Comptes rendus

Frédéric Boily, Droitisation et populisme : Canada, Québec et États-Unis, Québec, Presses de l’Université Laval, 2020, 203 p.[Notice]

  • Jane Jenson

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Dans ce court ouvrage sont abordés de grands enjeux politiques actuels : assistons-nous à une droitisation de nos sociétés? Le populisme affaiblit-il la démocratie? Frédéric Boily propose une analyse nuancée des idées politiques qui amènent de nombreux observateurs à conclure que le monde politique du 21e siècle est fondamentalement différent de celui de la seconde moitié du 20e . Dans cinq essais (chacun d’eux prenant la forme d’un chapitre), ainsi qu’une introduction et une conclusion, ce politiste propose de s’éloigner des analyses journalistiques et souvent sensationnalistes, pour analyser les diverses structures idéelles qui soutiennent les débats politiques de droite. Ainsi, il démontre de manière convaincante que ni la droitisation ni le populisme ne sont le produit d’un événement fortuit, à savoir la victoire inattendue de Donald Trump en 2016. En effet, une recomposition de la droite était en cours bien avant la présidence trumpiste et le populisme est une ressource politique disponible depuis bien longtemps en Amérique du Nord. Un premier point fort du livre est son analyse du processus de droitisation. Boily commence son analyse en rappelant que la droite a presque toujours été clivée autour de débats internes. Si le Parti conservateur au Canada est aujourd’hui particulièrement divisé par des enjeux comme le niveau des dépenses post-pandémie ou encore le droit à l’avortement, les divisions internes ont toujours existé. Des années 1940 aux années 1980, une scission s’est opérée entre les conservateurs traditionnels (les Tories) et les Red Tories qui ont ajouté « progressiste » au nom du parti en 1942 et ont même empêché Brian Mulroney d’instituer un véritable tournant néo-conservateur dans les années 1980. Désormais, le clivage au sein du nouveau Parti conservateur, créé en 2003, est différent, mais provoque autant de débats et d’incertitudes pour l’électorat. Si Boily ne passe pas en revue ces décennies-là (sauf dans le chapitre 3 qui traite du populisme de John Diefenbaker), le chapitre 4 intitulé « La droite fédérale » expose les tensions internes auxquelles le Parti conservateur a été confronté au cours des deux dernières décennies. Bien qu’elles ne soient pas décrites dans le livre, les confrontations actuelles au sein du Parti républicain aux États-Unis entre « traditionalistes » et « trumpistes » sont une autre manifestation de ces divisions internes qui sont constantes à droite. Un deuxième point fort du livre est le fait que Boily périodise ce processus de droitisation. Dans les années 1980, l’étiquette « néo-conservateur » a cédé sa place à l’étiquette « néolibéral » qui elle-même a cédé sa place à l’étiquette « populiste » (et même fasciste) dans le discours public. Comme il le souligne dans le chapitre 1, ces étiquettes qui évoluent reflètent différentes étapes de la droitisation. Les thèmes du recul de l’État et de la libéralisation économique portés par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, et dans une moindre mesure par le Parti québécois de Lucien Bouchard, ne sont pas les mêmes manifestations de la pensée de droite que les attaques contre l’immigration et l’enthousiasme pour le protectionnisme qui ont inspiré les républicains dirigés par Donald Trump. Cette seconde vague de droitisation (depuis plus ou moins 2008) se caractérise par un appel aux « valeurs » et une diabolisation de la « différence », en particulier des immigrants. Cela se manifeste également dans la volonté d’un Boris Johnson ou d’un Simon Jolin-Barrette de prendre en otage la croissance économique pour limiter l’immigration. Le chapitre 4 examine cette droitisation dans la politique fédérale canadienne, mettant de l’avant les principaux dirigeants et ceux qui soutiennent leurs idées, qui tentent de lier leur conservatisme social et économique au populisme. En …