Recensions

La Russie et son ex-empire : reconfiguration géopolitique de l’ancien espace soviétique de Yann Breault, Pierre Jolicoeur et Jacques Lévesque, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, 347 p.[Notice]

  • Annie Jafalian

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  • Annie Jafalian
    Fondation pour la recherche stratégique (Paris)

« Un peu plus de dix ans après la fin de l’URSS, où va l’ancien espace soviétique et comment ses diverses composantes se situent-elles, les unes par rapport aux autres, dans le système des relations internationales ? » (p. 18) D’entrée de jeu, les auteurs proposent d’accorder une attention majeure aux relations des États de la Communauté des États indépendants (CEI) avec la Russie. Ce choix est motivé par la volonté de tester une hypothèse : la Russie aurait eu pour objectif, en créant la CEI, non pas de dissoudre les liens entre les anciens membres de l’Union soviétique mais, au contraire, de les préserver. Il procède également d’un constat : « pôle de référence » pour les États de la région, la Russie continue d’exercer sur eux « une influence considérable encore que très variable et changeante d’un État à l’autre » (p. 18). Au terme de leur analyse, les auteurs relativisent la perception répandue, notamment à l’issue des mandats de Boris Eltsine, d’un déclin de la présence russe dans la zone et concluent sans ambiguïté : la Russie dispose d’« atouts comparatifs » et d’attributs de puissance qui lui ont permis, en particulier sous Poutine, d’« asseoir le redressement de son influence à divers niveaux […] Le vocable ancien espace soviétique demeure pertinent pour saisir les réalités politiques, économiques et sociales qui pèsent sur les orientations des États de la CEI » (p. 316). Alors que l’après-11 septembre 2001 a soulevé un grand nombre d’incertitudes concernant les équilibres stratégiques dans « l’ancien espace soviétique », l’ouvrage offre un bilan et une appréciation nécessaires de l’état des rapports de force dans la zone. Il actualise, de fait, des publications généralement parues en langue anglaise tout en intégrant une réflexion prospective sur les pays étudiés. Par le vaste panorama qu’ils présentent des États de la CEI de 1992 à nos jours, les auteurs livrent une vision globale et nuancée, ainsi que des repères et des interprétations utiles à des lecteurs non spécialisés. Ils fournissent des informations abondantes sur chacune des républiques concernées en examinant les processus d’indépendance, les redéfinitions identitaires, les objectifs politiques et les contraintes économiques qui participent à la définition de leur politique étrangère. Des entretiens réalisés sur le terrain nourrissent, en outre, les grilles de lecture proposées. L’ouvrage se structure autour de quatre parties : la Russie, « son Occident », le Caucase et l’Asie centrale. Par l’approche régionale ainsi choisie, les auteurs espèrent « mettre en relief les clivages et les caractéristiques communes » propres à chacune des régions (p. 21). C’est sur la base de ce découpage régional qu’ont d’ailleurs été réalisées les cartes introduisant cette étude et la bibliographie exclusivement composée d’ouvrages. Dans la première partie consacrée à la politique de la Russie à l’égard de son « Étranger proche », les auteurs distinguent les mandats de Boris Eltsine de celui de Vladimir Poutine. Ils analysent les différents rôles joués, sous Eltsine, par les pouvoirs militaire et politique russes dans les conflits interethniques au sein des États de la CEI, devenus autant de leviers d’influence pour Moscou. Ils prennent, à cet égard, une distance certaine au sujet des spéculations alors faites quant aux ambitions impériales de la Russie. La politique du président russe leur semble « plus opportuniste que planifiée » (p. 41-42). Faisant état de la fragilité d’une hégémonie fondée sur la force armée mais privée de moyens économiques, les auteurs constatent, à la fin de 1999, la perception dominante d’un déclin de l’influence russe. Ils exposent, au contraire, l’amélioration sensible, sous V. Poutine, de la position de la Russie dans tout l’ancien …