Recensions

James Crossley, Robert J. Myles, Jesus : A Life in Class Conflict. Winchester, Washington, Zero Books, 2023, 304 p.[Notice]

  • François Doyon

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  • François Doyon
    Université Laval, Québec

La quête du Jésus historique a trouvé un nouveau souffle au cours des dernières années. Après La vie et le destin de Jésus de Nazareth de Daniel Marguerat (Seuil, 2019) dans le monde francophone, voici que paraît Jesus : A Life in Class Conflict dans le monde anglophone. Il s’agit d’un ouvrage audacieux qui explore la vie de Jésus sous l’angle de la lutte des classes. Ses auteurs sont James Crossley, professeur à l’Université de Londres et directeur du Center for the Critical Study of Apocalyptic and Millenarian Movements, et Robert J. Myles, qui enseigne le Nouveau Testament au Wollaston College à Perth, en Australie. Ils adoptent le cadre théorique du matérialisme historique pour présenter une reconstitution originale de la vie de Jésus et du mouvement qu’il a initié. La vie de Jésus est un thème qui a été largement étudié, mais cet ouvrage apporte une nouvelle perspective en examinant le rôle des forces sociales et économiques qui ont façonné la vie et l’enseignement de Jésus. Les auteurs abordent les moments importants de la vie de Jésus en les situant dans le contexte du premier siècle en Galilée et en mettant l’accent sur les conditions matérielles qui ont influencé la formation de son mouvement messianique dans une Palestine en pleine période de turbulence. Cette reconstruction historique commence en examinant l’éducation de Jésus face aux changements sociaux de la Galilée du premier siècle. Au lieu de romancer la personne énigmatique de Jésus en le présentant comme un « grand homme » de l’Histoire, les auteurs proposent une reconstruction de son existence terrestre de manière plus plausible en le peignant comme un réformateur religieux socialement impliqué qui émerge des classes juives non élitistes pour devenir une figure de proue de la défense des intérêts de la paysannerie en Galilée et en Judée. Les auteurs présentent la genèse socioéconomique d’un mouvement collectif auquel Jésus appartenait, mouvement qui l’a formé en tant que chef d’une révolution paysanne qui espérait instaurer avec l’aide de Dieu mettre au pouvoir une dictature de l’avant-garde éclairée de l’apostolat. Jésus est vu comme le produit des conditions socioéconomiques de son époque. Les objectifs de ce mouvement messianique étaient clairs, du moins dans les premiers mois de la vie militante de Jésus. Ce mouvement était mû par la croyance millénariste et messianique selon laquelle Dieu était sur le point d’intervenir de façon spectaculaire dans l’Histoire pour détruire tous les méchants et venger les justes opprimés. Après la décapitation de Jean le baptiste, Jésus est devenu le chef d’un genre de politburo, une avant-garde éclairée composée de douze apôtres. Jésus semblait croire que Dieu allait installer son politburo apostolique au pouvoir en tant que gardien d’une dictature théocratique servant les intérêts de la paysannerie galiléenne. Lors de l’apocalypse révolutionnaire, les fortunes agraires seraient nationalisées ; les pauvres seraient assurés d’une joyeuse vie d’abondance ; les riches, en revanche, devraient renoncer à leur richesse ou périr dans d’atroces souffrances. Jésus a notamment organisé une « mission auprès des riches » pour obtenir le soutien de certains d’entre eux, comme celui de Nicodème et de Joseph d’Arimathie. Le succès du mouvement dirigé par Jésus au sein de la paysannerie galiléenne était principalement dû à sa défense des valeurs paysannes traditionnelles, aux guérisons des malades, aux interprétations favorables aux pauvres des Écritures juives et à une discipline de groupe stricte. Jésus offrait ainsi un nouvel espoir à une Galilée en pleine mutation, car alors que les ménages ruraux étaient démantelés en raison des projets de construction de l’élite, Jésus a formé sa propre « famille ». Cela a provoqué des réactions et des …