FR :
Résumé
Pendant près d'un siècle, l'institution littéraire a tenu en haute estime les Légendes canadiennes (1860-1861) de Henri-Raymond Casgrain. Mais autour des années 1960, commence à diminuer la fortune de ces textes, qui se voulaient fondateurs de la littérature canadienne par le truchement de la récupération des vieilles histoires que le peuple se racontait. Après une revue de la réception critique des Légendes canadiennes, Michel Lord propose une relecture des trois textes de Casgrain. Il met l'accent sur les stratégies discursives très personnelles mises en oeuvre par Casgrain dans la construction des « légendes », des figures du Canadien et de l'Indien, et dans l'organisation de la croyance au surnaturel. L'article a pour but de montrer que, sous le couvert d'une forme simple (la légende), Casgrain manipule savamment le discours narratif, sans pour autant qu'il en résulte un effet de richesse dialogique, mais plutôt une forme de monologisme conforme à l'idéologie unificatrice (ultramontaine) de l'époque, dont Casgrain se fait le défenseur acharné. Les Légendes canadiennes de Casgrain apparaissent ainsi moins comme le résultat d'une entreprise vouée à la sauvegarde des vieilles légendes, que comme une illustration du modèle exemplaire de ce que devait alors être la littérature canadienne.
EN :
Abstract
Henri-Raymond Casgrain's Légendes canadiennes (1860-1861) were held in high esteem by the literary establishment for nearly a century. Around 1960, however, there was a decline in the fortune of these texts, which had been designed to form the basis of French Canadian literature through the recovery of old stories told by the people. After reviewing critical response to the Légendes, Michel Lord offers a rereading of three texts by Casgrain, focusing on the very personal discursive strategies used by Casgrain to constaict his "legends" and the figures of the Canadian and the Indian and to organize belief in the supernatural. The article attempts to show that under the guise of a simple form (the legend), Casgrain manipulates narrative discourse in a sophisticated way. The effect, however, is not one of dialogic abundance; instead, a form of monologism is established corresponding to the period's unifying (ultramontane) ideology, which was ardently defended by Casgrain. Thus, Casgrain's Légendes canadiennes should be viewed not so much as the outcome of a project to preserve old legends, but rather as illustrating an exemplary model of what Canadian literature at that time was expected to be.