ThématiqueNotes de terrain

Perspectives de Guyane française : les peuples autochtones face à l’exploitation industrielle de la nature en Guyane française[Notice]

  • Alexandre Sommer-Schaechtelé

…plus d’informations

  • Alexandre Sommer-Schaechtelé
    Juriste expert en droits des peuples autochtones
    Membre des Experts, Groupe international de travail pour les Peuples autochtones
    Membre de l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane

Cette contribution fait suite à la communication de l’auteur lors de la 18e édition du colloque annuel du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones (CIÉRA), organisé par le pôle de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) sur le thème La pertinence des épistémologies autochtones face à la criseclimatiqueactuelle:enjeuxdeprotectionetdepréservationduterritoire, qui s’est tenu les 29 et 30 avril 2020 en format virtuel. Adaptée sous forme de notes de terrain, la contribution ouvre sur le cadre historique et sociétal de la Guyane française, pour présenter ensuite les stratégies nationales et locales de développement économique qui mettront la table pour une discussion des résistances autochtones face au développement industriel, ses impacts environnementaux et les enjeux de droit qui y sont associés. Les recherches archéologiques ont révélé la présence des peuples autochtones en Guyane française vers le sixième millénaire av. J.-C. Durant plusieurs siècles, les Amérindiens ont vécu selon leurs droits coutumiers, organisés politiquement, eu égard des différentes Nations, sur des territoires sans frontières (nationales ou internationales) et sur lesquels ils exerçaient pleinement leurs droits collectifs à la terre, en harmonie avec la nature, qu’ils ont contribué à préserver jusqu’à ce jour. Cependant, la colonisation européenne des Amériques bouleversa cet équilibre (voir annexe 1). Au XVIe siècle, le royaume de France s’installait sur le plateau des Guyanes, motivé par le célèbre mythe de l’ElDorado amazonien. Depuis 1946, la Guyane française n’est plus une colonie, mais demeure une région d’outre-mer française et européenne. Nous détenons la citoyenneté française, la citoyenneté européenne, la langue officielle est le français, notre monnaie est l’Euro, et notre Président est le président de la République française, Emmanuel Macron. Contrairement aux autres territoires français ultramarins, la Guyane française n’est pas une île, mais un territoire de 84 000 km², grand comme l’Autriche, implanté sur le continent sud-américain. Sa frontière avec le Brésil (730 km) est la plus longue frontière de la France avec un pays étranger, et la porte d’entrée de l’Union européenne en Amérique du Sud. L’application de la Terra Nullius et l’expropriation des Autochtones durant la colonisation, ont permis à l’État français de devenir propriétaire de plus 90 % du territoire, soit la quasi- intégralité des terres en Guyane (décret du 15 novembre 1898). Symbole de la présence européenne sur ce territoire, l’activité de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) à Kourou, d’où partent les fusées Ariane 5, représente 17 % du produit intérieur brut (PIB) en Guyane. La densité de la population reste faible, seulement 283 000 habitants concentrés sur le littoral, selon les estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) au 1er janvier 2019. Le boom démographique présage toutefois un passage à plus de 400 000 habitants à l’horizon 2050. Depuis la colonisation au XVIe siècle, le visage de la société guyanaise a bien changé. Selon l’ethnologue Éric Navet, on estime qu’au XVIIe siècle la population des Amérindiens de Guyane s’élevait à 30 000 personnes. Exterminés par les batailles, décimés par les maladies, expropriés de leurs terres, convertis de force à la religion catholique, et remplacés au fil des siècles par l’arrivée d’esclaves originaires du continent africain et les vagues successives de population immigrée, les Amérindiens ne représentent plus qu’environ 3000 individus au moment de la création du territoire de l’Inini en 1930 (Navet 1990 : 14). Bien que la France ait adopté, en 2007, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (ONU 2007), cette dernière ne reconnaît toujours pas l’existence de peuples autochtones sur son territoire, à l’exception du peuple Kanak en Nouvelle-Calédonie, …

Parties annexes