
Number 75, 2021
Table of contents (12 articles)
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Présentation
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La Société des Dix, sa genèse et les débats sur l’histoire
Andrée Fortin
pp. 1–30
AbstractFR:
Pour comprendre la naissance et le devenir de la Société des Dix et des Cahiers des Dix, cet article pose trois questions. Premièrement, qui sont les membres de la Société et comment se sont-ils connus ? Deuxièmement, quels sont le contexte et l’objectif de la fondation de ces Cahiers en 1936 ? Enfin, quelle conception de l’histoire véhicule la revue et à quoi renvoient les termes de « grande » et de « petite » auxquels les fondateurs se réfèrent ? Dans les décennies 1940 et 1950, une nouvelle génération d’historiens entre en scène et qualifie ses prédécesseurs d’amateurs, voire « d’antiquaires ». Faut-il y voir une querelle des Anciens et des Modernes, un nouveau rapport à l’Université ou les prémisses d’une sensibilité proche de celle de l’École des Annales ? L’analyse révèle que la Société de Dix a été active dans la disciplinarisation de l’histoire au Québec par la fondation de sa revue, ses liens avec le milieu universitaire et sa participation aux débats sur l’histoire et les historiens.
EN:
To understand the birth and evolution of the Société des Dix and the Cahiers des Dix, this article asks three questions. First, who were the members of the Society and how did they get to know each other ? Second, what was the context and purpose of the founding of these Cahiers in 1936 ? Finally, what was the conception of history conveyed in the journal and what did the terms ‘‘large’’ and ‘‘small’’ mean to the founders ? In the 1940s and 1950s, a new generation of historians came on the scene and referred to their predecessors as amateurs, or even ‘‘antique dealers.’’ Should we see in this a quarrel between the Ancients and the Moderns, a new relationship with the University or the premises of a sensitivity close to that of the École des Annales ? The analysis reveals that the Société des Dix has been active in the disciplinarization of history in Quebec through the founding of its journal, its links with academia and its participation in debates on history and historians.
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Les Cahiers des Dix : à la recherche d’une vérité historique à transmettre
Jocelyne Mathieu
pp. 31–60
AbstractFR:
Le premier numéro des Cahiers des Dix paraît en octobre 1936. Comme il est reçu avec enthousiasme et qu’il se vend très rapidement, la Société des Dix répète l’événement chaque année, offrant au lectorat intéressé par l’histoire un numéro original et des textes variés. À partir d’une revue de presse qui couvre de la naissance des Cahiers jusqu’à 1960, soit les 25 premiers numéros, cet article propose de jeter un regard sur le travail des membres de la Société, sur la réception des Cahiers annuels et sur les commentaires publiés à chacune de leur parution. Comment se présentaient les Dix et que faisaient-ils valoir de leurs Cahiers ? À leurs voix s’ajoutent celles de fidèles collaborateurs qui les soutiennent, les défendent, les louangent, dont quelques femmes qui prennent la parole avec force.
EN:
The first edition of the Cahiers des Dix came out in October 1936. Because its reception was so enthusiastic and it sold out very quickly, the “Société des Dix” repeated the publication each year, offering readers interested in history an original edition and a variety of texts. Based on a press review covering the beginning of the Cahiers up until 1960, which is to say the first 25 editions, this article looks at the work of the members of the “Société,” the reception of the annual Cahiers and the commentaries published with each issue. How did the “Dix” present themselves and what claims did they make about their Cahiers ? Their voices are joined by those of loyal collaborators who supported, defended and praised them, including several women who spoke up forcefully.
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La Société des Dix : crise, renouvellement et continuité
Fernand Harvey
pp. 61–85
AbstractFR:
Peu étudiée jusqu’à présent, l’histoire de la Société des Dix des années 1965 à 2000 mérite une analyse qui permet de suivre les défis auxquels doit faire face une association volontaire ou une petite académie élective afin d’assurer son renouvellement. Au cours de cette période, la Société des Dix est confrontée au vieillissement de ses membres et à la disparition progressive de la génération des fondateurs de 1935. Par ailleurs, le mode de gestion centralisé dans les mains du secrétaire perpétuel, mis en opposition avec une plus grande répartition des responsabilités, suscite un grave conflit interne, finalement résolu en 1970. Cependant, à plus long terme, la Société devait trouver un éditeur susceptible d’assurer la pérennité des Cahiers des Dix, sa principale vitrine publique. Cette question sera finalement résolue en 1989 et permettra aux nouvelles générations de sociétaires de poursuivre l’oeuvre des fondateurs.
EN:
Little studied until now, the history of the Société des Dix from 1965 to 2000 requires an analysis that demonstrates the challenges faced by a voluntary association or small elective academy to ensure its survival. During this period, the Société des Dix was faced with the aging and gradual disappearance of the 1935 founding generation. In addition, the centralized mode of management in the hands of the perpetual secretary, set against a greater distribution of responsibilities, gave rise to a serious internal conflict, finally resolved in 1970. However, the Société had to solve a more important long-term problem: finding a publisher who could ensure the durability of the Cahiers des Dix, its main public showcase. This issue was finally resolved in 1989, allowing new generations of members to continue the work of the founders.
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Théâtre, socialité et gastronomie. Les Dîners en musique de Victor Morin
Lucie Robert
pp. 87–119
AbstractFR:
Le 3 février 1930, au Château Ramezay, Victor Morin, président de la Société d’archéologie et de numismatique, reçoit certains notables de la ville de Montréal à un dîner en musique, grand repas conçu comme un livret d’opérette, afin de lever des fonds pour l’entretien du Château Ramezay. Entre 1930 et 1952, il offrira neuf de ces dîners réunissant entre 200 et 2 000 convives, membres de diverses sociétés ou délégués à de grands congrès. Le présent article suit l’évolution de la socialité montréalaise que révèlent ces événements qui proposent une forme singulière de « théâtre de société ».
EN:
On February 3, 1930, at the Château Ramezay, Victor Morin, president of the Archaeological and Numismatic Society, welcomed several dignitaries of the city of Montreal at a dinner in music, a large meal conceived as a operetta libretto, in order to raise funds for the maintenance of Château Ramezay. Between 1930 and 1952, he offered nine of these dinners bringing together between 200 and 2 000 guests, members of various societies or delegates to major congresses. This article follows the evolution of Montreal sociality as shown by these events, which reveal a unique form of ‘‘associative theatre’’.
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Ateliers à louer, le « phalanstère » d’Alfred Laliberté
Laurier Lacroix
pp. 121–148
AbstractFR:
En juin 1917, le sculpteur Alfred Laliberté (1878-1953) se porte acquéreur d’une maison de trois étages au 67, rue Sainte-Famille, à Montréal. Son achat combine quatre objectifs : se loger de manière permanente, disposer d’un atelier où il puisse concevoir les monuments commémoratifs dont il se fait une spécialité, toucher un revenu régulier par la location d’espaces et accueillir d’autres artistes dans des ateliers spécialement aménagés. Il s’agit d’une solution idéale permettant à un créateur entreprenant de répondre à des problèmes propres au milieu artistique. En plus d’ériger un vaste atelier sur le terrain vacant derrière la maison, Laliberté aménage quatre ateliers qui peuvent loger autant d’artistes. Entre 1919 et 1939, la maison accueille pas moins de quinze artistes qui y louent un atelier pour une période variant entre deux et quinze ans. On y retrouve des personnalités telles Suzor-Coté, Maurice Cullen, Robert Pilot et Edwin Holgate. Les problèmes financiers résultant de la Crise économique et de la guerre forcent l’artiste à convertir ces ateliers en chambres à louer et seul le couple formé par Jean Palardy et Jori Smith l’habite après 1940.
EN:
In June 1917, sculptor Alfred Laliberté (1878-1953) bought a three-storey house at 67, Sainte-Famille Street (Montreal). His purchase pursued four objectives : to have a dwelling place and a workshop where he could design memorial monuments, a field in which he specialized, to touch a regular income through the rental of spaces and to welcome other artists in studios specially arranged for them. It was an ideal solution that allowed an enterprising artist room in which to address problems specific to his community. In addition to building a large studio on the vacant lot behind the house, Laliberté established four studios that could accommodate as many artists. Between 1919 and 1939, the house was home to no less than 15 artists who stayed there for periods varying from two to 15 years. These artists included personalities such as Suzor-Coté, Maurice Cullen, Robert Pilot and Edwin Holgate. Financial problems following the Depression and the war forced the artist to convert these workshops into rooms for rent and only the couple formed by Jean Palardy and Jori Smith lived there after 1940.
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La stratification sociale de la société québécoise, revisitée et mise à jour, 1971-2016
Simon Langlois
pp. 149–200
AbstractFR:
Cette contribution examine la mutation qui a profondément transformé la structure sociale de la société québécoise depuis la Révolution tranquille. Elle propose un nouveau schéma des classes sociales construit dans une perspective néo-durkheimienne et propose un ensemble de micro classes afin de livrer une analyse fine de la stratification sociale, qui couvre la période 1971-2016. D’anciennes classes sociales ont vu leur poids relatif diminuer, notamment en milieu ouvrier ainsi que chez les employés, et de nouvelles classes ont émergé. Le sommet de la hiérarchie sociale s’est élargi et diversifié. Les femmes ont accentué leur présence dans les douze grandes classes distinguées, bien que d’importantes différences subsistent à un niveau moins agrégé spécifié par les micro classes. Une grande convergence des positions sociales est observée entre les régions métropolitaines de Montréal et de Québec et l’opposition ville-campagne d’autrefois s’est largement transformée. Les diverses régions comptent en 2016 bon nombre d’occupations typiques de la modernité avancée qui requièrent un certain capital culturel et elles se caractérisent toujours par un grand nombre d’occupations liées à l’exploitation des ressources naturelles et à l’agriculture.
EN:
This contribution examines the changes that have profoundly transformed the social structure of Québec society since the Quiet Revolution. It proposes a new outline of social classes constructed in a neo-Durkheimian perspective and proposes a set of micro classes in order to furnish a detailed analysis of social stratification which covers the period 1971-2016. Old social classes have seen their relative weight decrease, especially among the working class as well as among employees, and new classes have emerged. The top of the social hierarchy has become wider and more divesified. Women have increased their presence in the 12 social classes, although important differences remain at a less aggregated level specified by the micro classes. A great convergence of social positions is observed between the metropolitan regions of Montreal and Quebec City, and the former city-countryside opposition has largely changed. The various regions have in 2016 many occupations typical of advanced modernity which require a certain cultural capital and they are still characterized by a large number of occupations linked to the exploitation of natural resources and to agriculture.
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Pour en finir avec 1848 ! (2e partie) : les deux facettes du gouvernement responsable aux parlements de Kingston et de Montréal
Christian Blais
pp. 201–256
AbstractFR:
Dans un système politique de type Westminster, la convention du gouvernement responsable fait en sorte que les conseillers exécutifs doivent être membres du Parlement et que, pour gouverner, ces ministres doivent jouir de la confiance de la majorité des députés. Selon cette définition, il apparaît qu’au Parlement de la province du Canada, le principe de la responsabilité ministérielle se met en place dès 1841, et non pas en 1848 comme le véhicule l’historiographie dominante. Les réformistes Louis-Hippolyte LaFontaine et Robert Baldwin ont à ce point incarné cette convention constitutionnelle qu’un mythe s’est créé autour de leurs actions politiques libérales. Or, cette politique partisane a porté ombrage au gouvernement conservateur qui, de 1844 à 1848, a également administré la colonie en suivant les principes de la Constitution de 1840.
EN:
In a Westminster-style political system, the convention of responsible government means that executive advisers must be members of Parliament and that, in order to govern, these ministers must enjoy the confidence of the majority of MPs. According to this definition, it appears that in the Parliament of the Province of Canada, the principle of ministerial responsibility was established as early as 1841, and not in 1848 as the dominant historiographical trend would have it. Reformers Louis-Hippolyte LaFontaine and Robert Baldwin embodied this constitutional convention to such an extent that a myth was created around their liberal political actions. However, these partisan politics overshadowed the Conservative government which, from 1844 to 1848, also administered the colony according to the principles of the 1840 Constitution.
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Fluidité des frontières ethniques en Nouvelle-France : descendance de Nicolas Pelletier et Jeanne Voisy
Denys Delâge and Claude Hubert
pp. 257–309
AbstractFR:
La généalogie d’une famille souche, Pelletier-Voisy, débarquée à Québec en 1636, illustre, pour ses huit enfants et leur proche descendance, la dynamique d’interaction entre colons et Autochtones, marquée par la porosité et la fluidité des frontières ethniques et sociales. L’identité n’y a rien à voir avec le sang, relevant de trajectoires individuelles et de modalités d’intégration aux réseaux de parenté. Émerge la figure du voyageur et sa grande proximité avec les Autochtones. Des nomades maintiennent la mobilité de leur mode de vie en devenant voyageurs tandis que les colons-voyageurs adoptent la mobilité en voyageant avec et parmi les Autochtones. Le contexte colonial vise cette fusion des peuples et leur subordination à la couronne et à l’Église catholique. La tradition orale innue y voit le processus de la conquête.
EN:
The genealogy of a root family, Pelletier-Voisy, who landed in Quebec in 1636, illustrates for their eight children and their close descendants, the dynamic of interaction between settlers and Aboriginals, marked by the porosity and fluidity of ethnic and social boundaries. Identity has nothing to do with blood, pertaining rather to individual trajectories and modalities of integration into kinship networks. The figure of the voyageur emerges, as does his close proximity to the Aboriginals. Nomads maintain the mobility of their way of life by becoming travelers while settlers-voyageur embrace mobility by traveling with and among Indigenous people. The colonial context shows this fusion of peoples and their subordination to the Crown and to the Catholic Church. The Innu oral tradition sees it as the process of conquest.
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Femmes de Nouvelle-France
Dominique Deslandres
pp. 311–344
AbstractFR:
Sans les femmes autochtones et allochtones, libres et esclaves, il n’y a pas de Nouvelle-France. Cette étude s’intéresse aux rôles et pouvoirs des femmes des Premières Nations, puis à ceux des Françaises, dans la survenue et l’installation réussies des colons français et dans le développement colonial. Les réseaux familiaux des femmes, les tâches qui leur sont dévolues, leur autonomie de facto en l’absence masculine témoignent de l’exercice des pouvoirs féminins, reconnus par la société qui s’accommode très pragmatiquement des prescriptions hiérarchiques et patriarcales imposées par les autorités civiles et religieuses. Dans la colonie, la majorité des Françaises et Euro-descendantes sont constamment en rapport avec les femmes et filles des Premières Nations. S’instaurent ainsi au fil du temps, à travers les rapports de pouvoir inter et intra-sexes et les hiérarchies socio-économiques, des relations féminines interethniques, à proprement parler internationales, qui montrent combien tissés serrés sont les mondes coloniaux féminins, autochtone et allochtone.
EN:
Without Indigenous and non-Indigenous women, free and slaves, there would have been no New France. This study examines the roles and the powers of First Nations women and of French women in the successful establishment of French settlers and in the development of the colony. Women’s family networks, the important duties they took on, their de facto autonomy in the absence of men, all testify to the exercise of female power, recognized at the time by the greater part of the society, pragmatically adapting to hierarchical and patriarchal prescriptions imposed by civil and religious authorities. In the colony, most French and European-descended women were in constant contact with First Nations women and girls. Over time, through gender relations and socio-economic hierarchies, interethnic — or rather inter-national — female relations thus developed, illustrating how tightly indigenous and allochthonous colonial female worlds were woven together.
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Chronique de la Société des Dix
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Index général