Comptes rendus

Manon Garcia, La conversation des sexes, Paris : Climats, 2021, 300 pages[Notice]

  • Audrey Ghali-Lachapelle

…plus d’informations

  • Audrey Ghali-Lachapelle
    Université du Québec à Montréal

Autrice de On ne naît pas soumise, on le devient (2018), Manon Garcia, dans son dernier livre, accorde au concept de consentement sexuel la place centrale qu’il mérite, ne serait-ce que pour donner du sens à toutes ces affaires de violations sexuelles qui font les manchettes quotidiennes. En réponse au mouvement #Metoo, des campagnes de sensibilisation au consentement sexuel bourgeonnent sur les campus et en ligne, mais Garcia rappelle un problème de taille : le consentement ne permet pas toujours de départager le (bon) sexe du viol. À ce propos, un consensus émerge en sciences sociales : les expériences de la sexualité des femmes (et personnes non binaires, pouvons-nous ajouter, comme le fait remarquer Garcia ailleurs dans l’ouvrage) font état de plusieurs situations consenties, mais non voulues ou non désirées. Ainsi, à la suite d’une « enquête analytique », Garcia défend la thèse suivante : le consentement est un outil potentiellement émancipateur, à condition qu’il soit mobilisé avec un souci pour les injustices de genre. Dans les deux premiers chapitres, Garcia justifie la nécessité de la discussion sur le consentement, parce que nos intuitions et scénarios ne nous donnent pas suffisamment d’indices quant à la nature, la portée, ou l’importance du concept. À la suite de cette problématisation, Garcia propose, en quatre chapitres, une véritable généalogie du concept de consentement. Enfin, dans le septième et dernier chapitre, l’autrice développe sa propre conception du consentement sexuel. Le premier chapitre rappelle que le consentement sexuel est un concept polysémique mobilisé dans trois sphères différentes, sans pour autant appartenir à l’une d’entre elles. Le consentement sexuel n’est pas uniquement un concept juridique : la distinction entre le droit civil et le droit pénal fait que le consentement sexuel n’est pas une forme de contractualisme, puisqu’il ne crée pas d’obligation comme le ferait un contrat civil normal, mais génère plutôt une autorisation ou un droit de retrait. Il n’est pas non plus passif, reposant sur un supposé accord originel comme le consentement politique. Au contraire, il est un acte performatif et volontaire. Garcia nous enjoint également de faire attention aux analogies avec d’autres situations de la vie courante. Socialement, le sexe a un statut particulier. Non seulement les lois et les institutions distinguent-elles les infractions à caractère sexuel des autres types de violences, mais le public se saisit fréquemment des sujets de débat comme le travail du sexe ou la pornographie, ce qui laisse voir que notre conception de la sexualité façonne notre compréhension du consentement sexuel et en fait un sujet d’étude à part. En somme, ce qui est permis (légalement comme moralement) n’indique pas s’il s’agit de bon sexe. Ce n’est pas parce qu’une relation sexuelle est légitime qu’il y a épanouissement. Ainsi, les questions directrices sont posées : 1) comment le consentement peut-il servir dans la lutte contre les violations sexuelles ? et 2) est-ce que le consentement peut rendre compte d’un désir sexuel authentique ? Pour y répondre, il faut d’abord passer, dans le chapitre deux, par les auteurs classiques et par ce que Garcia nomme « les deux morales du consentement » (p. 60). Ces deux perspectives différentes ont, sans qu’on s’en aperçoive, dressé la table de la Sex war, la guerre du sexe qui a opposé les féministes radicales aux féministes prosexe. Le harm principle de Mill permet de ne s’intéresser qu’au moment précis où le consentement est échangé. Si un acte sexuel ne cause pas de tort, alors il n’y a pas lieu de sombrer dans le moralisme en le condamnant. Quant à la morale kantienne, utile lorsqu’il est temps de défendre la dignité humaine, elle …

Parties annexes