Comptes rendus

Plus aucun enfant autochtone arraché : pour en finir avec le colonialisme médical canadien, Samir Shaheen-Hussain. Lux éditeur, Montréal, 488 p., 2021[Notice]

  • Catherine Hoffmann

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  • Catherine Hoffmann
    Département de sciences juridiques, Université du Québec à Montréal

Avec une préface signée Cindy Blackstock et une postface signée par Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, ce premier ouvrage du pédiatre urgentiste Samir Saheen-Hussain annonce le verdict : il faut en finir avec « le colonialisme médical canadien » qui perdure et impacte de façon disproportionnée les enfants autochtones du nord du Québec. L’ouvrage est divisé en quatre parties. La première partie comprend deux chapitres réservés respectivement à la politique de non-accompagnement des enfants autochtones lors des interventions de l’EVAQ (Évacuations aéromédicales du Québec) et à la campagne « Tiens ma main » qui a émergé à la suite de cette politique décrite comme « barbare », « cruelle », « discriminatoire » et « paternaliste » (p. 71). Ce sont deux enfants inuit du Nunavik, transportés à l’Hôpital de Montréal où travaille l’auteur, qui sont à l’initiative de la campagne dont il est le fondateur et qui a permis de mettre fin à cette pratique qui séparait les enfants autochtones de leur famille lors d’évacuation aéromédicales. Si cette campagne met l’accent sur l’expérience des enfants cris et inuit du nord du Québec, c’est surtout parce que ce sont eux qui payaient de façon disproportionnée le prix de cette pratique de non-accompagnement ; il ne s’agissait donc pas de minimiser les préjudices qui ont affecté d’autres régions ou communautés autochtones. L’auteur souligne que cette pratique, devenue la norme, ne s’appuyait sur aucune politique officielle et il s’indigne qu’il ait fallu attendre juin 2018 pour qu’un cadre de référence sur l’accompagnement parental soit enfin mis en place, permettant pour la première fois à un enfant inuit du Nunavik d’être accompagné par son parent lors d’une évacuation en juillet 2018. L’auteur rappelle également qu’en février 2018 le petit Mattéo, âgé de 2 ans, n’a pas eu cette chance et est décédé seul, sans sa mère, qui avait été obligée de prendre plutôt le prochain vol commercial. Repensons-y à deux fois, une telle politique – qui consiste à « soustraire un enfant de la présence sécurisante d’un parent alors qu’il est effrayé et blessé ou susceptible de mourir » (p. 76) – peut-elle être justifiée par un manque de budget, comme l’a fait alors le ministre de la Santé Gaétan Barrette ? N’est-elle pas contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant dont le Canada est signataire ? La deuxième partie de cet ouvrage comprend trois chapitres qui abordent les failles structurelles du système de soins, se penchant sur le contexte historique du colonialisme médical et le rôle qu’y ont alors joué les détenteurs du pouvoir ainsi que les fournisseurs de soins de santé. Les institutions et les formations en soins de santé ont longtemps favorisé une élite blanche profitant d’un système et d’une structure bien établie leur permettant de rester en place et de véhiculer des valeurs et des croyances discriminatoires qui sont devenues des normes oppressives. L’auteur nous fait comprendre qu’il s’agit d’une culture organisationnelle et qu’une influence s’est alors immiscée dans le système, et qu’aucun individu en particulier n’en porte la responsabilité, même si certains personnages influents de la médecine y ont joué un rôle déterminant. Avec cette culture, on a fini par banaliser, normaliser, puis tolérer le racisme envers les autochtones qui sont trop souvent perçus comme un problème et sont victimes de disparités dans le triage ou le traitement contre la douleur, mais aussi dans la qualité des soins en général. Il y a là une injustice, une violence et des pratiques déshumanisantes qui aggravent toujours plus le racisme et renforcent le stéréotype colonialiste raciste de l’« Indien saoul » et « …