IntroductionLe chemin de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE) dans le monde francophone[Notice]

  • Jason Luckerhoff et
  • François Guillemette

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  • Jason Luckerhoff
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • François Guillemette
    Université du Québec à Trois-Rivières

En fondant la revue Approches inductives (2014-2020), nous avons voulu fournir aux francophones un lieu de diffusion scientifique consacré aux travaux portant sur des démarches considérées innovantes par certains et vertement critiquées par d’autres. Il y avait eu une période où les méthodes qualitatives étaient marginalisées par rapport aux méthodes quantitatives et des organisations comme l’Association pour la recherche qualitative (ARQ) avaient eu un mandat en partie militant visant à valoriser des méthodes qui n’avaient pas la même légitimité que d’autres. La revue Recherches qualitatives a joué un rôle très important et a fourni des textes en français aux chercheurs et aux étudiants en formation. Au début des années 2000, les méthodes qualitatives ont été de plus en plus enseignées, financées, respectées et légitimées. Mais il nous apparaissait clair que les méthodes inductives, autant qualitatives que quantitatives, étaient suspectées comme non scientifiques dans le monde de la recherche en français. Il était pratiquement impossible de soutenir une thèse inductive dans certains programmes, départements ou universités, les cours sur les approches inductives étaient rares et les publications en français peu nombreuses. De plus, les écrits fondateurs sur les approches inductives étaient mal compris, souvent mal traduits ou, pire encore, certains chercheurs les citaient pour légitimer des démarches qui ne correspondaient pas à ce qui était proposé par les auteurs cités. Nous avons donc étudié attentivement le livre de 1967 de Glaser et Strauss, Discovery of grounded theory. Strategies for qualitative research, ainsi que la première édition de Basics of qualitative research. Techniques and procedures for developing ground theory, de Strauss et Corbin, en 1990. Nous nous sommes assurés de bien comprendre la proposition initiale et nous avons ensuite porté notre attention sur toutes les traductions, vulgarisations, synthèses et adaptations pour constater à quel point il existait une grande diversité d’adaptations et de synthèses. Nous avons également entrepris de communiquer avec un grand nombre de chercheurs dans toute la francophonie qui avaient en commun de travailler selon les principes des approches inductives. Plus spécifiquement, nous avons cherché les thésards francophones qui faisaient de la grounded theory (GT). Et nous avons voulu faire connaître la GT des origines, sans les interprétations nombreuses et diverses. La création de ce réseau nous a vite fait comprendre que ceux qui utilisaient des approches inductives pour travailler en français avaient besoin de formation, d’accompagnement, de textes plus nombreux en français et de lieux de diffusion pour publier en français sur les approches inductives. Nous avons donc organisé des colloques, donné des formations, dirigé un premier ouvrage collectif (Luckerhoff & Guillemette, 2012) et fondé la revue Approches inductives dans laquelle nous avons dirigé onze numéros. Notre travail nous a permis de comprendre que la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE) est présente un peu partout dans la francophonie depuis plus de 50 ans. Strauss est allé en France dès les années 1960 (Glaser, 1992) et dans les années 1970 (Bastard & Trochu, 2022). En 1975, il a présenté une conférence et son texte a circulé parmi les sociologues français, mais ce n’est qu’en 2022 qu’il a été publié (Strauss, 2022). Nous ne trouvons pas de traces d’une MTE francophone en Europe qui se serait développée autrement qu’en faisant connaître les publications de Strauss, notamment par des traductions de ses textes, écrits avec différents auteurs (Bastard & Trochu, 2022). Anne Laperrière a publié un texte en 1982 où elle parle de la grounded theory de Glaser et Strauss (Laperrière, 1982) et un autre en 1985 qui porte plus spécifiquement sur la grounded theory (Laperrière, 1985). Ces textes ont contribué à faire connaître la grounded theory dans les universités francophones, …

Parties annexes