EN :

The authors in this thematic issue reflect on the current “ontological turn” in Russian social sciences and humanities, and especially on the influence the turn exerts on various anthropological sub-disciplines and research domains. This introduction reviews publications in Russian academic journals, article collections, theses, books, and book chapters that best illustrate current ontological preoccupations in Russian anthropology. The ontological turn encompasses diverse interests and topics and is often labelled as “material,” “object-oriented,” “speculative-realist,” or “praxiographic.” In fact, we are dealing with multiple interdisciplinary “turns” that intersect and overlap, while interlinking many domains of the biological sciences, geographical sciences, social sciences, and humanities. In Russia, the ontological turn (actor-network theory, material semiotics, symmetrical anthropology, sociology of translation, object-oriented ontology, speculative realism) unfolds in different domains of research that can be grouped into four main fields: 1) medical anthropology, body studies, and death studies; 2) urban anthropology; 3) anthropology of science and techno-anthropology; 4) museum anthropology and material culture studies. The contributions to this issue illustrate current research in medical anthropology, body and death studies, urban anthropology, techno-anthropology, museum studies, as well as Siberian ethnography using the perspectivist model.

FR :

Les auteurs de ce numéro thématique réfléchissent au « tournant ontologique » en cours dans les sciences sociales et humaines russes, et en particulier à l’influence qu’exerce ce tournant sur différents domaines de recherche et sous-disciplines de l’anthropologie. Cette introduction passe en revue les publications dans des revues universitaires russes, les recueils d’articles, thèses, livres et chapitres de livres les plus emblématiques des préoccupations ontologiques actuelles dans l’anthropologie russe. Le tournant ontologique couvre différents thèmes et sujets et est souvent qualifié de « matériel », « orienté objet » « réaliste-spéculatif » ou « praxiographique ». En réalité nous avons affaire à des tournants interdisciplinaires multiples qui s’entrecroisent et se chevauchent tout en reliant entre eux de nombreux champs des sciences biologiques, géographiques, humaines et sociales. En Russie, le tournant ontologique (théorie de l’acteur-réseau, sémiotique matérielle, anthropologie symétrique, sociologie de la traduction, ontologie orientée objet, réalisme spéculatif) se déploie dans différents domaines de recherche qui peuvent être regroupés en quatre champs principaux : 1) l’anthropologie médicale, les études sur le corps et les études sur la mort ; 2) l’anthropologie urbaine ; 3) l’anthropologie des sciences et la techno-anthropologie ; 4) l’anthropologie muséale et les études sur la culture matérielle. Les contributions à ce numéro illustrent les recherches en cours dans les domaines de l’anthropologie médicale, les études sur le corps et les études sur la mort, l’anthropologie urbaine, la techno-anthropologie, les études muséales, ainsi que l’ethnographie sibérienne axée sur le modèle perspectiviste.

EN :

This article offers an anthropological perspective on organ transplantation in Russia. The author employs approaches and principles of medical anthropology and ontological turn in anthropology and attempts to present a novel human-object history of organ transplantation. This research focuses primarily on human collectives, such as medical communities and the rest of society, but also on certain objects, including donor organs and the infrastructure created by the technology. The article discusses the following questions: How does transplantation technology transform the medical community? How is it built into the social and cultural context? How is it perceived by the rest of society? How do some doctors try to adapt this technology to the traditional values of Russian society? This research was conducted at two large Russian organ transplantation centers. The analyzed materials include anthropological and medical publications, and mass media sources.

FR :

Cet article offre une perspective anthropologique sur la transplantation d’organes en Russie. L’auteur emploie les approches et les principes de l’anthropologie médicale et du tournant ontologique en anthropologie, et tente de présenter une histoire inédite de la transplantation d’organes entre l’homme et l’objet. Cette recherche se concentre principalement sur les collectifs humains, tels que les communautés médicales et le reste de la société, mais aussi sur certains objets, notamment les donneurs d’organes et l’infrastructure créée par la technologie. L’article aborde les questions suivantes : Comment la technologie de transplantation transforme-t-elle la communauté médicale ? Comment s’intègre-t-elle dans le contexte social et culturel ? Comment est-elle perçue par le reste de la société ? Comment certains médecins tentent-ils d’adapter cette technologie aux valeurs traditionnelles de la société russe ? Cette recherche a été menée dans deux grands centres russes de transplantation d’organes. Les documents analysés comprennent des publications anthropologiques et médicales, ainsi que des sources médiatiques.

EN :

Changes of perspective and abrupt revision of the essential disciplinary frameworks are at the root of several turns in the humanities and social sciences (the “material,” “ontological,” and other turns) that have been treated sometimes as mystifications contrary to common sense. In reality, such shifts can be extremely productive in the search for new knowledge. This is particularly important for anthropology, a discipline committed to “crossing borders,” extending beyond the social and the human, and searching for external perspectives from which to interpret human culture. This paper discusses several Russian cases of study on material culture, partly inspired by the acquaintance with alternative (mythological and folklore) ideas about things. Special emphasis is placed on museum studies of material culture. In particular, I address the question of why Russian museum anthropology stubbornly resists attempts to re-evaluate the anthropocentric perspective in materiality studies.

FR :

Les changements de perspective et la révision abrupte des cadres disciplinaires essentiels sont à l’origine à l’origine de plusieurs tournants dans les sciences humaines et sociales (les tournants « matériel », « ontologique » et autres) qui ont parfois été traités comme des mystifications contraires au bon sens. En réalité, de tels changements peuvent être extrêmement productifs dans la recherche de nouvelles connaissances. Cela est particulièrement important pour l’anthropologie, une discipline déterminée à « franchir les frontières », à aller au-delà du social et de l’humain, et à rechercher des perspectives extérieures à partir desquelles interpréter la culture humaine. Cet article examine plusieurs cas d’études russes sur la culture matérielle, en partie inspirés par la connaissance des idées alternatives (mythologiques et folkloriques) sur les choses. Une emphase spécifique est mise sur les études muséales de la culture matérielle. J’aborde, en particulier, la question de savoir pourquoi l’anthropologie des musées russes résiste obstinément aux tentatives de réévaluation de la perspective anthropocentrique dans les études sur la matérialité.

EN :

The dissolution of the Soviet Union opened a new phase in the anthropological study of Siberia, as researchers from Western Europe, North America, and Japan joined their colleagues of the former Soviet Bloc in the field. This occurred just as a number of new trends emerged in the field of anthropology, including those referred to as “the ontological turn” or “the anthropology of ontology.” To what extent could the latter, originally developed on the basis of research in Amazonia, be applied to Siberia? In this article, we offer a critical re-reading of contributions by some of the authors who have attempted to apply ontological perspectives to Siberian materials. The works we review include both comparative studies of the ontologies of different people, including Siberians, and ethnographies of particular Siberian communities. In conclusion, we illustrate certain criticisms that have been made of ontological approaches by examining how two of the authors under review – Philippe Descola and Rane Willerslev – have drawn on classic ethnographies of northeastern Siberia, particularly the works of Waldemar Bogoras on the Chukchi.

FR :

La fin de l’Union soviétique a permis aux études anthropologiques en Sibérie de connaître un nouvel essor grâce à un accès enfin possible au terrain pour tous les chercheurs, quelle que soit leur nationalité, pouvant ainsi rejoindre leurs collègues de l’ex-bloc soviétique. Cette réémergence du domaine a eu lieu alors que plusieurs courants se développaient dans le champ de l’anthropologie, l’un d’entre eux désigné sous le terme de « tournant ontologique » ou « anthropologie de l’ontologie ». Dans quelle mesure ces approches, formulées au départ sur la base d’études de terrain effectuées en Amazonie, pouvaient-elles s’appliquer aux recherches sibériennes ? Dans cet article, nous proposons une relecture critique de certaines des contributions qui ont tenté de mettre en perspective approches ontologiques et terrain sibérien. Les études abordées incluent à la fois des études comparatives des ontologies de différents peuples, y compris sibériens, et des ethnographies de communautés sibériennes particulières. En conclusion, en guise d’illustration de certaines critiques faites à ces recherches, nous analysons l’utilisation que font deux des auteurs abordés – Philippe Descola et Rane Willerslev – de monographies classiques sur les peuples du nord-est sibérien, plus particulièrement celle de Waldemar Bogoras sur les Tchouktches.

EN :

Rapid development of cognitive and neurosciences undermined the Cartesian view on the human body as a bounded and autonomous entity. A plethora of publications on enhanced memory, external cognition, extended mind, embodied self, or distributed corporeality confirms the view that the human body and mind are not self-contained entities, producing the world as a prosthetic set of “extensions” or parts of hybrid wholes, which we interpret as cyborganic assemblages. However, in this abundance of documented entanglements of bodies and minds with their surrounding settings, of fusions of corporeality with inert matter, there is scarce, if any, reflection on the posthumous fate of these hybrids and on the multiple forms of their deterioration, that establish what the author provisionally describes as multiplicity of human death. The paper presents the analysis of various forms of human body and inanimate matter integration and their posthumous persistence or deterioration. The view on the human body as multiple provides corollary of its death as a multimodal, manifold set of events, distinguishing biological, lived, and social bodies and their heterochronous deaths. The heterochronicity of human death is illustrated with the description of private commemorative practices that form a geography, distinct from the usual public commemoration places.

FR :

Le développement rapide sciences cognitives et des neurosciences a mis à mal la vision cartésienne du corps humain en tant qu’entité délimitée et autonome. Une pléthore de publications sur la mémoire améliorée, la cognition externe, l’esprit étendu, le soi incarné ou la corporalité distribuée, confirme l’idée selon laquelle le corps et l’esprit humains ne sont pas des entités autonomes, produisant le monde comme un ensemble prothétique d’« extensions » ou de parties d’ensembles hybrides, que nous interprétons comme des assemblages cyborgiques. Toutefois, dans cette abondance d’enchevêtrements documentés de corps et d’esprits avec leur environnement, de fusions de la corporéité avec la matière inerte, il y a peu, voire aucune réflexion sur le destin posthume de ces hybrides et sur les multiples formes de leur détérioration, qui établissent ce que l’auteur décrit provisoirement comme la multiplicité de la mort humaine. Cet article présente l’analyse de diverses formes d’intégration du corps humain et de la matière inanimée, et de leur persistance ou détérioration posthume. La vision du corps humain comme multiple a pour corollaire sa mort comme un ensemble multimodal et multiple d’évènements, distinguant les corps biologiques, vécus et sociaux, et leurs morts hétérochrones. L’hétérochronie de la mort humaine est illustrée par la description des pratiques commémoratives privées qui forment une géographie, distincte des lieux de commémoration publics habituels.

EN :

Originally given in the form of two lectures at the Musée du quai Branly, this essay explores the often fraught politica of repatriation in a Canadian context. It suggests that we have moved into an era in which repatriation, understood in this alternate sense as the decentring of settler museum authority and the recognition of Indigenous sovereign rights, is simply unavoidable. This is not just about a “reckoning” with prior histories of colonial appropriation. Rather, it is a recognition of the fact that the structures of settler colonialism themselves are shifting (cf: Kauanui 2016), and museums in such contexts will need to engage with the idea of repatriation as such, as a social phenomenon that entails transformation over the longue durée instead of a set of individual, case by case incidents. Drawing on the author’s experiences as an anthropologist and a curator working with Indigenous Nations on the Northwest Coast of what is now called Canada, the essay ultimately argues that museums will arrive at stronger, more productive relationships with First Peoples by accepting the ongoing reality of repatriations. Indeed, it suggests that it is only through collaboration that genuinely decentres museum authority and foregrounds Indigenous sovereignty that museums will be able to develop genuinely future-oriented and responsible practices.

FR :

Donné à l’origine sous la forme de deux conférences au Musée du quai Branly, cet essai explore la politique souvent lourde du rapatriement dans un contexte canadien. Cela suggère que nous sommes entrés dans une ère où le rapatriement, compris dans ce sens alternatif comme le décentrage de l’autorité muséale des colons et la reconnaissance des droits souverains autochtones, est tout simplement inévitable. Il ne s’agit pas seulement d’un « compte » des histoires antérieures d’appropriation coloniale mais plutôt d’une reconnaissance du fait que les structures du colonialisme des colons elles-mêmes sont en train de changer (Kauanui 2016) et que les musées, dans de tels contextes, devront s’engager dans l’idée du rapatriement en tant que tel, en tant que phénomène social qui implique une transformation de longue durée au lieu d’un ensemble d’incidents individuels, au cas par cas. S’appuyant sur les expériences de l’auteur en tant qu’anthropologue et conservateur travaillant avec les Nations autochtones de la Côte Nord-Ouest, de ce qu’on appelle maintenant le Canada, l’essai soutient finalement que les musées parviendront à des relations plus solides et plus productives avec les Premiers Peuples en acceptant la réalité actuelle des rapatriements. En effet, cela suggère que ce n’est que grâce à la collaboration qui décentre véritablement l’autorité muséale et met en avant la souveraineté autochtone que les musées pourront développer des pratiques véritablement tournées vers l’avenir et responsables.

EN :

An anthropological study of the state requires an understanding of everyday practices in human-state interaction. This study, which came about when state-imposed pandemic restrictions required that citizens go into quarantine, draws primarily from auto-ethnography. The conditions under a quarantine brought an end to well-established social practices, presenting a unique opportunity to study them. We explore the ways in which citizens construct the state, looking at citizens working in different institutions and attempting to access various services. This is done by evaluating the quarantine measures implemented by the state in an attempt to understand them.

FR :

Une anthropologie de l’État requiert une compréhension des pratiques quotidiennes dans l’intéraction humain-État. Cette étude qui a vu le jour lorsque les restrictions imposées par l’État en cas de pandémie ont obligé les citoyens à s’isoler en quarantaine, s’inspire principalement de l’auto-ethnographie. Les conditions de la quarantaine ont mis fin à des pratiques sociales bien établies, offrant ainsi une occasion unique de les étudier. Nous explorons les façons dont les citoyens construisent l’État, en observant les citoyens qui travaillent dans différentes institutions et tentent d’accéder à divers services. Pour ce faire, nous évaluons les mesures de quarantaine mises en place par l’État pour tenter de les comprendre.

EN :

I reflect on how the COVID-19 pandemic in Chile became a question of bureaucratic knowledge and official documents. Through the analysis of COVID-19 permits, the tool implemented by the Chilean government in order to manage mobility in zones under lockdown, I focus on two features of documents: their denotational properties and their performative marginality. I argue that COVID-19 permits in Chile functioned as an “anti-document.” While they did not establish stable and meaningful connections with individuals’ daily lives, they produced a series of considerable effects on them, the most tangible of these effects probably being the detention and criminal prosecution of individuals caught on the street without the appropriate permit. In contrast with how documents participate in socio-legal configurations – being a means to an end – COVID-19 permits were central to the implementation of the confinement policy.

FR :

Je réfléchis à la manière dont la pandémie de COVID-19 au Chili est devenue une question de savoir bureaucratique et de documents officiels. Par l’intermédiaire de l’analyse des permis COVID-19, un outil mis en place par le gouvernement chilien afin de gérer la mobilité dans les zones confinées, je me concentre sur deux caractéristiques de ces documents : leurs propriétés dénotatives et leur marginalité performative. Je soutiens que les permis COVID-19 au Chili ont fonctionné comme des « anti-documents ». Bien qu’ils n’aient pas établi de liens stables, ni significatifs avec la vie quotidienne des individus, ils ont produit une série d’effets considérables sur eux ; l’effet le plus tangible étant probablement la détention et la poursuite pénale des individus arrêtés dans la rue sans permis approprié. Contrairement à la manière dont les documents participent aux configurations socio-juridiques, en étant un moyen de parvenir à une fin, les permis COVID-19 étaient au coeur de la mise en oeuvre de la politique de confinement.

FR :

En Amazonie, l’une des régions du Brésil les plus touchées par l’épidémie de COVID-19, les statistiques épidémiologiques publiées par les autorités brossent un tableau de la crise sanitaire qui interroge, car il ne considère pas ou trop partiellement le sort des populations issues des minorités ethniques et culturelles qui habitent la région. Au cours de la première vague épidémique (de février à juillet 2020), une équipe de 11 chercheurs a recensé et analysé la mobilisation des populations autochtones et quilombolas, et leur appropriation de l’outil statistique, pour apparaître dans les chiffres officiels. En réaction à ces mobilisations, les bulletins épidémiologiques publiés par les États et les communes amazoniennes ont fortement évolué d’un mois sur l’autre, faisant apparaître différentes lectures de la crise sanitaire, ancrées dans les imaginaires et les enjeux de pouvoir des régions amazoniennes. L’analyse met en évidence ce combat, discret mais essentiel, des minorités ethniques du pays, pour que soient actées, par les chiffres et dans les discours, les conséquences de l’épidémie sur leurs populations.

EN :

In Amazonas, one of the regions of Brazil most affected by the COVID-19 epidemic, epidemiological statistics published by authorities paint a picture of the health crisis that must be called into question, as it does not or only partially considers the situation of ethnic and cultural minorities living in the region. During the first wave of the pandemic (from February to July 2020), a team of 11 researchers documented and analyzed the protests of Indigenous populations and quilombolas and their appropriation of statistical tools, to appear in the official statistics. As a response to these protests, epidemiological updates published by the states and Amazonian municipalities evolved greatly from one month to the next, reflecting the different interpretations of the health crisis anchored in the imaginations and power interests of Amazonian regions. The analysis underscores the subtle but essential fight of the country’s ethnic minorities to ensure that the consequences of the epidemic on their population are recorded both in the official numbers and in policies.

FR :

Fatima Hamza, citoyenne libanaise, fut incarcérée en novembre 2016 pour ne pas avoir voulu céder la garde de son jeune fils à son ex-mari. Sa condamnation faisant suite à la décision d’un tribunal de la charia, on y a vu une preuve supplémentaire des injustices qu’entraîne l’exercice du droit musulman. Mais en retraçant le parcours de mobilisations récentes visant à modifier les lois encadrant la garde des enfants, une autre analyse se fait jour. On constate que l’État libanais participe activement à l’élaboration des lois dites « religieuses » appliquées dans ses tribunaux de la charia. On remarque également qu’on ne peut comprendre la pratique contemporaine du droit familial musulman qu’à condition de s’attarder également à la manière dont les États séculiers façonnent ce qu’ils désignent comme religieux.

EN :

Fatima Hamza, a Lebanese citizen, was incarcerated in November 2016 for refusing to grant her ex-husband custody of their young son. Since the custody case was adjudicated by a religious judge, many understood her punishment as yet another proof that Islamic law is unjust. In tracking the history of recent campaigns aiming at reforming custody law, a different kind of analysis emerges. Such an analysis shows that the Lebanese state contributes to shape the religious laws enforced by Sharia judges. It also highlights that we cannot appreciate the practice of Islamic family law today without also considering the ways in which secular states regulates what they describe as religious.

FR :

Parce qu’elles révèlent les apories des mécanismes de transmission identitaires familiales, les conversions religieuses peuvent donner des indications, informer, voire nuancer les dynamiques générationnelles qui semblent à l’oeuvre dans les mouvements actuels de radicalisation. Partant de l’expérience de jeunes Québécois qui ont choisi d’entrer dans l’Islam, nous discutons l’hypothèse de fracture générationnelle (Roy 2002) en examinant les négociations, compromis et ajustements qui composent leurs rapports familiaux, notamment autour de l’enjeu de la célébration de Noël. Nous montrons que la critique morale qui amène les convertis à se dissocier de l’héritage identitaire légué par leurs parents les rapproche en fait du modèle familial de leurs grands-parents. Cette volonté de perpétuer une tradition lignagère portée par des valeurs morales traduit un projet social et politique axé sur des idéaux de convivialité et de solidarité.

EN :

Because they reveal the limits of family identity transmission mechanisms, religious conversions can inform and nuance the generational dynamics that seem to be at the roots of current radicalization movements. Drawing on the experience of Quebecois youth who have chosen to join Islam, I discuss the hypothesis of “generational divide” (Roy 2002) by examining the negotiations, compromises and adjustments that make up their family relationships, particularly around the issue of celebrating Christmas. I show that the moral critique that leads converts to dissociate themselves from the identity heritage bequeathed by their parents actually brings them closer to their grandparents’ family model. This concern to perpetuate a lineage tradition carried by moral values reveals in fact a social and political project based on ideals of conviviality and solidarity.

EN :

With the adoption of the “Act to combat poverty and social exclusion” (Act 112) in 2002, Québec had to present three action plans “[…] to guide the Government and Québec society as a whole toward a process of planning and implementing actions to combat poverty and counter social exclusion and strive toward a poverty-free society” (Québec 2002, 2). To achieve this important goal, one of the state’s strategies has been to reinforce already existing employment incentives for people considered “fit” for work and promote a more flexible workforce. This article questions the “worth” of unemployed welfare recipients “without limited capacity” for employment in the current neoliberal labour market. This research demonstrates that their “value” is directly linked to their ability to work and productivity in the state discourse on the fight against poverty, influencing thereafter the popular understanding of this polysemous socioeconomic phenomenon. Mainly by analyzing the three action plans to combat poverty and interviewing informants enrolled in employment incentives in the area of Chaudière-Appalaches, this project also underlines how the workfare model collaborates in the reproduction of poverty and the proliferation of precarious jobs in our globalized economies.

FR :

Avec l’adoption de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (Art. 112) en 2002, le Gouvernement du Québec a dû présenter trois plans d’action « […] pour guider le Gouvernement et la société du Québec dans son ensemble vers un processus de planification et de mise en oeuvre d’actions visant à combattre la pauvreté et l’exclusion sociale et à tendre vers une société sans pauvreté » (Québec 2002, 2). Pour atteindre ce but important, l’une des stratégies de l’État a été de renforcer les incitations à l’emploi existantes pour les personnes considérées comme « aptes » au travail et promouvoir une main-d’oeuvre plus flexible. Cet article remet en cause la « valeur » des bénéficiaires de l’aide sociale au chômage « sans capacité limitée » à l’emploi sur le marché du travail néolibéral actuel. Cette recherche démontre que leur « valeur » est directement liée à leur capacité de travail et à leur productivité dans le discours étatique sur la lutte contre la pauvreté, influençant par la suite la compréhension populaire de ce phénomène socio-économique polysémique. En analysant principalement les trois plans d’action de lutte contre la pauvreté et en interrogeant des informateurs inscrits à des mesures d’incitation à l’emploi dans la région de Chaudière-Appalaches, ce projet souligne également comment le modèle du workfare (« travailler pour le bien-être ») contribue à la reproduction de la pauvreté et à la prolifération des emplois précaires dans nos économies mondialisées.

EN :

Many studies of diasporas focus on (large) locales where sizable diasporic populations provide room for group formation based on a single ethnicity. Scholars often treat such regions as representative of larger units, defining hostland in broad geopolitical categories of countries and even continents. Based on ethnographic research devoted to immigrants from post-Socialist Europe and Asia to the Canadian island of Newfoundland, I propose the concept of host-region to emphasize a regional perspective in diaspora studies. The overall small newcomer population and the unique socio-cultural context of the island result in regionally-specific diasporic group-building dynamics, stimulating new Newfoundlanders to expand the notion of their people beyond likeminded co-ethnics. Safe home-region folklore, namely, select cultural expressions that reinforce a sense of unity and do not cause tensions within a group, offers points of connection. However, contrary to many studies that emphasize the notion of commonality within groups, I show that difference, reinforced by continuous turbulence in the home-region, can be equally important in group-building endeavors.

FR :

De nombreuses études sur les diasporas se concentrent sur les (grandes) régions où d’importantes populations diasporiques permettent la formation de groupes fondés sur une seule ethnicité. Les chercheurs traitent souvent ces régions comme représentatives d’unités plus vastes, définissant les terres d’accueil dans de larges catégories géopolitiques de pays et même de continents. À partir d’une recherche ethnographique consacrée aux immigrants de l’Europe et de l’Asie post-socialistes sur l’île canadienne de Terre-Neuve, je propose le concept de région d’accueil pour mettre en évidence une perspective régionale dans les études sur les diasporas. La faible population globale des nouveaux arrivants et le contexte socio-culturel unique de l’île entraînent une dynamique de constitution de groupes diasporiques spécifiques à la région, ce qui incite les nouveaux Terre-Neuviens à élargir la notion de leur peuple au-delà des co-ethnies apparentées. Le folklore sécuritaire de la région d’origine, à savoir des expressions culturelles choisies qui renforcent un sentiment d’unité et ne provoquent pas de tensions au sein d’un groupe, offre des points de connexion. Cependant, contrairement à de nombreuses études qui mettent l’emphase sur la notion de similitudes au sein des groupes, je montre que la différence, renforcée par les turbulences continues dans la région d’origine, peut être tout aussi importante dans les efforts de construction d’un groupe.