Recherches sémiotiques
Semiotic Inquiry
Volume 30, Number 1-2-3, 2010 L’éthique du care The Ethics of Care
Table of contents (16 articles)
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Présentation : le cinéma comme leçon de vie. L’éthique du care des deux côtés de l’écran / Presentation: Movies as a Life Lesson. The Ethics of Care, Both Sides of the Screen
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Empathy, Film, and the Brain
Torben Grodal and Mette Kramer
pp. 19–35
AbstractEN:
This article discusses the role of empathy based on evolutionary, human developmental, and neuropsychological theories in combination with film theory and analysis in order to explain the film viewer’s emotional reactions primarily to painful fictive scenarios.
FR:
Prenant pour base les théories évolutionnistes, développementales et neuropsychologiques, alliées à la théorie et à l’analyse filmiques, cet article examine le rôle joué par l’empathie dans les réactions émotionnelles que provoquent, chez le spectateur, le visionnement de films de fiction à « forte charge émotive ».
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Rêves de nains. Le corps, le care et les cadres de l’expérience cinématographique
Jean-Marc Leveratto
pp. 37–48
AbstractFR:
En s’appuyant sur les notions d’engagement et de cadres de l’expérience théorisées par Erving Goffman, l’article observe la manière dont certains films de fictions mobilisent notre sensibilité à la souffrance d’autrui et nous offrent l’occasion, par le biais du comique de situation, de nous solidariser avec des individus stigmatisés. Á travers la présence directe (l’acteur nain de Living in Oblivion, 1995) ou indirecte (le comédien professionnel incarnant le héros paraplégique de Nationale 7 [2000]) du corps stigmatisé, ils nous mettent en situation de sympathiser, par l’intermédiaire de la personne de l’acteur, avec les difficultés rencontrées par les personnes handicapées ou minorées. Á l’opposé d’une vision courante de l’expérience cinématographique, l’engagement corporel du spectateur confère ainsi à la situation de visionnement une efficacité émotionnelle et une valeur éthique équivalentes à celles d’une interaction de face-à-face.
EN:
Using the notions of “involvement” and of “frame analysis” as developed by Erving Goffman, this article explores the way certain films mobilize one’s sensitivity to the suffering of stigmatized people offering us an opportunity to care for these persons whose existence is presented on screens. Through the means of the direct presence of the stigmatized body (Living in Oblivion, 1995) or through its embodiment by a comedian (Nationale 7 [2000]), these films lead us to sympathize with the difficulties disabled people or minorities meet in their everyday life. Contrary to current academic wisdom regarding the film experience, this paper argues that corporeal involvement of the spectator may assign this experience an emotional efficacy and an ethical meaning that rivals that of face-to-face encounter.
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One of Us? From Bad Taste to Empathy. Otherness in Contemporary Hollywood Movies
Adrienne Boutang
pp. 49–58
AbstractEN:
This article aims to examine the way contemporary Hollywood cinema deals with the topic and the visual representation of disability. Its goal is to highlight the way social recognition of vulnerability and the requisite sensitivity involved in dealing with vulnerable bodies, have influenced recent “gross-out” comedies. In a way that is very different from the famous drama Freaks, recent comedies take into account the fine line between normality and difference, and use disability as a comic trick to question the viewer’s automatic responses to physical difference. Thus, what at first appears to be bad taste, both on an aesthetic and on an ethical level, turns out to be a clever attempt to get past the boundaries between normality and disability, and present vulnerability as a universal condition. The use of gross-out humor, and of vulgar body genres, therefore works as a trigger, calculated to disrupt boundaries and challenge classical representations of physical otherness.
FR:
Cet article se propose d’examiner la manière dont le cinéma américain contemporain représente le handicap. Il vise à mettre en lumière la manière dont la prise en compte, par la société, de la vulnérabilité physique, et de la nécessité de traiter certains corps avec délicatesse, a joué un rôle dans l’élaboration de comédies sorties récemment. D’une manière très différente du célèbre Freaks, des films comiques récents prennent en compte la porosité entre normalité et différence, et utilisent le handicap comme un procédé comique, afin de mettre en cause les réactions automatiques du spectateur face à l’altérité physique. Ainsi ce qu’on pourrait considérer d’abord comme du mauvais goût, à la fois sur les plans esthétique et éthique, s’avère être en réalité un outil ingénieux permettant de dépasser la répartition entre normalité et handicap, et de représenter la vulnérabilité comme un état partagé par tous. Le recours à l’humour au dessous de la ceinture vise alors à perturber les oppositions, et à dépasser les représentations classiques de l’altérité physique.
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“Based on the True Story of”: Political Filmmaking and Analogical Thinking
Janet Staiger
pp. 59–69
AbstractEN:
“Based on the True Story of” considers how reception studies contributes to determining what constitutes effective political filmmaking and the lessons these films offer to encourage political allegiances. Prior work has indicated that filmmakers need to provide narrative frames to insure their preferred views are accessible to audiences, that excessive emotional appeals can backfire, that conspiracy narratives are more accepted if the narratives argue for complicated webs of power structure, and that markers of authorial subjectivity provide space for spectators to negotiate the material. Here analogical thinking – finding resemblances of one or more features between events in the text and the historical past – is studied for docudramas. Using the reception of Good Night, and Good Luck (2005), the essay argues two further hypotheses that also involve analogical thinking : (1) reviewers expect audiences to seek lessons and explicitly engage with a film's assumed message about contemporary politics, and (2) reviewers often reposition the lessons into other generic narrative formula which have heroes and villains.
FR:
“Based on the True Story of” analyse la façon dont les études de réception contribuent à déterminer en quoi consistent le cinéma politique et les leçons qu’il donne dans le but d’assurer l’adhésion des spectateurs. Des travaux antérieurs ont montré que les cinéastes s’assurent volontiers, au moyen de cadres narratifs, de la lisiblité de leur point de vue auprès du public, tout en évitant de trop jouer la carte de l’émotion, par crainte de provoquer l’inverse de l’effet recherché. On sait également que les marques d’énonciation subjective sont appréciées en tant qu’elles donnent un peu de jeu aux pièces de ce puzzle démonstratif qu’est le film politique. L’article, après ce rappel, se concentre sur les traces écrites de la réception du docufiction Good Night, and Good Luck (2005), qui se divisent en deux types : (1) les critiques attendent du public qu’il retienne la leçon du film et la transpose, par le biais de la pensée analogique, à la vie politique actuelle; (2) les critiques déplacent les leçons à tirer du côté narratologique, comme s’il s’agissait d’abord de l’affrontement entre les bons et les méchants.
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De l’autre côté du havre : malaise moral et films de migrants
Solange Chavel
pp. 71–83
AbstractFR:
La question de la migration, légale ou illégale, travaille la conscience politique de l’Europe contemporaine. Nous peinons à réconcilier des intuitions morales qui nous poussent à l’hospitalité et des motivations politiques qui tendent au contrôle. Plusieurs créations récentes du cinéma européen contemporain sont le reflet de ce malaise. Pour mettre à l’épreuve l’idée du cinéma comme « leçon de vie », nous proposons ainsi de comparer Le Havre (2011) de Aki Kaurismäki et De l’autre côté (2007) de Fatih Akin. Ces deux films nous semblent en effet représentatifs de deux usages moraux du cinéma fort différents, selon que le point de vue présenté est celui du citoyen ou celui du migrant. Alors que Le Havre se débat avec les figures en miroir de la forteresse assiégée et de la terre d’accueil supposée de la « misère du monde », Fatih Akin déplace radicalement les catégories.
EN:
Migration, whether legal or illegal, is a burning political issue for contemporary Europe. It raises a conflict between moral intuitions, bent towards hospitality, and political motivations, often concerned with control. Several recent works of contemporary European cinema reflect this uneasiness. In order to study the idea that cinema can provide “life lessons”, this paper compares Aki Kaurismäki’s Le Havre (2011) and Fatih Akin’s Auf der anderen Seite (The Edge of Heaven, 2007). These two films are indeed paradigmatic of two very different uses of cinema, whether the point of view taken is the citizen’s, or the migrant’s. Whereas Le Havre deals with the conflicted images of the assaulted fortress and the hospitable haven for those in need, Fatih Akin reframes radically the terms of the problem.
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Avoir une voix dans sa propre histoire. Féminité, care et sexualité dans Irina Palm de Sam Garbasky
Pascale Molinier
pp. 85–99
AbstractFR:
Cet article se penche sur le film de Sam Garbarski, Irina Palm (2007). Un petit garçon, Ollie, est gravement malade et le coût du traitement dépasse les moyens financiers de sa famille. Pour amasser la somme, Maggie, sa grand-mère, se fait embaucher dans un sex-shop où, cachée derrière un mur, elle masturbe à la chaîne des clients. Satisfaite, la clientèle se multiplie et les hommes sont bientôt légion à fréquenter son isoloir et à fantasmer être livrés aux mains expertes d’une créature merveilleuse nommée Irina Palm. L’expérience de Maggie, qui pourrait être vécue comme une décrépitude morale, devient au contraire une occasion de perfectionnement. En s’occupant des autres et de son travail, elle devient à nouveau désirable et libre pour la première fois de sa vie. L’actrice Marianne Faithfull, qui l’incarne, sert au public féminin une leçon de vieillissement. Ce film traite du travail du care, du travail domestique et travail sexuel dans un continuum, dans la lignée du mythique Jeanne Dielman (1975) de la réalisatrice belge Chantal Akerman.
EN:
This article explores Sam Garbarski’s 2007 film Irina Palm. Suffering from a mortal disease, Ollie’s only chance at survival is a very expensive treatment that his family cannot afford. In order to save her grandson’s life, Maggie gets a job in a sex shop where, hidden behind a wall, she masturbates customers. Pretty soon, clients stand in line fantasizing about Irina Palm, a mysterious woman and her soft hands. Though this experience could be lived as one of moral decay, it becomes, on the contrary, an opportunity for moral perfectionism. By taking care of both others and her work, Maggie regains sex appeal and frees herself for the first time in her life. As an actress, Marianne Faithfull, also gives women a lesson on ageing. This movie handles the work of the care, as well as domestic and sexual work in a continuum, in the lineage of another film, the mythical Jeanne Dielman (1975), from the Belgian director Chantal Akerman.
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Choisir sa vie. L’usage cognitif de Some Came Running, film et roman
Laurent Jullier
pp. 101–116
AbstractFR:
Some Came Running, réalisé par Vincente Minnelli pour la MGM en 1958, met en scène les hésitations d’un quadragénaire entre la vie esthétique et la vie éthique au sens de Kierkegaard, la deuxième étant liée à la prise en compte de l’importance du care. Le film donne à réfléchir sans imposer de solution idéale – ses auteurs s’y contentent de montrer l’exemple, en s’attachant à leurs personnages et en leur donnant leur chance. En revanche, l’auteur du roman original n’a pas du tout cette attitude à leur égard. Seul le film pourrait faire jeu égal avec les romans d’incitation au care comme voie en direction de la vie bonne qu’analyse Martha Nussbaum dans La connaissance de l’amour.
EN:
Some Came Running, directed by Vincente Minnelli for MGM in 1958, examines the unsureness of a gambler in his fourties. Must he choose, in Kierkegaard’s terms, the aesthetic life or the ethical life, the latter being linked to the ethics of care? The story itself does not require a fixed answer, but the filmmakers set an example. They really care for the characters. Whereas the author of the original novel from which the film is adapted seems to dispise them. Consequently, only the film could figure among the care-inspired novels that Martha Nussbaum analyzes in her Love’s Knowledge, when she explains how literature can help readers find their way toward the good life.
Articles hors-dossier / Individual Articles
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Art, Money, and the Gift: J.S.G. Boggs’ (Im)possible Currency
Hildegard Hoeller
pp. 119–136
AbstractEN:
This essay examines money artist J.S.G.Boggs’ work in light of gift theories by Lewis Hyde and Jacques Derrida. Reconnecting the spheres of the gift and the market, Boggs’ art explodes Hyde’s binaries and creates a solution for the dilemma of the artist in a market-driven society. Boggs’ “money” transactions also show that his money art can make possible the (im)possible gift, in Derrida’s terms, through the trappings of market-exchange. Finally, Boggs’ art, through imitation and difference, exposes the absurdities of money exchange.
FR:
À la lueur des théories du don de Lewis Hyde et de Jacques Derrida, cet article s’intéresse à l’art numismatique de l'artiste J.S.G. Boggs. En faisant se rejoindre les sphères du don et du marché, l’art de Boggs fait éclater le binarisme de Hyde et offre une solution au dilemne de l’artiste dans une société axée sur le marché. Les transactions « monétaires » de Boggs démontrent également que ses « billets d’art » rendent possible l’(im)possible don, selon l’expression de Derrida, à travers les pièges du marché de l’échange. Finalement, le travail artistique de Boggs, par le biais de l’imitation et de la différence met en lumière les absurdités de ce marché.
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D’une étonnante dextérité dans l’art de l’enquête
Bertrand Gervais
pp. 137–146
AbstractFR:
Quelle est la particularité de ces enquêteurs qui envahissent l’écran de télévision aux heures de grande écoute? Ils multiplient les raisonnements à l’emporte-pièce, armés de dispositifs techniques ultrasophistiqués qui leur servent d’arguments d’autorité. Je me propose dans ce bref article d’examiner les fondements sémiotiques des raisonnements de ces enquêteurs. En me servant d’un cas d’espèce, en l’occurrence le travail de Dexter Morgan, dans la série américaine Dexter, j’examinerai les stratégies mises de l’avant dans ces enquêtes policières à caractère scientifique. Elles sont fondées sur ce que C. S. Peirce a nommé l’abduction. Comme l’avaient bien compris Edgar Allan Poe et Conan Doyle, en créant Auguste Dupin et Sherlock Holmes, l’abduction en acte permet le spectacle d’un esprit qui, lorsqu’en pleine possession de ses moyens, est capable d’inférer rapidement et efficacement les bonnes hypothèses, celles permettant d’attraper le coupable. Ces raisonnements sont évidemment truqués; mais, comme pour tout tour de magie, l’art de feindre a non seulement ses vertus esthétiques, mais surtout ses propres leçons à donner sur les modalités de perception et d’interprétation du monde.
EN:
What is so special about the investigators that invade primetime television? They multiply sweeping judgments, armed with state-of-the art technological gadgets which are used to assert the authority of their arguments. I propose in this short essay to examine the semiotic foundations of these investigators’ reasonings. Through the character of Dexter Morgan, from the TV series Dexter, I examine the strategies put forward in police investigations of a scientific nature. They are based on what C.S. Peirce called “abduction”. As was understood by Edgar Allan Poe and by Conan Doyle, who created Auguste Dupin and Sherlock Holmes respectively, abduction allows for the spectacle of a mind that, when in full possession of its faculties, is capable of guessing swiftly and efficiently the right assumptions, those allowing the detective to catch the culprit. In TV fictions, these arguments are obviously faked; but, like any magic, the art of pretending not only has its own aesthetic qualities, it also offers us a lesson concerning the modalities of perception and the interpretation of the world.
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Wittgenstein, philosophe des romanciers
Audrey Lemieux
pp. 147–164
AbstractFR:
Dans le domaine culturel, peu de philosophes ont eu droit à une aussi grande popularité que Ludwig Wittgenstein. Ses travaux en philosophie du langage n’ont pas manqué d’inspirer artistes visuels, poètes et musiciens; sa figure, quant à elle, n’a cessé de fasciner cinéastes, romanciers et biographes. Rien qu’en littérature, on compte à présent plus d’une quinzaine d’oeuvres romanesques dans lesquelles le philosophe est mis en scène : c’est dire à quel point sa vie et son oeuvre offrent matière à fiction. Dans le présent article, l’auteure entend analyser trois de ces ouvrages : La maîtresse de Wittgenstein de David Markson (1989), Le désarroi de l’élève Wittgenstein d’Antoine Billot (2003) et Une enquête philosophique de Philip Kerr (1992).
EN:
In the cultural sphere, few philosophers have been as popular as Ludwig Wittgenstein. His works in the philosophy of language have inspired visual artists, poets and musicians; his life has fascinated filmmakers, novelists, and biographers alike. In literature alone there are over fifteen novels in which he appears. This show how much his life and work offer materials ripe for fiction. In this essay, the author intends to analyze three of these works: La maîtresse de Wittgenstein by David Markson (1989), Le désarroi de l'élève Wittgenstein by Antoine Billot (2003) and, Une enquête philosophique by Philip Kerr (1992).
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Architecture et continuité : Loos, Wittgenstein, Peirce
Céline Poisson
pp. 165–178
AbstractFR:
En me référant aux philosophes Charles S. Peirce et Ludwig Wittgenstein et à l’architecte Adolf Loos, je me propose de questionner le processus de création en architecture et en design dans l’esprit d’un souci de conservation et de continuité entre conception, fabrication et usage. La vue d’ensemble nécessaire à l’architecte, au designer ou à l’artisan d’expérience n’est nullement une pure construction de l’esprit. Il s’agit bien plutôt d’une pure présence de l’esprit à la réalité. Trouver la juste proposition architecturale pourrait, à bien des égards, ressembler à trouver le mot juste : une série d’essais, d’erreurs, d’idées et de propositions comparées entre elles. Un travail de la pensée qui rappelle le travail de l’artisan.
EN:
Refering to the philosophers Charles S. Peirce and Ludwig Wittgenstein, and the architect Adolf Loos, I intend to question the creative process in architecture and design in the spirit of a concern over conservation and continuity regarding design, manufacturing, and usage. The creative overview adopted by architect, designer or artisan, is not at all what one might call a pure view of the mind. It is rather a pure presence of the mind to reality. Finding the right architectural form could, in many respects, be like finding the right word : a series of trials, errors, ideas and of suggestions compared among themselves. A work of thought which recalls the one made by the craftsman.
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Le botaniste et la guérisseuse : figures de l’imaginaire végétal dans La Quarantaine de Le Clézio
Rachel Bouvet
pp. 179–188
AbstractFR:
À travers le « Journal du botaniste » inséré dans La Quarantaine, Le Clézio révèle un pan de l’imaginaire scientifique propre aux découvertes : c’est en effet la figure de l’explorateur qui se dessine à travers ce personnage pétri de connaissances sur les plantes exotiques, parcourant l’île dans ses moindres recoins, collectant à la manière des anciens herboristes divers spécimens. En plus de dresser par ce biais une description riche et variée de la végétation de l’île Plate, le récit rappelle l’importance des voyages à la fois dans l’histoire de la circulation des plantes et dans la constitution de l’imaginaire scientifique lui-même. Pourtant, ce n’est pas John Metcalfe, le botaniste, mais bien Ananta, la guérisseuse et servante des bûchers d’origine indienne, qui détient le savoir nécessaire au traitement des malades atteints de la variole, un savoir populaire qu’elle transmet à sa fille, Surya. En plus de posséder des vertus salvatrices, le végétal se trouve à la base de l’alimentation des coolies, qui cultivent de petits jardins, alors que les Blancs ne comptent que sur la nourriture apportée par les bateaux. Le Clézio rappelle dans ce roman les liens étroits entre le végétal et l’humain, des liens qui semblent s’être distendus en raison de la spécialisation des savoirs, alors que dans l’imaginaire les plantes restent intimement liées à la vie humaine: « Ce sont les plantes qui sauvent les hommes » (268).
EN:
Through the “Journal du botaniste” inserted in La quarantaine (1995), Le Clézio reveals a side of the scientific imagination specific to discoveries : it is the figure of the explorer which emerges through an erudite character who knows all about exotic plants, knows all the nooks and crannies of his island, and collects various specimens in a fashion that mimics the ancient herbalists’ ways. In addition to drawing up a rich and varied description of the vegetation of “l’île Plate”, the narrative reminds us of the importance of travels for both the history of the circulation of plants and the emergence of the scientific imagination. Yet it is not John Metcalfe, the botanist, but Ananta, the Indian healer and servant of pyres, who possesses the required knowledge of plants to treat patients suffering from smallpox. Hers is a popular form of knowledge that she also conveys to her daughter, Surya. In addition to their life-saving virtues, plants are the staple diet of the coolies, who cultivate small gardens, while the white men rely only on food brought by boats. Le Clézio stresses in this novel the close bonds that exist between plants and humans, bonds that appear to have been strained due to the white man’s specialization of knowledge, while in the imaginary, plants stay closely connected to human life : “It is the plants that save men” (268).
Comptes-rendus / Reviews
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PAUL FORSTER, Peirce and the Threat of Nominalism. Cambridge : Cambridge University Press, 2011. 259 pp.
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HENRY JENKINS, SAM FORD, JOSHUA GREEN. Spreadable Media. Creating Value and Meaning in a Networked Culture. New York : New York University Press (Postmillennial Pop Series), 2013. 352 pp.
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GASPAROV, BORIS. Beyond Pure Reason. Ferdinand de Saussure’s Philosophy of Language and Its Early Romantic Antecedents. New York : Columbia University Press, 2013. 248 pp.