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Médiatrice culturelle indépendante et musicienne intervenante, Isabelle Ronzier travaille en tant que chargée de mission pour les Jeunesses musicales de France et pour l’Opéra Grand Avignon en collaboration avec le Conservatoire à Rayonnement Régional (crr) du Grand Avignon et l’association culturelle pour le jeune public Le totem. Depuis 2009, elle est également chargée de cours sur les questions liées à la médiation culturelle auprès des étudiants du cfmi (Centre de formation pour les musiciens intervenants) d’Aix-Marseille Université. En plus de ces activités, Isabelle Ronzier anime des ateliers d’écriture créative dans les musées d’Avignon. Ses compétences ne s’arrêtent pas là, puisqu’elle est également biographe d’artistes[1]. Pour elle, ces activités multiples se regroupent en une seule et même posture : celle d’être à l’écoute des personnes qui l’entourent et d’être en capacité de capter leur parole.

Je l’ai rencontrée le temps d’un après-midi, à Avignon, et nous avons pu évoquer ensemble son parcours et son expérience comme « médiatrice culturelle ». Les premiers moments de notre rencontre ont d’ailleurs permis d’expliciter les enjeux derrière le choix de ces mots qu’elle emploie couramment pour qualifier une activité professionnelle qu’elle a initialement principalement exercée dans le domaine musical.

Figure 1

Rencontre avec Isabelle Ronzier autour d’un café sur la place des Corps Saints à Avignon.

Photo : Sophie Renaudin, septembre 2019

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Isabelle Ronzier : Je me présente professionnellement comme médiatrice culturelle. [...] Souvent, on me demande d’expliquer ce que cet intitulé signifie. On a davantage en tête l’image du médiateur dans le cadre juridique, comme quelqu’un qui règle les conflits, plutôt que la conception du médiateur comme interface entre un certain nombre de personnes et d’évènements ou d’objets. [...] Pour l’identifier, le terme à accoler au mot « médiation » est le terme « culturel », parce que la médiation s’adresse à des objets de culture au sens large. La médiation peut s’apposer à tous les contextes, à toutes les esthétiques de la culture, de quelque nature qu’elles soient. Pour moi, les processus de la médiation culturelle en général sont les mêmes que ceux de la médiation musicale en particulier. La médiation de la musique demande des compétences précises dans le domaine musical, avec tant d’esthétiques et d’approches différentes qu’on se retrouve face à une démultiplication des pratiques, comme dans toute pratique culturelle.

Je dirais que la médiation est une posture, un désir de créer du lien et de mettre en lien des personnes, des pratiques artistiques – ou culturelles – et des objets, par le biais de différents moyens qui mettent ces personnes en situation de création. La médiation est un acte de création, au sens très large du terme : c’est une posture de création, aussi bien pour la personne qui mène la médiation que pour la personne qui la vit et qui l’expérimente. Cette notion de mise en relation et d’interface peut être résumée par une expression qui était l’objet de mon mémoire de musicienne-intervenante et pour laquelle j’ai toujours eu une certaine tendresse : être « à la croisée des chemins[2] »…

Sophie Renaudin : Alors on fait appel à toi pour la médiation d’objets musicaux et pour des objets culturels au sens large…

i. r. : Jusqu’à présent, on faisait essentiellement appel à moi pour de la musique. C’est lié à mon parcours personnel : j’ai toujours évolué dans ce milieu-là, tout en évoluant dans d’autres domaines, comme la danse, la marionnette et l’écriture. Je me suis aussi ouverte à la pratique de la médiation par l’écriture créative ; depuis quelques années, je pratique la médiation dans les musées autour des oeuvres d’art. [...] La médiation dans les musées consiste à mettre en place des dispositifs qui permettent de tisser un lien entre le public et le lieu, avec l’histoire du lieu, avec le bâtiment, et, au-delà, avec la ville. Dans un musée, tout peut faire objet de médiation – aussi bien les personnes qui ont fondé le musée que celles qui l’ont traversé : des auteurs, des photographes, mais aussi des objets, des oeuvres, des documents d’archive… Quand la médiation s’occupe des oeuvres elles-mêmes, ce peut être autant l’oeuvre que le cartel ou un détail de l’oeuvre. Il y a une infinité d’approches possibles. Dans la médiation de la musique, j’ai souvent été amenée à utiliser autre chose que la musique elle-même : des tableaux de musiciens, leur écriture, leur graphie, leur signature, leur témoignage ou bien leur parole. Et je pense que cela s’applique à tous les domaines… du moins, tous les domaines artistiques. Je n’ai pas encore fait de médiation autour de la cuisine… (Rires.)

Au fil de la discussion, Isabelle Ronzier me raconte sa formation, au cours des années 1980. Il n’existe alors pas de formation de médiateur, même si le contexte politique, notamment avec l’arrivée de François Mitterrand et de Jack Lang au pouvoir, favorise une certaine impulsion dans le domaine de l’éducation artistique et culturelle[3]. Sa formation principale est musicale : après plusieurs années de cours privés de flûte baroque et de stages de musique ancienne, Isabelle Ronzier entre en octobre 1982 dans la classe de musique ancienne au Conservatoire de Strasbourg. Au cours de ses années de formation, elle fait la rencontre d’une troupe de danse baroque et décide de suivre cette compagnie et de travailler pour elle à Paris. Elle évolue ainsi dans une nouvelle sphère artistique, qui mêle danse et musique. Parallèlement, elle entre à l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (ensatt) en régie, son et lumière, afin de se former de manière professionnelle à la mise en scène. En plus de la danse et de la musique, c’est désormais le cinéma qui la passionne : elle décide de commencer une licence d’études cinématographiques et audiovisuelles à Jussieu. Elle alterne alors entre un travail à l’Opéra en régie et un poste d’assistante à la mise en scène dans la compagnie de danse baroque. Les postes qu’elle occupe appartiennent principalement au domaine de l’assistanat (assistante au metteur en scène, à la chorégraphe…), posture qui, pour elle, est équivalente à celle du médiateur. Comprendre la question de l’organisation du plateau et de la salle, saisir les attentes du metteur en scène, celles des artistes, les entendre et y répondre : autant de compétences mobilisées qui définissent la posture choisie par Isabelle Ronzier et qui témoignent d’un véritable souci de « l’autre ». Cette posture correspond également à un modèle démocratique du « faire ensemble », elle témoigne d’une volonté de reconnaitre une capacité d’agir aux participants et traduit une volonté de mettre en place un processus de création collective d’un objet musical – culturel – ou d’un projet.

À partir de ma rencontre avec Isabelle Ronzier, j’ai souhaité dresser son portrait de « médiatrice culturelle » en le composant en trois parties. D’abord, il s’agit de s’intéresser aux deux éléments qui fondent la personnalité d’Isabelle Ronzier, et qui l’ont guidée vers le domaine de la médiation : l’écoute et l’amour du son. Puis, nous aborderons les liens entre médiation et pédagogie qui transparaissent dans ses multiples activités. Enfin, il s’agira de saisir avec précision, à travers des exemples de réalisation d’activité de médiation, la dimension créative indissociable du métier de médiatrice tel qu’il est pensé par Isabelle Ronzier.

L’écoute et le son

Les diverses expériences vécues par Isabelle Ronzier ont été déterminées par le lien intime qu’elle entretient avec la musique, et plus particulièrement avec le son. Auprès de la compagnie de danse, elle collabore avec des musiciens baroques ; dans son master à Jussieu, elle travaille sur les bandes-son et différentes illustrations sonores au cinéma. Pour le cinéma, elle écrit également pendant un temps les doublages français de films anglophones, poste rémunéré qui mêle écriture et travail sur le son et qui lui permet de mener plusieurs activités artistiques en parallèle. Plus tard, c’est à la radio qu’elle s’intéresse : entre 1986 et 1990, elle a l’opportunité de réaliser des reportages et des créations radiophoniques qui sont diffusés sur les grandes radios publiques françaises. Parmi ces créations, trois sont primées dans la catégorie documentaire au concours de création radiophonique Phonurgia Nova[4].

i. r. : En filigrane, j’ai toujours aimé ce qui était lié au son, à la radio […] j’ai toujours adoré enregistrer les gens et capter leurs histoires pour la restituer. Comprendre ce qu’ils sont, mettre en valeur ce qu’ils font. Pour moi, c’est aussi une posture de médiateur […] J’ai toujours considéré le reportage ou le documentaire comme une action de médiation, avant d’être un travail de reportage. Et à l’inverse, je retrouve cette dimension créative, celle des reportages ou des documentaires, dans mon métier de médiateur.

La musique, le son et la création sonore sont les trois éléments moteurs du parcours d’Isabelle Ronzier. L’attention à la voix, qu’elle soit parlée, chantée, prononcée à la radio, ou recueillie dans un contexte singulier, et l’attachement au son, sont deux aspects de sa personnalité qui fondent sa posture de médiatrice. L’attention à la voix pour et en elle-même d’une part, et l’attention constante à la voix des autres, d’autre part. Être à l’écoute : voilà l’attitude qui définirait l’éthique de la médiatrice qu’est Isabelle Ronzier.

i. r. : Plusieurs fois, on m’a demandé : mais pourquoi ne diriges-tu pas une structure ? Non, ça ne m’intéresse pas… Je pense que c’est quelque chose que l’on partage en tant que médiateurs. On est attaché à l’attention à l’autre et à la mise en valeur de l’autre. Si l’on est amené à avoir des postures de direction, c’est toujours dans une forme de coordination collective ou collaborative.

Cette attitude d’écoute, indispensable dans le métier de médiateur pour établir un dialogue avec les personnes auxquelles on s’adresse, est également une compétence recherchée lors de la conception de l’activité de médiation, au moment de la discussion avec les partenaires qui sont impliquées dans l’activité. Isabelle Ronzier décrit cette dimension politique du métier de médiateur telle qu’elle l’a vécue en tant que chargée de mission pour les orchestres de région de Montpellier puis d’Avignon.

i. r. : La médiation est très liée au développement territorial, ainsi qu’à la recherche de financements et à la politique. Un orchestre de région est financé par un certain nombre de collectivités, et chaque collectivité est en demande d’actions qui relèvent de sa compétence. Il y a donc un cahier des charges. Il faut comprendre ce qu’une collectivité demande, et ce dont elle a besoin pour pouvoir y répondre… Il faut alors saisir les attendus de chacun (de la ville, du département, de la région, de l’État) et se positionner par rapport à eux, mettre en place les dispositifs de création et comprendre ce que sont les attendus des musiciens d’orchestre et des artistes. Tout est très lié : le politique, le développement territorial, la médiation et l’artistique.

Pédagogie et médiation

Isabelle Ronzier entremêle pédagogie et médiation au sein de ses différentes activités. Elle a été professeure de musique dans plusieurs collèges[5], et au lycée autogéré de Paris. Dans ce cadre, elle a proposé aux lycéens dont elle avait la charge de participer au projet « Dix mois d’école et d’Opéra », un des premiers dispositifs emblématiques de médiation à l’Opéra Bastille[6]. Il était question d’amener les enfants sur le plateau, de leur faire expérimenter les décors, les costumes… Et de raconter une histoire au public en créant la bande-son du spectacle à partir d’un montage d’extraits d’opéras.

Son engagement vis-à-vis du milieu scolaire ne s’arrête pas là : en tant que formatrice auprès des étudiants du cfmi, Isabelle Ronzier est chargée de cours pour l’analyse du milieu des écoles dans lesquelles interviennent les étudiants, s’occupe de leur insertion professionnelle et les forme aux actions de médiation menées en partenariat avec une structure culturelle. Isabelle Ronzier est également référente pédagogique des Jeunesses musicales de France.

s. r. : Comment conçois-tu l’importance de la pédagogie dans la médiation ? Qu’est-ce qui différencie les deux et qu’est-ce qui les rapproche ?

i. r. : La pédagogie pose la question de savoir comment partager une expérience avec les publics. Par la connaissance, la pratique, la rencontre ? En tant que pédagogues, nous sommes toujours amenés à nous poser ces questions : qu’est-ce qu’on transmet à nos élèves et comment ? De quoi leur parle-t-on ? Par quels moyens et par quels outils ? La pédagogie est un rapport à la transmission. En tant que professeur, on est aussi médiateur : d’une part, entre le sujet que l’on traite et le groupe des élèves, d’autre part, entre le sujet et chaque élève du groupe.

En tant que médiateur, il est important de former les responsables pédagogiques qui accompagnent les publics dans l’expérience de la médiation. Se pose alors la question des outils pédagogiques que l’on met à leur disposition, afin, qu’à leur tour, ils puissent préparer leur public. En tant que chargée de médiation pour les orchestres de région de Montpellier et d’Avignon, j’ai mené un important travail de réflexion sur les dossiers pédagogiques. Comment rédiger et mettre en forme un outil de médiation dont les publics puissent se saisir en autonomie, tout en donnant des pistes de pratique et d’appropriation des contenus au-delà de l’expérience du concert ou du spectacle ? C’est cette expérience rédactionnelle qui m’a amenée à devenir référente pédagogique des jm France et à coordonner un comité de rédaction d’une dizaine d’auteurs, musicologues, conseillers pédagogiques en musique et musiciens intervenants en milieu scolaire.

Créer et immerger les publics dans la création

Après avoir été chargée de mission en milieu scolaire à l’Orchestre de Montpellier (2003-2009), Isabelle Ronzier est recrutée par l’Orchestre régional Avignon-Provence pour créer le service des nouveaux publics et de médiation culturelle. Dans ce cadre, elle mène plusieurs actions de médiation en lien avec l’orchestre dans les écoles d’Avignon. En mobilisant et en explorant le répertoire de musiques contemporaines, ces actions engagent les enfants et les adolescents dans des expériences créatives dont ils sont pleinement acteurs.

Depuis 2015, elle travaille en indépendante, et a développé trois projets de création et de médiation en milieu scolaire pour l’Opéra du Grand Avignon dans le cadre d’un dispositif d’éducation artistique et culturelle menée à l’échelle de la collectivité en partenariat avec l’association Le TOTEM/Éveil artistique et le crr du Grand Avignon. Chaque projet, mené sur deux années scolaires, permet la rencontre et la collaboration entre élèves d’une part, et musiciens intervenants, musiciens interprètes, compositeurs et artistes de spectacle vivant d’autre part, pour la composition et la production d’une oeuvre qui mêle musiques (jazz, musiques du monde ou hip-hop) et autres disciplines artistiques (théâtre, cirque, danse…). Cette création est ensuite représentée sur le plateau de l’Opéra Grand Avignon. Deux reportages sur les deux premières actions de création et de médiation avec l’Opéra sont disponibles en ligne : Les p’tits loups du jazz font leur cirque à l’opéra et Le pont sur le monde . Pour le deuxième projet intitulé Le pont sur le monde, Isabelle Ronzier a reçu le Prix de l’enseignement musical 2019, remis par la Chambre syndicale des Éditeurs de Musique de France[7]. Une autre preuve de la proximité des liens entre médiation, enseignement et création.

Face à l’incroyable diversité des formats de médiation mis en place par Isabelle Ronzier, émerge la question des formes idéales de médiation.

i. r. : C’est une question de parcours personnel. En tant que musicienne intervenante en milieu scolaire, je crois que la forme idéale de médiation est celle de la création. Quand le public est immergé dans la pratique, il expérimente lui-même la posture et la rencontre avec les artistes, en étant artiste lui-même. Je pratique cette forme de médiation depuis que j’ai commencé à travailler pour les orchestres symphoniques. Cela induit tout un parcours : depuis la formation des pédagogues qui encadrent les enfants et la formation des musiciens intervenants, jusqu’à l’expérience du spectacle partagé avec les artistes professionnels sur scène, en passant par la rencontre entre les enfants et les artistes, entre les enfants et les différents corps de métier du spectacle, de la mise en scène à la régie…

Je pense également très mobilisateur de faire participer les publics à l’action de médiation : les solliciter pour organiser un évènement avec eux : c’est par exemple ce que j’ai fait avec des associations d’étudiants de l’Université d’Avignon et avec des lycéens. À Avignon, les étudiants ont pris en charge l’organisation de concerts de l’orchestre au sein de l’Université, depuis la gestion des répétitions et l’installation technique jusqu’à la communication et l’accueil des artistes et de la communauté universitaire. C’est une forme de médiation dans laquelle les publics sont leurs propres médiateurs.

D’autres actions de médiation plus classiques et plus simples à organiser consistent à faire rencontrer les publics avec les artistes : les interventions en milieu scolaire ou dans différents lieux, sous forme de concert-intervention, par exemple. C’est de la médiation ponctuelle, les artistes se déplacent auprès des publics ou bien les publics se déplacent auprès des artistes – dans le cas des répétitions générales par exemple. En amont, ces activités impliquent la formation des enseignants, la rédaction de dossiers et la mise à disposition d’outils pédagogiques.

Enfin, j’ai développé depuis quelques années la médiation par l’écriture créative. Je pense que l’atelier d’écriture est un outil de médiation extraordinaire pour mettre les personnes en situation de création, pour restituer leur ressenti en sollicitant à la fois la mémoire et les émotions, dans une pratique à la fois individuelle et collective. J’ai commencé cette pratique pour répondre à la demande de l’association Musique baroque en Avignon d’un cycle de médiations liées aux différents concerts donnés sur une saison. Je faisais écrire les personnes en amont autour des oeuvres au programme, des répertoires, des lieux où se donnaient les concerts, des artistes qui les interprétaient. Puis, les publics étaient invités à venir écouter, parfois rencontrer les artistes. Dans ce type de médiation, les publics sont créateurs, dans une autre discipline que celle de l’objet de la médiation.

s. r. : Quelle est ton implication dans une activité de médiation en tant que médiatrice ? Comment te définis-tu ?

i. r. : Quand je travaille avec les étudiants du cfmi sur la posture de médiateur lors d’actions de sensibilisation autour d’un spectacle musical, je développe avec eux l’idée selon laquelle il existe trois types d’interactions avec les publics sans valeur hiérarchique entre eux. Le premier type est celui de la médiation didactique : on transmet une connaissance, on raconte quelque chose, les publics sont en posture d’écoute et de mémorisation. La forme caractéristique est celle de la conférence. Le deuxième type est celui de la médiation interactive : le public est invité à se positionner, à porter un regard, à s’exprimer ou encore à débattre sur ce qu’il ressent, sur ce qu’il a expérimenté. La forme caractéristique est celle de l’échange entre les artistes et les publics à l’issue du spectacle en bord de plateau. Le troisième type est celui de la médiation créative : le public expérimente les processus de composition des oeuvres au programme, ou bien entre dans un dispositif d’improvisation et de création avec l’artiste ou le musicien intervenant […].

Cela fait peu de temps que j’ai pris conscience que ma posture de médiatrice était artistique. La médiation est la forme créative par laquelle je m’exprime. Par exemple, dans le dispositif Les Arts sur le Pont créé pour l’Opéra d’Avignon, j’ai un statut de directrice artistique déléguée, indépendante des institutions qui m’ont missionnée. Aujourd’hui, je m’autorise à concevoir chaque projet comme une création, dont toutes les dimensions sont artistiques, depuis la recherche de subventions auprès des partenaires qui m’accompagnent depuis plusieurs années, jusqu’au choix des artistes et à l’écriture du spectacle, en passant par la rédaction des outils de médiation et de communication…

Pour les actions d’écriture créative, je me revendique comme créatrice de projets de médiation. Finalement, je réalise que le rêve de devenir metteuse en scène qui m’a fait choisir d’entrer dans une école de théâtre par la porte de la régie technique au début de ma carrière professionnelle a fini par se réaliser dans la médiation : mettre en scène différents éléments artistiques entre eux à l’intention d’un public.

Et pour la suite…

s. r. : Des projets, en cours ou à venir ?

i. r. : Pour le dispositif Les Arts sur le Pont, j’ai réussi à faire travailler plusieurs institutions entre elles, à faire collaborer une dizaine d’artistes, à mobiliser le réseau d’éducation nationale, avec le soutien des collectivités territoriales et des fondations. Je considère ce projet comme l’aboutissement de ma pratique de médiatrice institutionnelle. J’ai eu beaucoup de retours, de témoignages, de dessins ; le retour des enfants montre quelque chose d’assez magnifique[8].

Je crois que s’ouvre une nouvelle période de médiation qui passera par l’écriture avec la pratique de biographe et l’accompagnement des artistes dans leurs récits de vie. Actuellement j’aide une personne dans la rédaction des mémoires d’un lieu de vie sociale dans le Lubéron, La Bergerie de Berdine. J’expérimente ce qu’est écrire l’histoire d’un projet. Dans le même esprit, j’aimerais beaucoup contribuer aux mémoires de lieux de création et de démarches artistiques : mettre en valeur les projets, les artistes et les publics par l’écriture.