Abstracts
Résumé
La critique du “bon sens” est une constante de l’oeuvre de Barthes. Pour en dégager les enjeux, cet article se propose non seulement de contextualiser cette critique, en la mettant en relation avec les débats philosophiques des années 1960 (Althusser, Deleuze, Foucault), mais encore d’en montrer l’ambiguïté. En effet, le rejet du bon sens peut se faire au nom d’une démystification rigoureuse, comme c’est le cas dans les Mythologies, ou par goût du paradoxe. Dans le premier cas, la critique de l’idéologie petite-bourgeoise suppose de construire une histoire du bon sens, à partir d’indications essaimées dans l’oeuvre; dans le second cas, en revanche, il s’agit de montrer que le goût du paradoxe ne se fonde que sur une haine des évidences de la doxa, haine qui trahit, dans une sorte d’aristocratisme, l’intention scientifique et politique du discours critique.
Mots-clés :
- Barthes,
- bon sens,
- idéologie,
- démystification
Abstract
Barthes makes a constant effort, in his works, to criticize “common sense”. To understand this criticism, this article proposes not only to contextualize it, in relation to the philosophical debates of the 1960s (Althusser, Deleuze, Foucault), but also to highlight its ambiguity. Indeed, the rejection of common sense can be made in the name of a rigorous demystification, for example in the Mythologies, or because of a taste for paradox. In the first case, the criticism of petty-bourgeois ideology requires the construction of a history of common sense, thanks to indications scattered throughout the complete works; in the second case, the taste for paradox is only based on a hatred of the evidences of the doxa, which betrays, by aristocratic means, the scientific and political intentions of the critical discourse.
Keywords:
- Barthes,
- Common Sense,
- Ideology,
- Demystification
Article body
1. Le mythe et la position ambiguë de l’intellectuel critique
Une formule de Barthes, ciselée, égarée au milieu des Mythologies, est devenue, malgré son auteur, un mythe (2002f : 737) : “Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises”. Qu’elle soit louée ou, plus souvent, contestée par une littérature qui, émanant d’ailleurs essentiellement du monde médiatique (si prompt selon notre auteur à être le jouet de ses propres mythes), diagnostique ou appelle de ses voeux un retour au “bon sens” (Crapez 2004; Boudon 2006; Mabrouk 2019), elle a été arrachée à son contexte, déformée, appauvrie – en somme, elle a vu sa signification réduite comme peau de chagrin, ce qui est, précisément, l’essence du processus de mythification selon Barthes.
L’élucidation de cette formule, sa démystification, suppose dès lors, au croisement d’enjeux philosophiques, politiques et critiques, de déterminer précisément la situation de la notion de “bon sens” dans l’oeuvre de Barthes.
Enjeux philosophiques, d’abord, car la conceptualisation du “bon sens” chez Barthes, y compris dans son détail, est solidaire d’un courant intellectuel qui, dans les années 1960, fera de sa critique une prérequis fondamental à l’érection d’une nouvelle façon de penser. Ainsi Foucault, faisant le bilan des travaux menés par Deleuze durant ces années-là, résumait dans une formule frappante cette nouvelle exigence philosophique, qui fut aussi jusqu’à un certain point celle de Barthes (1994 : 957) : “pervertissons le bon sens”.
Au demeurant, un examen attentif du corpus barthésien montre la permanence de cette notion, depuis une première apparition dans un texte de 1951, dans lequel Barthes définissait le “bon sens” comme la faculté de saisir “une évidence à peu près cartésienne, c’est-à-dire irréfutable, si ce n’est par la passion ou l’intérêt” (2002a : 127) jusqu’à – pour l’occurrence la plus significative – un entretien invoquant “le bon sens qui tue les nuances” et fait obstacle au travail légitime de l’intellectuel (2002q : 571-572).
Très vite, Barthes se rendra sensible à ce que cette évidence “cartésienne” a de construit : elle est, pour l’essentiel et pour des raisons qui apparaîtront plus tard, le produit historique d’une bourgeoisie, puis d’une petite bourgeoisie, voulant donner à leur idéologie la forme de l’universel.
Le bon sens sera donc indissolublement lié, tout au long de l’oeuvre de Barthes, au problème du “mythe”, pour autant que le mythe est le résultat du processus au cours duquel l’histoire est figée en nature, le discutable transmué en évidence, l’interprétation travestie en fait, l’opinion contingente solidifiée en doxa intemporelle et, par voie de conséquence, le singulier érigé en universel. La prise en charge de la déconstruction du bon sens est alors la tâche fondamentale d’une pensée, notamment marxiste – et, sous ce rapport, Barthes rencontre les mêmes difficultés qu’Althusser[1] –, soucieuse de dénicher l’idéologie derrière les “évidences”, précisément dans la mesure où “le propre de l’idéologie est d’imposer les évidences (sans en avoir l’air puisque ce sont des “évidences”) comme évidences” (Althusser 2011 : 296).
Dans ce contexte toutefois, Barthes est attentif à un problème fondamental, relatif à la position ambigüe de l’intellectuel critique par rapport à ses objets.
D’une part, il s’agit d’éviter le mythe (platonicien ou, si l’on veut, philosophique) du démystificateur et, à cet égard, pourfendre le bon sens et récuser la doxa ne doivent en aucune façon se confondre avec une forme d’élitisme, qui verserait à sa manière dans une autre doxa – celle de l’intellectuel neutre et objectif (2002f : 676) : “la ‘démystification’ […] n’est pas une opération olympienne”. Il n’est pas certain, toutefois, que Barthes parvienne toujours à garder cette position équilibrée – de telle sorte qu’un certain élitisme demeurera latent dans ses travaux, et la critique du sens commun s’accompagnera souvent de l’attribution, à l’intellectuel, d’une position scientifique privilégiée,[2] de surplomb, comme en témoigne tel passage des Mythologies :
Vous pouvez évidemment juger la philosophie au nom du bon sens; l’ennui, c’est que si le “bon sens” et le “sentiment” ne comprennent rien à la philosophie, elle, les comprend fort bien. Vous n’expliquez pas les philosophes, mais eux vous expliquent.
2002f : 698
D’autre part, et au contraire, s’il se refuse au mythe de la neutralité, s’il assume son engagement et sa situation politique, l’intellectuel ne risque-t-il pas de devenir, à son tour, un mystificateur? Autrement dit, renoncer à la neutralité, accepter d’être partial, c’est fatalement s’exposer à ne pas faire droit à la complexité des configurations mythiques analysées. Aussi Barthes reconnaît-il rétrospectivement l’impasse (2002k : 1031) : “le propre des Mythologies, c’est de prendre systématiquement en bloc une sorte de monstre que j’ai appelé la ‘petite bourgeoisie’ (quitte à en faire un mythe) et de taper inlassablement sur ce bloc”. La démystification – l’attaque portée par Barthes contre le bon sens petit-bourgeois – parce qu’elle n’est pas neutre, est indissociablement une mystification, production d’un “monstre” par l’intellectuel.
Reste que, au-delà de toute “méthode scientifique”, la déconstruction du mythe du bon sens ne saurait ni être uniquement élitiste, ni purement et simplement “idéologique”, mais doit contenir une certaine dose de vérité. Se battant contre son temps, démystifiant les détours que prend l’idéologie pour s’imposer aux esprits et aux corps, Barthes n’entend pas à son tour devenir un mystificateur. C’est pourquoi il assume lucidement la difficulté de la tâche, autant qu’il anticipe la probabilité de l’échec (2002f : 676) : “je réclame de vivre pleinement la contradiction de mon temps, qui peut faire d’un sarcasme la condition d’une vérité”.
Il s’agit donc désormais, pour ce qui concerne la relation de Barthes au “bon sens”, de faire la part des choses.
2. Le “bon sens” comme mythe : une lecture des Mythologies
2.1. La notion de mythe
Qu’est-ce qu’un mythe? Dans la postface des Mythologies (“Le mythe, aujourd’hui”), Barthes stipule très clairement que le mythe est (a) un langage et (b) une idéologie (2002f : 826) : la mythologie “fait partie à la fois de la sémiologie comme science formelle et de l’idéologie comme science historique : elle étudie des idées-en-forme”. Rappelons brièvement le montage de l’analyse barthésienne, pour y considérer avec autant de précision que possible la situation du bon sens.
(a) Comme langage, le mythe a ceci de particulier qu’il est un “méta-langage”, c’est-à-dire un langage qui s’empare d’un “langage-objet” et le transforme (fig. 1).
Dans le mythe, le signe premier, qui était ouvert à une pluralité de sens possibles, se voit réduit à n’être que le signifiant (que Barthes nomme “forme”, pour éviter toute ambiguïté) d’un “concept” déterminé : c’est en ce nouveau signe, unité d’un concept spécifique et d’un signifiant appauvri, que se recueille le mythe. Il s’ensuit que “le point capital en tout ceci, c’est que la forme ne supprime pas le sens, elle ne fait que l’appauvrir, l’éloigner, elle le tient à sa disposition” (2002f : 831). En d’autres termes, la motivation du signe mythique est partielle : elle ne saurait être totalement arbitraire – sans quoi elle ne pourrait se faire passer pour “naturelle”, et ne saurait avoir pour elle le “bon sens” – et comporte, il faudra s’en souvenir, sa part de vérité.
De cette analyse élémentaire, on peut tirer deux lois sémiologiques, qui nous seront de la plus grande utilité pour la suite. – La première permet d’expliquer l’immense richesse de l’invention mythique. En effet, chaque “concept” est nécessairement lié à tout l’univers historique dans lequel il voit le jour, en même temps qu’il peut s’incarner dans des “formes” très diverses : “à la pauvreté qualitative de la forme, dépositaire d’un sens raréfié, correspond une richesse du concept ouvert à toute l’Histoire; et, à l’abondance quantitative des formes, correspond un petit nombre de concepts” (2002f : 833).
La seconde est une conséquence de la première, et explique au contraire la pauvreté du mythe : puisque la “forme” raréfie le sens, tout langage libéré de sa forme mythique se densifie, et s’ouvre à la pluralité des sens. Le langage retrouve ainsi sa puissance de signification au-delà de tout “bon sens” – et cette volonté de ne pas “rabattre la signification sur un sens, le bon” est, à divers égards, la signature de l’oeuvre de Barthes (Gaillard 2001 : 16-17).
(b) Vient ensuite le travail de l’idéologie – entendue au sens que Marx lui assigne dans l’Idéologie allemande (2014 : 125-127) – et son cortège d’inversions. En effet, à la première opération de récupération et de réduction d’un langage-objet et de sa puissance de signification, s’ajoute cette manoeuvre qui consiste à “[transformer] l’histoire en nature” (2002f : 842). La “forme” et le “concept” ont beau être historiques, le signe mythique restitue un monde naturel dans lequel le “concept” est si prégnant à la “forme” qu’il en évacue l’historicité :
En passant de l’histoire à la nature, le mythe fait une économie : il abolit la complexité des actes humains, leur donne la simplicité des essences, il supprime toute dialectique, toute remontée au-delà du visible immédiat, il organise un monde sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse; les choses ont l’air de signifier toutes seules.
2002f : 854
“Simplicité”, “immédiateté”, “évidence”, “clarté” : le mythe proscrit de notre monde l’ambiguïté et la richesse du sens, en sorte qu’il laisse la place libre pour le seul sens qui soit le “bon” – celui de l’idéologie dominante. Parce qu’il supprime la contradiction et, avec elle, la dialectique, il peut substituer une nature, une et universelle, à l’histoire et la lutte des classes dont elle est le théâtre.
2.2. Situation du bon sens dans les Mythologies
À l’intérieur de ce dispositif, ici rappelé en sa plus grande généralité, on entrevoit déjà la relation fondatrice qui pourrait exister entre mythe et bon sens; reste qu’on éprouvera les plus grandes difficultés à déterminer précisément le lieu de cette relation, tant la situation du bon sens dans les Mythologies est affectée d’une lourde indétermination. Si l’on rapporte aux ressources de l’analyse mythologique, détaillées dans la postface, les “mythologies” de la première partie, quel sera en effet le résultat? On pourra distinguer trois fonctions prises en charge par le bon sens et, faute de procéder à ces distinctions, le discours critique de Barthes sur ce “chien de garde des équations petite-bourgeoises” demeurera un poncif en toute rigueur inconsistant.
(1) Le bon sens est d’abord, au même titre que d’autres (médias, hommes politiques) quoique d’une manière privilégiée, une instance productrice de mythes : cette instance donne aux “concepts” qui constituent son idéologie des “formes” déterminées. Dans ces circonstances, Barthes parle plus volontiers d’un “sens commun” qui “mythifie” tel ou tel élément de son univers (2002f : 675, 721, 839). Qu’est-ce, alors, que le “sens commun”? Ni plus ni moins que la pensée d’un groupe sociologiquement déterminé, dont la caractéristique principale est qu’il est, dans une société donnée, dominant par le nombre et capable à ce titre de constituer une doxa qui s’imposera à tous (2002o : 374) : “les mythes – comme l’expliquera plus tard Barthes –, ça suit le nombre”. C’est, au moment des Mythologies, dans la France des années 1950, la situation de la petite bourgeoisie.
(2) Or, quel est le mythe privilégié de la petite bourgeoisie? Précisément celui du “bon sens”, en particulier tel qu’il se trouve exalté dans le discours de Pierre Poujade, papetier de Saint-Céré et phénomène politique de l’époque : “La petite bourgeoisie, du moins celle de M. Poujade (Alimentation, Boucherie), possède en propre le bon sens, à la manière d’un appendice physique glorieux, d’un organe particulier de la perception” (2002f : 737).
De ce mythe, Poujade est moins la source que le dépositaire : tout orateur, soumis à la nécessité de produire une “rhétorique de bon sens” pour atteindre son électorat, n’est-il pas condamné à relayer la “‘psychologie’ du public” auquel il s’adresse (2002j : 537)? Le “bon sens” comme mythe, au travers duquel la petite bourgeoisie contemple son monde comme dans un miroir déformant, communique ce faisant avec d’autres mythes de cette classe sociale et d’autres dimensions de la réalité française des années 1950 (selon la première loi sémiologique du mythe); à bien des égards, il constitue même la clé de voûte de l’idéologie petite-bourgeoise.
Reste qu’en 1957, celle-ci n’est pas encore parvenue à son faîte; si, conformément aux analyses de Marx, il est de l’essence de l’idéologie de se donner la “forme de l’universalité” (2014 : 133), le “bon sens” n’est au contraire pas encore aux yeux de Poujade la “philosophie générale de l’humanité” (2002f : 737-738), mais davantage le privilège de sa classe et même (nous y reviendrons) de sa race. Le malheur de la France, pour Poujade, c’est précisément que les intellectuels et les technocrates en sont dépourvus. Le bon sens est alors essentiellement revendiqué par la petite bourgeoisie comme une façon de percevoir le monde qui la protège des autres formes de pensée, qu’elles soient trop intellectuelles, fantaisistes ou ésotériques : il est, à ce titre, “la forme agressive de sa conscience de classe” (2002f : 749). C’est là le signe que le mythe du bon sens ne parvient pas tout à fait, en 1957, à occulter le sourd travail de la lutte des classes et des rapports de force idéologiques.
(3) Le mythe du bon sens joue enfin un rôle stratégique dans ce que Barthes nomme la “rhétorique” du mythe, c’est-à-dire “un ensemble de figures fixes, réglées, insistantes, dans lesquelles viennent se ranger les formes variées du signifiant mythique” (2002f : 861). La “rhétorique” du mythe, c’est donc l’ensemble des outils grâce auxquels l’idéologie parvient à ses fins, c’est-à-dire se constitue comme “pseudo-physis”, histoire transfigurée en nature. Sans prétention à l’exhaustivité, Barthes relève dans les Mythologies sept figures rhétoriques (2002f : 861-865), le bon sens jouant un rôle constitutif dans cinq d’entre elles (la privation de l’histoire, l’identification, la tautologie, la quantification de la qualité, le constat).
Par exemple, qu’est-ce que la tautologie sinon l’énoncé de bon sens, l’évidence “cartésienne” que rien ne saurait contester, exceptés la passion ou l’intérêt? Qu’est-ce que la quantification de la qualité, sinon l’exercice d’un “bon sens” comptable, celui du boutiquier noyé, selon la formule marxienne consacrée, dans “les eaux glacées du calcul égoïste”? Le point est encore plus manifeste pour ce qui concerne le constat, dans la mesure où “le fondement du constat bourgeois, c’est le bon sens, c’est-à-dire une vérité qui s’arrête sur l’ordre arbitraire de celui qui parle” (2002f : 864-865).
Partant, c’est d’abord comme outil rhétorique que le bon sens peut être considéré par Barthes “comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises” : formidable arme pour aplanir les aspérités de l’histoire, conjurer celles du réel et de la pensée, rejeter l’altérité et la contradiction,[3] l’appel au bon sens permet à l’idéologie de la petite bourgeoisie d’atteindre sa pleine effectivité, de transformer son histoire en nature universelle. Toutefois, et dans le même temps, ces figures rhétoriques dépassent largement le cadre imposé par la petite bourgeoisie, si bien que l’on peut dire, à la rigueur, que toute idéologie fait appel au “bon sens” pour procéder à un évidement de l’histoire et restituer l’apparence d’une nature figée.
Il serait donc vain de vouloir assigner au bon sens, dans les Mythologies, une place trop déterminée : aussi, le discours critique de Barthes à l’égard du bon sens diffèrera-t-il profondément suivant qu’il s’agira d’analyser rigoureusement, et de façon empirique, la mythification à laquelle procède le poujadisme lorsqu’il s’empare du “bon sens” (§3), ou de rejeter “en bloc” et sans nuance, la petite bourgeoisie comme groupe social, ses mythes, aussi bien que le recours idéologique au bon sens de façon générale (§4). Dans le premier cas, le plus favorable, la critique barthésienne se veut rigoureuse et n’est nullement soluble dans une haine pour la doxa, fût-elle petite-bourgeoise et poujadiste ; dans le second cas, elle se développe en direction d’un goût pour le paradoxe dont le caractère à la fois élitiste et arbitraire ne saurait être sous-estimé.
3. L’analyse historique comme démystification : structure et genèse du recours au “bon sens”
3.1. Structure : Barthes avec Foucault contre Descartes
Les conditions dans lesquelles Barthes a formé, à l’occasion des Mythologies, sa notion de bon sens ayant été précisées, la prudence voudrait donc que l’on s’en tienne d’abord (et, à vrai dire, exclusivement) à une application circonspecte des ressources de l’analyse mythologique et de ses lois sémiologiques pour saisir, de façon empirique, la signification et la spécificité du phénomène poujadiste.
En premier lieu, et conformément à la première loi, il apparaît clairement que le mythe poujadiste du “bon sens” aurait pu transparaître dans une profusion de “formes” très diverses : en somme, il était contingent que le “concept” s’investît plus particulièrement dans tel système de signes plutôt que dans tel autre, qu’il s’emparât de la “parole” de Poujade, puisqu’il aurait tout aussi bien pu, par exemple, trouver son lieu privilégié dans un système iconique (imagerie populaire du commerçant dans sa boutique, du père de famille avec ses enfants, etc.) – ce qu’il n’a pas manqué, jusqu’à un certain point, de faire.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement les “paroles de M. Poujade” (2002f : 736), il appert donc qu’elles constituent un “méta-langage” faisant fond sur un “langage-objet”; en d’autres termes, Poujade n’a évidemment pas inventé la notion de “bon sens”, mais en s’emparant de cette notion, il en fait un mythe (n’y voyant plus que la “grosse opinion conformiste”), pauvre en signification – en raison de la seconde loi – mais riche en affects et en images. Parce qu’il donne l’apparence (partiellement motivée) de la nature à une conception de la rationalité historiquement et sociologiquement située, le mythe poujadiste doit être démystifié.
Aussi, pour court-circuiter le travail de l’idéologie, il s’agit désormais, comme l’a fait Foucault avec la folie, de s’attacher à “[rendre] à l’histoire un fragment de ‘nature’” (2002g : 423). Or, si l’on ne trouve pas à proprement parler dans les Mythologies d’histoire de la notion de bon sens, le reste de l’oeuvre donne de précieuses indications à ce sujet, notamment en explorant l’évolution de la signification différentielle du bon sens; différentielle car, toujours, le bon sens se définit par son anti-intellectualisme. Barthes reviendra avec insistance tout au long de son oeuvre sur cette formule, que l’on trouve dans les Mythologies (2002f : 745) : “la guerre contre l’intelligence se mène toujours au nom du bon sens”.[4]
En l’occurrence, qu’est-ce que l’intelligence? Si elle s’incarne particulièrement dans une réalité sociale (l’intellectuel et son mode de vie), elle coïncide tantôt, chez Barthes, avec une certaine façon de défendre la raison contre le sentiment, tantôt, et plus précisément, avec l’exigence d’un degré élevé de systématicité dans les constructions intellectuelles – exigence que satisfont, par exemple, le marxisme ou le structuralisme – laquelle systématicité n’est pas exclusive, bien au contraire, de l’invention d’un langage technique spécifique.[5] Aussi, l’anti-intellectualisme, toujours professé au nom du bon sens, peut-il aller de la volonté de faire “système du non-système” et de bannir un langage jargonnant (2002g : 357), jusqu’à un rejet pur et simple de la rationalité.
Dès lors, de même qu’au sein du couple Raison-Déraison dont L’Histoire de la folie à l’âge classique de Foucault retraçait patiemment les évolutions, “la folie […] correspond à une forme permanente, pour ainsi dire trans-historique” (2002g : 426), de même l’appel au “bon sens” n’est pas uniquement le privilège de la petite bourgeoisie poujadiste, mais le (dernier) recours de tout ce qui s’oppose, formellement, à l’intellectualisme.
Parce qu’à l’intérieur de cette opposition formelle, le contenu (la définition du “bon sens” ou de la “raison”) varie, la première conséquence à tirer est une manière de relativisme. Là où Descartes, par exemple, faisait consister la nature rationnelle de l’humanité dans le “bon sens”, celui-ci étant “la chose du monde la mieux partagée” (2018a : 568-569), Barthes se refuse à la naïveté, propre – selon lui – à l’âge classique, de croire en l’existence d’une essence de l’humanité constituée par une “raison substantielle” (2002g : 427-429) : sur ce point, il faut tenir qu’il y a “longtemps que les hommes ont accepté l’idée d’une relativité historique de la raison”.
S’ensuivent deux conséquences remarquables (et anti-cartésiennes dans leur principe), quant au statut de l’évidence et du langage.
L’évidence, produit prétendument anhistorique d’une “raison substantielle”, est déchue de ses prérogatives. Barthes ne pouvait certainement pas ignorer, lorsqu’il se référait, dès 1951, à cette “évidence à peu près cartésienne”, que Descartes, définissant le bon sens comme “la puissance de bien juger, et distinguer le vrai du faux” (2018a : 568) voulait que l’on instruisît une telle faculté à l’école de l’évidence, pour s’habituer à ne recevoir pour vrai “que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement” à l’esprit qu’il n’y ait aucune occasion d’y rencontrer le moindre doute (2018a : 586).
Mais cette “clarté”, qui signale l’évidence et pense court-circuiter le langage – les pensées “claires et intelligibles” pouvant être exprimées indifféremment en “bas breton” et en latin classique (2018a : 574) –, est elle-même le produit d’une idéologie, celle de l’écriture dite “classique”. Descartes prétendait sans nul doute enchaîner des évidences dans un français clair, à telle enseigne “que les femmes même” – lesquelles partagent à égalité le bon sens avec les hommes – “pussent entendre quelque chose” (2018b : 27), mais cela n’empêche pas Barthes de voir dans cette clarté un “attribut purement rhétorique”, dont le fondement anthropologique sera nécessairement une “mythologie essentialiste de l’homme”. Aussi le mythe d’une faculté, partagée par tous, d’apercevoir le “sens, le bon” masque-t-il le fait que l’écriture “claire” des classiques est une écriture de classe, et la revêt-il – comme c’est le cas dans la grammaire cartésienne des messieurs de Port-Royal – “des caractères de l’universel” (2002b : 206). Moyennant un rapport de force devenu favorable à la bourgeoisie, ces écrivains feront passer pour clair en soi ce qui est clair pour eux, et prétexteront d’une pensée droite et d’une expression naturelle pour éradiquer la diversité des langues, désépaissir l’ambiguïté du sens et laisser filtrer dans une transparence présumée les évidences tirées d’une raison soi-disant universelle.
Barthes ne peut donc que répugner, dans le mémoire qu’il consacre à L’ancienne rhétorique, aux grands principes qui animent Descartes autant que les messieurs de Port-Royal, lesquels assurent que “la pensée l’emporte d’une longueur sur le langage” (2002j : 571), si bien que l’évidence “se suffit à elle-même et se passe du langage (ou croit s’en passer)” (2002j : 555-556), et ce d’autant que de tels principes conspirent à congédier les grandes constructions systématiques, celles de la rhétorique classique aussi bien que de la philosophie médiévale. Quoique rationalistes et essentialistes, comme seuls purent l’être, selon Barthes, des bourgeois, les cartésiens n’en demeurent donc pas moins de façon latente, lorsqu’ils font appel au “bon sens”, anti-intellectualistes.
3.2. Genèse : pour une histoire du “bon sens”
S’il est vrai que Barthes, “n’étant pas philosophe”, n’a pas donné dans “la scabreuse aventure de l’anti-humanisme” (Marty 2006 : 139) ; s’il est vrai qu’il n’éprouve pas la nécessité, après Foucault, de justifier tant le relativisme que la charge portée contre la rationalité classique ou les fondements de la métaphysique occidentale de l’homme, c’est qu’il s’intéresse davantage à la variation dans le discours qui est tenu sur la raison, et qui peut aller jusqu’à faire d’elle un “mythe”. Plus concerné par le matériau empirique, notamment celui qui lui est livré par les classiques, Barthes est ainsi d’abord attentif à la déperdition de sens qui, de l’âge classique jusqu’à Poujade – dernier moment pathétique de cette histoire –, accompagne la mythification progressive du “bon sens”.
De cette histoire, on pourra dire grossièrement qu’elle se structure en quatre temps (que les écrits critiques de Barthes permettent de retracer) et s’incarne dans quatre noms, notamment lorsque ces écrits se rendent sensibles à la situation sociale de l’écrivain (ou de l’écrivant), qui est précisément celui qui fait appel au bon sens.[6] Que cette histoire soit très schématique, et très schématiquement marxiste, suffira pour que certains la rejettent[7] : l’important demeure pour nous qu’elle soit conforme, au moins dans son intention comme dans son orientation générale, à la nécessaire restitution à l’Histoire d’un morceau de Nature.
(1) La Rochefoucauld. À plusieurs reprises, Barthes est revenu sur la triade qui rend possible, à ses yeux, la modernité : le protestantisme, le cartésianisme et l’empirisme (2002j : 556). Cette modernité se caractérise par une confiance dans un nouveau mythe, celui de la Raison, et oppose la clarté de l’évidence à l’épaisseur du langage : elle oppose, en somme, le “bon sens” à la pluralité des sens. Le “rationalisme français”, que Barthes confond avec le cartésianisme, s’est en particulier évertué à “arrêter le sens” avec l’aide de “Dieu et ses hypostases, la raison, la science, la loi” (2002i : 40 et 44).
S’il est vrai que la raison cartésienne s’assure de ses propres prérogatives et de la validité de ses idées “claires et distinctes” en recourant à Dieu (2018b : 454), il ne s’agit pas pour autant de rejeter en bloc une telle conception de la rationalité. Dans un texte consacré à La Rochefoucauld, Barthes montre notamment que “toute philosophie de la clarté” est “progressive” : loin d’être dogmatique, statique, la rationalité classique, sans être avec cela dialectique (c’est-à-dire : sans prendre en compte la positivité de la contradiction), est d’abord un “mouvement positif de rationalisation” qui s’accompagne d’une destruction, graduelle et salutaire, des préjugés de son époque (2002l : 31).
(2) Voltaire. Plus dogmatique est, déjà, la position de Voltaire. Si celui-ci est encore dépendant des théologies de l’Âge classique (fussent-elles pour partie sécularisées), pour autant qu’elles lui permettent de conférer un fondement universel à sa conception de la raison, l’heure n’est plus à une rationalité en progression. La pensée de Voltaire (“Le dernier des écrivains heureux”) coïncide avec un temps où “l’écrivain était du même côté que l’histoire” (2002g : 354) : moment historique qui voit la bourgeoisie vaincre, et son idéologie s’imposer.
Voltaire c’est donc, d’une part, le triomphe de la Raison et, d’autre part, la confusion de la Raison et du simple “bon sens”, dès lors que ce dernier n’a plus qu’à abattre, avec légèreté, “tout ce qu’un monde agonisant peut étaler de corruption, de bêtise et de férocité” (2002g : 353). Il n’est plus nécessaire de procéder à une clarification, ou de déconstruire les systèmes de pensée légués par le passé; il suffit de ne plus tolérer le système en tant que tel : “c’est-à-dire poser sa propre pensée, son propre bon sens comme une Nature à laquelle toute doctrine, tout système intellectuel ferait offense. C’est ce que fit Voltaire avec éclat […] : il dissocia sans cesse intelligence et intellectualité ” (2002g : 357).
En somme, le bon sens devient plus franchement anti-intellectualiste, encore qu’il sauvegarde encore les droits de l’intelligence contre le sentiment.
(3) Michelet. Sur ce point, Barthes est catégorique : la pensée voltairienne n’est que le prodrome de ce qui ne s’achèvera qu’avec le XIXème siècle, puisque “l’anti-intellectualisme est un mythe romantique” (2002s : 756).
Veut-on un symptôme de ce changement? L’âge classique, âge d’une bourgeoisie ascendante et sociologiquement homogène, se défiait de l’enfance comme d’un temps lors duquel les préjugés se constituent sans que nous ayons “l’usage entier de notre raison” (Descartes 2018a : 581), c’est-à-dire de cette raison universelle qui fait “l’unité de l’essence humaine” (2002e : 548). Une “histoire de l’enfance” montrera au contraire qu’avec le romantisme, la figure de l’enfant est réhabilitée. C’est que le romantisme voit se briser l’unité de la bourgeoisie : l’écrivain se trouve isolé, et cherche des “refuges” hors de sa propre classe sociale, au premier rang desquels “le Peuple” qui est “à la fois enfance, génie et déraison, du moins d’un bon sens opposé à la logique cérébrale des adultes” (ibidem).
On trouvera ainsi chez Michelet – dont la topique, pour Barthes, conserve sur le problème qui nous occupe une dimension paradigmatique – une opposition constante de la “raison” et du “sentiment”, des “intellectuels” et du “peuple” : livrée à elle-même, l’intelligence “purement cérébrale” et aérienne conduit aux pires massacres de l’histoire, car elle s’est coupée de la “sagesse populaire”, profondément ancrée dans la terre. Cette “sagesse”, qui a le sens des choses concrètes – qu’elle sent plutôt qu’elle ne les comprend –, s’incarne dans la figure de l’enfant (2002d : 415) : “réunissant le bon sens et l’intuition, l’enfant devient le parangon de tous les héros micheletistes, anti-intellectualistes par définition”.
(4) Poujade. C’est cette même opposition qui, en 1957, marquera la section des Mythologies consacrée à “Poujade et les intellectuels” : les mêmes images que chez Michelet opposent la substance aérienne de l’intellectuel et la réalité terrestre du bon sens; la vitalité physique du peuple et la raréfaction maladive d’une pensée trop raffinée (2002f : 814). L’anti-intellectualisme de Poujade n’est pas celui de Voltaire, qui sauvegardait l’intelligence, mais diffère-t-il profondément de celui de la période romantique ? En son principe, non, quoique les “sorbonnards” et les “techniciens” aient remplacé les “jésuites” de Michelet; pour le reste, la critique de l’intellectuel demeure mythique, en ceci qu’alors même qu’elle semble honnir, si l’on peut dire, l’intellectuel-en-soi (comme s’il s’agissait d’un être naturel), elle s’enracine pourtant dans une rancoeur socialement déterminable. L’intellectuel, “sous la forme haïe du contrôleur […] torture le contribuable. Mais comme le poujadisme a cherché tout de suite à construire ses grands archétypes, l’intellectuel a bien vite été transporté de la catégorie fiscale dans celle des mythes” (2002f : 813-814).
C’est ici le propre du processus idéologique : transformer un antagonisme de classe, historiquement situé, en opposition mythique. Qu’un tel processus ait, chez Poujade, des affinités avec le fascisme n’est pas malaisé à démontrer : dans l’idéal, sa traduction politique devrait s’accompagner d’une mise au pas des intellectuels (tout “régime fort” veut mettre l’intellectuel “au boulot”, [2002f : 815]), d’une mise au silence de leur langage, réputé technique, jargonnant (c’est “la réduction de toute parole adverse à un bruit”, [2002f : 814]), mais également – par suite des images physiques évoquées précédemment – d’une purification de la race, dont la nature antisémite n’est guère douteuse. Ainsi “les intellectuels sont une race, les poujadistes en sont une autre”, et la présence sur le territoire national de la première nuit à l’épanouissement de la seconde (2002f : 817-818).
*
Quelque inexacte que puisse paraître cette “histoire du bon sens”, celle-ci a surtout le mérite de montrer que Barthes, contrairement à un préjugé tenace, toutefois remis en cause par des travaux récents, conserve un certain équilibre dans son jugement à l’égard des écrivains classiques; qu’il ne se contente pas, en somme, de confondre Poujade, Michelet, Voltaire et La Rochefoucauld, et qu’il se rend sensible à la complexité des textes examinés – complexité (c’est-à-dire ambiguïté dans la signification du recours au “bon sens”) qui, en réalité, décroît à mesure que le temps avance et que le mythe gagne du terrain; complexité des textes classiques, enfin, dont Barthes regrette qu’elle ait été largement amputée par une Critique trop conservatrice (Roger 2007).
4. L’usage polémique du “bon sens”. Barthes au risque du mythe
4.1. La querelle de la nouvelle critique
C’est seulement après une telle reconstruction que l’on pourra prendre la mesure de ce que, par ailleurs, le discours barthésien sur le bon sens conserve de déficient. Alors même que l’analyse mythologique invite à ne pas essentialiser les réalités, mais au contraire à les historiciser, Barthes s’est laissé aller (en des occasions qui n’ont rien d’anecdotique dans son oeuvre) à essentialiser le bon sens – pour, naturellement, le rejeter.
C’est, plus que nulle par ailleurs, le cas lors de la querelle de la nouvelle critique. Pour l’essentiel, cette querelle, engagée avec Raymond Picard et poursuivie par René Pommier, porte non seulement sur le sens, le “bon”, qu’il convient d’assigner au théâtre racinien, mais plus radicalement encore sur l’absence prétendue de “bon sens” chez le critique, lorsque celui-ci ne semble pas en mesure d’identifier cette signification et, pire encore, la contredit littéralement (Pommier 1987 : 24).
L’un et l’autre aspect ne sont d’ailleurs guère séparables : chez Barthes, le refus déclaré, dans Critique et vérité, de confiner le texte à un “sens unique”, la suspicion à l’égard de l’idée selon laquelle “le mot n’a qu’un sens : le bon” (2002h : 766) sont solidaires d’une critique du bon sens comme prétendue faculté de saisir ce sens unique, en quoi consisterait l’“évidence” textuelle; chez Pommier, au contraire, la revendication d’une manière de “platitude” dans l’interprétation des textes permet d’éviter de proférer des “sottises” en faisant appel au “bon sens le plus ordinaire” (2017 : 24).[8]
Ici, le bon sens n’a naturellement pas vocation à être défini, mais à être utilisé, dans un contexte d’interaction polémique, comme une insulte : il permet de décrédibiliser le discours de l’autre – thuriféraire d’un bon sens moribond, amateur de paradoxes insensés –, de ratifier ou de moquer des énoncés, dès lors que leur bonne compréhension relève apparemment de l’intelligence la plus médiocre, de la logique la plus élémentaire et de l’évidence la plus nue. Cette polémique se double, de la part de Barthes, d’une tentation de remettre en question, de façon radicale, le privilège de la littérature classique. Ainsi, la charge menée contre le bon sens de l’ancienne critique s’accompagne, dès les Mythologies, d’une provocation contre des auteurs classiques dont Barthes (nous l’avons vu) n’ignorait pas, par ailleurs, la complexité. S’il peut déclarer que, “n’était toute la distance du talent, Poujade pourrait encore signer certaines pages du Peuple, de Michelet (1846)” (2002f : 819), c’est qu’il n’est plus question, à ce moment-là, de rendre compte des différences historiques dans l’appel au bon sens chez Michelet et Poujade, ou encore chez Voltaire, mais bien de polémiquer contre le bon sens en général, qui est aussi celui auquel se réfère l’ancienne critique.
De part et d’autre, c’est donc un “mythe” qui est employé, pauvre en signification et riche en affects – au même titre que le recours polémique au bon sens chez Poujade. À cet égard, l’analyse proposée par Bourdieu de la querelle reste, pour ce qui concerne notre propos, la plus pertinente : chacun, en défendant ou en s’opposant au bon sens, ne fait qu’exprimer (dans le cadre d’une “complicité structurale”) l’orthodoxie que le champ dans lequel s’enracine son discours exige de lui, doxa de l’universitaire orthodoxe et, paradoxalement, doxa de l’intellectuel hétérodoxe (Bourdieu 1984 : 151-155; O’Meara 2015).
4.2. Barthes avec Deleuze : le bon sens et l’image de la pensée
En quoi Barthes est-il hétérodoxe? En ceci que sa démarche se recommande parfois et, à la vérité, d’une façon plus insistante à mesure que le temps passe, d’un goût désinvolte pour le paradoxe. Barthes, comme Deleuze, exècre la doxa – mot qui tend à se substituer, notamment dans les années 1970, à la notion de “bon sens” :
La Doxa (mot qui va revenir souvent), c’est l’Opinion publique, l’Esprit majoritaire, le Consensus petit-bourgeois, la Voix du Naturel, la Violence du Préjugé. On peut appeler doxologie (mot de Leibniz) toute manière de parler adaptée à l’apparence, à l’opinion ou à la pratique”
2002n : 627
La “doxologie” est, selon Leibniz, l’art de s’accorder aux apparences, ou plutôt à ce qui paraît au vulgaire et convient à ses manières de parler : or si, pour Leibniz, on peut “souvent […] donner un bon sens” aux énoncés doxologiques (2016 : 130), il n’en va pas ainsi chez Barthes, pas plus d’ailleurs que chez Deleuze.[9] Au contraire, le sémiologue considèrera même que son activité théorique, jusque dans ses transformations les plus radicales, peut s’expliquer par une nécessité, toujours à renouveler, de se “dégager” des formations du bon sens et des “concrétions” de la doxa (2002n : 649-650) : “une doxa (une opinion courante) est posée, insupportable; pour m’en dégager, je postule un paradoxe; puis ce paradoxe s’empoisse, devient lui-même concrétion nouvelle, nouvelle doxa, et il me faut aller plus loin vers un nouveau paradoxe”.
La démystification, qui était l’activité principale de l’intellectuel militant – “introduire l’explication dans le mythe, c’est pour l’intellectuel la seule façon efficace de militer” (2002c : 254) – devient une sorte de posture, qui se métamorphose suivant la succession de “concrétions” du bon sens qu’elle doit attaquer : la doxa petite-bourgeoise de droite avec les Mythologies dans les années 1950, la doxa de l’ancienne critique dans les années 1960, la doxa d’une certaine gauche dans les années 1970, notamment avec Le plaisir du texte. À quoi il faudra ajouter qu’une forme de désillusion s’empare peu à peu de Barthes quant à la légitimité de toute entreprise de démystification (2002r : 649) : “je lutte encore, ici et là, mais au fond je n’y crois plus guère”. C’est que la démystification donne lieu, à son tour, à la formation d’une doxa, en sorte que celui qui dénonce “fait lui-même partie d’un système de manipulation”.
Barthes se voit donc contraint, peu à peu, d’abandonner les armes de la critique, et avec elles, tant le marxisme que l’entreprise de dénonciation de l’idéologie. En d’autres termes, d’abandonner à la fois une certaine méthode scientifique et un militantisme efficace.
Quelle différence, toutefois, entre la démystification rigoureuse et le simple goût du paradoxe?[10] C’est tout l’écart que l’on peut imaginer entre décrire avec justesse en mythologue le phénomène poujadiste, dégager les éléments historiques qui rendent possible son émergence, et rejeter sans nuance ce “chien de garde” de toute étroitesse d’esprit que serait naturellement et en dépit des contextes historiques le recours idéologique au bon sens; entre distinguer l’appel au “bon sens” chez Voltaire et au sein de la petite bourgeoisie poujadiste, et réduire le premier à n’être qu’un parangon de la seconde.
La première stratégie, quelles que soient les réserves que l’on peut avoir sur le détail des procédures qu’elle met en oeuvre, a une vocation scientifique certaine, redoublée par une exigence de rigueur et d’empiricité; la seconde n’est qu’un exercice aristocratique de l’intelligence, philosophique dans son principe, qui s’oppose non pas à tel mythe déterminé, mais à la doxa en elle-même, et donc à ce que Deleuze nomme une “image orthodoxe ou dogmatique” de la pensée, c’est-à-dire une certaine conception de la pensée en tant qu’elle doit être conforme au bon sens (1968 : 169-71).
Alors que le mythologue devrait s’en tenir prudemment à l’histoire (les classes sociales et les idéologies), il verse alors dans le domaine du “transcendantal” – celui des conditions de possibilité de la pensée en général (Deleuze 1968 : 175) – par définition transhistorique. En somme, s’attachant à détruire “en bloc” le poujadisme et son idéologie, Barthes s’expose à substituer à ce mythe celui que l’intellectuel (et, singulièrement, le philosophe) se fait du “bon sens populaire”, qui ne diffère guère de l’idée réductrice que se faisait Platon de la doxa. Barthes parlera d’ailleurs à la fin, comme Deleuze, d’image plutôt que d’idéologie : l’image, c’est l’idée que l’on se fait de la pensée de l’autre; ainsi, la Bêtise est-elle une certaine image (dominante, à vrai dire) de la pensée. Barthes, sans doute, sera moins virulent que Deleuze : il s’agit moins de détruire que, par goût du paradoxe, de “suspendre les images” (2002p : 518) : “sans doute puis-je m’irriter, m’agacer – ou peut-être même m’effrayer – d’idées ‘bêtes’ ; les idées ‘bêtes’, cela forme une doxa”.
On comprend, dès lors, qu’il puisse y avoir une proximité frappante entre la description barthésienne du “bon sens” – notamment lorsqu’elle procède à des extrapolations – et l’analyse deleuzienne de l’“image de la pensée”, comme s’il y avait, de Barthes à Deleuze, un décalque du transcendantal sur l’empirique. Produisons, à titre d’échantillons, deux énoncés généraux qui constituent autant de points de contact entre l’empirique barthésien et le transcendantal deleuzien.
(1) Le bon sens émane de la terre. Nous l’avons déjà vu, le bon sens est aux yeux de Poujade le privilège d’une race, celle qui est proche de la substance terrestre. Mais Barthes donne à cette réalité une dimension beaucoup plus large : le “bon sens” a un rapport direct avec “la structure numérative de la propriété”, et non pas seulement la propriété petite-bourgeoise (2002f : 94). On peut donc établir par extrapolation un lien entre le partage de la terre et l’invention, dans l’Antiquité, du bon sens et du sens commun – catégories essentielles de la rhétorique permettant, lors des procès, de défendre les “droits de propriété” (2002j : 531). C’est aussi ce qu’estimait Deleuze, le bon sens étant pour lui “agricole” car lié à “l’installation des enclos, inséparable d’une opération des classes moyennes où les parts sont censées se compenser, se régulariser” (1969 : 93-94). Il ne s’agit pas ici, ni chez Barthes, ni chez Deleuze, de renvoyer à une réalité empirique déterminée, mais bien de qualifier la pensée d’une classe moyenne à divers égard intemporelle, incarnant une forme de médiocrité-en-soi.
(2) Le bon sens est un savoir moralisé. Le rapprochement est plus tangible encore lorsque Barthes, remontant au péché originel, trouve l’assise du bon sens dans “ce vieux mythe obscurantiste selon lequel l’idée est nocive, si elle n’est contrôlée par le ‘bon sens’ et le ‘sentiment’ : le Savoir, c’est le Mal, tous deux ont poussé sur le même arbre : la culture est permise à condition de proclamer périodiquement la vanité de ses fins et les limites de sa puissance” (2002f : 698).
Que la pensée doive être régulée par des principes moraux, qu’une philosophie soit d’autant plus saine qu’elle est plus respectueuse de l’orthodoxie, c’est là précisément l’essence, selon Deleuze, de l’image dogmatique de la pensée. Si “seule la Morale est capable de nous persuader que la pensée a une bonne nature et le penseur une bonne volonté” (Deleuze 1968 : 172), c’est que le savoir n’est désirable, en toute généralité, que dans la mesure où il est soumis au bon sens.
*
D’autres points de contact existent, et d’autres énoncés généraux pourraient être produits (le bon sens est le sens quantitatif de la réalité, le bon sens conjure la différence et l’altérité, etc.). Ils se signalent à la fois par un haut degré de généralité et un manque criant de justice (qui confine au mépris de toute pensée populaire) à l’égard de ce que l’appel au bon sens peut receler de complexité. Il va sans dire que, contre Barthes maniant ainsi l’art du paradoxe, c’est au premier Barthes qu’il faudra faire appel : ainsi, nous éviterons assurément la posture nocive qui consiste à rejeter sans nuance le sens commun, sous prétexte qu’il en irait de la prérogative de l’intellectuel, tout en n’étant pas victime de l’illusion qui voudrait que le bon sens tienne lieu à la fois de remède miracle et d’expression la plus achevée de ce à quoi peut prétendre la pensée humaine. Faut-il rappeler que Descartes, lorsqu’il y faisait appel, s’empressait d’ajouter qu’à n’être pas cultivé par une méthode et débarrassé des préjugés, le bon sens de lui-même n’irait pas très loin? Moyennant quoi l’entreprise sémiologique de Barthes s’avère en réalité d’autant plus efficace, d’un point de vue politique, qu’elle est justifiée d’un point de vue scientifique.
Appendices
Note biographique
LOUIS ROUQUAYROL est agrégé de philosophie et doctorant contractuel à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il prépare une thèse sur le bon sens et le sens commun dans la philosophie de Descartes dans le cadre de l’École doctorale de philosophie de l’Université Paris 1, en partenariat avec l’Institut des sciences juridiques et philosophiques de la Sorbonne (ISJPS). Il a publié une édition du livre fondateur de la philosophie du sens commun, le Traité des premières vérités de Claude Buffier, chez Vrin en 2020.
Notes
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[1]
Sur le rapport entre Barthes et Althusser pour ce qui concerne l’analyse de l’idéologie ou du mythe, cf. É. Marty (2006 : 117) et J.-J. Lecercle (2008); pour l’étude précise des modèles linguistiques sous-jacents à ces analyses, Althusser s’approchant davantage de Greimas que de Barthes, cf. N. Kersyté (2020 : 19) : “À la différence de Barthes, Greimas étend le champ de l’idéologie bien au-delà de la société bourgeoise et de ses pratiques”. Comme l’affirme Lecercle (2008 : 77), rien n’indique que la note d’Althusser sur l’insuffisance d’une analyse linguistique des mythes, dans Idéologie et appareils idéologiques d’État, s’applique à la tentative de Barthes (précisément dans la mesure où ce dernier ne s’en tient pas au modèle linguistique, mais prend également en compte le mouvement de la lutte des classes) : “les linguistes et ceux qui appellent au secours la linguistique à différentes fins, achoppent souvent sur des difficultés qui tiennent à ce qu’ils méconnaissent le jeu des effets idéologiques dans tous les discours – y compris les discours scientifiques eux-mêmes” (201. : 296).
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[2]
Aussi sa position s’approche-t-elle, dans ce cas, de la thèse althussérienne – dont l’origine remonte à Bachelard, que Barthes et Althusser admirent – selon laquelle il y a rupture entre la connaissance commune, de simple bon sens, et la connaissance scientifique, et donc, par suite, entre l’idéologie et la science. Althusser trouve son modèle philosophique dans la “discontinuité radicale”, chez Spinoza, du premier et du second genre de connaissance (2005 : 95). L’anti-cartésianisme (aussi bien chez Deleuze que chez Althusser, déjà plus diffus chez Barthes qui, d’ailleurs, ne se réclame pas de Spinoza) de cette époque hostile au bon sens, trouve ici sa raison d’être : il n’y a pas de dynamique, universellement partagée, qui permettrait au “bon sens” de s’élever jusqu’à la science. Comment le discours de la science est-il dès lors possible ? Althusser s’en trouvera finalement réduit à invoquer la contingence (1997 : 565) : “Il n’y a pas comme chez Descartes de nécessité immanente qui fasse passer de la pensée confuse à la pensée claire et distincte, pas de cogito, pas de moment nécessaire de la réflexion qui assure ce passage. Il peut avoir lieu ou pas. Et l’expérience montre qu’en règle générale il n’a pas lieu”. Plus radical, Barthes abandonnera tout simplement la prétention à un discours rigoureusement scientifique, pour cultiver le goût du paradoxe comme façon solitaire d’échapper au bon sens (cf. infra, §4).
-
[3]
Déjà au XVIIème siècle, l’auteur sceptique La Mothe Le Vayer faisait du “bon sens” non pas, à la façon de Descartes, une qualité substantielle qu’on pourrait attribuer à certaines personnes, mais d’abord un simple fait de langage (plus précisément une insulte) – susceptible, à ce titre, d’une analyse de nature purement rhétorique. Or, la caractéristique principale du “sens commun”, c’est précisément qu’il conjure la différence et rabat l’altérité sur la figure de l’erreur (2003 : 20-21) : “le plus ordinaire emploi de notre Parémie [sc. : “n’avoir pas le sens commun”] est à l’égard de ceux que nous croyons avoir des opinions extravagantes, quand elles ne s’accordent pas aux nôtres”.
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[4]
L’essentiel des occurrences, dans le corpus barthésien, de la notion de “bon sens”, est immédiatement lié au problème de l’anti-intellectualisme. Pour ce qui concerne les passages les plus importants – qui sous-entendent parfois simplement la notion et constituent, pour ce travail, notre corpus –, on pourra se reporter dans les Oeuvres complètes, aux pages suivantes : Vol. 1 : 186, 414 sq., 517, 581, 698, 736 sq., 745, 813 sq., 987; Vol. 2 : 344, 355, 445, 709, 762 sq., 770 sq., 774, sq., 1245; Vol. 3 : 44, 81, 264, 537 sq., 555 sq., 603, 873, 103 ; Vol. 4 : 31, 232, 327, 356, 570, 627, 649 sq., 863; Vol. 5 : 264, 513, 518, 539, 571 sq., 649, 756.
-
[5]
Depuis Cicéron (De Oratore, I, III) jusqu’à l’humanisme tardif, il y a une relation essentielle entre un certain respect du sens commun et l’exigence d’adopter un langage non technique. Barthes, s’opposant en cela à une solide tradition française “d’ironie à l’égard des langages fermés” (2002m : 353), revendique pour sa part la nécessité du “jargon” et se dit victime, lorsqu’on le lui reproche – notamment à l’occasion de la querelle de la “nouvelle critique” –, d’anti-intellectualisme. Pour être juste avec Picard, il faut reconnaître que celui-ci ne reproche pas à Barthes son jargon – et qu’en cela il n’est guère soupçonnable d’anti-intellectualisme – mais la fonction qui est assignée à ce dernier (1965 : 34-35) : “Les néologismes de la science et de la philosophie ont été créés en principe pour remédier au vague et à l’inadéquation de la langue courante : leur but est d’éviter l’ambiguïté et de serrer la signification de plus près. Le jargon de M. Barthes a de tout autres effets : sa fonction, ingénue peut-être, mais effective, est […] de donner un prestige “scientifique” à des absurdités, de maquiller avantageusement des lieux communs, de dissimuler (assez mal) l’indécision de la pensée”.
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[6]
Rappelons que, pour les Mythologies, le peuple, dans la mesure où il est producteur et n’utilise le langage que pour transformer le monde, ne crée pas de mythe (2002f : 856) : “le langage proprement révolutionnaire ne peut être un langage mythique”. C’est dire que le mythe du “bon sens populaire” n’est pas, dans son principe, populaire; il est l’alibi de la petite bourgeoisie pour solidariser les intérêts du prolétariat avec les siens propres.
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[7]
Ce fut le cas, par exemple, de la lecture de Voltaire proposée par Barthes (Dagen 1984 : 110) : “Barthes tient sur Voltaire un discours terroriste. Dans l’esprit du Degré zéro, il développe une explication de type marxiste en vertu de laquelle Voltaire incarne de manière exemplaire une pensée bourgeoise près de son apogée. La thèse est suspendue à une évidence tacite; aucune démonstration n’en vient compenser le schématisme”. Reste que Barthes ne s’est pas tout à fait trompé, car Voltaire occupe effectivement une place de choix dans l’histoire de la notion de “bon sens”, ne serait-ce qu’à travers l’article “Sens commun” du Dictionnaire philosophique, d’une remarquable acribie.
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[8]
Il est d’ailleurs plaisant de remarquer que si Barthes constate que l’idéologie du bon sens est surdéterminée par la croyance théologique en l’Auteur-Dieu, lieu où se recueille l’intention dernière du texte (2002i : 43), Pommier conteste que faire droit à une multiplicité indéfinie de sens, c’est faire coïncider tout texte avec un “texte sacré” (2017 : 47) : l’accusation d’obscurantisme religieux et d’irrationalisme semble donc se trouver de part et d’autre, et la nature du bon sens s’en trouve singulièrement embrouillée.
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[9]
Il va de soi que Deleuze n’ignore pas cette tendance de la philosophie leibnizienne, et qu’il la déplore également, par exemple lorsqu’il évoque la “honteuse déclaration de Leibniz quand il assigne à la philosophie la création de nouveaux concepts, à condition de ne pas renverser les sentiments établis” (1969 : 141).
-
[10]
C’est faute de procéder à une semblable distinction que l’on s’expose à critiquer Barthes sans nuance. Nous souscrivons entièrement, sur ce point, au diagnostic de Pascal Engel, lorsqu’il reproche à Pommier une si regrettable confusion (2018 : 421-422) : “quand il [sc. : R. Pommier] traite de Barthes, il a raison de dénoncer le style glissant, le structuralisme et la sémiologie arbitraires, les partis pris de l’époque (comme la fameuse ‘mort de l’auteur’, dont le cadavre bouge encore beaucoup) et les palinodies (célébrer le ‘plaisir du texte’ après avoir fait du texte un buisson d’épines), mais je trouve qu’il a un peu trop tendance à se concentrer sur son Racine, qui n’est pas son meilleur livre, et à ignorer des livres comme les Mythologies, qui font exactement ce que Pommier lui-même demande de faire : dénoncer la bêtise de l’époque”.
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