Prairies en milieu urbain (en contradiction avec les leçons tirées de la fameuse traversée sous-fluviale réalisée pour la ligne à courant continu à ± 450 kV Radisson-Nicolet-Des Cantons).
Le Projet de construction d’une ligne à 315 kV, la ligne Chénier-Outaouais (253), en 2008, permet d’aborder plusieurs thématiques en lien avec la compensation, et donne lieu à des échanges sur les compensations environnementales à développer selon la commission :
Avis — La commission est d’avis qu’Hydro-Québec TransÉnergie devrait compenser les milieux humides et les habitats d’espèces floristiques à statut particulier ainsi que les composantes du couvert forestier dont la réalisation du projet pourrait entraîner la destruction, de préférence dans la région de sa réalisation. Une telle compensation pourrait prendre la forme d’une protection permanente d’espaces naturels de superficie et de valeur écologique équivalentes, à déterminer avec la participation du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs et du ministère des Ressources naturelles et de la Faune.
BAPE, 2008, Rapport no 253 : 26
Aussi, selon des membres de la communauté algonquine de Kitigan Zibi, les droits sur ce territoire n’ont jamais été cédés, et ils déplorent que des consultations n’aient pas été menées en amont avec le gouvernement. Est précisé par la commission que ces derniers
souhaitent des discussions avec les représentants du gouvernement et d’Hydro-Québec en ce qui concerne le partage de l’utilisation de leurs terres dans la mesure où leurs titres sont conservés et où des compensations sont envisagées
BAPE, 2008, Rapport no 253 : 8
Enfin, des participants aux audiences, sur la base d’expériences antérieures, demandent des compensations pour les dommages à subir lors des travaux et pour les boisés qui dépérissent avec le temps en bordure de l’emprise.
Le Projet de construction du poste Anne-Hébert à 315-25 kV et de la ligne d’alimentation à 315 kV à Saint-Augustin-de-Desmaures (259), en 2009, se caractérise par l’importance de maximiser les retombées (main-d’oeuvre, achats et matériaux) aux échelles locale et régionale, mais également par la montée d’une volonté des participants d’avoir leur mot à dire sur les projets qui peuvent émaner du PMVI. Si les municipalités, les MRC et les communautés autochtones sont ultimement les décideurs, dans la mesure du respect des critères fixés par Hydro-Québec, le principe de la participation publique est revendiqué. Certains exigent par exemple que les initiatives visent la protection de l’environnement en priorité. Le PMVI devient objet de débat au sein de la population.
Le Projet d’expansion du réseau de transport en Minganie – Raccordement du complexe de la Romaine (270), en 2010, ouvre sur un renouveau des préoccupations environnementales à l’égard des pertes à compenser. Qu’il s’agisse de la biodiversité, du couvert forestier ou des aires protégées, la compensation adéquate devrait être équivalente au double ou au triple de la valeur écologique des pertes :
Avis — La commission d’enquête est d’avis qu’advenant la perte de superficie dans la réserve de biodiversité projetée du massif des lacs Belmont et Magpie et dans la réserve aquatique projetée de la rivière Moisie, elle devrait être compensée par des territoires de valeur écologique équivalente et de superficie égale.
Avis — La commission d’enquête est d’avis que la perte de superficie dans la réserve écologique de la Matamec constituerait un précédent et qu’en raison de son haut niveau de protection, cette perte de superficie devrait être compensée par des territoires de valeur écologique équivalente et dans un ratio minimal de trois pour un.
BAPE, 2010, Rapport no 270 : 27
Il est finalement question de négociations sur d’éventuelles ententes de gré à gré avec les communautés autochtones. Le promoteur a prévu que celles-ci recevraient 50 % du montant prévu au PMVI[15] malgré le conflit qui persiste.
Le principe de compensation, implicite au PMVI et au-delà, se développe pendant cette décennie et porte dans un premier temps sur les dommages lors des travaux, les boisés extérieurs à l’emprise et les retombées économiques à bonifier à l’échelle locale. Dans un deuxième temps, il concerne la protection des milieux naturels (milieux humides, boisés et aires protégées), puis la manière de convenir de la mise en oeuvre du principe de compensation par la participation du public et le développement de la négociation avec les communautés autochtones.
5.4. 2011-2016 : récurrence des demandes et changement de paradigme (nos 283, 284, 313 et 326)
Au cours de ces cinq années, les références à la Loi sur le développement durable adoptée en 2006 deviennent omniprésentes dans les rapports du BAPE, notamment en ce qui a trait aux principes de protection de l’environnement, de participation et d’engagement, et d’internalisation des coûts. Plusieurs chapitres annoncent se baser sur ces principes pour mener l’analyse de la commission.
À l’occasion du Projet d’évolution du réseau de transport du nord-est de la région métropolitaine de Montréal (283) en 2011, les questions de l’information et de la participation sont soulevées. On évoque le fait que les municipalités et les arrondissements sont tardivement informés des montants disponibles dans le cadre du PMVI, soit une fois que les travaux de construction sont commencés, et l’absence de consultation de la population à propos des projets admissibles. La commission invite ainsi les municipalités à consulter les citoyens et demande à Hydro-Québec d’en faire une condition du PMVI. De plus, la commission innove en suggérant des orientations quant à l’usage du PMVI :
Avis — La commission d’enquête est d’avis qu’en raison du fait que le couvert forestier de la ville de Terrebonne, de la MRC de Joliette et de l’île de Montréal se situe sous le seuil critique de 30 % et que seulement 3 % du territoire montréalais est protégé, les organismes municipaux admissibles au Programme de mise en valeur intégrée d’Hydro-Québec devraient allouer une partie significative des sommes reçues à des fins de protection de milieux naturels.
BAPE, 2011, Rapport no 283 : 82-83
Des compensations formelles pour la perte de milieux à valeur écologique et une protection à perpétuité à ce sujet sont proposées. Il en sera de même dans les deux projets suivants, le Projet de poste aux Outardes à 735-315 kV et lignes de raccordement à 735 kV (284) en 2011 et le Projet de ligne à 735 kV de la Chamouchouane–Bout-de-l’Île, du Saguenay–Lac-Saint-Jean à Montréal (313) en 2014. Compenser la perte des milieux humides à raison d’un pour trois, de la superficie boisée même si elle est présente sur plus de 50 % du territoire, et lancer une réflexion à ce sujet au sein du ministère responsable font partie des avis de la commission. Par ailleurs, il est mentionné que les communautés autochtones souhaitent disposer des montants du PMVI à leur guise (no 284), alors que l’impact visuel des lignes sur la valeur des maisons et sur les centres de villégiature est encore une fois abordé (no 313) :
Avis — La commission d’enquête est d’avis que, dans le cas où la ligne à 735 kV projetée serait construite, les propriétaires et les occupants situés à proximité de l’emprise et qui subiraient des conséquences importantes en ce qui a trait à l’aspect visuel devraient recevoir une compensation financière du promoteur. Les modalités devraient être discutées entre Hydro-Québec et les MRC concernées.
BAPE, 2014, Rapport no 313 : 81
Lors de la commission examinant l’important projet de plus de 1000 km de ligne à 735 kV de la Chamouchouane–Bout-de-l’Île, un changement de paradigme est suggéré. Le PMVI ne saurait compenser le coût social et environnemental des projets quant aux impacts sur le paysage, et une mise à jour de la méthode de l’initiateur est proposée afin de mieux internaliser les pertes de services écologiques (Loi sur le développement durable).
Avis — La commission d’enquête est d’avis que la méthode d’inventaire et d’analyse du paysage d’Hydro-Québec, rédigée en 1992, a besoin d’une mise à jour qui intègre les notions culturelles, patrimoniales et identitaires, dont la prise en compte est préconisée par le ministère de la Culture et des Communications.
BAPE, 2014, Rapport no 313 : 81
Dans la suite directe de cette proposition, la commission qui porte sur le Projet de construction du poste Saint-Jean à 315-25 kV et d’une ligne d’alimentation à 315 kV à Dollard-Des Ormeaux (326) en 2016 fera mention de plusieurs études concernant l’impact des lignes sur la valeur des propriétés, citant l’exemple de la France, où le principe est reconnu depuis 1992 (mise à jour en 1997 et en 2007, bande de 200 mètres et en moyenne 4,6 %). L’avis de la commission sera également repris en conclusion du rapport :
Avis — La commission d’enquête est d’avis que le gouvernement mène des consultations quant à l’opportunité de mettre en place un dispositif d’évaluation et d’indemnisation à l’amiable de la perte de valeur marchande pour les propriétés résidentielles touchées par un projet, tel qu’une ligne de transport ou un poste, qui entraînerait un changement d’affectation d’un terrain avoisinant. Un tel dispositif favoriserait l’acceptabilité sociale des projets et le respect des principes Internalisation des coûts et Équité et solidarité sociales prévus à la Loi sur le développement durable.
BAPE, 2016, Rapport no 326 : 39
L’analyse des rapports pour cette période révèle une récurrence des demandes liées à différents thèmes et une volonté de changer l’instrument qu’est le PMVI et les pratiques du promoteur afin de rendre les projets plus acceptables socialement. En plus de la majoration des compensations en pertes environnementales (à même le PMVI dans un cas), les commissions du BAPE réitèrent la nécessité de considérer les pertes de valeur pour les propriétés situées à l’extérieur des emprises, particulièrement à l’égard du paysage, et de faire de la participation du public une condition formelle à la mise en oeuvre du PMVI, alors que les communautés autochtones semblent de nouveau trouver que le cadre de cet instrument est trop contraignant.
5.5. 2016-2023 : partenariat, mesures hors cadre et enfouissement (nos 332, 347, 357 et 369)
Les projets de la plus récente période correspondent en très grande partie aux visées exportatrices d’Hydro-Québec vers les États-Unis. Lors du Projet de ligne d’interconnexion Québec-New Hampshire (332) en 2016, les mêmes préoccupations reviennent : impacts des lignes sur le paysage, les milieux humides et la valeur récréotouristique du territoire. En revanche, ce cas ainsi que les autres traduisent des innovations qui marquent un tournant et qui relativisent le rôle et l’importance du PMVI. D’abord, compte tenu des pressions sociales du milieu et de l’importance du projet, est confirmé un passage en souterrain pour la section du mont Hereford de la ligne, à la suite de l’intervention du gouvernement[16].
Dans le Projet de ligne à 735 kV entre les postes Micoua et du Saguenay (347) en 2019, les ententes sur les retombées et les avantages avec les communautés autochtones sont exclues des accords commerciaux qu’Hydro-Québec doit normalement respecter :
La commission d’enquête constate que l’initiateur du projet de ligne Micoua-Saguenay a négocié avec les communautés innues de Pessamit, d’Essipit et de Mashteuiatsh des ententes sur les répercussions et avantages visant notamment à favoriser des retombées économiques dans leur communauté respective et que ces ententes ont été entérinées par les trois conseils de bande. La commission d’enquête constate que les ententes sur les répercussions et avantages qui lient les communautés autochtones et Hydro-Québec sont exclues des accords commerciaux qu’Hydro-Québec est tenue de respecter.
BAPE, 2019, Rapport no 347 : 94
Dans ce projet, les impacts sonores et visuels devraient être compensés auprès des entreprises pour les nuisances à leurs activités d’exploitation de la faune sur la base de la Loi sur le développement durable (principe équité et solidarité sociales) selon la commission, alors qu’Hydro-Québec s’engage à compenser financièrement la perte en milieux humides. Enfin, en conclusion, la commission signale
[qu’]un statut d’aire protégée pour les milieux humides d’intérêt sur les terres du domaine de l’État devrait être créé afin d’assurer la protection et la surveillance de ces milieux sur l’ensemble du territoire public
BAPE, 2019, Rapport no 347 : 90
Il est à noter qu’en 2018, Hydro-Québec propose une refonte de son PMVI. Quatre changements sont apportés. Premièrement, le PMVI s’appliquera à un plus grand nombre d’installations (notamment à des lignes de plus basse tension). Deuxièmement, les montants prévus sont attribués de manière fixe (fin du 1 %) par kilomètre, selon la tension et en fonction de la superficie des postes. Troisièmement, les citoyens seront invités à participer au choix des initiatives par l’intermédiaire des dispositifs mis en place par les organismes admissibles. Quatrièmement, dorénavant, il est possible pour les organismes admissibles d’investir les sommes du PMVI dans un fonds pour le développement régional afin d’en différer l’usage[17].
D’autres mesures exceptionnelles accompagnent le Projet de la ligne d’interconnexion des Appalaches-Maine (357) en 2020, qui vise également l’exportation vers le sud, notamment l’éventuelle modification des limites d’un parc national en raison du passage prévu de la ligne :
Avis — La commission d’enquête convient, tout comme le CRE[18] de l’Estrie et Nature Québec, que la modification des limites du parc national de Frontenac ne devrait pas être banalisée. La compensation exigible pour la modification des limites du parc pour le passage de la ligne projetée devrait refléter le caractère exceptionnel de la mesure.
BAPE, 2020, Rapport no 357 : 82
De plus, pour protéger les milieux humides et dans une ultime tentative pour que les impacts visuels et sonores sur la valeur des propriétés soient pris en compte, en citant encore une fois plusieurs études, la commission en appelle au gouvernement :
Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation devrait élaborer un cadre de référence visant à définir les effets potentiels des lignes à haute tension sur la valeur des propriétés et examiner la possibilité qu’il soit inclus dans les directives pour la réalisation d’une étude d’impact sur l’environnement.
BAPE, 2020, Rapport no 357 : x
Avis — La commission d’enquête est d’avis que le décret d’autorisation du projet devrait prévoir une condition obligeant l’initiateur du projet à compenser financièrement les pertes résiduelles de milieux humides, si les suivis montraient que les milieux humides perturbés par le projet n’étaient pas complètement restaurés.
BAPE, 2020, Rapport no 357 : 82
La commission prendra aussi soin de présenter les importantes mesures prévues en contributions financières pour la partie américaine de la ligne[19] et propose qu’il en soit de même au Québec, notamment en ce qui concerne l’accès au service Internet haute vitesse à large bande dans les communautés à proximité :
[L]a commission d’enquête constate que les bénéfices consentis au Maine visent l’ensemble de la population de l’État et s’apparentent aux services financés par les bénéfices d’exploitation versés par Hydro-Québec au gouvernement du Québec, sauf en ce qui concerne les bénéfices relatifs à l’accès au service Internet haute vitesse à large bande […]. [Elle est d’]avis que, si la desserte en fibre optique se concrétisait le long de la ligne projetée au Maine et au Québec, Hydro-Québec devrait rendre disponible une capacité équivalente dans les municipalités riveraines ou situées à proximité de la ligne projetée au Québec. Elle devrait aussi offrir de l’aide financière qui permettrait, en complément aux programmes de financement publics applicables, la mise en place d’accès au service Internet haute vitesse à large bande dans ces communautés.
BAPE, 2020, Rapport no 357 : 50
La ligne prévoit traverser une partie du Ndakina, le territoire ancestral de la Nation w8banaki, que cette dernière utilise à des fins alimentaires, rituelles et sociales. Au cours du mandat du BAPE, l’organisme mandaté pour représenter et appuyer les conseils des Abénakis d’Odanak et de W8banaki en matière d’affirmation, de consultations et de revendications territoriales a proposé à Hydro-Québec de soutenir les activités communautaires liées à la culture w8banaki.
D’ailleurs, à partir de 2021, le PMVI ne s’appliquera plus aux communautés autochtones. Les ententes de gré à gré seront privilégiées afin de mieux tenir compte du statut et des revendications de celles-ci.
Le dernier projet en liste, qui a fait l’objet d’une audience publique ciblée[20] du BAPE en 2022-2023, est le Projet de ligne d’interconnexion 400 kV Hertel-New York (369). Il se caractérise par deux innovations majeures. Premièrement, Hydro-Québec a décidé d’enfouir l’entièreté de la ligne, qui sera souterraine sur une longueur de 56,1 km et sous-fluviale sur 1,6 km, la connexion au réseau américain s’effectuant dans le lit de la rivière Richelieu. En conséquence, le PMVI ne s’appliquera pas à la ligne, mais seulement au poste :
Hydro-Québec mettrait à la disposition de la Ville de La Prairie une somme forfaitaire estimée à 300 000 $ qui permettrait la réalisation d’initiatives qui ont pour but d’améliorer le cadre de vie des collectivités.
BAPE, 2023, Rapport no 369 : 10
Deuxièmement, dans le cadre de ce projet, Hydro-Québec et le Conseil mohawk de Kahnawà:ke (CMK) ont conclu une entente prévoyant un partenariat de copropriété de la ligne de transport (portion québécoise) une fois mise en service, une première dans l’histoire de la société d’État. Ce partenariat permettrait à la communauté de Kahnawà:ke d’obtenir une diversité de retombées économiques en lien avec le projet.
Cette dernière période permet d’observer d’importants changements visant à favoriser l’acceptabilité sociale des projets. Le PMVI est réformé de manière significative (lignes basse tension incluses, montant/km, participation publique exigée, possibilité de différer le financement). Par ailleurs, les commissions du BAPE en appellent au gouvernement pour forcer la prise en compte des impacts visuels et sonores au-delà du PMVI, ainsi que la bonification des compensations au-delà des paramètres strictement financiers (ex. : Internet). Le passage en souterrain se concrétise (parc national et tracé entier), alors que les ententes de gré à gré et le partenariat avec les Autochtones se confirment, hors PMVI.
Synthèse des résultats : le PMVI, un instrument de l’acceptabilité sociale
Depuis 1985, le PMVI a financé près de 1500 initiatives auprès des organismes admissibles, pour un total de plus de 144 M$ (Hydro-Québec, 2001 et 2022b). Sur plus de 40 ans, la question des compensations liées aux projets de transport de l’électricité a largement été abordée. L’analyse des rapports du BAPE, lieu d’échanges, de débats et d’apprentissages, nous permet de cerner une série d’enjeux faisant l’objet de demandes et de critiques (tableau 1), et d’examiner l’évolution du PMVI (tableau 2) comme ERA standardisée ou instrument conventionnel dans le contexte d’une quête grandissante de l’acceptabilité sociale des projets. De fortes résistances au changement sont observables relativement à certains sujets, tandis que l’on remarque également des changements majeurs au PMVI concernant d’autres enjeux et que certaines actions remettent en question la pertinence même de l’instrument à divers égards.
Dès le début des années 1980, les commissions du BAPE insistent sur l’importance de prévoir des compensations pour les impacts visuels et sonores sur la valeur des propriétés et pour les municipalités. Des demandes récurrentes de la part des participants, individus et organisations, sur la base d’études et d’exemples de l’étranger, seront formulées pour modifier les pratiques et les instruments en place. Le PMVI répondra en partie à celles-ci de manière volontaire en 1985. Il prévoit le financement d’initiatives pour mettre en valeur l’environnement pouvant aller jusqu’à 1 % du coût du projet pour les organismes admissibles (villes, municipalités et MRC). Ceux-ci verront cette possibilité s’élargir en 1993 aux initiatives de développement régional et de développement des communautés autochtones. En 2001, les projets de lignes et postes de 500 M$ et plus, qui jusque-là n’avaient pas de contraintes budgétaires pour le financement d’initiatives dans le cadre du PMVI, verront cette distinction disparaître, alors que le montant sera fixé à exactement 1 % et que les infrastructures de production seront dorénavant exclues du PMVI.
Au fil des années, il est possible d’observer une plus grande compensation environnementale pour les pertes en milieux humides, en couverts forestiers, en valeur écologique ou en biodiversité, l’adoption de nouvelles lois aidant (Loi sur la qualité de l’environnement, Loi sur le développement durable, Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques). D’autres demandes ont toutefois eu peu d’écho. Celles formulées par les propriétaires individuels et les entreprises situés hors de l’emprise mais à proximité, pour compenser les impacts visuels et sonores, comme celles, récurrentes et visant maintenant les autorités publiques, pour prendre en compte le patrimoine paysager, demeurent en bonne partie ignorées.
Bien que la participation des populations soit prévue dès 1993 dans le PMVI, les demandes et critiques à ce sujet seront fréquentes jusqu’au milieu des années 2000, alors qu’en 2018, lors d’une refonte importante du PMVI, cette exigence deviendra une condition au financement des initiatives. Cette refonte est aussi l’occasion d’élargir le PMVI à des lignes de plus basse tension et de changer le calcul du mode de financement pour un montant forfaitaire au kilomètre, plus précis et prévisible. De plus, la nouvelle version du PMVI permet d’investir les montants dans un fonds pour un usage différé, prévoit des discussions plus en amont et donne la priorité aux villes et municipalités, les MRC n’étant admissibles que sur invitation des élus municipaux. Plus récemment, en 2021, Hydro-Québec a décidé de retirer les communautés autochtones du PMVI pour privilégier les ententes de gré à gré, les options de partenariat et d’enfouissement étant à plusieurs occasions envisagées.
Dans cette lignée et afin de baliser la voie aux projets reliés à la transition énergétique, Hydro-Québec propose un Nouvel élan en acceptabilité sociale. Projets de lignes de transport d’électricité (Hydro-Québec, 2022a) qui repose sur ces cinq principes, dont « l’enfouissement, possible dans certaines situations », et « des consultations plus tôt dans le processus et une approche plus flexible ».
Discussion et conclusion
Ainsi, la récurrence des projets, l’insistance des commissaires et les avis du BAPE, la participation et les demandes des citoyens et des groupes, la mobilisation des exemples étrangers (français, américain) de même que le positionnement de certains élus sont autant d’éléments qui peuvent expliquer l’évolution du PMVI, tandis que le statut d’Hydro-Québec et les ressources dont elle dispose peuvent également expliquer certaines résistances et certains choix réalisés à cet égard. L’analyse des rapports du BAPE et de la documentation d’Hydro-Québec met en lumière la robustesse de l’instrument et sa plasticité à travers la quête d’acceptabilité sociale, en plus d’examiner de manière concrète la mise en oeuvre du principe de compensation et du PMVI plus spécifiquement, permettant de poser la question de la justice distributive.
Le recours à des instruments de type conventionnel, volontaires, plus flexibles et évolutifs et favorisant un engagement direct de la part des parties prenantes, est le signe d’un État moins interventionniste qui laisse plutôt les organisations développer des pratiques et des instruments soutenant l’acceptabilité des projets. Les instruments ne sont pas neutres et ils connaissent leurs trajectoires propres. Le PMVI, conjugué à la quête d’acceptabilité sociale comme nouvelle norme d’action publique et condition à la décision, a fait l’objet de tentatives récurrentes visant à le modifier, à le restreindre, à l’augmenter ou à le contourner. Il peut parfois apparaître comme un point de départ pour une diversification et un développement des moyens de compensation dans le temps ou, à l’inverse, comme une limite indépassable pour certains acteurs. L’analyse du corpus montre que le PMVI a rencontré des appuis, mais aussi des critiques, dont plusieurs sont les mêmes que celles recensées par la littérature : marchandage de l’adhésion au projet, potentiellement inacceptable lorsque le projet est en contradiction avec le mode de vie ou les « choix de société », inéquitable à l’égard des traitements reçus par les divers acteurs, dont certains sont exclus, décevant quant aux limites liées à la nature, à l’ampleur et aux usages des compensations ou suscitant la critique en raison de son processus ou du manque d’information. Se pose alors la question de l’inclusion, de l’équité, de l’uniformité et de la transparence des moyens de compensation, autant de variables qui renvoient à la notion de justice distributive. Qui est inclus dans le PMVI ? Quel traitement est réservé aux divers acteurs dans les différentes situations ? Quel type de compensation et quel usage ? Quelle transparence pour des compensations de projets publics conformes à l’intérêt général ? Certains acteurs gagnent, d’autres perdent. Poser la question de la justice distributive, c’est « vérifier que d’une manière concrète un partage respecte une égalité relative entre les contributions et les rétributions de chacun, autrement dit que les mérites des uns et des autres [sont] reconnus et proportionnellement rétribués » (Forsé et Parodi, 2006 : 220). Le principe de compensation s’est institutionnalisé à travers le PMVI pour connaître un développement et une mise en oeuvre spécifiques. Cette forme de « troc territorial » de l’intérêt général est devenue explicite et légitime (Duran et Thoenig, 1996 ; Jobert, 1998) dans la gouvernance de l’action publique et des grands projets. En montrant les implications de cette quête d’acceptabilité sociale à l’égard des grands projets, la présente étude a voulu décrire concrètement l’évolution des instruments de la gouvernance énergétique et la manière dont cela se traduit sur le plan de la justice distributive. Il importe maintenant de convenir d’un ordonnancement de certains principes (inclusion, équité, transparence) dans cette quête louable de l’acceptabilité sociale en tenant compte de la nature des instruments, des acteurs, dont la toute puissante Hydro-Québec, pour la transition énergétique. Celle-ci ne pourrait se penser sans inclure la question de la justice distributive dans le cadre des projets de transport d’électricité, essentiels à sa réalisation plus qu’urgente.
Parties annexes
Annexe
Annexe I
Notes
-
[1]
Comme le mentionnent plusieurs auteurs, et notamment Hamelin (2023 : 19) et Jobert (2023 : 36) respectivement : « Les travaux menés au Québec servent de références principales » ; le Québec « a lancé la réflexion francophone sur l’acceptabilité sociale et l’anime largement ».
-
[2]
Pour Bruno Jobert (1995), le forum correspond à la délibération qui vise à cerner le problème, à diffuser les connaissances, à identifier les options parmi la multiplicité d’acteurs et d’intérêts. L’arène concerne la négociation et l’arbitrage des intérêts, la détermination des compensations et les ajustements en lien avec la décision. De la même manière, Bruno Latour (1999) distingue le « pouvoir de prise en compte », qui fait référence à la « pluralité des mondes » et le « pouvoir d’ordonnancement » renvoyant aux modalités pragmatiques de décision et de mise en oeuvre. Selon Jobert et Latour, il importe qu’il n’y ait ni « coïncidence » ni « empiétement » du premier espace sur le second, et que la séquence soit respectée dans cet ordre afin de permettre une exploration et un cheminement efficaces vers un « monde commun » nécessaire à la décision.
-
[3]
Le troisième étant de type informatif/communicationnel.
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[4]
Une MRC regroupe les municipalités d’un même territoire. La MRC permet la mise en commun de services et la gestion d’enjeux régionaux, comme l’aménagement et l’urbanisme, la gestion des cours d’eau régionaux ou le plan de gestion des matières résiduelles.
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[5]
Le document se termine par un élément concernant les Premières Nations et la Nation inuite : « une approche distincte, adaptée aux caractéristiques culturelles et aux structures de gouvernance autochtones » (Hydro-Québec, 2022a : 13). Il est important de mentionner qu’au moment de la création du PMVI, un autre instrument conventionnel volontaire est créé par Hydro-Québec en lien avec les projets de transport d’électricité. Il s’agit de l’Entente sur le passage des lignes de transport en milieux agricole et forestier entre Hydro-Québec et l’Union des producteurs agricoles (UPA). Sont notamment prévues des compensations pour l’acquisition des droits, les servitudes, les pertes et dommages temporaires et permanents liés aux manques à gagner (bois coupé et pertes agricoles) des propriétaires producteurs agricoles (Hydro-Québec, 2014).
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[6]
Selon une liste établie par règlement et qui comporte des seuils selon les catégories.
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[7]
Les numéros correspondent aux numéros des rapports du BAPE. La liste des projets étudiés est présentée en annexe I : Tableau 3. Liste des projets étudiés.
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[8]
Selon le Bulletin d’information 2021-9 de Finances Québec du 17 décembre 2021, p. 5 : « De façon générale, un impôt foncier est prélevé par les municipalités à l’égard des immeubles situés sur leur territoire. À cette fin, elles dressent un rôle d’évaluation foncière en établissant la valeur de ces immeubles, laquelle est utilisée aux fins du calcul de l’impôt foncier. Toutefois, les immeubles qui font partie d’un réseau de télécommunication, d’un réseau de distribution de gaz ou d’un réseau de production, de transmission ou de distribution d’énergie électrique ne sont pas portés au rôle d’évaluation foncière d’une municipalité et sont donc exclus du régime ordinaire de taxation foncière. Cependant, l’exploitant de l’un ou l’autre de ces réseaux de services publics est assujetti à un régime d’exception selon lequel il doit payer au ministre du Revenu la taxe sur les services publics […]. » <http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Bulletins/fr/BULFR_2021-9-f-b.pdf>. Page consultée le 4 mars 2024.
-
[9]
Cette pratique est documentée également dans Simard (2006).
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[10]
Une nouvelle loi vient changer le statut de la société d’État, laquelle devient une société par actions ; sa mission est alors élargie par son unique actionnaire, notamment avec un mandat explicite d’exporter de l’électricité.
-
[11]
Il semble ici y avoir une marge de manoeuvre lorsqu’il s’agit de plus grands projets.
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[12]
Nous faisons l’hypothèse que d’y recourir directement pourrait avoir des conséquences juridiques.
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[13]
Au début de janvier 1998, une pluie verglaçante qui dure près de quatre jours tombe sur le territoire du Nord-Est américain, dont le Québec. Entre 5 et 8 cm de glace s’accumuleront sur les infrastructures routières et électriques. Routes fermées et pannes se multiplient, le gouvernement du Québec déclare l’état d’urgence et 100 000 personnes reçoivent un ordre d’évacuation de leur domicile. Jusqu’à 1,4 million de foyers sont privés d’électricité en cette période de grands froids. Le rétablissement de la situation prendra plusieurs semaines, la reconstruction du réseau d’électricité durera des mois.
-
[14]
La commission Nicolet avait comme mandat d’analyser les événements relatifs à la tempête de verglas de janvier 1998.
-
[15]
Cette pratique d’ententes est devenue courante pour les projets de production d’électricité. Dans le cadre du projet La Romaine, des ententes avec la MRC de Minganie incluaient des sommes, que la centrale se réalise ou non, pour appuyer Hydro-Québec dans l’obtention des autorisations gouvernementales. Un autre montant de six millions de dollars était destiné à un fonds d’insertion du projet « afin de permettre la mise en place de programmes et d’initiatives destinés à favoriser l’acceptation sociale et l’intégration du projet Romaine dans son milieu d’accueil » (BAPE, 2009, Rapport no 256 : 156).
-
[16]
« Le secteur du mont Hereford sera épargné puisque les fils du projet d’Interconnexion Québec-New Hampshire seront enfouis dans ce secteur. » Vincent Cliche, « Les fils seront finalement enfouis dans la forêt Hereford », Le Progrès de Coaticook, 21 novembre 2017. <https://www.leprogres.net/actualites/les-fils-seront-finalement-enfouis-dans-la-foret-hereford/>. Page consultée le 4 mars 2024.
-
[17]
Le recours au fonds doit se justifier en raison de l’ampleur de la somme ou du délai requis pour la planification selon le délai exigé par le PMVI (Hydro-Québec, 2021).
-
[18]
Les conseils régionaux de l’environnement (CRE) se veulent une instance de concertation composée d’acteurs diversifiés (associatifs, privés, publics). Ils bénéficient d’un soutien financier du gouvernement et forment un réseau au sein du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ).
-
[19]
L’ampleur et la nature de celles-ci sont sans précédent afin de convaincre les parties prenantes (municipalités, groupes environnementaux et acteurs économiques). L’entente prévoit notamment : une redevance annuelle non indexée de 3,5 M$ US pendant 40 ans – soit 140 M$, puisés à même les revenus générés par le New England Clean Energy Connect (NECEC) ; le financement d’un réseau Internet à large bande ; la mise sur pied d’un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques ; des subventions aux acheteurs de thermopompes ; un appui au développement économique et la promotion du tourisme régional ; un financement pour l’éducation ; des initiatives en matière de protection de l’environnement ; le financement d’études pour la décarbonation et la planification des ressources énergétiques du Maine.
-
[20]
Depuis 2018, pour certains dossiers, le ministre peut demander au BAPE de tenir une consultation ciblée. Il précise alors les sujets à étudier ou les personnes, groupes ou municipalités qui devraient être consultés. Le mandat portait sur la protection du territoire agricole et des activités agricoles ainsi que la protection des cours d’eau et des infrastructures de ces cours d’eau. Par ailleurs, la commission peut entendre et rendre compte d’enjeux connexes, comme dans ce cas : coûts et retombées du projet, préservation des milieux naturels et transition énergétique du Québec.
-
[21]
La part qui revient aux Autochtones est déterminée par Hydro-Québec et le reste revient aux organismes admissibles. Les initiatives en environnement (30 % minimalement) s’adressent aux municipalités d’abord, alors que celles reliées au développement régional s’adressent aux MRC.
-
[22]
Bas-Saint-Laurent (01), Saguenay–Lac-Saint-Jean (02), Capitale-Nationale (03), Mauricie (04), Estrie (05), Montréal (06), Outaouais (07), Abitibi-Témiscamingue (08), Côte-Nord (09), Nord-du-Québec (10), Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (11), Chaudière-Appalaches (12), Laval (13), Lanaudière (14), Laurentides (15), Montérégie (16) et Centre-du-Québec (17).
-
[23]
Mandat du BAPE pour audiences ciblées.
-
[24]
Les projets en italique sont des mandats de médiation du BAPE.
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