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La problématique liée au genre et au sexe en éducation physique et sportive (EPS) n’est pas récente. Toutefois, le livre Filles et garçons en EPS constitue une synthèse intéressante du sujet et tente de faire le pont entre la recherche et la pratique. D’entrée de jeu, Geneviève Cogérino précise le public visé par son ouvrage, soit les formateurs et les formatrices, les enseignants et les enseignantes ainsi que les étudiantes et les étudiants passant les concours de recrutement en EPS. Du même souffle, elle exprime le souhait que ce livre puisse permettre aux enseignantes et aux enseignants d’EPS de trouver des informations susceptibles de provoquer une réflexion personnelle sur des aspects de leurs pratiques professionnelles quotidiennes liées au thème de la différence des sexes et du genre. Malheureusement, le fait d’avoir tablé sur un lectorat aussi diversifié nous laisse souvent sur notre appétit. D’ailleurs, Cogérino elle-même semble avoir ressenti ce malaise lorsqu’elle écrit ceci en introduction (p. 13) :
La marge est étroite et il est difficile de satisfaire à la fois l’enseignant formateur (qui se sentira peut-être bousculé dans certaines de ses convictions), l’étudiant en STAPS (qui se verra peut-être submergé par l’ampleur du champ auquel renvoient les études sur le genre), le doctorant (qui trouvera l’ensemble trop superficiel à vouloir trop survoler), le professeur stagiaire des lycées ou l’enseignant débutant (qui trouvera qu’on lui montre bien ce qu’il faudrait éviter de faire mais pas comment faire).
Ces quelques lignes expriment exactement le sentiment que l’on ressent à la fin de la lecture de ce livre. Une question s’impose alors : pourquoi ne pas avoir opté pour un public cible plus homogène puisqu’on connaît d’emblée les critiques auxquelles on s’expose?
L’ouvrage comprend trois parties qui peuvent être lues de manière indépendante. La première constitue une revue de la littérature sur le sexe et le genre en EPS. Cette recension des écrits s’appuie sur les travaux de recherche qui ont contribué à l’avancement des connaissances dans ce domaine (notamment ceux de Davisse, Flintoff, Fontayne, Messner, Rail, Scraton). Bien que Geneviève Cogérino se soit assurée de la présence d’auteures et d’auteurs canadiens, américains et anglais, je suis étonnée de constater la très faible représentation (voire l’absence) de textes issus de la sociologie du sport alors que ce champ d’étude regorge de spécialistes ayant étudié les différences filles-garçons en EPS. En dépit de cette remarque, notons que les lectrices et les lecteurs avides de connaissances plus approfondies apprécieront les nombreux encadrés intitulés « Pour en savoir plus » qui suggèrent d’autres lectures sur la plupart des sujets abordés.
Tout en reconnaissant que la première partie possède certaines lacunes, je dois néanmoins reconnaître que sa lecture permet de bien comprendre ce qui distingue le genre et le sexe. Ainsi, l’auteure explique clairement la construction sociale des genres de même que l’asymétrie masculin/féminin qu’elle présente en parlant des hommes qui ont un sexe et des femmes qui sont un sexe. Après cette introduction plutôt générale, Geneviève Cogérino expose les travaux relatifs au sexe et au genre mais cette fois-ci en contexte scolaire. La majorité des thèmes liés à cette problématique y sont abordés : l’infiltration des valeurs masculines dans les programmes d’EPS, les comportements différenciés du personnel enseignant, les comportements des élèves dans les cours d’EPS et la mixité. Bien que cette recension rende justice à la recherche réalisée à ce jour sur le genre et le sexe en EPS, l’omission des travaux de Martel et Gagnon, qui sont des chefs de file sur les problématiques d’équité en EPS, me semble une lacune importante.
La deuxième partie du livre peut être un peu plus difficile à comprendre pour les personnes qui ne sont pas familiarisées avec le système scolaire français puisque toutes les études rapportées y sont liées. Cécile Vigneron, qui signe le deuxième chapitre, présente une recension des écrits français sur les écarts de réussite en EPS entre filles et garçons. Cette section donne des pistes d’explication intéressantes comme la contribution possible de l’école à ces écarts. Ainsi, l’analyse de différentes variables favorise une compréhension approfondie et nuancée des éléments constituant cette problématique comme le milieu social, les caractéristiques socioprofessionnelles familiales, la composition de la fratrie, le lieu de scolarisation et les caractéristiques des élèves (stature, poids, pratiques sportives extrascolaires, etc.). Signalons que Cécile Vigneron offre en cours de route quelques bilans de ces études, ce qui facilite la « digestion » du nombre important de résultats présentés (14 tableaux statistiques). Non seulement ces moments synthèses font bien ressortir les nuances qu’un tableau de chiffres ne peut rendre à lui seul, mais en outre ils permettent à celui ou celle qui les consulte de valider sa compréhension de l’ensemble des résultats. Petite note intéressante : l’auteure a pris soin d’expliquer comment lire les tableaux statistiques, ce qui permet au ou à la néophyte de s’en tirer avec une bonne compréhension des chiffres présentés. Ce chapitre se termine par une discussion extrêmement bien menée qui nuance le poids des variables expliquant les différents niveaux de réussite des filles et des garçons dans les cours d’EPS.
Les six autres chapitres qui complètent la deuxième partie du livre présentent chacun une étude liée à la problématique globale de la réussite des filles et des garçons en EPS. Ils sont basés sur des études réalisées au Centre de recherche sur l’innovation en sport (CRIS) du laboratoire des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) de l’Université Claude Bernard Lyon 1. Ces chapitres ont pour objet de sensibiliser les enseignants et les enseignantes aux différents thèmes associés aux écarts de réussite en EPS comme l’identité de genre, les sports collectifs et l’improbable réussite des filles, les interactions différenciées entre personnel enseignant et élèves ou encore les perceptions différenciées chez les filles et les garçons. Geneviève Cogérino annonce d’entrée de jeu que la deuxième partie tentera « une approche comparative avec les travaux anglophones » (p. 11). Pourtant, le seul chapitre (sur un total de sept) qui remplit ce mandat est le septième où il est question des rétroactions du personnel enseignant. Tous les autres chapitres ne rapportent que des études françaises; il ne faut donc pas s’attendre à pouvoir comparer la réalité française avec celle de pays anglophones. Malgré tout, précisons que le thème de chaque chapitre est pertinent et intéressant. Ainsi, ma critique ne porte pas sur la qualité des travaux français qui ont été choisis pour cette partie mais plutôt sur le fait que les résultats sont comparés aux travaux anglophones.
Enfin, la troisième partie du livre présente deux concepts qui, selon Cogérino, sont souvent invoqués par le personnel enseignant soit, l’agressivité en EPS, qui est associée davantage aux garçons, et les stratégies d’autohandicap, dont on remet en question la sous-utilisation par les filles. Rappelons que ces stratégies sont des « manoeuvres utilisées de manière anticipative par les sujets pour protéger ou rehausser leur image de compétence et fournir des explications en cas d’échec » (p. 283). Bien que ces deux thèmes soient intéressants en tant que tels, le lien avec les autres chapitres du livre n’est pas clair. Comme lectrice, je n’ai pas saisi pourquoi on a choisi d’inclure ces deux derniers chapitres. Dans chacun de ceux-ci, on a d’ailleurs tenu à préciser que le chapitre en question n’a pas pour objet de fournir des pistes en matière d’intervention. Alors, pourquoi les avoir insérés?
Pour terminer, je dirai que la principale force de l’ouvrage réside dans les deux premiers chapitres, car on y brosse un tableau détaillé et bien documenté des écarts de réussite en EPS entre les filles et les garçons, ce qui intéressera sans aucun doute un grand nombre de formateurs et de formatrices ainsi que d’enseignants et d’enseignantes. Enfin, je réitère mon commentaire de départ : à vouloir ratisser trop large, on ne crée que des insatisfactions. Ou bien on termine la lecture avec l’impression d’avoir uniquement survolé le problème ou, au contraire, on sent qu’il y avait tellement d’informations qu’il semble impossible d’appliquer les connaissances présentées à son propre contexte, tout cela en fonction du poste occupé.