Abstracts
Résumé
Le mouvement du commerce équitable promeut un nouveau modèle de commerce international qui reçoit un accueil grandissant. Bien que la certification par un organisme tiers soit maintenant en place, on remarque une asymétrie des conditions imposées aux organisations du Sud comparativement à celles du Nord, notamment quant au mode de gouvernance. Equal Exchange, une coopérative de travailleurs aux États-Unis, pourrait devenir un modèle pour les OCE en Amérique du Nord. En effet, ses structures et pratiques reflètent l’ensemble des principes du commerce équitable, y compris ceux imposés au Sud. On découvre une parente de la coopérative de solidarité québécoise, mais à saveur internationale.
Abstract
The Fair Trade movement has developed a new international trade model that has been discussed with growing optimism by grass-roots organizations, governments, NGOs and international organizations alike. Although a certification system has been developed to ensure respect of Fair Trade values, asymmetries exist between requirements made of southern and northern Fair Trade organizations. Equal Exchange, a Fair Trade pioneer in the United States, is a worker-owner cooperative which has decided to take this matter into its own hands and adopt governance practices that reflect Fair Trade principles. In doing so, Equal Exchange could be leading the way to a new form of cooperative that puts international solidarity at the center of its organizational structure.
Article body
Un nouveau modèle de commerce international socialement responsable attire l’attention et suscite des discussions optimistes au sein d’organisations communautaires, d’organisations non gouvernementales (ONG), de gouvernements et même d’organisations internationales. Comme alternative au modèle commercial dominant, le commerce équitable met le bien-être des producteurs du Sud, plutôt que les profits des intermédiaires, au centre des transactions commerciales internationales. Bien qu’il soit mieux connu en Europe où les ventes des produits du commerce équitable atteignent jusqu’à 5 % du marché (Suisse), et leur reconnaissance jusqu’à 90 % de la population, comme en Hollande (TransFair USA, 2001), le mouvement perce graduellement les marchés nord-américains. Dans l’industrie du café équitable, on remarque une croissance des ventes de 115 % de 1999 à 2000, et cette croissance semble vouloir persister (Giovannucci, 2001). Au niveau politique, certains gouvernements montrent aussi des signes encourageants : par exemple, le parlement européen, plusieurs gouvernements municipaux de la Californie (Bay Area, Berkeley et San Francisco) ainsi que le parlement du Québec servent du café équitable dans les cafétérias des représentants politiques. D’autres organisations comme la Banque Mondiale, la North American Commission for Environmental Cooperation, la Specialty Coffee Association of America, la Summit Foundation et le Nature Conservancy ont aussi manifesté un intérêt pour ce mouvement alternatif. En 2001, elles ont publié une étude conjointe sur le café équitable et durable intitulée Sustainable Coffee Survey of the North American Specialty Coffee Industry. Cependant, malgré cet engouement envers le commerce équitable et l’importance du café dans le commerce international – le café étant le second plus grand marché mondial de biens de base, après le pétrole – , le modèle du commerce équitable est encore un modèle émergent, bien qu’il ait commencé à s’institutionnaliser à travers la certification.
Les agences de certification ont établi que les petits producteurs du Sud doivent constituer des groupements à gouvernance démocratique, généralement des coopératives, pour être reconnus comme acteurs du commerce équitable ; cependant une telle exigence n’est pas imposée aux organisations de commerce équitable (OCE) du Nord. Devant une telle asymétrie, nous avons étudié une OCE américaine, Equal Exchange, qui s’est organisée en coopérative de travailleurs de façon volontaire[1]. À partir de ce cas exceptionnel d’utilisation de la formule coopérative au Nord au sein du commerce équitable, nous cherchons à comprendre les caractéristiques d’OCE délibérément constituées démocratiquement. Nous pensons que certains de ces traits distinctifs pourraient, en s’intégrant dans les normes de certification, devenir une valeur ajoutée pour un mouvement qui place le bien-être humain avant le profit pour les peuples du Sud et du Nord. Nous présenterons d’abord une vue d’ensemble de la certification et des principes du commerce équitable. Nous décrirons ensuite les acteurs principaux, au Nord et au Sud, au sein du commerce équitable. Puis, avec un cadre analytique adapté à l’étude de coopératives, nous ferons ressortir les structures d’association et d’entreprise et les dimensions institutionnelle et organisationnelle d’Equal Exchange. En conclusion, nous reviendrons sur les traits uniques que cette coopérative a développés et présenterons la figure de la coopérative de solidarité qui, à notre avis, la représente le mieux. Cette nouvelle forme pour une coopérative engagée dans le mouvement international du commerce équitable est, selon nous, particulièrement pertinente pour le réseau de parties prenantes ou d’intéressés (stakeholders) qu’Equal Exchange a pu construire.
Certification et principes du commerce équitable
Une des préoccupations majeures du mouvement du commerce équitable apparues au début des années 1990 était l’absence de certification par un tiers. À cette époque, les consommateurs de produits équitables et ceux qui voulaient le devenir demandaient une garantie. Ils voulaient être certains que l’argent dépensé pour l’achat de produits équitables allait vraiment aux bonnes personnes, c’est-à-dire aux petits producteurs du Sud. En l’absence d’une forme de régulation normative pour assurer la légitimité de tous les produits du commerce équitable, la confiance des consommateurs envers le mouvement était ébranlée. Par conséquent, pour répondre à cette préoccupation grandissante, deux types d’organisations indépendantes de certification du commerce équitable ont été créées, à différents endroits dans le monde. Premièrement, dans les pays correspondants aux marchés du café du commerce équitable (habituellement des marchés au Nord), 17 initiatives de certification nationale sont apparues, incluant, en Amérique du Nord, Transfair USA (1998) et Transfair Canada (1998). Le mandat de ces agences était de créer un sceau du commerce équitable, reconnaissable nationalement, et de certifier les OCE qui vendaient du café et qui suivaient les principes du commerce équitable. Elles devaient aussi éduquer les consommateurs au commerce équitable de sorte que le sceau signifie quelque chose dans le marché. Deuxièmement, au niveau international, une organisation parapluie, Fairtrade Labeling Organization International (FLO-I), a été créée en 1997 pour coordonner et superviser le travail des agences de certification nationales ainsi que pour enregistrer et encadrer les producteurs du Sud. Ce faisant, FLO-I avait à s’assurer que les producteurs respectent les conditions imposées par le modèle du commerce équitable.
Par conséquent, les consommateurs des marchés du Nord ont maintenant un moyen de savoir qu’un produit du commerce équitable identifié par un logo national de certification a vraiment rencontré un certain nombre de critères qui assurent le traitement « équitable » des producteurs du Sud. De plus, les OCE du Nord qui importent des produits du commerce équitable sont dorénavant capables de choisir parmi les producteurs certifiés du répertoire de FLO-I, ce qui simplifie grandement leur travail. L’introduction de la certification par un tiers témoigne du processus graduel de normalisation et d’institutionnalisation du mouvement du commerce équitable. Les principes du commerce équitable sont apparus vers la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). À cette époque, le commerce de différents types de marchandises était utilisé par les organisations religieuses pour aider les populations d’Europe de l’Est aux prises avec la pauvreté. Aujourd’hui, il est principalement utilisé par les citoyens du Nord pour aider les pauvres des pays en développement à trouver des canaux d’exportation directs pour leurs produits locaux (Littrel et Dickson, 1999).
Il existe un grand nombre de produits échangés selon le modèle du commerce équitable. On distingue, cependant, deux grands groupes de produits équitables : les produits artisanaux (objets décoratifs, vêtements, bijoux, petits meubles, etc.) et les produits alimentaires de consommation courante, tels le sucre, les bananes, le cacao et le café. Ces deux catégories de produits appartiennent à des marchés fort différents, mais suivent les mêmes principes de base du commerce équitable, par exemple offrir un revenu plus élevé aux acteurs du Sud et réduire le nombre d’intermédiaires commerciaux. Pour le café équitable en particulier, nous avons recensé, en consultant les sites des certificateurs Fair Trade, TransFair USA et TransFair Canada, sept grands principes, soit :
Prix équitables : Les producteurs doivent recevoir un prix « équitable » pour la vente de leurs produits, c’est-à-dire un prix qui permet aux producteurs et artisans du Sud de recevoir un revenu vital minimum. Les organisations de commerce équitable du Nord (OCE) doivent donc offrir un revenu de subsistance (living wage) qui permette aux artisans ou aux petits producteurs de satisfaire leurs besoins de base ainsi que ceux de leurs familles, tels les besoins d’alimentation, de logement, d’éducation et de santé.
Gouvernance démocratique : Les producteurs du Sud doivent s’associer démocratiquement, généralement en coopératives de producteurs, pour avoir le contrôle de la gestion de leurs avoirs et du développement durable de leurs entreprises. Les OCE du Nord développent des partenariats avec ces groupements du Sud, démocratiquement gérés, ayant un impact positif sur la vie des producteurs, des travailleurs et de leurs communautés. À travers leur regroupement, les petits producteurs sont capables d’avoir accès au crédit, de réduire le coût des ressources premières et de demander un prix plus élevé et plus juste pour leurs produits.
Commerce direct : Les OCE du Nord doivent acheter directement des groupements de petits producteurs du Sud, généralement des coopératives. Les OCE du Nord et les coopératives de producteurs du Sud sont des partenaires commerciaux égaux. Conséquemment, ils doivent partager l’information liée à leur activité commerciale librement et s’aider l’un l’autre à atteindre leurs objectifs respectifs.
Éducation des consommateurs : Les OCE du Nord doivent communiquer aux consommateurs l’importance d’acheter des produits équitables. Le mouvement du commerce équitable tente d’éduquer les consommateurs sur les coûts humains rattachés aux produits provenant des échanges commerciaux traditionnels. En offrant de l’information sur l’histoire, la culture et les conditions de vie des petits producteurs et artisans du Sud, les OCE contribuent à une plus grande compréhension interculturelle. Les OCE éduquent aussi les consommateurs et les instances publiques sur les iniquités qui existent au sein du système d’échange commercial mondial.
Protection de l’environnement : Les OCE du Nord doivent encourager les producteurs du Sud à adopter des pratiques qui sont bonnes pour l’environnement ; ces pratiques doivent permettre un développement qui soit durable. Plusieurs OCE travaillent directement avec les producteurs du Sud pour concevoir des produits qui utilisent les ressources naturelles d’une façon durable. Ceci encourage les communautés à protéger l’environnement naturel au bénéfice des générations futures.
Soutiens financier et technique : Les petits producteurs vivant dans des pays en voie de développement n’ont pas accès à des sources de crédit abordables. Les OCE qui achètent les produits directement des coopératives de producteurs doivent offrir uneassistance financière (octroi de prêts, prépaiement[2], accompagnement vers d’autres sources de financement). Les OCE doivent aussi offrir du soutien technique, de l’information sur le marché, de la rétroaction sur le produit et de la formation en gestion financière. Contrairement aux importateurs commerciaux traditionnels, les OCE sont encouragées à développer des relations à long terme avec leurs producteurs-fournisseurs et à les aider à adapter leur production aux tendances du marché.
Transparence : Les états financiers, les pratiques de gestion et les pratiques d’affaires des OCE du Nord doivent être transparents et accessibles au public.
Ces principes de base couvrent plusieurs dimensions de l’échange commercial sous le modèle équitable. Cependant, ce qui est préoccupant, c’est l’asymétrie qui existe entre les demandes faites aux organisations du Sud et celles faites aux organisations du Nord. En effet, ces principes incluent des aspects institutionnels et organisationnels précis pour les producteurs de café, qui ont une obligation de gestion démocratique, mais ne mentionnent pas de structure idéale ou de mode de gouvernance type pour les OCE du Nord. Le mouvement du commerce équitable garantit que les profits des coopératives de producteurs sont répartis de façon équitable et que les décisions organisationnelles sont prises avec l’apport de tous leurs membres de manière démocratique. Du côté des OCE du Nord, cependant, aucun principe du commerce équitable ne suggère que l’équité et la démocratie soient aussi respectées, même si elles font partie intégrante des valeurs du mouvement.
La place des acteurs du mouvement du commerce équitable du café
Avant d’explorer plus longuement cette asymétrie, nous allons définir tous les acteurs du commerce équitable du café ainsi que leur place au sein de l’échange commercial équitable. Pour ce faire, nous les avons situés en fonction de deux axes, soit l’axe Nord / Sud et l’axe marché / société civile (voir figure 1). Le premier axe (Nord / Sud) est de nature géographique et vient directement du désir du mouvement de créer des échanges commerciaux plus justes et équitables entre les pays « développés » et ceux en « voie de développement ». Le deuxième axe (marché / société civile) fait référence aux deux pôles potentiellement opposés entre les idéaux capitalistes (le marché) et la participation des citoyens au sein de leur société (la société civile). Nous avons aussi souligné des facettes déterminantes de leurs interactions à l’aide de symboles (certification et contrat de partenariat) et de minces flèches qui représentent les rapports qui existent entre ces différents acteurs.
Notons, tout d’abord, qu’on trouve en amont la raison d’être du mouvement : les petits producteurs de café. Ces acteurs sont toujours situés dans le Sud et sont près de la société civile, car ils sont organisés à l’intérieur de petites structures autogérées souvent grâce à un cadre familial. Ces derniers intègrent leurs activités dans le marché grâce à la création de groupements, généralement des coopératives de producteurs, qui se fait souvent à l’aide d’ONG ou d’autres organismes de soutien. Tel qu’illustré par le rectangle opaque, les coopératives de producteurs doivent être certifiées par le Fairtrade Labelling Organisation International pour devenir des producteurs de café équitable officiels. Ces coopératives du Sud doivent aussi signer au moins une entente de partenariat (voir l’étoile dans la figure 1) avec une OCE du Nord pour finaliser la démarche d’affaires et commencer le processus de vente des produits sous le sceau « équitable ».
Les organisations de commerce équitable (OCE) sont pour l’instant situées dans des pays du Nord et sont des acteurs proches du marché. Dans l’industrie du café, les OCE représentent habituellement une combinaison de quatre fonctions de base : importateur, torréfacteur, vendeur en gros et vendeur au détail. Leur mission est cependant unique : aider les producteurs du Sud en leur permettant de pénétrer de nouveaux marchés, en achetant leurs produits à un prix « juste » ainsi qu’en faisant des affaires directement avec les groupements de petits producteurs. Elles jouent un rôle crucial au sein du mouvement, car elles sont historiquement, en amont, les initiatrices de projets de partenariat avec les producteurs du Sud. De plus, en aval, elles sont responsables de « trouver » ou même parfois de créer le marché de consommation du café équitable. Comme nous allons le voir avec Equal Exchange, ce double rôle amène souvent les OCE, d’une part, à entretenir un rapport extrêmement étroit avec leurs fournisseurs et, d’autre part, à entreprendre des campagnes de promotion sur le commerce équitable pour sensibiliser les consommateurs potentiels du Nord aux défis du mouvement du commerce équitable.
Les OCE peuvent s’organiser suivant un modèle d’entreprise tout à fait capitaliste même si cela n’est pas toujours le cas. Equal Exchange, par exemple, est une coopérative de travailleurs, mais fait figure d’exception plutôt que de règle. Les OCE, similairement aux coopératives de producteurs, doivent aller chercher une certification (mais qui n’impose pas un mode de gouvernance collective) avant que leur produit ne soit officiellement reconnu comme équitable. Cette certification, permettant aux OCE qui se qualifient de recevoir le sceau équitable, se fait par une agence nationale, soit, pour les États-Unis, l’organisme TransFair USA situé en Californie, et pour le Canada, TransFair Canada, fondé en 1996 et situé à Ottawa. Outre les OCE, il existe des acteurs situés près du marché qui ne font pas partie du mouvement du commerce équitable en temps que tel, mais qui y contribuent : les grandes entreprises de café de type traditionnel. Ces dernières offrent du café équitable à l’intérieur de leur gamme de cafés, un peu comme s’il s’agissait d’une saveur de café. Ces acteurs n’ont pas comme mission la cause du commerce équitable, mais ont pris malgré tout une place considérable dans l’industrie du café équitable durant les dernières années. Selon une étude de la Fair Trade Federation (2002), 88 % du marché du café équitable (56,9 millions $ US) est occupé par ces joueurs au Canada et aux États-Unis. En aval, il existe aussi des organisations de soutien qui sont, comme les producteurs mais au Nord, près de la société civile. Elles cherchent principalement à sensibiliser la population plus aisée des pays développés aux enjeux du commerce équitable sans, toutefois, vendre de produits équitables. Elles satisfont, souvent, un des principes du commerce équitable qui est « l’éducation des consommateurs ». On trouve dans cette catégorie les organisations comme Équiterre, au Québec, et Global Exchange, en Californie. Finalement, on trouve, entre la société civile et le marché du côté du Nord, les consommateurs de café équitable. Ces acteurs participent aux activités économiques du marché en achetant un produit qui a une valeur monétaire mais, de plus, ils « votent avec leur argent » en choisissant un produit qui a une valeur sociale explicite. Parmi cette catégorie de consommateurs, on trouve des personnes qui militent pour la cause du commerce équitable et qui entretiennent des contacts directs avec les coopératives de producteurs. D’autres, cependant, s’en tiennent à l’acte d’achat. Leur premier contact avec ce commerce alternatif peut provenir des OCE, des producteurs ou encore des organismes de pression. Notons que la place des consommateurs pourrait changer et se déplacer vers le centre, car on remarque le début de ventes de café équitable dans des marchés du Sud, telle la ville de Mexico.
L’étoile dans la figure 1 démontre ce que nous avons nommé « la convention commerce équitable », car elle représente l’engagement entre les producteurs et les OCE sans quoi le modèle ne pourrait exister. La « garantie » équitable (ou certification) est, quant à elle, représentée par les deux rectangles intégrés aux OCE et coopératives de producteurs. En effet, ces deux entités doivent passer au travers de ce processus de certification avant de pouvoir identifier leur produit comme provenant du réseau du commerce équitable. C’est le moyen par excellence utilisé par le mouvement pour garantir l’authenticité des produits équitables par le mouvement. Formellement, les producteurs de café sont donc plus proches de la société civile que les OCE du Nord. Ceci est dû principalement au fait que les producteurs doivent s’organiser collectivement en coopérative ou autre forme de société de personnes pour faire partie du mouvement tandis que les OCE du Nord, elles, n’ont pas cette obligation. Cependant, outre cette absence d’exigence pour les OCE du Nord, certaines parmi celles-ci ont choisi de devenir des organisations à but non lucratif (OBNL) ou encore des coopératives, comme c’est le cas pour Equal Exchange.
Cadre analytique
Pour mieux comprendre le sens du modèle coopératif chez les OCE du Nord, nous avons élaboré un cadre analytique combinant deux approches (voir figure 2). La première est la socioéconomie des organisations coopératives (Vienney, 1980, 1994) selon laquelle il existe deux rôles pour les coopératives : un rôle d’agent de transformation des acteurs (catégories délaissées par le marché) par leur émancipation (empowerment) à travers l’accès collectif au pouvoir de l’entrepreneur (l’agent qui a le contrôle de la combinaison productive qu’est l’entreprise) ; un rôle d’agent d’adaptation par l’insertion des activités dans le marché. La deuxième est l’approche du Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats (CRISES), tenant compte des acteurs et des dimensions institutionnelle et organisationnelle et conduisant à une méthodologie adaptée pour les études de cas d’organismes d’économie sociale (Comeau, 1996, 2000). Enfin, il existe une correspondance entre ces deux dimensions et les deux composantes de la structure d’une coopérative : la structure d’association et la structure d’entreprise (Malo, 2001).
Dans l’ensemble de la littérature sur le commerce équitable (voir, par exemple, Malservisi et Faubert-Mailloux, 2000 ; Brown et Adam, 1999 ; Dicum et Luttinger, 1999), il est évident que l’imposition du modèle coopératif aux producteurs de café est liée à l’objectif initial du mouvement, soit aider les petits agriculteurs à devenir plus autonomes en les libérant de leur dépendance face aux intermédiaires commerciaux qui, plus souvent qu’autrement, exploitent leur manque de marge de manoeuvre économique. Ce faisant, le modèle coopératif aide au développement durable de ces communautés rurales en leur donnant un plus grand pouvoir de négociation. Conséquemment, on peut affirmer que les coopératives sont des outils d’émancipation (empowerment) pour leurs membres, les petits producteurs de café, en leur donnant de nouveaux pouvoirs comme le droit de vote et un revenu juste, car il est proportionnel à leur production. De plus, ces coopératives de producteurs de café ont comme valeur ajoutée de pouvoir investir une partie des surplus (excédents des revenus sur les dépenses) directement dans leurs communautés souvent fort pauvres et, ainsi, contribuer à la création d’écoles, de cliniques médicales, d’institutions financières et d’infrastructures de toutes sortes. Le modèle coopératif permet aux petits producteurs de se regrouper et d’accéder à un plus grand pouvoir social et politique au sein d’un environnement qui, trop souvent, néglige de protéger les petits. D’un point de vue commercial, une « masse critique » de la sorte est essentielle. Elle permet aux producteurs d’obtenir assez de volume pour échanger directement avec des importateurs situés dans des marchés de consommation du Nord. En ce sens, les coopératives de producteurs aident les agriculteurs de café autrefois marginalisés à intégrer leur activité dans le marché international des échanges.
On retrouve ce type de réflexion dans des recherches sur les petits producteurs de café équitable (Albert, 1998 ; Waridel, 1997 ; Berman et Rozyne, 1997). Cependant, nous n’avons pas lu d’études qui traitaient de la pertinence du modèle coopératif pour les organisations du commerce équitable situées dans des pays développés du Nord, ni trouvé de textes traitant de l’asymétrie qui existe entre les exigences faites aux organismes du Sud et celles faites aux organismes du Nord. C’est pourquoi nous avons analysé de plus près la coopérative Equal Exchange, un des plus vieux et des plus importants importateurs et distributeurs des États-Unis, en vue de déceler les dimensions d’un modèle coopératif pour les OCE du Nord[3].
Equal Exchange : une coopérative de commerce équitable en Amérique du Nord
Equal Exchange est tout d’abord la vision de trois hommes : Rink Dickinson, Jonathan Rosenthal et Michael Rozyne. Ces derniers se sont rencontrés lorsqu’ils travaillaient dans un magasin coopératif de produits biologiques à Boston. Lorsqu’ils ont fondé Equal Exchange en 1986, ils voulaient principalement aider les travailleurs agricoles de pays en voie de développement qui vivaient sous des systèmes politiques instables. Le choix du produit était, pour ces fondateurs, secondaire. Ils choisirent finalement d’importer du café et, plus particulièrement, du café provenant du Nicaragua. À cette époque, le Nicaragua était aux prises avec une guerre civile dévastatrice. De plus, l’Administration Reagan avait décidé d’imposer un embargo sur les produits provenant de ce pays, ce qui causait encore plus de pauvreté chez les agriculteurs du Nicaragua qui avaient de la difficulté à trouver des marchés d’exportation. Le gouvernement américain se disait alors provoqué par l’aide du gouvernement marxiste du Nicaragua, la guérilla sandiniste, les rebelles de gauche du El Salvador. Pour Equal Exchange, ce type de mesures n’était pas justifié et nuisait indûment à la situation économique des petits producteurs du Nicaragua. C’est donc en guise de contestation politique qu’Equal Exchange importa du café du Nicaragua. Pour ce faire, la coopérative Equal Exchange dut importer son café d’un tiers pays et prouver que son produit y avait été substantiellement modifié, car c’était, à l’époque, le seul moyen possible pour importer des produits provenant du Nicaragua, à cause de l’embargo. Equal Exchange a donc décidé d’acheter son café d’une organisation de commerce équitable (OCE) hollandaise, la Stichting Ideele Import (SII). Durant les années 1980, le concept de commerce équitable était beaucoup plus développé en Europe qu’aux États-Unis. À travers ce partenariat avec SII, Equal Exchange a pu approfondir sa compréhension de ce nouveau modèle de commerce international et importer ses principes dans son pays.
Avec les années, Equal Exchange importa dans un même esprit de contestation politique du café provenant d’El Salvador (un café substitut de la marque Folger – boycottée à l’époque et qui est toujours la cible de militants) ainsi que le « Café Libre » du Zimbabwe et de la Tanzanie, contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Depuis 15 ans, Equal Exchange a connu une croissance rapide et a réalisé des excédents dès sa troisième année d’existence. De 1999 à 2000, ses ventes ont augmenté de 14 %, totalisant 7,18 millions $ US. La coopérative emploie 39 personnes, dont 25 sont membres-propriétaires. Equal Exchange achète son café de 17 coopératives de café situées dans 10 pays d’Amérique latine et d’Afrique. Bien qu’aujourd’hui, Equal Exchange se présente comme une compagnie de café – et vend surtout ce produit –, sa mission est orientée vers son objectif initial, soit la promotion des valeurs soutenues par le commerce équitable et non un produit particulier :
Bâtir avec nos fournisseurs des relations à long terme qui soient économiquement justes et qui respectent l’environnement ; développer des relations commerciales qui soient bénéfiques pour les agriculteurs et les consommateurs ; et, montrer, à travers notre propre succès, la viabilité des coopératives de travailleurs et du commerce équitable[4].
Le commerce équitable (et non le café) est donc la compétence de base d’Equal Exchange. Après cette brève présentation de l’émergence, de l’évolution et de la mission qui se poursuit, nous allons expliquer à quoi ressemble Equal Exchange aujourd’hui, du point de vue organisationnel d’abord et de celui institutionnel ensuite.
Equal Exchange : la dimension organisationnelle
Au plan organisationnel, Equal Exchange a une direction générale, assumée par deux codirecteurs exécutifs et des responsables de départements reflétant les différentes fonctions dans l’entreprise (finance, achats, opérations, marketing et ventes). Equal Exchange importe et vend en gros le café qui porte son nom tandis que la torréfaction et la vente au détail se font à l’extérieur de l’entreprise.
Même si une coopérative de travail met habituellement beaucoup l’accent sur la satisfaction de son personnel, il faut d’abord noter qu’Equal Exchange n’a pas de département de ressources humaines. La coopérative a créé, au lieu, des comités ad hoc lorsqu’il fallut procéder à des embauches. On verra que la coopérative a aussi un comité du conseil d’administration pour l’élaboration des politiques de ressources humaines. Deuxièmement, la coopérative a une personne responsable de la coordination des investissements (Investment Coordinator), chargée d’entretenir les relations avec les investisseurs et d’accroître leur nombre. Pour avoir plus de fonds, la coopérative offre en effet un type de parts nommé « Class B Preferred Stock », pouvant être vendues à tout organisme ou individu (incluant les membres-propriétaires d’Equal Exchange) qui désire en faire l’achat au prix qui a été déterminé par le conseil d’administration. La part de classe B était évaluée à 27,50 $ US en 2000. Ces « actions » ne sont pas publiques, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas cotées en bourse ; elles ne peuvent être achetées qu’à Equal Exchange. L’intérêt attendu sur ce capital (et pour l’instant attribué) est de 5 % par année, mais ce pourcentage peut varier dépendamment des excédents de l’entreprise. On compte, au 31 décembre 2000, 254 investisseurs possédant ce type de parts chez Equal Exchange.
Equal Exchange a aussi une responsable de la coordination des relations avec les producteurs (Producers Relations Coordinator). Elle entretient les relations entre la coopérative et ses différents fournisseurs, soit les coopératives du Sud. Ce poste à temps plein a été créé en juin 1998 avec l’embauche de la première coordonnatrice : Rosario Castallon Garcia. L’expérience de cette dernière, notamment en tant que directrice de la coopérative de producteurs PRODECOOP du Nicaragua ainsi que comme consultante pour Max Havelaar des Pays-Bas, lui a valu le poste convoité par bon nombre de candidats provenant de divers pays. Le rôle principal de cette coordonnatrice est d’aider au développement des coopératives de producteurs du Sud. Même si FLO-I est l’agent extérieur reconnu pour donner la certification « équitable » à ces coopératives, l’apport de cet organisme international est parfois limité. Equal Exchange considère donc essentielle cette fonction de coordination des relations avec les producteurs, car elle assure un lien étroit entre l’entreprise et les coopératives de producteurs du Sud. De plus, un tel poste permet à Equal Exchange de mieux répondre aux problèmes particuliers de ses fournisseurs. Cette fonction d’aide auprès des acteurs au coeur de la mission d’Equal Exchange est remplie par le biais d’appels téléphoniques fréquents et de visites – environ six par année – chez les fournisseurs d’Equal Exchange par la coordonnatrice qui est, le plus souvent, accompagnée d’autres membres du personnel de la coopérative.
Quatrièmement, en aval, il faut noter le programme Interfaith d’Equal Exchange créé en 1997. Ce programme cible les consommateurs de produits équitables et, plus particulièrement, les communautés religieuses. L’objectif d’Interfaith est, tout d’abord, de sensibiliser ce groupe de consommateurs aux injustices qui existent dans l’industrie du café et de leur donner des outils pédagogiques pour pouvoir organiser des ateliers d’éducation au sein des paroisses. Ensuite, après tous ces efforts, Equal Exchange espère pouvoir augmenter ses ventes auprès de communautés religieuses. Ce projet a pris forme grâce à un partenariat entre la coopérative Equal Exchange et l’Église luthérienne. L’enthousiasme de cette communauté envers la cause du café équitable a porté fruit, car cette église a, en trois ans, fait participer au programme plus de 2 000 de ses paroisses ou communautés sur un total de 2 600 (dont 600 non luthériennes). Les données de l’an 2000 démontrent que ce programme innovateur a beaucoup de succès. Après quatre années d’existence, les entités religieuses achètent pour 41 tonnes de café et de thé équitables par année. Ces chiffres représentent une croissance remarquable de 39 % par rapport à l’année précédente et 10 % des ventes totales d’Equal Exchange. Présentement trois membres du personnel d’Equal Exchange travaillent uniquement sur ce programme, dont le directeur de ce département. Un des avantages que recèle ce segment du marché pour Equal Exchange est que, d’un côté, ces groupes religieux sont souvent déjà sensibles et même actifs dans la lutte contre la pauvreté et le développement international, et que, de l’autre côté, le café est un accompagnateur typique des réunions entres membres de ces communautés.
Equal Exchange : la dimension institutionnelle
Du côté institutionnel, Equal Exchange respecte la structure d’association d’une coopérative de travail classique. Ses membres sont issus de son personnel, la coopérative tient au moins une assemblée générale des membres annuellement et le conseil d’administration (C.A.) est composé de membres élus par et parmi ses membres. Mais il y a une particularité. En effet, quoique les membres du C.A. soient en majorité des travailleurs ou travailleuses de la coopérative, le conseil comporte trois personnes de l’extérieur. Pour les choisir, la coopérative a créé un comité de trois personnes, soit le président du conseil d’administration, un directeur et le représentant des travailleurs-propriétaires. Le comité se réunit et cible des personnes ayant des expertises particulières dont pourrait bénéficier la coopérative. Il présente ensuite les candidats à l’assemblée générale des membres qui doit élire les membres du C.A. Aujourd’hui, ces trois administrateurs « externes » sont un des fondateurs d’Equal Exchange, une femme d’affaires et un investisseur. Même si la coopérative fait ainsi participer ses investisseurs à sa gouvernance, précisons que ces détenteurs de parts de classe B n’ont pas le droit de vote. Dans une coopérative, la règle veut qu’une personne égale un vote.
En 2000, le C.A. d’Equal Exchange était composé de 9 membres dont 7 hommes et 2 femmes. Le conseil se réunit quatre fois par année. Pour augmenter la participation des personnes élues au C.A., la coopérative a créé trois comités : le comité de gouvernance, le comité d’éducation et le comité des ressources humaines. La présidence du conseil n’est plus occupée par un des trois fondateurs d’Equal Exchange seulement depuis 1998, année où Clark Arrington, alors coordonnateur des investissements, a été élu à ce poste. Pour plusieurs membres de la coopérative, cette élection symbolisa un point tournant pour Equal Exchange, soit le début d’une coopérative de travailleurs à part entière. L’incontournable interface entre les dimensions institutionnelle (structure d’association) et organisationnelle (structure d’entreprise) de la coopérative a poussé Equal Exchange à créer un comité de gestion qui sert principalement de « pont » entre les diverses personnes impliquées dans la gouvernance et les opérations. Son mandat est en effet d’améliorer la communication entre les différentes composantes d’Equal Exchange et, ce faisant, d’améliorer le fonctionnement général. Ce comité, créé en 1998 par le conseil d’administration, se réunit chaque deux semaines pour parler de sujets qui touchent l’ensemble (l’interdépendance), pour ce qui est tant de la formation des stratégies que de leur mise en oeuvre. On trouve dans ce comité de gestion : le représentant des salariés-membres, le président du C.A., les deux directeurs généraux et les responsables de département, sauf la coordonnatrice des relations avec les fournisseurs. L’exclusion de cet acteur important au sein de la coopérative, expliquée par une moindre disponibilité due à son travail à l’extérieur, nous amène à une autre observation : contrairement aux investisseurs qui sont pour l’instant inclus dans la gouvernance d’Equal Exchange par leur intégration au sein du conseil d’administration, les fournisseurs – les producteurs de café – ne sont pas inclus dans la dimension institutionnelle de la coopérative. Cette absence est aussi vraie pour les communautés religieuses qui forment une clientèle importante. Quoique ce soit normal pour une coopérative de travailleurs et travailleuses, ce manque de participation à la gouvernance, d’acteurs pourtant fort impliqués au plan organisationnel, pourrait changer dans le futur grâce aux sièges « externes » au conseil d’administration.
En terminant, soulignons une dernière facette intéressante d’Equal Exchange : le modèle innovateur de partage des avantages financiers de l’activité (voir tableau 2), marquant l’engagement de la coopérative envers ses différentes parties prenantes (stakeholders). Premièrement, il faut rappeler que le niveau d’excédents dépend notamment du prix payé aux fournisseurs, les coopératives de producteurs de café du Sud, et des salaires versés au personnel de la coopérative. En 2000, une somme de 435 000 $ US est allée aux producteurs de café et représentent une prime : 0,05 $ US par livre de plus que le prix du marché et, quand le prix du marché du café est particulièrement bas, un prix plancher de 1,26 $ US par livre est payé pour le café vert arabica. De plus, des salaires ont été versés et l’écart entre le plus haut et le plus bas est particulièrement faible à Equal Exchange comme dans bon nombre de coopératives de travail et pas seulement parce qu’elles sont généralement petites. Deuxièmement, comme Equal Exchange est une coopérative de travail, les travailleurs et travailleuses membres de la coopérative ont droit, en plus de leurs salaires, à des ristournes en fonction de leur activité, leur travail, dans la coopérative. Cependant, comme Equal Exchange a des investisseurs, elle rémunère d’abord l’investissement de ces derniers, à un taux raisonnable, non spéculatif, s’agissant d’investissement responsable. Troisièmement, tout en économisant sur l’impôt à payer, la coopérative s’engage socialement dans son milieu en versant une partie de ses excédents à des organismes ayant des valeurs similaires à Equal Exchange, comme Red Tomato qui loue une partie des locaux d’Equal Exchange et qui oeuvre dans le commerce équitable de produits alimentaires locaux. Enfin, en payant l’impôt, elle participe à la redistribution au niveau sociétal.
Conclusion
Equal Exchange est une coopérative de travailleurs et travailleuses qui a la caractéristique principale de mettre les besoins de ses fournisseurs – les producteurs de café – au coeur de sa mission d’entreprise. Quoique ses structures d’association et d’entreprise soient dans l’ensemble assez typiques d’une coopérative de travail classique, elles ont tout de même des particularités. Equal Exchange est exceptionnellement ouverte à une participation, formelle ou informelle, de toutes ses parties prenantes (stakeholders) : son personnel, ses investisseurs, sa clientèle et ses fournisseurs. Du côté institutionnel, le pouvoir décisionnel est détenu par les salariés-propriétaires, mais la coopérative fait une place, au sein de son conseil d’administration, à des compétences externes dont celles d’investisseurs. Au niveau organisationnel, on remarque une coproduction du service particulièrement avec la clientèle institutionnelle, à travers le programme Interfaith dédié aux églises et aux communautés religieuses adhérant à la cause du commerce équitable. Enfin, on note une interaction suivie avec les groupements de petits producteurs de café du Sud, à travers la fonction de coordination avec les producteurs.
Les résultats de notre étude nous amènent à voir qu’il existe un rôle pour le modèle coopératif au sein des organisations de commerce équitable du Nord, permettant de faire vivre non seulement la démocratie des travailleurs, mais aussi la solidarité en incluant dans les processus des producteurs situés dans des pays en voie de développement, mais aussi des investisseurs et des consommateurs socialement responsables. Nous avons souligné que l’organisation d’OCE du Nord en coopérative de travail, comme Equal Exchange, est cohérente avec les valeurs de solidarité et d’équité du mouvement du commerce équitable. Il existe, de plus, des moyens pour intégrer les différentes parties prenantes (stakeholders) dans les processus formels de prise de décision, bien que le cadre légal puisse être limitant. Un tel désir d’inclusion requiert donc une certaine transformation du modèle coopératif. Or, au Québec, la nouvelle forme de coopérative appelée coopérative de solidarité incorpore différents types de membres : des travailleurs, des usagers et des membres de la communauté (site Internet du CCQ). Quoiqu’elle soit encore à ses débuts en terme d’implantation, la coopérative de solidarité pourrait être un modèle particulièrement bien adapté aux besoins des OCE du Nord. Le développement d’un nouveau modèle coopératif répondant aux besoins d’organisations de solidarité internationale, telles que les organisations de commerce équitable, pourrait, selon nous, protéger l’identité de ce mouvement devant l’entrée de joueurs opportunistes qui voudraient capitaliser sur la popularité grandissante des produits provenant du commerce équitable sans intégrer la solidarité et la démocratie. La certification de produits équitables représente certainement un grand pas en avant pour le mouvement, mais les mesures de protection doivent-elles s’arrêter là ? Le modèle coopératif pratiqué par Equal Echange, tout comme la forme coopérative de solidarité, pourrait aussi aider l’ensemble des acteurs du commerce équitable à vivre de façon concrète les valeurs d’équité, de justice et de démocratie, et ce, au Nord comme au Sud.
Appendices
Notes
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[1]
Cette recherche a été réalisée et diffusée grâce à l’appui financier du fonds Formation de chercheurs et aide à la recherche (FCAR) du gouvernement du Québec, de l’antenne des Hautes Études Commerciales (HEC) du CRISES (Centre de recherche sur les innovations sociales dans l’économie sociale, les entreprises et les syndicats), du Centre d’étude et d’activités internationales (CÉTAI) et de la Direction de la recherche des HEC-Montréal.
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[2]
Plusieurs OCE paient les producteurs en avance pour que ces derniers puissent avoir assez de fonds pour couvrir leurs frais de subsistance durant la période de production ainsi que les coûts de leurs intrants.
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[3]
Outre la collecte de données secondaires, nous avons visité la coopérative durant trois jours en mai 2001. Pendant ce séjour, nous avons fait plusieurs entrevues avec le représentant des travailleurs-propriétaires, Rodney North. Nous avons aussi rencontré, de manière informelle, plusieurs membres de la coopérative. Après notre séjour, nous avons eu plusieurs communications par téléphone et courriel.
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[4]
Traduction libre de : « To build long-term trade partnerships that are economically just and environmentally sound, to foster mutually beneficial relations between farmers and consumers and to demonstrate through our success the viability of worker-owned cooperatives and fair trade. »
Bibliographie
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