Volume 45, Number 3 (135), Spring–Summer 2020 Lise Tremblay Guest-edited by Louis-Daniel Godin and Michel Nareau
Table of contents (13 articles)
Dossier
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LISE TREMBLAY : habiter le corps et la parole
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ENTRETIEN AVEC LISE TREMBLAY
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LES DAHLIAS EVELYNE
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LE CONFLIT DES CODES ET DES CLASSES DANS LA HÉRONNIÈRE ET LA SOEUR DE JUDITH DE LISE TREMBLAY
Martine-Emmanuelle Lapointe
pp. 37–47
AbstractFR:
Parus respectivement en 2003 et en 2007, La héronnière et La soeur de Judith de Lise Tremblay reposent sur la confrontation de langages, de visions du monde et d’esthétiques qui témoignent de l’écart entre la ville et la région, entre le propre et l’étranger, entre la culture populaire et la culture lettrée. En découle un conflit des codes et des classes qui, en dépit de la violence qu’il manifeste souvent de manière implicite, ne permet pas de faire triompher la morale de la ville, voire de la bourgeoisie cultivée, sur celle de la région, mais plutôt de mettre au jour leur caractère irréconciliable. L’analyse s’intéressera plus particulièrement aux effets pernicieux de la logique marchande et des « liens économiques » (La héronnière, 2003, p. 71) sur les relations sociales que présentent les deux textes. Il s’agira notamment de réfléchir à la manière dont se font et se défont les échanges affectifs dans des univers fictionnels où la réussite individuelle se mesure le plus souvent à l’aune de critères extérieurs, considérés comme superficiels par les différentes instances narratives.
EN:
Published in 2003 and 2007, Lise Tremblay’s works La héronnière and La soeur de Judith are based on contrasting languages, worldviews and aesthetics that illustrate the differences between city and region, between that which is one’s own and that which is foreign, between popular culture and literate culture. These differences lead to a conflict between codes and classes which, despite the implicit violence it often embodies, does not lead to victory for an urban moral system—or for the cultured bourgeoisie—over the moral system of the region; instead, it illuminates the fact that they cannot be reconciled. Analysis focuses specifically on the noxious impact on social ties of the market perspective and economic relations (“liens économiques”, La héronnière, 2003, p. 71), as presented in both texts. The intention is to understand how emotional exchanges are made and unmade in fictional worlds where individual success is generally measured in terms of external criteria that are viewed as superficial from the various narrative standpoints.
ES:
Publicadas en 2003 y 2007, respectivamente, La héronnière y La soeur de Judith, de Lise Tremblay, se basan en la confrontación de lenguajes, visiones del mundo y estéticas que muestran la diferencia entre la ciudad y la región, entre lo propio y lo ajeno, entre la cultura popular y la cultura letrada. De allí se deriva el conflicto de los códigos y las clases que, pese a la violencia que manifiesta con frecuencia de manera implícita, no permite que triunfe la moral de la ciudad, incluso de la burguesía culta, sobre la regional, sino más bien que se evidencie su carácter irreconciliable. El análisis se interesará más particularmente por los efectos perniciosos de la lógica mercantil y los «lazos económicos» (La héronnière, 2003, p. 71) sobre las relaciones sociales que presentan ambos textos. Se tratará especialmente de reflexionar sobre la manera en que se hacen y deshacen los intercambios afectivos en universos de ficciones, donde el éxito individual se mide, las más de las veces, por el rasero de criterios exteriores, considerados como superficiales por los diversos requisitos narrativos.
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LA PERTURBATION
Francis Langevin
pp. 49–63
AbstractFR:
Cet article propose une lecture attentive aux perturbations qui agitent les univers de quatre ouvrages de Lise Tremblay. Parfois destructeurs, parfois libérateurs, ces bouleversements donnent lieu à une mise en évidence des résistances associées aux discours et aux valeurs des lieux, et en particulier des lieux régionaux. Dans La héronnière, la perturbation semble provenir de l’extérieur, des « étrangers » : les femmes du village émigrent vers la ville alors même que les néoruraux semblent prendre possession des lieux. Dans La soeur de Judith, la maison familiale et son quartier résidentiel forment un espace discursif clos dominé par un régime de valeurs nourri au commérage superstitieux, à la bigoterie et à la honte, univers dont la narratrice adolescente est sur le point de s’extraire. Chemin Saint-Paul propose quant à lui une archéologie des traumatismes intergénérationnels familiaux par laquelle la narratrice réconcilie son exil géographique avec sa venue à l’écriture. Une sorte d’apaisement accompagne enfin la résolution du conflit central du roman L’habitude des bêtes, alors que les résistances ataviques cessent de percevoir la norme extérieure, « étrangère » aux valeurs du locus, comme une source de perturbations à combattre.
EN:
This article suggests a reading that pays careful attention to disruptions in the universes depicted by Lise Tremblay in four of her works. Sometimes destructive, sometimes liberating, these upheavals shed light on resistances associated with the discourses and values of places, and especially regional places. In La héronnière, the disruption seems to come from “strangers” on the outside: while women from the village are migrating to the city, neo-rural people seem to be taking possession of the area. In La soeur de Judith, the suburban family house and its residential neighbourhood make up a closed discursive space dominated by a value system feeding on superstitious gossip, bigotry and shame—a world that the teenage narrator is about to leave behind. Chemin Saint-Paul suggests an archaeology of intergenerational family trauma—a structure through which the narrator brings together her geographical exile and her entry into writing. Finally, a kind of easing comes with the resolution of the central conflict in L’habitude des bêtes, a novel in which atavistic resistances no longer perceive the outside standard, the one that is “alien” to the values of the place, as a source of disruption that must be fought.
ES:
Este artículo propone una lectura atenta de las conmociones que agitan los universos de cuatro obras de Lise Tremblay. A veces destructores, otras veces liberadores, estos trastornos llevan a poner en evidencia resistencias asociadas a los discursos y valores de los lugares, y en particular los lugares de regiones apartadas. En La héronnière, parece que la perturbación proviene de fuera, de los «forasteros»: las mujeres del pueblo emigran hacia la ciudad, y parece que son los neorrurales los que se adueñan de los lugares. En La soeur de Judith, la casa familiar y su zona residencial constituyen un espacio discursivo cerrado, dominado por un régimen de valores que se alimenta del comadreo supersticioso, la beatería y la vergüenza, universo del cual la narradora adolescente está a punto de salirse. Por su parte, Chemin Saint-Paul (Camino San Pablo) propone una arqueología de los traumatismos intergeneracionales familiares por la cual la narradora reconcilia su exilio geográfico con su llegada a la escritura. Una especie de sosiego acompaña por fin la resolución del conflicto central de la novela L’Habitude des bêtess, mientras las resistencias atávicas dejan de percibir la norma exterior, «extraña» a los valores del locus, como una fuente de perturbaciones contra las cuales se ha de luchar.
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PORTRAIT DE LA MÈRE EN RABAT-JOIE : reconfigurations des possibles féminins dans La soeur de Judith de Lise Tremblay
Isabelle Boisclair
pp. 65–78
AbstractFR:
Le temps d’un été, celui marquant son passage du primaire au secondaire, à la fin des années soixante, la narratrice de La soeur de Judith de Lise Tremblay observe le monde autour d’elle, dans un quartier de Chicoutimi. Les « explosions » de la mère ont beau être tempérées par le père, elles sont source de honte pour la jeune fille. Mais qu’est-ce qui les suscite ? En se penchant sur les motifs qui provoquent les colères de la mère, il apparaît que celles-ci sont toutes liées au statut des femmes, subordonnées dans le mariage. Le roman figure ainsi la mère en « rabat-joie féministe » (Ahmed) qui s’élève contre la mystique féminine (Friedan) dont sont nourries les femmes de cette époque qui s’éveille à la modernité. Au seuil de cette nouvelle temporalité, de nouveaux possibles féminins se dressent devant la jeune fille.
EN:
Throughout one summer in the late 1960s, between elementary and secondary school, the narrator of Lise Tremblay’s La soeur de Judith observes the world around her in a Chicoutimi neighbourhood. The mother’s “explosions” are softened by the father; nonetheless, the young girl is ashamed of them. But where do they come from? When the grounds for the mother’s anger are examined, it becomes clear that they are always related to women’s subordinate status within marriage. The novel presents the mother as a “feminist killjoy” (Ahmed) protesting against the feminine mystique (Friedan) as it was fed to women during an era awakening to modernity. Standing on the threshold of a new era, the girl perceives new possibilities for women.
ES:
El tiempo de un verano, el que marcó su paso de la enseñanza primaria a la secundaria, a finales de los años sesenta, la narradora de La soeur de Judith, de Lise Tremblay, observa a la gente de su alrededor, en una zona de la ciudad de Chicoutimi. Por mucho que las «explosiones» de la madre sean templadas por el padre, resultan ser una fuente de vergüenza para la joven. Pero ¿qué es lo que las susciaa? Al interesarse por los motivos que provocan las iras de la madre, parece ser que todas ellas están vinculadas al estatus de las mujeres subordinadas dentro del matrimonio. Es así como la novela representa a la madre como una «aguafiestas feminista» (Ahmed) que se alza contra la mística femenina (Friedan) de la cual se nutren las mujeres de aquella época que se despierta a la modernidad. En el umbral de esta nueva temporalidad, aparecen nuevos posibles femeninos ante la joven.
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SOUS LE REGARD DU PÈRE : la honte et ses lieux dans La pêche blanche et La danse juive de Lise Tremblay
Louis-Daniel Godin
pp. 79–94
AbstractFR:
L’oeuvre de Lise Tremblay regorge de personnages, de narratrices et de narrateurs dont le quotidien est façonné par l’expérience de la honte. La pêche blanche et La danse juive ont ceci de particulier qu’ils situent dans l’enfance l’origine de la honte, toujours engendrée par un regard de dédain du père posé sur le corps de l’enfant — fils « chétif », boiteux ; fille souffrant d’obésité. Dans l’expérience traumatique de cet affect particulier, le sujet est appelé à assumer son image sous le regard d’autrui ; une image qui ne correspond pas à son désir, mais qui le détermine malgré tout. L’oeuvre de Tremblay présente des pères dont le regard et la voix ont établi les frontières réelles et imaginaires qui contraignent les sujets, tant dans leur corps que dans l’espace. Cet article aborde, depuis une perspective psychanalytique de l’identification, l’articulation poétique particulière entre la honte, la figure paternelle et le corps que l’oeuvre de Lise Tremblay déploie, et qui permet de lire le meurtre perpétré à l’endroit du père dans La danse juive comme le prolongement d’un fantasme parricide déjà mis en récit dans La pêche blanche.
EN:
Lise Tremblay’s fiction is teeming with characters and narrators whose daily life is shaped by the experience of shame. A specific feature of La pêche blanche and La danse juive is that they locate the origin of shame in childhood: it arises from the father’s disdainful way of looking at the child’s body—at a lame, scrawny (“chétif”) son or an obese daughter. Through the traumatic experience of this specific affect, subjects are required to embrace their image under someone else’s gaze—an image that is not what they want, but that will nonetheless determine who they are. Tremblay’s work presents fathers whose gaze and voice define real and imaginary boundaries that constrain subjects both in their bodies and in space. Using a psychoanalytical view of identification, this article analyzes a specific poetic articulation of shame, the father figure and the body set out in the work of Lise Tremblay, one that enables us to read the murder of the father in La danse juive as the extension of a parricidal fantasy already expressed in La pêche blanche.
ES:
En la obra de Lise Tremblay abundan personajes, narradoras y narradores cuya vida diaria está configurada con la experiencia de la vergüenza. Lo que tienen de particular La pêche blanche y La danse juive es que sitúan en la infancia el origen de la vergüenza, siempre engendrada por una mirada de desprecio del padre fijada en el cuerpo del niño – hijo «enclenque», rengo; hija que padece obesidad. En la experiencia traumática de esta afectividad particular, el sujeto está llamado a asumir su imagen bajo la mirada ajena: una imagen que no corresponde a su deseo, pero que sí lo determina, pese a todo. La obra de Tremblay presenta a unos padres cuya mirada y voz establecieron las fronteras reales e imaginarias que obligan a los sujetos, tanto en su cuerpo como en el espacio. Este artículo aborda, desde una perspectiva psicoanalítica de la identificación, la articulación poética particular entre la vergüenza, la figura paterna y el cuerpo que se exhibe en la obra de Lise Tremblay, y que permite descifrar el asesinato del padre, perpetrado en La danse juive, como prolongación de una fantasía parricida ya relatada en La pêche blanche.
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LES TERRITOIRES DE LA RUMEUR DANS L’OEUVRE DE LISE TREMBLAY : une approche des régions comme réseaux langagiers
Daniel Laforest
pp. 95–107
AbstractFR:
Cet article propose une lecture des livres de Lise Tremblay La héronnière, La soeur de Judith et L’Habitude des bêtes basée sur la façon originale — à notre avis sans équivalent — dont ils mettent en forme l’habitabilité des lieux exurbains de la province. Ces derniers apparaissent comme des communautés opaques et rébarbatives dont la part représentable tient à des réseaux langagiers issus de modes d’échange en principe étranger à la langue littéraire : la méfiance, la médisance, la rumeur. La tâche de l’auteure, qui s’avoue elle-même extérieure à ces réseaux, relève alors bien plus du rapiéçage que de la représentation ou du témoignage. À l’arrivée, la géographie imaginaire que cela dessine nous aide à penser plus avant le rapport de l’écrivain.e du Québec à son territoire, particulièrement en regard des notions d’authenticité et d’enracinement dont on dira que le lien aux espaces régionaux contemporains pourrait souffrir davantage de controverse.
EN:
This article suggests a reading of Lise Tremblay’s works La héronnière, La soeur de Judith and L’Habitude des bêtes based on the original—and in our view unparalleled—way in which they give form to the liveability of the province’s exurban areas. These are depicted as opaque and forbidding communities, some part of which can be represented through language-related networks arising from exchange modes that are unrelated, as a general rule, to literary language: mistrust, malicious gossip, and rumour. In this context, the author—who acknowledges that she is located outside the networks—is more involved in piecing things together than in providing representation or bearing witness. The imaginary geography she depicts is an opportunity to think through the relation between Québec writers and their territory, especially in terms of concepts of authenticity and rootedness of which it may be said that the connection with contemporary regional spaces might suffer from greater controversy.
ES:
Este artículo propone una lectura de las obras de Lise Tremblay La héronnière (El nido de garzas), La soeur de Judith (La hermana de Judith) y L’Habitude des bêtes (La costumbre de las bestias), basada en la manera original –en nuestra opinión sin equivalente– en que dan forma a la habitabilidad de los lugares suburbanos de la provincia. Estos últimos aparecen como comunidades opacas y poco atractivas cuya parte representable se debe a unas redes lingüísticas provenientes de formas de intercambio en principio ajenas a la lengua literaria: la sospecha, la maledicencia, el rumor. La labor de la autora, que confiesa ser ajena a dichas redes, depende entonces mucho más del remiendo que de la representación o el testimonio. A la llegada, la geografía imaginaria que ello dibuja nos ayuda a pensar, más adelante, en la relación de la escritora de Quebec con su territorio, particularmente en lo que respecta a nociones de autenticidad y arraigo, y se dirá que el vínculo con los espacios regionales contemporáneos podría padecer más bien de controversia.
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BIBLIOGRAPHIE DE LISE TREMBLAY
Étude
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ENJEUX ÉTHIQUES D’UN RÔLE NON PARLANT : le cas du Personnage secondaire de Carl Leblanc
Éric Chevrette
pp. 119–130
AbstractFR:
Publié en 2006, Le personnage secondaire de Carl Leblanc raconte les démarches et les réflexions entourant son documentaire de 2004, L’otage. Ces deux oeuvres cherchent à faire entendre la voix de James Richard Cross, ce diplomate britannique enlevé par le FLQ en octobre 1970 et séquestré pendant cinquante-neuf jours. En racontant cette histoire deux fois plutôt qu’une, et en abordant par son livre la genèse du film, Leblanc se positionne par rapport à l’histoire communément acceptée et à son contexte de production. Le travail de Leblanc, et en particulier son récit de 2006, soulève ainsi un certain nombre de questions d’ordre éthique, esthétique et historiographique que cet article vise à mettre en valeur et en contexte.
EN:
Published in 2006, Le personnage secondaire by Carl Leblanc relates the actions and thoughts surrounding L’otage, the documentary he made in 2004. The two works are intended to give a voice to James Richard Cross, the British diplomat who was kidnapped by the FLQ in October 1970 and held captive for fifty-nine days. In telling his story twice, and in using the book to explain the genesis of the film, Leblanc is taking a position on the story as it is usually told and on the context in which the film was made. Leblanc’s work, and especially his 2006 book, raises a number of ethical, aesthetic and historiographical issues that this article attempts to highlight and put in perspective.
ES:
Publicado en 2006, Le personnage secondaire, de Carl Leblanc, narra los trámites y reflexiones que rodean su documental rodado en 2004, L’otage (El rehén). En estas dos obras, se procura darle voz a James Richard Cross, aquel diplomático británico que fue raptado por el FLQ (Frente de Liberación de Quebec), en octubre de 1970, y secuestrado durante cincuenta y nueve días. Al referir esta historia varias veces y abordar por medio de su libro la génesis de la película, Leblanc toma posición en lo que atañe a la historia comúnmente aceptada y a su contexto de producción. El trabajo de Leblanc, y en particular su relato de 2006, plantea así cierto número de preguntas de orden ético, estético e historiográfico que dicho artículo apunta a valorizar y situar en su contexto.