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Dans ce numéro de mai, nous avons huit articles portant sur des thèmes variés, avec des méthodologies originales aboutissant à des résultats intéressants qui vont sans aucun doute réjouir les lecteurs de la revue Management international.

Le premier article s’intitule « Enjeu de la transparence des prix auprès des consommateurs : une application aux produits issus du commerce équitable ». Mohamed Akli Achabou et Sihem Dekhili s’intéressent à un sujet très peu exploré dans la littérature, celui de l’effet de la décomposition des prix sur la préférence des consommateurs. L’enjeu de transparence est particulièrement important dans le cas des produits durables au vu des valeurs de responsabilité qu’ils véhiculent. Une investigation empirique, combinant une double approche qualitative et quantitative, et portant sur le chocolat équitable, a été conduite. Les résultats confirment que si les consommateurs sont, en général, sceptiques vis-à-vis des prix élevés, la décomposition de ces derniers favorise la préférence et tend ainsi à accroitre l’acceptabilité des chocolats équitables premium. Par ailleurs, une analyse de clusters a mis en exergue le rôle des valeurs prosociales et de l’expérience avec les produits équitables dans la préférence pour une information détaillée autour des prix.

Le deuxième article proposé par Clotilde Coron revêt aussi un titre évocateur : « Genre et satisfaction au travail : une analyse européenne au prisme des stéréotypes de genre ». Les liens entre genre et satisfaction au travail sont très débattus dans la littérature académique. En particulier, l’accent mis sur les pays anglo-saxons et le manque d’attention portée aux stéréotypes de genre au niveau national ont été critiqués. Cet article étudie donc le rôle modérateur des stéréotypes de genre dans différents pays européens. Les stéréotypes de genre modèrent la relation entre le genre et la satisfaction au travail : dans les pays plus égalitaires, l’écart de satisfaction au travail entre les sexes (au détriment des femmes) est plus important que dans les pays moins égalitaires. Ces résultats permettent de discuter la théorie des attentes et la nature transitoire du paradoxe du genre et de la satisfaction au travail.

Le troisième article co-écrit par Sophie Le Bris et Dominique Philippe Martin est intitulé : « Sous quelles conditions les interactions entre différents niveaux hiérarchiques au sein d’une HRO peuvent être sources de fiabilité ou au contraire peuvent perturber le processus de sensemaking et finalement la fiabilité de la prise de décision en situation CTI ? Ce que nous enseigne le témoignage du Directeur de la centrale de Fukushima ». Les auteurs abordent comment les décisions sont prises dans des contextes où il faut agir rapidement et où la moindre erreur peut remettre en cause l’intégrité d’une organisation et de ses membres ? Ils poursuivent ensuite sur ce qui se passe d’autre part si les acteurs de niveaux hiérarchiques différents ne convergent pas rapidement sur la compréhension de la situation et sur les priorités à définir ? L’analyse de la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima Dai Ichi (Japon, 2011) révèle que le recours aux interactions entre différents niveaux hiérarchiques peut conduire à des résultats contrastés en termes de fiabilité, contrairement aux propositions de l’approche sensemaking (Weick, 1993). L’étude détaille ainsi différents processus de décision permettant d’améliorer la fiabilité des interactions.

Le quatrième article est quant à lui le fruit d’une collaboration entre Hadj Nekka, Sébastien Diné et Sihem Anne Essayah. Il a pour titre : « Le management des seniors revisité par la théorie des régimes d’engagement : cas de la Sécurité Sociale française ». Les auteurs s’intéressent donc ici à la complexité qui caractérise le management des seniors. Pour conduire une analyse critique de la littérature et formuler ensuite des propositions de recherche guidant l’investigation empirique, ils ont mobilisé la théorie des régimes d’engagement développée par Thévenot (2006). Les résultats obtenus par une étude de cas unique et longitudinale indiquent la capacité de la TRE à repérer les limites des modèles de la gestion des âges, et à contribuer à l’enrichissement des connaissances dans ce domaine.

Le cinquième article est co-écrit par Samy Mansouri, Joseph Kaswengi, Janine Hobeika avec pour titre : « Étude des performances à l’exportation des entreprises africaines : le rôle de l’adaptation marketing et des conditions institutionnelles ». La littérature sur l’internationalisation s’est largement concentrée sur les opérations des entreprises multinationales en Afrique, alors que les activités entrepreneuriales internationales des entreprises africaines restent peu étudiées. La manière dont les ressources de l’entreprise interagissent avec les conditions environnementales en termes d’adaptation du marketing et de performances à l’exportation n’est pas encore claire. S’inspirant de la vision fondée sur les ressources et de la perspective institutionnelle, cette étude utilise des données d’enquête provenant de 308 entreprises du Nigéria et du Ghana pour évaluer les relations entre ces concepts. Les résultats révèlent que la capacité de mise en réseau et la disponibilité des ressources financières influencent positivement l’adaptation du marketing, qui sert de médiateur à la relation entre les ressources de l’entreprise et les performances à l’exportation. Cela indique que ces effets dépendent des conditions institutionnelles, avec des implications significatives pour l’internationalisation des entreprises africaines.

Pierre El Haddad et Véronique Zardet sont les deux auteurs du sixième article avec pour titre : « Explorer le champ de la coopération entre ONG au Liban : un aperçu du terrain ». Les organisations non gouvernementales (ONG) du Liban sont confrontées à des défis de survie qui les obligent à coopérer. Cet article explore les dysfonctionnements qui ont empêché plusieurs tentatives de coopération entre ONG d’atteindre leurs objectifs. Une méthode de recherche-intervention a été adoptée pour accompagner quinze organisations dans l’indentification des dysfonctionnements de coopération et l’élaboration de solutions. Les auteurs ont identifié des dysfonctionnements inter-organisationnels majeurs regroupés sous les axes stratégie, prise de décision, procédures et langage. Ils ont ensuite accompagné les organisations dans la conception collective de solutions pour améliorer leur coopération. Les résultats pointent une relation modérée entre les améliorations intra et inter-organisationnelles, et un transfert direct des dysfonctionnements intra-organisationnels omniprésents vers le niveau de la coopération inter-organisationnelle.

Le septième article co-écrit par Pedro Gonzalo et Domitille Bonneton est intitulé : « Les bénéfices du codéveloppement pour la gestion des talents : une étude de cas dans le secteur bancaire ». Les auteurs envisagent ici la gestion des talents comme cruciale pour les organisations, et pourtant, l’une de ses composantes, le développement des talents, reste sous-étudiée. Ils explorent la pertinence d’une méthode d’apprentissage expérientiel, à savoir le codéveloppement, en tant que nouvelle pratique de développement des talents. Le codéveloppement vise à améliorer sa pratique professionnelle en aidant ses pairs à améliorer leur propre pratique. Sur la base d’une étude de cas dans une banque multinationale, leurs résultats montrent que le codéveloppement constitue un espace de ressourcement qui compense certaines pressions organisationnelles, offrant ainsi des avantages pour l’individu, le groupe et l’organisation. En tant que pratique originale de développement des talents, le codéveloppement peut également contribuer à contrebalancer certains effets négatifs de la gestion des talents.

Le huitième et dernier article de ce numéro a pour auteurs Fabrice Hervé, Ibtissem Rouine, Mohamed Firas Thraya et Mohamed ZOUAOUI. Ils abordent « Impact du sentiment des investisseurs sur les primes d’acquisitions ». De façon plus précise, cet article étudie l’impact du sentiment des investisseurs sur les primes d’acquisition payées lors des opérations de fusions et acquisitions (F&As). L’étude porte sur un échantillon international qui couvre les opérations initiées dans 54 pays sur la période 2000-2021. Il en ressort que le sentiment des investisseurs du pays de l’acquéreur influence positivement la prime d’acquisition. L’effet du sentiment de l’investisseur sur la prime d’acquisition est plus prononcé dans les pays les plus culturellement enclins à des comportements de sur-réaction ou grégaires. Cet effet se révèle plus faible dans les pays qui se caractérisent par un cadre institutionnel efficient, et pour les entreprises ayant déjà effectué des acquisitions successives. Les résultats restent stables à l’utilisation de plusieurs tests de robustesse.

Bonne lecture et par avance excellente période estivale !