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Les discriminations au travail, Par Stéphane Carcillo et Marie-Anne Valfort (2018) Paris : Presses de Sciences Po, Coll. Sécuriser l’emploi, 258 pages. ISBN : 978-2-7246-2350-5[Notice]

  • Lysandre Champagne

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  • Lysandre Champagne
    Étudiante au doctorat, Département de sociologie, Université McGill, Montréal, Québec

L’ouvrage Les discriminations au travail s’inscrit dans la foulée des enquêtes et des travaux scientifiques qui alimentent la réflexion sur les politiques nationales de lutte contre la discrimination en France. Dans une perspective anglo-saxonne, Carcillo et Valfort prolongent la recherche sur les traitements différentiels illégitimes vécus par des individus appartenant aux populations minoritaires au cours de leur vie professionnelle. L’attention se focalise sur les discriminations par coût (Becker, 1957) et par statistique (Arrow, 1973; Phelps, 1972 ; Akerlof, 1985). Ainsi donc, les auteurs abordent l’inégalité salariale sur le marché du travail dans une perspective économique. Trois sections subdivisent le livre : 1- cadre théorique et méthodologique; 2- synthèse des résultats de recherche selon les populations; et 3- discussion des politiques publiques françaises. La discrimination est définie en tant que traitement inégal infligé aux individus appartenant à un groupe minoritaire en regard d’un critère illégitime. Plus précisément, Les discriminations au travail contribue à identifier, mesurer et décrire les effets de la discrimination sur les groupes tels que : « les femmes, les seniors, les LGBT, les minorités ethniques et religieuses, mais aussi les personnes discriminées sur la base de leur apparence physique » (p. 7). Par la suite, cet ouvrage s’attarde à plusieurs phénomènes, soit les effets négatifs de la maternité sur les carrières de femmes, la persistance des inégalités de sexes, la double pénalité ethnique et religieuse des Maghrébins en territoire chrétien, l’avantage de la beauté dans les industries de services et la discrimination en regard de l’orientation sexuelle et du genre. Dans les relations de travail, les stéréotypes prennent la forme de biais cognitifs défavorables qui maintiennent à l’écart des travailleurs productifs appartenant à des groupes minoritaires, favorisent l’entre-soi entre les membres du groupe majoritaire et nuisent au libre marché. En ce sens, les coûts de la discrimination sont non seulement sociaux, mais aussi économiques puisqu’ils affectent négativement la croissance nationale. Les outils d’identification et de mesure de la discrimination sont explicités dans la première section de l’ouvrage. Qu’il s’agisse des processus discriminants lors de l’embauche ou des écarts illégitimes de salaire entre différents groupes sociaux, des méthodes tant quantitatives qu’expérimentales sont mobilisées. La présentation par chapitre des synthèses des résultats de recherche auprès des populations minoritaires permet d’identifier les processus discriminatoires en regard des groupes, ainsi que de comparer les méthodes communément utilisées. La structure du livre est appréciable; chaque chapitre peut être consulté individuellement, sans toutefois perdre de vue la trame narrative. Publié sous les Presses de Science Po, l’ouvrage a aussi une portée normative et se penche principalement sur la société française. Au-delà de l’approche punitive, Carcillo et Valfort soutiennent des politiques préventives dans le marché du travail et dans le système éducatif. Ces dernières visent à contrôler la composition de la main d’oeuvre, réduire les écarts salariaux et dépasser les stéréotypes entretenus envers les groupes minoritaires. Premièrement, la distribution d’information et de techniques limitant l’impact des préjugés des employeurs viserait à diminuer la discrimination lors de l’embauche et favoriserait la prise de conscience des biais cognitifs de ceux-ci. Deuxièmement, la systématisation, l’objectivation et la formalisation des étapes du recrutement, notamment par l’utilisation de logiciels, permettrait de réduire aussi l’impact des biais cognitifs lors de la sélection des CV et de l’entrevue. Troisièmement, une meilleure évaluation des conséquences, notamment des congés parentaux sur les carrières féminines et des demandes à caractères religieux, contribuerait à transformer les stéréotypes entretenus par les entreprises à l’égard du coût associé aux différentes minorités. Quatrièmement, Carcillo et Valfort recommandent des mesures de discrimination positive. D’une part, en favorisant les subventions à l’embauche et en rendant ce calcul public — basé sur …