Abstracts
Résumé
Cette étude exégétique a pour objet la notion de li « rite » dans l’un des classiques chinois les plus importants de l’époque des Royaumes combattants (453-221 avant notre ère) : le Mozi. L’analyse textuelle montre que le terme li revêt des connotations tantôt positives, tantôt négatives. Les moïstes reconnaissaient aux rites basiques une certaine utilité en tant que vecteurs d’ordre, mais ils condamnaient la sophistication rituelle, qui aurait caractérisé le mode de vie des lettrés confucianistes. La notion de li n’a pas inspiré chez les moïstes une vision unitaire et systématique de l’ensemble des rituels (oblations et sacrifices offerts au Ciel, au Seigneur d’en haut, aux esprits et aux divinités). Dans certaines parties de l’oeuvre, la tendance à éviter l’emploi hyperonymique de li pourrait être aussi interprétée comme une stratégie argumentative visant à différencier, avec originalité, le lexique moïste du vocabulaire confucéen.
Mots-clés :
- rites,
- Chine classique,
- Mozi,
- orthopraxie,
- orthodoxie
Abstract
This exegetical study focuses on the notion of li « rite » in one the most important Classics of the Warring States period (453-221 A. C.) : the Mozi. Textual analysis shows that the term li was alternately used with a positive or a negative connotation. The Mohists acknowledged the usefulness of basic rites as vehicles for order, but they condemned ritual sophistication, which was supposed to characterize Confucian Literati’s lifestyle. The notion of li didn’t inspire the Mohists to elaborate a unitary and systematic vision of rituals (including oblations and sacrifices offered to Heaven, the Supreme Lord, ghosts and deities). In some sections of the text, the tendency to avoid the use of li as a hypernym could also be interpreted as an argumentative strategy aimed at distinguishing with originality Mohist lexicon from Confucian vocabulary.
Keywords:
- rites,
- Classical China,
- Mozi,
- orthopraxy,
- orthodoxy
Article body
Introduction
Le problème de la focalisation des études modernes et contemporaines sur les croyances religieuses et la spiritualité au détriment de l’intérêt pour les pratiques ne concerne pas directement la sinologie. Un certain consensus règne parmi les spécialistes de la Chine au sujet de l’importance majeure que revêtent les conduites symboliques et codifiées tels les rites tout au long de la tradition chinoise, jusqu’à l’avènement de la modernité et aux grands bouleversements sociopolitiques du XXe siècle. Plusieurs sinologues soulignent la fonction sociopolitique fondamentale de l’orthopraxie, en considérant que la fixation centralisée de dogmes et le contrôle étatique des croyances correctes (orthodoxie), tout en étant attestés, étaient souvent subsidiaires de la pratique adéquate et surveillée des rites.
Les réflexions de l’anthropologue James L. Watson (1988, 10) sur les rites funéraires pratiqués en Chine entre 1750 et 1920 ont fait école et ont été élargies à d’autres périodes : « The ideological domain in China, in other words, does not assume universal belief or unquestioned acceptance of “truth”. […] The standardization of ritual practice almost always took precedence over efforts to control or legislate beliefs[1] ». Ainsi, les recherches au sujet du phénomène religieux chinois, par-delà la diversité des approches et la variété des présupposés théoriques, ne sont pas affectées par la disqualification de l’aspect praxéologique[2].
Par ailleurs, dans le monde occidental, la vision d’un peuple chinois plutôt animé par des soucis d’orthopraxie que par de justes croyances (dogmes, foi) ne s’est pas formée récemment. Elle était déjà en germe lors de la découverte, qui s’amorça dès la fin du XVIe siècle, de la culture de l’Empire du Milieu par les Jésuites. Les missionnaires de cet ordre, en effet, relativisèrent la connotation religieuse des rites (li) de souche confucéenne, c’est-à-dire leur ancrage dans des croyances qui auraient été incompatibles avec la foi chrétienne ; ils mirent en évidence la fonction commémorative et sociopolitique de certains cultes (rendus aux ancêtres, à Confucius, etc.), laquelle était sans doute présente, plutôt que religieuse[3]. La querelle des rites, qui se développa, au sein de l’Église catholique, au XVIIe siècle et culmina en 1742 (avec la bulle du pape Benoît XIV interdisant aux convertis chinois de participer aux rites traditionnels), montre à quel point l’articulation entre croyances et pratiques était déjà opérationnelle, dans le monde occidental, bien avant la constitution d’une science moderne des religions et l’explicitation subséquente de ces deux catégories conceptuelles.
L’intérêt pour les expressions rituelles de la culture chinoise de toute époque s’explique peut-être aussi par la nature même du phénomène à l’étude :
Dans tous les cas, la notion de « rite » semble moins sujette à des disqualifications théoriques, pour des raisons tenant sans doute à sa plus grande « factualité » que celle de religion, certes, à fondement empirique, mais sous bien des aspects (tenant notamment aux objets de croyance) nettement plus abstraite.
Obadia 2013, 48
L’articulation entre croyances et pratiques est-elle alors pertinente pour expliquer l’ordre rituel et le fait religieux en Chine ancienne ? La conception de la ritualité est-elle monocorde dans la tradition chinoise ? Le ritualisme, au sens de tendance à valoriser, voire à surévaluer les rites, était particulièrement prononcé dans la culture confucianiste, qui en opéra une véritable synthèse (Ghiglione 2005 ; 2009, 93-102). Or, afin d’illustrer la complexité et la diversité des positions des maîtres à penser chinois au sujet de la ritualité, la présente réflexion, qui se veut philologique, s’attache à la notion-clé de li « rite » telle qu’elle est caractérisée dans un texte qui ne fait pas partie du corpus confucéen, à savoir le Mozi 墨子. Avant de procéder à l’analyse d’une série de passages significatifs à ce propos, il convient donc de présenter brièvement l’oeuvre en la situant dans son contexte de formation.
1. Le Mozi et l’École moïste
Le Mozi compte parmi les classiques chinois les plus importants de l’époque des Royaumes combattants (453-221 avant notre ère). Suivant la tradition, il porte le nom de Maître Mo (env. 479-381), fondateur de l’École moïste (Mo jia 墨 家), qui rivalisait, dans l’antiquité, avec le courant des Lettrés confucianistes (Ru jia 儒家). Compilation hétéroclite de textes d’auteurs différents[4], le Mozi était constitué de 71 sections (pian 篇), dont 18 sont perdues ; celles qui nous sont parvenues, et qu’on nommera « chapitres » pour simplifier[5], abordent des problématiques et thèmes variés, de nature morale, politique, religieuse, gnoséologique, militaire, etc.
Malgré son importance dans le paysage intellectuel de la Chine antique, la lignée des moïstes périclita après la fondation de l’empire par la dynastie des Qin (221-207 av. n. è.). Lorsque l’empereur (di 帝) Wu 武 (156-87 av. n. è.) de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. n. è.-8 n. è.) promut le confucianisme comme doctrine étatique, les écrits moïstes étaient désormais marginalisés. Le Mozi ne sera redécouvert qu’à compter du XVIIe siècle, puis mis en l’honneur à l’époque moderne, surtout en raison des amorces d’une réflexion logico-linguistique que certaines de ses sections contiennent[6].
Dans notre travail d’exégèse, des observations de nature quantitative se conjugueront avec l’analyse contextuelle des sens du mot li « rite » et des relations de sens qu’il entretient avec d’autres termes pertinents[7]. L’approfondissement de la sémantique lexicale (Lehmann et Martin-Berthet 2018, 5-7), en effet, constitue une étape obligée pour reconstruire les positions des moïstes au sujet de la ritualité et pour déterminer son rapport éventuel avec la dimension religieuse et le registre de la croyance.
Afin de situer les propos concernant les rites dans des cadres doctrinaux compréhensibles, il convient de souligner deux tendances argumentatives récurrentes au fil de l’oeuvre : a) l’éloge de la frugalité et, corrélativement, la critique du raffinement, du luxe, du gaspillage et de l’improductivité nuisibles à la société et à l’État ; b) l’apologie de certains cultes et croyances religieuses, jugés utiles au bien commun, à l’art de gouverner et au contrôle de la violence injustifiée.
2. Analyse quantitative
Dans les 53 chapitres du Mozi qui nous sont parvenus, on compte 26 occurrences en tout du caractère li 禮 « rite »[8]. À deux endroits, le texte requiert une émendation, en ce que le caractère en question est employé à la place de deux autres[9]. Une troisième occurrence compose le nom propre Tian Buli 佃不禮 d’un fonctionnaire cruel, qui aurait exercé une influence négative sur le roi Kang 康 (r. 328 à 286 av. n. è.), le dernier monarque de la principauté de Song 宋 (Mozi, 3.5)[10] ; puisque li est précédé de la négation assertive bu, l’appellation Buli semble alors péjorative et signifie, littéralement, Tian [qui] ne pratique pas les rites, ou Tian l’Impoli[11]. Il reste à étudier 23 occurrences de li, qui revêtent un sens lexicalement plein et pertinent pour reconstruire la pensée moïste autour de cette notion ; 22 ont une valeur nominale et peuvent être traduites par « rites » ; une seule a une valeur verbale et signifie traiter rituellement (Mozi, 49.1). Il est intéressant de constater que leur distribution est inégale : la partie centrale de l’oeuvre (chap. 8-37), où sont exposées les thèses canoniques de Mozi[12], ne présente que 2 occurrences de ce mot (12.1, 21.3), et ce, même si l’on préconise à plusieurs reprises des rituels comportant des sacrifices et des offrandes (jisi 祭祀)[13] au Ciel (tian 天) et au Seigneur d’en haut (shang di 上帝)[14], aux esprits (gui 鬼), aux divinités (shen神) et aux génies tutélaires du sol et des céréales (she ji 社稷)[15]. La plupart des autres occurrences sont concentrées dans les chapitres 39 (le mot y apparaît 6 fois) et 48 (8 fois), vraisemblablement composés après la mort de Maître Mo. Malgré la difficulté d’établir une datation précise des différentes parties du texte, il est légitime d’observer que la notion de li, si importante dans les écrits confucéens de l’époque des Royaumes combattants[16], est à peine thématisée dans les chapitres qui exposent les doctrines cardinales des moïstes. S’agit-il d’un simple hasard ou bien, pour ainsi dire, d’une omission significative, attribuable certes à des auteurs différents, qui partageaient néanmoins certaines lignes directrices ?
Le tableau suivant offre une vue d’ensemble des 23 occurrences de li qui sont retenues ici pour l’analyse, de leur distribution dans le Mozi ainsi que des dénotations et des connotations du mot.
3. Une définition du terme li dans le Mozi
Le terme li n’est défini qu’une fois explicitement dans le Mozi, et ce, d’une manière concise dans une section qui fait partie des chapitres dits « dialectiques » (40-45), datant vraisemblablement du IIIe siècle avant notre ère[17]. Il serait donc philologiquement erroné de supposer que cette définition ait inspiré l’ensemble des réflexions au sujet des rites qui figurent dans le Mozi. Le texte énonce :
« Canon ». Les rites consistent à faire preuve de respect [li jing ye 禮敬也].
« Explication ». Rites. [On réserve] le titre de duc aux nobles [gui zhe gong 貴者公], alors qu’on ne désigne les humbles que par leur nom personnel [jian zhe ming 賤者名] ; mais dans les deux cas il y a du respect et de la désinvolture / on manifeste du respect envers les uns et de la désinvolture envers les autres [er ju you jing man yan 而俱有敬僈焉]. Les rangs correspondent aux distinctions sociales [deng yi lun ye 等異論也].
Mozi, A 9[18]
Dans ces remarques, la notion de li apparaît étroitement liée à celle de respect envers des êtres humains, qu’on présume vivants. La définition formulée dans le « Canon » est neutre dans sa simplicité et ne comporte aucune spécificité moïste. Le sens de l’explication, en revanche, prête à discussion. Dans les deux premiers segments, on relève une opposition entre nobles et humbles : l’emploi correct des titres et des noms reflète la hiérarchie sociale[19]. Les rites, en effet, contribuent au maintien de l’ordre et au juste déroulement des relations interpersonnelles. Le troisième segment est susceptible d’être interprété d’au moins deux manières différentes. La lecture la plus courante consiste à attribuer à la conjonction er 而 une fonction adversative et à ju 俱 le sens de « tous, dans les deux cas » ; le message véhiculé serait alors que les rites d’honneur (titres et appellations) n’affectent pas ou ne devraient pas affecter le degré de respect envers leurs destinataires[20]. D’après cette leçon, l’« Explication » serait donc une glose critique du « Canon » en ce qu’elle impliquerait une relativisation de la valeur du code rituel ; elle présente le désavantage qu’elle s’agence mal avec le quatrième et dernier segment, lequel fait référence à la pyramide sociale sans la mettre en question. Selon une interprétation alternative, on pourrait considérer le mot-outil (en chinois, « mot vide », xu ci 虛詞) er comme une conjonction de coordination (équivalent à « et »), et l’on donnerait alors à ju le sens plus rare de « l’un et l’autre, respectivement »[21] ; dans ce cas, l’énoncé serait descriptif et conforme aux lois coutumières et aux normes sociales de l’époque.
4. Les connotations du terme li dans le Mozi
Le terme li, dans le Mozi, revêt des connotations tantôt positives tantôt négatives, sans doute en raison de la nature composite d’une oeuvre qui, à l’instar d’autres classiques chinois, s’est formée par accrétion au fil du temps et ne repose pas sur un plan bien structuré. Il est donc opportun de fournir quelques exemples textuels illustrant les différences doctrinales internes ou, si l’on souhaite souligner la continuité théorique de la pensée moïste par-delà les divergences qui l’animent, la tension dialectique relative à la notion de li.
4.1 L’utilité des rites (li)
Les rituels basiques d’interaction quotidienne[22], qui gouvernent les rapports entre hommes et femmes ou, d’une façon plus générale, entre les membres de la famille au sein de l’espace domestique, sont jugés utiles pour la société car la promiscuité est à proscrire, et ce, à condition qu’on se tienne au strict minimum selon un idéal de frugalité. Dans le passage suivant, Mozi explique que l’un des buts visés par les Sages Rois d’antan dans le domaine de l’architecture était la distanciation rituelle et non la somptuosité, à laquelle se livraient en revanche les autorités politiques de son époque :
Maître Mozi dit : « Les peuples de l’Antiquité, aux temps où l’on ne savait pas encore bâtir de palais et de maisons, s’installaient sur des monticules et sur des lieux élevés ou bien ils se mettaient à l’abri au fond des grottes, où ils souffraient de l’humidité et des infiltrations d’eau. Les Sages Rois [sheng wang 聖王] commencèrent alors à faire bâtir des palais et des maisons, dont il convient de mentionner les règles : la hauteur des maisons devait suffire à éviter l’humidité et les infiltrations d’eau, les murs latéraux devaient suffire à empêcher le vent et le froid de pénétrer ; le toit devait suffire à soutenir la neige, la grêle, la pluie et la rosée ; la hauteur des parois des palais devait suffire à séparer les rites des hommes et des femmes [zu yi bie nan nü zhi li 足以別男女之禮][23]. On se bornait à soigner ces aspects. »
Mozi, 6.1 : Ci guo 辭過 « Diatribe contre la démesure »
Dans un autre extrait, Mozi souligne que, dans la haute antiquité, l’absence de ritualisation au niveau des structures parentales constituait une source de désordre, tout comme le manque de lignes de démarcation nettes (jie 節) définissant l’ordre sociopolitique ; sa position présente ici des similarités avec celle des penseurs confucianistes[24] :
Maître Mozi dit : « Un examen rétrospectif [suggère que] dans l’Antiquité, lors de l’éclosion de l’humanité, il n’existait pas encore de dirigeants ou de chefs. “Les justes principes [yi 義] diffèrent d’une personne à une autre,” c’était plutôt le dicton courant. […] Les troubles dans le monde avaient atteint le même degré que chez les bêtes sauvages. Or, ces troubles tenaient à un manque de hiérarchisation entre souverains et ministres, supérieurs et inférieurs, adultes et jeunes ainsi qu’à un manque de ritualisation [des rapports] entre pères et fils, frères aînés et cadets [wu 無 … fu zi xiong di zhi li 父子兄弟之禮]. »
Mozi, 12.1 : Shang tong zhong 尚同中 « Mettre en valeur la conformité, B »
Dans un passage du chapitre 49, qui fait partie de la section dialogique du Mozi, les compilateurs attribuent une fonction positive à la ritualité dans la gestion des relations diplomatiques entre les seigneurs féodaux afin de conserver la paix et d’éviter les attaques militaires :
Le souverain de Lu[25] 鲁 s’enquit auprès de Maître Mozi : « Je crains une offensive de la part de [l’État de] Qi 齊. Une solution de secours serait-elle envisageable ? »
Maître Mozi répondit : « C’est envisageable. […] J’espère que Sa Majesté vénère le Ciel d’en haut et pratique le culte des esprits et que, sur un plan inférieur, elle aime agir à l’avantage de la collectivité. Veuillez préparer des dons généreux (peaux et étoffes de valeur), donner vos ordres d’un ton humble et déférent, traiter rituellement[26], de toute urgence, l’ensemble des seigneurs féodaux des pays limitrophes ; incitez vos sujets à servir l’État de Qi. C’est la seule solution de secours envisageable pour éviter la catastrophe. »
Mozi, 49.1 : Lu Wen 魯問 « Questions de Lu »
Il convient de noter que Mozi, dans cette citation, pose la vénération du Ciel (zuntian 尊天) et le culte des esprits (shi gui 事鬼) comme un préalable au maintien de l’autonomie politique, sans pour autant englober les actes propitiatoires qu’ils requièrent au sein de la catégorie des li.
4.2 Critique de la sophistication rituelle
Il est acquis que si les moïstes reconnaissent aux rites basiques une certaine utilité en tant que vecteurs d’ordre, ils jugent par contre pernicieuse la sophistication rituelle et, d’une manière plus générale, le luxe et le raffinement culturel improductifs[27]. Ils édifient leur rhétorique sur le mythe fondateur des Sages Rois d’antan qui auraient civilisé l’humanité en conservant un mode de vie simple, sans s’adonner à des rituels d’interaction quotidienne exigeants :
Les Sages Rois ne pratiquaient pas certains rites majestueux de courtoisie [wei yi zhi li 威儀之禮], consistant à incliner la tête, à la relever, à faire un tour complet ou un demi-tour[28].
Mozi, 21.3 : Jie yong zhong 節用中 « Restrictions à la consommation, B »
Les invectives contre le ritualisme occupent une place de premier plan dans le chapitre 39, « Critique des confucianistes » (Fei ru 非儒) : des six occurrences du mot li qui y figurent, cinq sont chargées d’une connotation négative, car elles se réfèrent aux prescriptions rituelles, aux cérémonies et aux moeurs des Lettrés ; une fait référence à la politesse de pure forme, dissociée de conséquences concrètement positives, et l’on sait à quel point celles-ci comptaient pour les moïstes (Fraser 2016). L’argumentation, qui se démarque par sa véhémence et sa systématicité, a pour cible la culture ritualiste de Confucius et de ses disciples, notamment leurs rites funéraires et le deuil de longue durée, leurs cérémonies nuptiales et leurs règles de bienséance (démarche, attitude, etc.). Les raisons avancées pour justifier une critique si intense relèvent du moralisme et du pragmatisme à la fois (binôme récurrent dans la pensée moïste) : d’une part, les rites des confucianistes, empreints d’hypocrisie, auraient renversé la hiérarchie régissant les structures parentales (en mettant, par exemple, sur le même plan épouse, fils aîné, mari et parents du mari) et auraient donc manifesté un esprit d’insubordination (ni 逆)[29] ; d’autre part, ils auraient encouragé à la paresse et à l’inefficacité.
L’extrait suivant mérite une attention particulière car les rites nuptiaux pratiqués par les Lettrés sont dévalorisés par rapport au culte des ancêtres, s’exprimant par le biais de sacrifices et offrandes, et ce, paradoxalement au nom de la piété filiale (xiao 孝), vertu cardinale des confucianistes :
Ils célèbrent solennellement leur rite nuptial [hun li 昏/婚禮] en bonne et due forme, comme s’ils présentaient des sacrifices et des offrandes [aux ancêtres, ru cheng ji si 如承祭祀]. Ils renversent les positions de supériorité et d’infériorité par leur esprit d’insoumission et d’insubordination envers leur père et mère. Ces derniers sont réduits au niveau inférieur de l’épouse et du fils aîné, lesquels montent alors en grade arbitrairement. Une pareille manière de servir ses parents mérite-t-elle qu’on la qualifie de filiale ?
Mozi, 39.2
La diatribe moïste frappe également de plein fouet la rhétorique vide des confucianistes au sujet des rites ainsi que d’autres aspects de leur culture, à savoir la musique (yue 樂)[30], la dance, la poésie et l’érudition jugée stérile.
Qui plus est, par leurs nombreuses fleurs de rhétorique sur les rites et les plaisirs musicaux [les confucianistes] dévoient les hommes. En portant le deuil pendant longtemps [jiusang 久喪], feignant d’être affligés [wei ai 偽哀], ils trompent leurs proches.
Mozi, 39.4
Ces remarques s’accordent avec un énoncé lapidaire du deuxième chapitre au sujet de la primauté de la sincérité sur les cérémonies funéraires : « Le deuil comporte certes des rites [you li 有禮], mais c’est l’affliction sous-jacente qui doit être à la racine » (Mozi, 2.1 :Xiushen 修身 « Se corriger[31] »). En réalité, Confucius aussi préconisait l’authenticité des émotions dans la pratique des rites, comme l’atteste cette célèbre maxime des Entretiens (Lunyu) : « Le gentilhomme […], en deuil pense à l’affliction [shi 士 … sangsiai 喪思哀] » (Lau et Chen 1995a, 19.1/54/3)[32]. Ainsi, le portrait du maître de l’École des Lettrés esquissé dans ses textes fondateurs ne correspond pas aux propos diffamatoires qui s’enchaînent dans le chapitre 39 du Mozi :
Kong Qiu [Confucius] alla à Qi pour rendre visite au duc Jing 景 lequel[33], se réjouissant, entendait lui donner en fief Nixi 尼谿. Il informa Yanzi 晏子[34], qui lui dit : « Il est inapte. […] Kong Qiu se donne un aspect imposant et soigne les apparences afin d’éblouir les gens de notre génération. Avec ses chants à la cithare et ses danses rythmées par les tambours, il rassemble ses acolytes. Il [préconise] toute une panoplie de rites sophistiqués pour monter et descendre les escaliers pour satisfaire extérieurement à l’étiquette [fan deng jiang zhi li yi shi yi 繁登降之禮以示儀]. Il insiste sur les règles de la démarche rapide ou lente pour attirer le regard de la multitude. Malgré sa vaste érudition, il est inapte à se prononcer sur notre génération. Bien qu’il s’épuise à théoriser, il est inapte à offrir son soutien au peuple. En plusieurs vies, on serait incapable d’acquérir à fond son érudition. Pourtant, on n’est même pas capable de pratiquer ses rites quand on a la force de l’âge [dang nian bu neng xing qi li 當年不能行其禮]. Même en accumulant un tas de richesses, on serait incapable de couvrir ses dépenses musicales. Par ses nombreuses fleurs de rhétorique et par ses stratagèmes perfides, il égare les souverains de notre génération. Avec ses concerts impressionnants, il pervertit le peuple ignare. Sa voie s’avère inapplicable chez les gens de notre génération. Son érudition ne permet pas de diriger la multitude. Or, Votre Majesté lui concéderait un fief dans l’espoir de développer avantageusement les moeurs de Qi. On ne dirige pas un État en imposant sa suprématie sur la multitude par ces moyens ! »
Le duc dit : « Très bien. » Par conséquent, il traita [Kong Qiu] avec générosité selon les rites [hou qi li 厚其禮], mais il abandonna l’idée de lui concéder un fief. Il le reçut respectueusement sans l’interroger sur sa voie.
Mozi, 39.10
Les compilateurs du chapitre 39 dévalorisent le ritualisme de Confucius et de l’École des Lettrés sans citer ni mentionner Maître Mozi. Dans le chapitre 48, en revanche, ce dernier prend la parole pour réfuter les propos du lettré confucianiste Gong Mengzi 公孟子 et dénigrer la culture rituelle (on y compte 8 occurrences du terme li). Dans l’extrait suivant se dégage un contraste intéressant entre, d’une part, la méticulosité et l’érudition de Confucius concernant entre autres les rites (li) et la musique, et d’autre part le vrai savoir qui comprend, selon Mozi, l’adoration du Ciel et le culte des esprits.
Gong Mengzi adressa cette remarque à Maître Mozi : « Jadis, lorsque les Sages Rois établirent une hiérarchie, le plus sage fut élevé à la position suprême de Fils du Ciel[35], ensuite on nomma des ministres et de grands magistrats. Or, Kongzi 孔子 [Confucius] possédait une ample érudition au sujet du [Classique de] la poésie et du [Livre des] Documents[36], des connaissances précises sur les rites et la musique [cha yu li yue 察於禮樂], et il savait expliquer en détail dix mille choses. Si Kongzi était à la hauteur des Sages Rois, comment se fait-il qu’on ne le considère pas comme un Fils du Ciel ? »
Maître Mozi dit : « Le vrai savoir [fuzhizhe 夫知者] consiste nécessairement à vénérer le Ciel et à pratiquer le culte des esprits [zun tian shi gui], à aimer les êtres humains et à restreindre la consommation. On attribuera du savoir à ceux qui répondent à ces exigences. Or, tu dis que Kongzi possédait une ample érudition au sujet du [Classique de] la poésie et du [Livre des] Documents, des connaissances précises sur les rites et la musique, et qu’il savait expliquer en détail dix mille choses de sorte qu’il serait susceptible d’être considéré comme un Fils du Ciel. Cela équivaut à estimer les richesses de quelqu’un en comptant ses dents[37] ! »
Mozi, 48.5 : « Gong Meng »
Dans deux autres passages, Mozi s’adresse encore à Gong Mengzi pour déprécier les rites, dont les cérémonies funèbres et le deuil prolongé, ainsi que la musique, en les opposant à l’administration de l’État et au travail productif (congshi 從事). Le premier ensemble de sentences forme un monologue, prononcé d’un ton réprobateur et se terminant par deux questions rhétoriques ; le deuxième constitue la réplique, empreinte de sarcasme, à des considérations du lettré confucianiste.
Maître Mozi adressa cette remarque à Gong Mengzi : « Selon les rites funèbres [sangli 喪禮], la mort du souverain et des parents, de l’épouse et du fils aîné entraîne un deuil de trois ans ; celle des oncles paternels, des frères aînés ou cadets, un an ; celle des [autres] membres du clan, cinq mois ; et il faut porter le deuil pendant plusieurs mois également pour les tantes paternelles, les soeurs aînées, les oncles maternels et les neveux. Entre un deuil et un autre, certains passent leur temps à réciter les trois cents odes[38], à jouer les trois cents odes avec des instruments à cordes, à chanter les trois cents odes et à danser [au rythme] des trois cents odes. Si l’on appliquait tes paroles, quels jours resterait-il aux dignitaires pour donner audience et gérer l’administration ? Quels jours resterait-il aux gens ordinaires pour travailler ? »
Mozi, 48.8
Gong Mengzi dit : « Lorsque des troubles éclatent dans un État, on rétablit l’ordre. Lorsque l’ordre règne dans un État, on pratique les rites et la musique [wei li yue 為禮樂]. Lorsqu’un État est pauvre, on travaille. Lorsqu’un État est riche, on pratique les rites et la musique. »
Maître Mozi dit : « L’ordre règne dans un État à condition qu’on le maintienne. Si le maintien de l’ordre est discontinu, l’ordre de l’État sera aussi discontinu. Un État est riche à condition qu’on travaille. Si le travail est discontinu, les richesses de l’État seront aussi discontinues. Ainsi, même lorsque l’ordre règne dans un État, il est indispensable d’encourager [les gens] à ne pas se désengager. Or, tu dis que lorsque l’ordre règne dans un État, on pratique les rites et la musique et que lorsque des troubles éclatent, on rétablit l’ordre. Par analogie, c’est comme si l’on creusait un puits lorsqu’on est en train d’étouffer avec de la nourriture ou comme si l’on cherchait un médecin pour un mort ! »
Mozi, 48.9
5. Rites, oblations et sacrifices
5.1 Une vision peu unitaire
L’analyse textuelle montre que la notion de li n’a pas inspiré chez les moïstes une vision unitaire et systématique des pratiques symboliques culturellement codifiées. Autrement dit, le terme en question n’est que rarement employé dans le Mozi comme hyperonyme pour désigner explicitement, d’une manière générique, l’ensemble des rituels, y compris les oblations et les sacrifices (ji 祭, si 祀, ci 祠, etc.) offerts au Ciel, au Seigneur d’en haut, aux esprits et aux divinités (guishen 鬼神), etc. Malgré leur apologie de la frugalité et leur critique de la sophistication rituelle, en effet, les moïstes ne mettent aucunement en question ni les offrandes végétales (jiu li zi cheng 酒醴粢盛 « vin doux et vases de millet ») ni l’immolation d’animaux[39], les sacrifices humains s’étant raréfiés à l’époque de Mozi, qui les condamnait. À plusieurs reprises, ils mentionnent ces cultes et les croyances qui les sous-tendent, en les jugeant indispensables au maintien de l’ordre familial et sociopolitique[40].
Les auteurs de la trilogie consacrée à « La volonté céleste » (chap. 26, 27, 28, Tian zhi 天志), par exemple, exhortent tous les êtres humains, des masses populaires jusqu’à l’autorité politique suprême, à l’obéissance envers le Ciel, auquel ils attribuent des qualités anthropomorphiques, dont la capacité d’exercer une volonté, le discernement (zhe 哲), la clairvoyance (ming 明), le sens du juste (yi 義) et l’amour universel (jian ai 兼愛). Le Ciel exprime cette forme de sollicitude impartiale, normative et dépourvue de sentiments en acceptant[41] les sacrifices d’animaux et les offrandes végétales de la part de tous ses sujets (Mozi, 26.6, 28.3). Celui qui règne sur terre est aussi tenu de lui manifester sa soumission :
Même le Fils du Ciel est obligé de nourrir les boeufs et les moutons avec du fourrage et d’élever des chiens et des cochons ; il est obligé de préparer, dans la pureté, des vases de millet et du vin doux afin de supplier le Ciel par des prières et des oblations, et d’invoquer sa faveur [yi dao ci qi fu yu tian 以禱祠祈福於天]. Nous n’avons jamais entendu dire que le Ciel invoquerait par des prières la faveur du Fils du Ciel ! Nous en concluons que le Ciel est plus important et plus noble que le Fils du Ciel.
Mozi, 28.2[42]
Le chapitre 31, « Éclaircissements sur les esprits » ou « Esprits clairvoyants » (Ming gui 明鬼), vise à convaincre, sur la base de témoignages oraux et écrits de leurs apparitions, que les revenants ainsi que les génies de la nature et d’autres divinités du panthéon de la Chine antique existent. Mozi souligne l’utilité d’éveiller la crainte révérencielle à leur égard, dont il déplore le déclin, pour garantir la stabilité des royaumes et décourager l’inconduite, les troubles et la violence. Sous l’égide du Ciel, les puissances surnaturelles assurent le fonctionnement d’un système de justice rétributive, en récompensant les bons (ceux qui agissent au profit de la collectivité) et en punissant les méchants, d’où la nécessité de se comporter convenablement et de leur présenter des oblations et des sacrifices[43]. Vers la fin du chapitre, les auteurs justifient leurs rituels en expliquant que les offrandes (surtout végétales) ne sont pas « gaspillées » (fei 費), car elles sont susceptibles d’être partagées et consommées, en temps voulu, par les membres du clan ou de la communauté : « Même si les esprits et les dieux n’existaient pas réellement, cela donnerait néanmoins l’occasion d’organiser des rencontres amicales et de convier ses proches dans les circonscriptions et dans les villages concernés » (Mozi 31.18)[44].
Or, il est remarquable que le terme li soit complètement absent de ces chapitres, qu’on a sélectionnés parmi d’autres en raison de leur contenu à connotation religieuse[45]. Ainsi, l’observation selon laquelle « [d]ans les textes reçus, deux types de termes sont le plus souvent utilisés pour désigner le sacrifice : ji (祭) et li (禮), li étant plus spécialement destiné à subsumer l’ensemble des conduites rituelles » (Boileau 2013, 150) n’est pas applicable à la totalité du Mozi, où les rites (li) sont même opposés aux sacrifices (supra, 48.5).
5.2 Précisions graphiques
Dans la tradition ritualiste chinoise, l’extension lexicale du terme li 禮 à l’ensemble des rituels s’expliquerait, entre autres, par son étymologie graphique, socialement moins dérangeante que celle de ji 祭 « sacrifice (sanglant) ». Comme le souligne Benoît Vermander (2015, 168) dans une réflexion autour de l’ouvrage de Boileau (2013) :
Il n’est pas indifférent que la graphie de ji représente très explicitement une main saisissant un morceau de viande présenté aux esprits, tandis que celle utilisée pour li dessine un brouet de céréales déposé dans une coupe (avec l’apposition tardive du radical signifiant spirituel, esprits ou choses sacrées). C’est donc le caractère désignant l’offrande végétale qui a fini par désigner en Chine l’ensemble des conduites rituelles, parmi lesquelles celles gouvernant les sacrifices sanglants.
Il est opportun de préciser que le dictionnaire étymologique Shuowen jiezi[46] 說文解字 (achevé par Xu Shen 許慎 vers la fin du Ier siècle de notre ère) associe le caractère ji 祭 à si 祀 : « Effectuer le sacrifice ji [à base de viande], c’est offrir en sacrifice [ji si ye 祭祀也]. [Ji] est constitué de shi 示 et d’une main qui tient de la viande [cong shi, yi shou chi ruo 从示,以手持肉。] » (2.30). Shi correspond au radical no 113, signe diacritique du champ lexical du sacré[47] ; il est aussi présent dans le caractère si, idéophonogramme dont la sous-graphie si 巳 indique le son[48]. Le compilateur du dictionnaire fait également allusion à l’aspect sémantique de cette sous-graphie, qui s’apparente à yi 已 : « cesser, finir » : « Si, c’est effectuer des sacrifices sans interruption [si ji wu yi ye 祀祭無已也]. Il est constitué de shi [le radical du sacré] et de l’élément phonétique si [cong shi, si sheng 从示,巳聲] »[49].
Par ailleurs, l’idéophonogramme li 禮 « rite » est composé du radical shi et de la sous-graphie phonétique li 豊, qui est en même temps un indice de sens car elle signifie vase rituel ; étymologiquement, elle représente un bol sacrificiel (dou豆) contenant un brouet de céréales ou du moût de millet[50]. La définition du Shuowen jiezi relative au caractère li 禮 souligne le lien avec le sacré et le but propitiatoire des rites : « Li, c’est une démarche [correcte, lü / li[51] 履]. C’est ce au moyen de quoi on sert les divinités et on s’attire des faveurs [suo yi shi shen zhi fu ye 所以事神致福也…] ».
5.3 L’extension lexicale du terme li dans le Mozi
Dans le Mozi, on ne relève que deux cas d’extension lexicale explicite du terme li au domaine des oblations et des sacrifices. Le premier figure dans un dialogue du chapitre 48 qui engage à nouveau Gong Mengzi et Mozi. Ce dernier, s’inspirant du même principe cardinal avancé dans le chapitre 31, à savoir le bien-fondé des croyances relatives aux esprits et aux divinités, énonce une comparaison, puis une analogie, en associant les termes ji et li pour former un syntagme nominal qui constitue le complément d’objet direct du verbe xue 學 « apprendre, étudier » :
Gong Mengzi dit : « Les esprits et les dieux n’existent pas. » Et il ajouta : « Un digne homme doit apprendre à pratiquer les sacrifices. »
Maître Mozi dit : « Nier l’existence des esprits et apprendre les rites sacrificiels, c’est comme apprendre les rites de l’hospitalité [xue ke li 學客禮] lorsqu’on n’a pas d’invités ou fabriquer des filets pour pêcher lorsqu’il n’y a pas de poissons ! »
Mozi, 48.10
Selon Mozi, la pratique des rites sacrificiels suppose qu’on tienne pour vraie l’existence de leurs destinataires. La notion de croyance n’est certes pas universelle et il existe bien des langues de sociétés non occidentales dans lesquelles « [i]l n’y a pas d’équivalent des verbes croire d’Occident » (Hamayon 2005, 26). En chinois classique, plusieurs termes expriment le fait ou l’action de croire (ou de ne pas croire). Les auteurs de l’extrait traduit ci-dessus utilisent le verbe zhi 執 qui signifie, au sens concret, tenir (un objet dans la main) et, au sens abstrait (en tant que métaphore haptique usée), maintenir ou affirmer avec persistance. Ce verbe revêt ici une connotation polémique et négative en ce qu’il désigne, littéralement, le fait de « maintenir qu’il n’existe pas d’esprits » (zhi wu gui 執無鬼), malgré les conglobations des moïstes[52]. L’analogie finale est empreinte d’une note sarcastique et tourne en dérision la position des incrédules, comme celle de Gong Mengzi.
Le deuxième cas d’extension sémantique, où li est employé en tant que terme générique incluant explicitement la vénération du Ciel et le culte des esprits, se trouve, au chapitre 49, dans une sorte de résumé des doctrines moïstes dont la datation est probablement tardive, car il révèle une connaissance globale des écrits de l’École.
Puisque Maître Mozi voyageait, Wei Yue[53] 魏越 lui demanda : « Une fois que vous aurez réussi à rendre visite aux dignitaires de toutes les contrées, qu’allez-vous leur conseiller en priorité ? »
Maître Mozi répondit : « En général, il faut impérativement s’appliquer à résoudre les problèmes qu’on a identifiés à l’intérieur d’un État. Si l’État et les familles s’enfoncent dans le trouble, on conseillera la mise en valeur des talents et de la conformité. Si l’État et les familles sont pauvres, on conseillera des restrictions relatives à la consommation et aux enterrements. Si l’État et les familles se livrent aux plaisirs musicaux et plongent dans le vice, on déconseillera la musique et le fatalisme. Si l’État et les familles vivent dans le libertinage et dans la dépravation sans observer les rites, on conseillera de vénérer le Ciel et de pratiquer le culte des esprits [guo jia yao pi wu li, ze yu zhi zun tian shi gui 國家遙僻無禮,則語之尊天事鬼]. Si l’État et les familles sont engagés dans des opérations militaires de conquête et d’oppression, on conseillera l’amour universel en déconseillant la guerre offensive. En somme, il faut s’appliquer à résoudre les problèmes qu’on a identifiés. »
Mozi, 49.14
Dans ce passage, le pragmatisme des moïstes émerge en toute clarté : les doctrines de Mozi offrent des solutions concrètes selon la conjoncture sociopolitique ; elles s’avèrent utiles si on les adapte à des situations spécifiques qu’on souhaite améliorer. Ainsi, l’adoration du Ciel et le culte des esprits sont conseillés (yu 語) lorsqu’on porte atteinte aux bonnes moeurs sans respecter les contraintes rituelles (li).
C’est dans cette perspective performative, plutôt que spéculative ou spirituelle (au sens de concernant la vie intérieure), qu’il est opportun de lire les réflexions du Mozi sur l’importance des croyances de nature religieuse relatives aux esprits et aux divinités.
Conclusion
L’extension lexicale du terme li à l’ensemble des rituels (son hyperonymie) est à peine amorcée dans le Mozi. On peut interpréter ce phénomène, en termes diachroniques, comme un simple fait de langue et supposer qu’à l’époque où le Mozi fut composé le lexique ritologique était encore indéfini et comportait des oscillations, voire des incohérences. Le Mozi n’est d’ailleurs pas le seul classique à ne pas subsumer, sauf exception, sous la même catégorie de rites (li), les oblations et les sacrifices destinés aux Ciel, aux esprits et aux dieux. Il est aussi légitime de supposer, avec toutes les précautions philologiques nécessaires et en considérant les deux hypothèses comme compatibles, que dans certaines parties du corpus les auteurs aient évité d’employer le terme li afin de se démarquer, avec originalité, du courant confucéen, lequel avait attribué à cette notion une haute valeur morale, et qu’ils aient donc habilement utilisé d’autres mots pour se référer aux rituels qu’eux-mêmes préconisaient. Ce choix lexical, si choix il y a, ne concernerait bien évidemment pas l’ensemble d’une oeuvre qui, on le sait, est un assemblage d’écrits d’époques différentes et dont les intentions varient et sont parfois même opposées.
En effet, il est acquis que la répétition (épanalepse, palilogie, etc.) compte parmi les figures rhétoriques les plus fréquentes de l’argumentation des moïstes, qui s’en servaient afin d’insister sur la validité de leurs doctrines. Ainsi, l’omission quasi totale d’un mot clé de l’éthique confucéenne dans les chapitres centraux du texte (seulement deux occurrences, dont une revêt une connotation négative) révèle peut-être une tendance partagée par certains compilateurs du Mozi à ne pas souscrire au ritualisme en tant que mode d’expression privilégié de raffinement culturel. D’un point de vue moïste, même si les rites sont par définition des pratiques, leur complexification et leur sophistication en réduisent l’utilité et, plus globalement, la portée praxique. Il conviendrait alors de nuancer l’opposition entre orthopraxie et orthodoxie car, paradoxalement, il existerait des pratiques plus éloignées de la vie concrète que des croyances et il existerait des croyances plus proches de la vie concrète que des pratiques.
Appendices
Note biographique
Anna Ghiglione est sinologue, professeure titulaire à l’Université de Montréal, au Département de philosophie et au Centre d’études asiatiques, où elle enseigne la philosophie chinoise ancienne (confucianisme, moïsme, taoïsme, légisme, etc.) et traditionnelle (bouddhisme) ainsi que le chinois classique. Détentrice d’un doctorat en Études de l’Extrême-Orient de l’Université Paris 7, elle était chargée de cours et de conférence dans plusieurs établissements français avant de prendre ses fonctions à l’Université de Montréal en juin 2002. Elle a collaboré avec l’Université de Pékin en tant que chercheure-invitée. Ses recherches portent sur la relation entre imaginaire et philosophie dans un corpus de l’époque classique (Ve-IIIe siècle avant notre ère). Sa publication la plus importante est la traduction française intégrale, annotée et commentée du Mozi, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2018, dans la collection « Études d’histoire et de culture chinoises », dirigée par Shenwen Li (projet financé par le FRQSC et publication financée par l’Université Laval).
Notes
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[1]
« En d’autres termes, le domaine idéologique, en Chine, ne suppose pas une croyance universelle ou une adhésion incontestée à “la vérité”. […] La standardisation des pratiques rituelles a presque toujours eu la priorité sur les efforts de contrôler les croyances ou de les soumettre à des lois. » (traduction de l’auteure). Comme le souligne clairement Watson, cette observation ne signifie pas que les croyances et l’idéologie n’ont exercé aucun poids sur la formation d’un système culturel unifié. Voir aussi Watson (2007).
-
[2]
Au sujet de l’influence des positions de Watson, voir Katz (2007, 73-78). Lagerwey (2019, 11) explique que l’orthodoxie, dans la tradition chinoise, est étroitement liée à la constitution d’un corpus de Classiques de référence ; il conclut son ouvrage Paradigm Shifts in Early and Modern Chinese Religion en insistant sur l’utilité de la distinction entre théorie et pratique pour exprimer le point de vue chinois, qu’il résume par cette formule éloquente : « as theory is implicit in practice, it is better to practice than to prattle » (260).
-
[3]
Comme l’observe Standaert (2021, 78-79), selon Matteo Ricci (1552-1610), par exemple, les rituels pratiqués pour honorer les défunts auraient été exempts d’idolâtrie et de superstition.
-
[4]
La datation des différentes sections du Mozi prête à discussion et a fait l’objet d’analyses méticuleuses. Voir, par exemple, Johnston (2010, XXV-XXXIV) ; Defoort et Standaert (2013, 4 et ss.)
-
[5]
Anciennement constitués de lamelles de bambou ou de bois ficelées, les pian pouvaient réunir des écrits différents et circuler d’une manière autonome (Fraser 2020, XIV).
-
[6]
Infra, paragraphe 3.
-
[7]
Les morceaux choisis pour cette contribution sont tirés de la traduction française de Ghiglione (2018), désormais indiquée par Mozi (avec numéro des chapitres et des paragraphes cités) ; des modifications mineures ont été apportées. Plusieurs éditions chinoises ont été consultées, dont celle d’Yirang Sun (2009), celle de Jiajian Tan et Zhongyuan Sun (2012) et celle d’Yujiang Wu (2006).
-
[8]
Voir la Concordance éditée sous la direction de Lau et Chen (2001, p. 378-379) ainsi que le texte numérisé sur le site https://ctext.org/, consulté en mars 2024.
-
[9]
Dans A 46, li doit être lu comme ti 體 (les deux graphies, en effet, sont apparentées). Dans 71.18, li 禮 (allographie : li 礼) doit être remplacé par zha 札 « tablette » (support de l’écriture en bois ou bambou, Lau et Chen 2001, 15.4/143/23).
-
[10]
Localisée dans la province actuelle du Henan.
-
[11]
Une variante du nom propre concerné est d’ailleurs Tian Buyin 田不禋, dans laquelle yin (précédé de la négation) signifie (offrir un) sacrifice après purification. Le caractère tian 佃 (parfois interchangeable avec tian 田) peut vouloir dire cultiver la terre, mais aussi aller à la chasse.
-
[12]
On fait traditionnellement référence aux dix thèses de Mozi sur la base des titres qui furent ajoutés tardivement aux trilogies des chapitres formant le noyau doctrinal de l’oeuvre. Sur les limites de cette manière de procéder, voir Defoort et Standaert (2013, 19-24).
-
[13]
On compte 45 occurrences de ji, dont 22 suivies de si, et 30 occurrences de si. D’autres termes appartenant au champ lexical de l’oblation et du sacrifice sont employés dans le texte (ex. : ci 祠, 4 occurrences).
-
[14]
L’Ancêtre suprême, divinité impersonnelle au sommet du panthéon de l’Antiquité. Voir von Glahn (2004, 34).
-
[15]
Cette expression binomiale est aussi utilisée comme synecdoque pour désigner l’État.
-
[16]
À titre d’exemple, dans les Entretiens (Lunyu 論語), texte qui reflèterait l’enseignement de Confucius, on trouve 75 occurrences du mot li.
-
[17]
Dans ces six sections sont réunies des réflexions succinctes au sujet de la dialectique (au sens d’art de raisonner et d’argumenter correctement), de la connaissance ainsi que des éléments proto-épistémologiques.
-
[18]
À propos de la subdivision en « Canons » et « Explications » et de leur appariment, voir Ghiglione (2018, 305-306).
-
[19]
Voir aussi le texte établi par Tan et Sun (2012, 232-233), qui remplacent ming « nom personnel » par tai 臺, terme indiquant les couches sociales les plus basses de la population.
-
[20]
Voir l’interprétation égalitariste de Wu (2006, 482, note 29), qui souligne le contraste avec la vision élitiste du Liji 禮記 (Mémoire sur les rites), chap. 1, « Qu li shang 曲禮上 » : « Les rites ne descendent pas jusqu’au petit peuple [li bu xia shu ren 禮不下庶人] », Lau et Chen (1992).
-
[21]
Il est aussi possible de lire ju 俱 comme ju 具 « être doué de, posséder » ; il renforcerait alors le sens de you « (y) avoir, posséder ». Voir la liste des différentes manières de gloser le texte sur le site : http://phil.arts.cuhk.edu.hk/project/mobian/canon1/wu.htm
-
[22]
Au sujet de ce type de rites, voir Maisonneuve (1999, 79).
-
[23]
Cf. 21.7, où Mozi, sans employer le terme li, formule des idées analogues au sujet des règles architecturales adoptées sous les Sages Rois des temps mythiques : « Les parois dans les palais devaient suffire à séparer les hommes des femmes. »
-
[24]
À noter qu’il s’agit de la seule référence ayant une connotation positive à la notion de li qui se trouve dans les chapitres centraux (8-37) du Mozi.
-
[25]
Peut-être Mu Gong 穆公 (r. 409-377 av. n. è.). L’État de Lu comprenait des territoires du Shandong, du Jiangsu et de l’Anhui. Puisque l’invasion de la part de l’État de Qi (nord-ouest du Shandong) aurait eu lieu en 386 av. n. è., on en déduit que le chapitre 49 fut vraisemblablement composé après la mort de Mozi, au IVe siècle av. n. è.
-
[26]
C’est-à-dire nouer des alliances d’une manière solennelle, selon les rites. Le terme li revêt ici une valeur verbale ; le syntagme nominal « si lin zhu hou 四鄰諸侯 », traduit par « les seigneurs féodaux des pays limitrophes », constitue son complément d’objet direct.
-
[27]
Voir, par exemple, Sterckx (2013, 134).
-
[28]
Cette remarque est énoncée dans un passage au sujet de la frugalité alimentaire des Sages Rois. On y trouve la seconde occurrence du terme li des chapitres centraux du Mozi.
-
[29]
Voir Mozi, 39.1, où le terme li pourrait faire allusion à un texte sur les rites.
-
[30]
Le même caractère, prononcé le en chinois moderne, signifie joie, plaisir, volupté. Les chapitres 7 et 32 du Mozi s’attachent à la critique de la musique. Dans le passage 7.2, Mozi concède à son contradicteur Cheng Fan 程繁 que les monarques mythiques Yao 堯 et Shun 舜 introduisirent les rites et la musique, mais dans une moindre mesure ; au développement de la musique correspondrait une régression dans l’art de gouverner.
-
[31]
Ce chapitre, de paternité controversée, fait partie de la première section du Mozi (chap. 1-7). S’il est vrai qu’il présente un contenu doctrinal syncrétique (Knoblock et Riegel 2013, 47), l’énoncé sur le deuil concorde avec la critique, qu’on retrouve au chapitre 39, des attitudes théâtrales dans les rites funèbres.
-
[32]
Voir aussi Lau et Chen 1995a, 3.4/5/1.
-
[33]
Le duc (gong) Jing régna à Qi de 547 à 490 av. n. è.
-
[34]
Yan Ying 晏嬰 (589-500 av. n. è.), ministre du duc Jing.
-
[35]
Appellation par laquelle l’on désignait les monarques.
-
[36]
Référence au Shijing 詩經 (anthologie de 305 poèmes ou odes, cf. infra, 48.8) et au Shujing 書經 (IXe-VIe s. av. n. è), qui seront répertoriés au sein du corpus confucéen.
-
[37]
Chi 齒, litt. « dents », est aussi interprété au sens d’années, que l’on comptait en faisant des coches sur des morceaux de bois. Voir Wu (2006, 701, note 48).
-
[38]
Allusion probable aux poèmes du Shijing, cf. supra, note 36.
-
[39]
Voir, par exemple, Mozi, 31.10 : « les meilleurs animaux domestiques parmi les six espèces » (liuchuzhisheng 六畜之勝), à savoir le cheval, le boeuf, le mouton, le coq, le chien et le cochon. Le chapitre 61, qui fait partie des sections consacrées à la défense militaire contre les sièges, porte spécifiquement sur les « Sacrifices pour affronter l’ennemi » (Ying di ci 迎敵祠).
-
[40]
Voir Mozi, 4.4, 9.2, 12.7, 25.8, 26.3, 26.6, 27.2, 27.3, 31.7, 31.10, 31.18, 35.10, 47.3. Les offrandes végétales se combinent souvent avec l’immolation d’animaux. Paradoxalement, Mozi met en garde des zélateurs des enterrements somptueux et du deuil de longue durée, car ils entraîneraient la population dans la pauvreté en compromettant la pratique correcte des cultes (Sterckx 2011, 159-160). À propos des répercussions des pénuries alimentaires ou de la famine sur les offrandes, voir Mozi, 5.2.
-
[41]
Shi 食, terme qui, en chinois classique, a plusieurs acceptions, dont « nourrir » et « présenter/accepter des offrandes ».
-
[42]
Voir aussi 27.2 : en cas d’adversité, le Fils du Ciel est obligé de pratiquer le jeûne et des rites purificatoires (bi zhai jie mu yu 必齋戒沐浴).
-
[43]
Il est utile de rappeler l’ancienne définition d’Henri Hubert et Marcel Mauss (1899, 56) selon laquelle le sacrifice est une forme d’oblation impliquant la destruction totale ou partielle de l’offrande (animale ou végétale). À propos de l’articulation entre sacrifice et oblation, voir aussi Wunenburger (2019, p. 36).
-
[44]
À propos de la dimension publique des rituels, voir Poo (2009, 283).
-
[45]
Selon la chronologie établie par Watanabe (reproduite dans Defoort et Standaert 2013, 14-15), le chapitre 31 serait légèrement plus tardif (220 av. n. è.) que le chapitre 27, alors que les chap. 26 et 28 auraient été composés antérieurement (entre 300 et 250 av. n. è.).
-
[46]
Explication des caractères simples et analyse des caractères complexes. Les premiers sont formés d’un seul graphème, les seconds de deux ou plusieurs graphèmes.
-
[47]
Selon la liste des 214 radicaux établie pour répertorier les sinogrammes dans le Dictionnaire des caractères de Kangxi (Kangxi zidian 康熙字典, 1710-1716).
-
[48]
Traditionnellement, on comptait six procédés ou catégories de caractères chinois. Les plus nombreux sont les idéophonogrammes (litt. « forme-son », xingsheng 形聲) et comportent une partie qui suggère le champ lexical (le sens) et une partie qui indique le son ; cette dernière peut être également chargée d’un contenu sémantique (c’est le cas de li 禮 « rite »). Les pictogrammes (litt. « imitations de la forme », xiangxing 象形), peu nombreux, représentent graphiquement l’objet (comme shi 示, qui dans sa forme archaïque reproduisait un autel ancestral basique). Les idéogrammes indiquent une action ou un état par un signe graphique sur l’image de l’objet (Grand Ricci, entrée zhishi 指事), ou ils évoquent l’idée en associant des graphèmes ayant une valeur sémantique (huiyi 會意, comme ji 祭 « sacrifice »). À ces quatre types s’ajoutent les emprunts (jiajie 假借) et les dérivations (zhuanzhu 轉注). Les lexicographes modernes ont revu ce mode de classement.
-
[49]
Voir les entrées ji et si dans la version numérique du Shuowen jiezi de Lucas et Schott, http://www.shuowenjiezi.com/ (visité en mars 2024) ainsi que dans le GrandRicci.
-
[50]
Selon Xinluan Liu (2010, 145-146) le caractère li 禮 serait dérivé de li 礼, qui ferait référence au culte des esprits et des dieux. À la suite de la simplification des sinogrammes en République populaire de Chine, la deuxième graphie a remplacé la première, car elle comporte moins de traits.
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[51]
Les caractères li 禮 « rite » et lü 履, qui au sens propre signifie « chaussure, marcher », étaient anciennement homophones. Voir l’entrée li 禮 dans la version numérique du Shuowenjiezi susmentionnée. Ces deux termes sont aussi associés dans le dictionnaire analogique Erya 爾雅 (Lau et Chen 1995b, 2.66B/32/13), qui est plus ancien.
-
[52]
On trouve le même verbe zhi dans le chapitre 31, en plus de xin 信 « avoir confiance, se fier, croire » et de la tournure yi … wei dans son acception putative : « considérer [les esprits et les dieux] comme existants [you 有] / inexistants [wu 無] ». Au cours de l’argumentation, cependant, on constate un glissement sémantique du champ de la croyance à celui de la connaissance (zhi 知) : les « preuves » accumulées permettraient de savoir que les esprits et les dieux existent.
-
[53]
Vraisemblablement un disciple de Mozi.
Bibliographie
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