Recensions

Bertrand Ham, Plotin. Traité 30. III, 8. Sur la nature, la contemplation et l’Un. Introduction, traduction, commentaires et notes. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Bibliothèque des textes philosophiques - Les écrits de Plotin »), 2021, 209 p.[Notice]

  • Richard Dufour

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  • Richard Dufour
    Université Laval, Québec

Il s’agit du quatrième volume paru chez Vrin dans la collection « Les écrits de Plotin » et le deuxième qui porte sur l’un des traités de la tétralogie antignostique (traités 30 à 33). Le traité 31 a en effet été traduit et commenté par Anne-Lise Darras-Worms en 2018 dans cette collection. Les deux ouvrages, au moins dans leur introduction, auront donc des points communs. La présente publication coïncide avec celle des traités 30 à 33 aux Belles Lettres. Le traité 30, sinon les gnostiques, bénéficient donc d’un regain d’attention de la part des néoplatonisants francophones. Le livre suit les règles de présentation dans cette collection : introduction, traduction et commentaire. L’introduction compte 21 pages. Une étape obligée consiste à justifier l’existence de la grande tétralogie. Même si l’écrasante majorité des commentateurs modernes adhèrent à cette hypothèse, Ham prend le temps de réfuter la position de Richard Dufour, qui voyait une forte cohésion entre les traités 31 et 32, mais préférait considérer les traités 30 et 33 comme autonomes. Il reproche à Dufour un penchant porphyrien, celui de donner trop d’importance à l’unité thématique d’un traité. Quant au risque de minimiser l’importance du traité 33, Contre les gnostiques, en en faisant un appendice aux traités précédents, Ham voit plutôt ce traité comme le point d’orgue virulent de l’attaque antignostique. Pour étayer son interprétation, il fait appel à une communication inédite de Pierre Hadot, prononcée en 2005 au Collège de France. Il fait ainsi écho à Anne-Lise Darras-Worms, qui invoquait aussi cette communication dans son introduction au traité 31 et dans le même contexte. Étant donné l’importance du nom d’Hadot dans toute discussion sur Plotin, nous espérons que cette communication sera un jour publiée si elle devient un argument récurrent. Les chercheurs bénéficieraient de pouvoir lire ce texte et en juger par eux-mêmes, plutôt que d’en lire un résumé de 18 lignes qui porte l’autorité d’Hadot. Ham recommence plus loin en mentionnant une communication inédite qu’il a faite au même colloque qu’Hadot et dans laquelle il avait montré que le premier traité de la tétralogie était déjà une polémique contre les gnostiques. Il se peut, mais cela n’est pas clair, que la partie 3 de l’introduction (p. 10-19), intitulée « La polémique antignostique dans le Traité 30 », soit tirée de cette communication. Cette partie présente le plus d’intérêt dans l’introduction. Ham y retrace les attaques, souvent voilées, de Plotin contre les gnostiques. L’hapax que représente le κηροπλάσται (2, 6), le modeleur de Timée 74c6, ne serait utilisé que pour discréditer les gnostiques, qui conçoivent la démiurgie de manière trop littérale. Il y a en outre trois cas où Plotin utilise une terminologie valentinienne difficile à détecter. Premièrement, seul le traité 30 qualifie l’Âme de « mère de la nature », faisant en cela référence à la Sophia des gnostiques, qui est la mère du démiurge (4, 7-12). C’est d’ailleurs le seul texte où Plotin mentionne Sophia comme mère du démiurge. Deuxièmement, le verbe συζεύγνυμι (coupler, accoupler) n’est utilisé qu’ici, à trois reprises (9, 7 ; 11), et dans le traité 32, à deux reprises (1, 23-24), rappelant à coup sûr la syzygie dont parlent les valentiniens. Troisièmement, le traité répète à six reprises le verbe προφέρω (proférer) en 6, 21-29 pour désigner l’extériorisation de ce que l’âme a besoin d’exprimer discursivement. Plotin contesterait ainsi l’introduction dans l’intelligible d’une prophora comme le font les gnostiques. En préambule à la traduction, Ham énumère diverses éditions et traductions du traité 30. Notons l’absence de deux traductions modernes et récentes dans cette liste. D’abord celle de Jean-François Pradeau dans le volume cité …

Parties annexes