Partie I - ÉtudesStudien

Sur la signification d’une publication française différée : remarques sur Pierre Bourdieu et le ‘traité’ « Sur la connaissance philologique »[Notice]

  • André Laks

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  • André Laks
    Universidad Panamericana, Mexico

Les circonstances ont fait que j’ai été amené à donner la première traduction française de l’essai « Sur la connaissance philologique », que Szondi devait appeler « traité » quand il le fit servir d’introduction à ses Études sur Hölderlin (1967). Elle parut en 1981 dans un recueil de textes de Szondi édité par Mayotte Bollack aux Presses Universitaires de Lille, Poésie et poétique de la modernité (p. 11−29). Je ne sais plus si Jean Bollack, aux côtés de qui je travaillais, m’avait proposé de m’en charger, ou s’il s’agissait d’une initiative propre, prise dans le sillage d’un colloque consacré à Szondi qui s’était tenu à Lille 1979 et qui devait donner lieu à une publication : L’Acte critique : Un colloque sur l’oeuvre de Peter Szondi (Bollack 1985). Ce qui m’intéressait à l’époque était de comprendre ce que représentait exactement la problématique de Szondi par rapport au travail dans lequel je m’étais engagé depuis 1972, en tant qu’étudiant, aux côtés de Heinz Wismann d’abord, puis de Jean Bollack, dans le domaine de la littérature et de la philosophie grecques. La résistance commune de Szondi et de Bollack au positivisme dans l’étude des oeuvres et aux arguments fondés sur l’existence des passages parallèles, chez un auteur donné ou dans la langue en général, pour établir le sens voire la teneur d’une phrase, m’avait frappé. La publication par Solange Lucas, dans deux numéros récents de Geschichte der Germanistik (2019) et de Geschichte der Philologien (2020), de documents relatifs aux péripéties entourant le projet de traduction de l’essai sur la connaissance philologique entre 1966 et 1973, ainsi les communications présentées par Martin Strauss (« Jean Bollack comme intermédiaire entre Pierre Bourdieu et Peter Szondi ») et Victor Collard (« Bollack et Bourdieu : une amitié scientifique productive ») lors d’un colloque qui s’est tenu à Berne et Fribourg les 9 et 10 décembre 2021 autour des archives de Jean Bollack (déposées au Fond national suisse), m’ont permis de comprendre pourquoi la traduction du traité de Szondi, dont le projet remonte à 1966, ne devint accessible au public français, dans la traduction d’un jeune helléniste, et dans un lieu relativement peu visible, qu’en 1981. L’histoire, anecdotique en un sens, dit quelque chose non seulement de la situation des études littéraires en Allemagne et en France dans les années 1960/70, mais aussi des orientations respectives de Szondi et de Bourdieu concernant la question du statut des « oeuvres ». Les grandes lignes d’une chronologie se laissent fixer. Le 5 mars 1962, Bollack écrit à Szondi : On sait que le texte de Szondi donna effectivement lieu à deux publications en 1962 : « Zur Erkenntnisproblematik in der Literaturwissenschaft », dans Die Neue Rundschau (1962a : 146−165) et dans les Actes des Berliner Universitätstage qui s’étaient tenus début février (1962b : 73−91). Il devait ensuite servir de préface aux études sur Hölderlin (Hölderlin-Studien), sous le titre « Traktat über philologische Erkenntnis » (op. cit., 1967 : 9−30). La transformation en Traktat de ce qui se présentait primitivement comme une contribution (« Zur… ») donne au texte une allure de manifeste, soulignant l’importance qu’il revêtait aux yeux de Szondi. Le projet de faire publier une traduction d’essais de Szondi, dont « Sur la connaissance philologique », dans la collection créée en 1964 par Bourdieu aux Éditions de Minuit, Le sens commun, remonte à 1966. Cette année-là, Bollack était invité par Szondi, nommé professeur à la Freie Universität de Berlin l’année précédente, pour tenir dans le cadre de son séminaire, au cours du semestre d’été, un enseignement sur le pindarisme, « Pindar …

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