TTR
Traduction, terminologie, rédaction
Volume 36, numéro 1, 1er semestre 2023 Traduction et journalisme Translation and Journalism Sous la direction de Pier-Pascale Boulanger et Chantal Gagnon
Sommaire (14 articles)
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Présentation
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Traitement et traduction de la mafia italienne par la presse française
Bérengère Denizeau
p. 15–43
RésuméFR :
Le phénomène « mafia », ni actif ni perçu de la même manière d’un côté à l’autre des Alpes, fait l’objet d’un traitement différent par les presses française et italienne : si elle n’est pas officiellement reconnue en France, la mafia a été précisément définie par le Code pénal italien dès 1982. Cet article se propose de montrer en quoi l’asymétrie du traitement médiatique de cette organisation criminelle d’un pays à l’autre est symptôme et cause d’une différence de perception collective, chez les citoyens, et de choix politiques, du point de vue des institutions. La mafia italienne est source de mythes et de fantasmes nourris par une riche production artistique, à la fois dans la littérature et au cinéma, qui contribue à diffuser des stéréotypes inspirés de la réalité. La profusion de représentations fictives de cet objet génère l’importation, dans la langue française, de quantité de termes et expressions italiens spécifiques à cette thématique, par le truchement d’emprunts et de néologismes fréquemment relayés par la presse. Une contextualisation insuffisante expose ces termes au risque d’un glissement sémantique. Nous analysons ici un corpus composé d’une soixantaine d’articles issus des quotidiens français Le Monde, Le Figaro et Libération afin d’observer la manière dont les journalistes couvrent un phénomène qui est appréhendé, culturellement, différemment en France et en Italie. Une comparaison entre le traitement terminologique et le déploiement figural de l’objet « mafia » par la presse française de la fin du XIXe et par celle d’aujourd’hui permettra de constater la persistance de procédés d’exotisation employés par les journalistes; il s’agira ensuite de réfléchir à l’incidence de la langue sur la perception de phénomènes sociaux et sur les implications politiques des choix terminologiques.
EN :
The “mafia” phenomenon, neither active nor perceived in the same way on both sides of the Alps, is treated differently by the French and Italian media: the definition of “the mafia” entered the Italian penal Code in 1982 when it was precisely defined. By contrast, it is not yet officially recognized in France. This article proposes to show how the asymmetrical treatment by the media of this criminal organization from one country to the other is a symptom and a cause of a difference in collective perception, among citizens, and in political choices, from the point of view of institutions. The Italian mafia is a source of myth and fantasy fed by a broad array of artistic productions, both in literature and in cinema, which generate the proliferation of stereotypes inspired by reality. The profusion of fictional representations of the mafia has led to the importation into the French language of a large number of related Italian terms and expressions on the subject, by means of borrowings and neologisms frequently relayed by the media. An inadequate contextualization of these terms exposes them to the risk of a semantic shift. In this article, we examine a selection of about sixty articles from the French newspapers Le Monde, Le Figaro and Libération in order to analyze the way journalists cover a phenomenon that is apprehended differently in France and in Italy from a cultural point of view. A comparison between the terminological treatment of the “mafia” by the French press at the end of the 19th century and by the press of today will reveal the persistence of exoticization processes used by journalists, leading to a reflection on the impact of language on the perception of social phenomena and on the political implications of terminological choices.
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Enjeu méthodologique de l’étude des produits culturels bilingues : le cas de la série documentaire bilingue 8e feu
Simon Trépanier et René Lemieux
p. 45–69
RésuméFR :
Cet article explore la conception de la série documentaire bilingue 8e feu : Les Autochtones et le Canada, le sentier de l’avenir (dans sa version anglaise : 8th Fire: Aboriginal Peoples, Canada and the Way Forward), présentée au début de l’année 2012 sur les ondes de Radio-Canada et de la CBC. Les deux sociétés d’État, diffuseuses de la série, la montraient à ses communautés linguistiques officielles, anglophone et francophone, dans le but de les informer sur la relation défaillante entre le Canada et les peuples autochtones. Même si certains pourraient affirmer que l’histoire entre anglophones et autochtones et celle entre francophones et autochtones ont suivi des chemins distincts, la série bilingue propose un seul récit produit en deux versions linguistiques. Lorsqu’on l’analyse en détail, on prend conscience pourtant des différences entre les deux versions. Le présent article vise ainsi à décrire ces différences tout en contribuant à une méthodologie propre à ce genre de produit culturel bilingue.
EN :
This article explores the creation of the bilingual documentary series 8th Fire: Aboriginal Peoples, Canada and the Way Forward (in the French version: 8e feu : Les Autochtones et le Canada, le sentier de l’avenir), which aired on Radio-Canada and CBC in early 2012. The two Crown corporations, broadcasters of the series, presented it to their official language communities, English and French, with the aim of highlighting the failed relationship between Canada and Indigenous peoples. While some have argued that the history between Anglophones and Indigenous peoples, on the one hand, and between Francophones and Indigenous peoples, on the other hand, have followed different paths, the bilingual series offers a single narrative produced in two languages. When analysed in detail, however, the differences between the two versions become apparent. The aim of this article is to describe these differences while contributing to elaborate a methodology specific to this type of bilingual cultural product.
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L’outil Ultrad de La Presse Canadienne : la traduction automatique dans un contexte journalistique
Éric André Poirier et Jean-Hugues Roy
p. 71–105
RésuméFR :
En 2018, La Presse Canadienne a mis au point Ultrad, un système de traduction automatique (TA). Ultrad est un des rares systèmes de TA à être utilisé quotidiennement par des journalistes au Canada. Toutes les traductions d’Ultrad sont révisées avant d’être publiées dans la langue cible. Notre article porte sur l’évaluation des traductions fournies par l’outil et sur les révisions apportées par les journalistes de l’agence de presse. Pour mener à bien ce travail, nous avons dépouillé un échantillon de 148 articles en anglais comportant une version traduite automatiquement en français et une version révisée par un rédacteur ou une rédactrice de La Presse Canadienne. L’évaluation des traductions, d’une part, et, d’autre part, la comparaison entre les textes traduits automatiquement et les textes révisés en post-édition (PE) ont reposé sur différentes méthodes d’analyse outillées : la comparaison des fréquences de mots, de l’alignement des paragraphes et de leur sous-segmentation en phrases graphiques pour chacun des deux groupes de bitextes (anglais avec la traduction brute, puis anglais avec la version révisée en PE) et des volumes informationnels des paires de segments; la distance euclidienne (DE) à trois dimensions entre segments source et cible et la correction linguistique fournie par le logiciel de correction linguistique Antidote sur la totalité des articles révisés. Notre étude est l’une des rares à s’être penchée sur l’utilisation de la TA par des journalistes. Elle met en évidence les lacunes de la TA et le caractère incontournable des interventions humaines en PE, même si ces interventions ne sont pas infaillibles.
EN :
In 2018, La Presse Canadienne (the French-language counterpart of The Canadian Press) developed Ultrad, a machine translation (MT) system. Ultrad is one of the few MT systems used daily by journalists in Canada. All Ultrad English to French translations are reviewed before being published in the target language. Our article focuses on the evaluation of the translations provided by the tool and post-editing by the news agency’s journalists. To conduct this work, we examined a sample of 148 English-language articles with both machine-translated and post-edited versions in French. The evaluation of the translations, on the one hand, and the comparison of the machine-translated and post-edited texts, on the other, relied on different methods of analysis: comparison between word frequencies, paragraph alignment and their sub-segmentation into graphic sentences for each of the two groups of bitexts (English with the raw translation and English with the revised post-edited translation) and the information volumes of the pairs of segments; the three-dimensional Euclidean distance (ED) between the source and the target segments; and the linguistic correction provided by the Antidote linguistic correction software on the entirety of the post-edited articles. Our study is one of the few that has examined the use of MT by journalists. It highlights the shortcomings of MT and the importance of human interventions in post-editing, even if these interventions can be error-prone.
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Le corpus journalistique dans l’enseignement de la traduction économique et financière
Pier-Pascale Boulanger et Chantal Gagnon
p. 107–135
RésuméFR :
L’article présente le corpus journalistique comme une ressource incontournable dans l’acquisition d’un savoir critique, compétence qui doit s’enchâsser dans l’apprentissage de la traduction économique et financière, à l’heure où on anticipe qu’une proportion croissante de textes issus de ces domaines se prêteront à la traduction automatique neuronale. L’article vise à soutenir une pratique enseignante qui conçoit le travail des traductaires comme étant activement engagé dans la construction des réalités sociales. Cette posture est exposée sous les auspices de l’analyse critique du discours, dont la pertinence s’inscrit dans le contexte élargi de la financiarisation de l’économie. Après une brève synthèse des approches en enseignement de la traduction spécialisée dans les domaines de l’économie et de la finance, l’article propose des clefs d’analyse critique du corpus journalistique, réparties en trois catégories : lexique et vocabulaire, agentivité et voix. Quelques aspects praxéologiques sont abordés, notamment la manière de construire un corpus de textes journalistiques.
EN :
This paper presents the journalistic corpus as a valuable resource in acquiring critical knowledge. Translator training in economics and finance must incorporate this skill set, especially at a time when an increasing volume of texts from these fields is expected to be processed through neural machine translation. The paper aims to support teaching practices that acknowledge the work of translators as actively engaged in constructing social reality. This posture is delineated within critical discourse analysis, which is helpful in understanding the broader context of the financialized economy. After a brief review of approaches to teaching economic and financial translation, the article proposes three entry points into the critical analysis of a journalistic corpus: lexicon and vocabulary, agency and voice. Some praxeological aspects are discussed, such as how to build a corpus from newspapers.
Articles non thématiques / Non-Thematic Articles
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Common Practices in the Quebec Translation Milieu with Respect to Canadian English Usage
Christine York
p. 137–168
RésuméEN :
The widespread adoption of translation technologies and the availability of online tools has reshaped not only the translation process, but also research methods, as translators gradually abandon print resources in favour of online ones. What happens when reference materials like dictionaries—generally seen as authoritative in matters of spelling and style—are infrequently updated, or if translators become less reliant on them? Given that one of the major Canadian English reference books, The Canadian Oxford Dictionary (COD), was last published in 2004, translators who work from French and other languages into English have had to complement their research with other sources. What has been the impact on their common practices? In 2022, the author carried out a study composed of a survey, which had 60 respondents, and 11 semi-directed interviews. It sought to ascertain the impact of evolving research methods and the lack of up-to-date reference materials on the habits of working translators in Quebec and Canada and in particular, on how they follow the spelling, style and vocabulary of Canadian English as a language variety. Given that Canadian English is notable in two ways—for the presence of French as a co-official language, leading to numerous borrowings and influences, and for its position as a settler colonial variety of English, whose vocabulary reflects contact with Indigenous languages, particularly with regard to toponymy—one might expect those aspects to provide ongoing challenges to translators in the current environment. The results show that while the role of dictionaries is in transition, respondents consider it a matter of responsibility and a point of identity to follow Canadian spelling and style, and they view linguistic variation more broadly as a source of cultural richness and diversity.
FR :
L’adoption généralisée des technologies de la traduction et la création d’outils en ligne ont bouleversé non seulement le processus de traduction, mais aussi les méthodes de recherche, alors que les ressources imprimées sont abandonnées au profit des ressources en ligne. Si l’on considère que les dictionnaires et autres ouvrages de référence font autorité en matière d’orthographe et des conventions linguistiques, que se passe-t-il lorsqu’ils ne sont pas mis à jour ou sont rarement consultés? Au Canada, la publication de l’un des principaux ouvrages de référence, le Canadian Oxford Dictionary, date de 2004, ce qui oblige les personnes qui traduisent vers l’anglais à compléter leurs recherches par d’autres sources. Quel a été l’impact sur les pratiques courantes? En 2022, nous avons mené une étude composée d’un sondage auprès de 60 répondant·es et de 11 entrevues semi-dirigées. Cette étude cherche à comprendre comment l’évolution des méthodes de recherche et le manque d’ouvrages de référence à jour ont affecté la pratique de la traduction au Québec et au Canada, surtout par rapport à l’anglais canadien – son orthographe, ses conventions linguistiques et son vocabulaire. Cette variété linguistique se distingue de deux façons : par la présence du français en tant que langue officielle, ce qui entraîne de nombreux emprunts linguistiques et influences, et par sa position en tant que variété issue d’une colonie de peuplement, dont le vocabulaire, surtout les noms de lieux, témoigne du contact avec des langues autochtones. On peut donc s’attendre à ce que ces aspects posent quelques difficultés dans le contexte actuel. L’analyse suggère que, bien que le rôle des dictionnaires soit en transition, il importe aux répondant·es de respecter l’orthographe et le style canadiens et, plus largement, de concevoir la variation linguistique comme une source de richesse et de diversité culturelles.
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Translation Trainees’ Self-censorship and its Pedagogical Implications: A Triangulated Investigation in Hong Kong
Law Wai-on
p. 169–203
RésuméEN :
Employing a triangulation method based on interviews, performance exercises, and think-aloud protocols (TAPs), this study probes the thought processes of ten Hong Kong translation trainees of diverse backgrounds to identify possible self-censorship during translation. The two English source texts for the performance exercise contained sensitive language or content with respect to sex and the trainees’ home country. A text containing mild criticism of Christianity was used as a control. It was found that most respondents were aware of the relationship between ideology and translation, and employed a semantically literal translation approach to render the ideological items in full. They took a broad range of factors into consideration, including translation purpose, text type, register, and target readership. Only one respondent self-censored his translation, while three others revealed their concerns about censorship during the TAP. The results show that the trainees share the same social habitus and highlight a need for ethics-awareness training in the translation curriculum. Given the current lack of such training as revealed by other surveys, recommendations for curriculum design are made. The influence of habitus on self-censorship could be further explored by comparing, for example, translation trainees and professional translators. The research methodology could also be replicated in other cultural and linguistic settings for a broader understanding of this topic.
FR :
En utilisant une méthode de triangulation basée sur des entretiens, des exercices pratiques et des protocoles de réflexion à haute voix (TAP), cette étude de cas vise à décrire les processus de pensée de dix étudiants provenant de contextes divers et inscrits dans un programme de traduction à une université de Hong Kong, afin d’identifier la présence d’une éventuelle autocensure pendant la traduction. Les deux textes sources en anglais contenaient un langage ou un contenu sensible concernant le sexe et la Chine, pays d’origine des étudiants. Un troisième texte contenant une légère critique du christianisme a été utilisé comme contrôle. Il s’est avéré que la plupart des étudiants interrogés étaient conscients de la relation entre l’idéologie et la traduction et qu’ils ont choisi une approche littérale pour rendre les éléments idéologiques dans leur intégralité. Ils ont pris en considération un large éventail de facteurs, notamment l’objectif de la traduction, le type de texte, le registre et le lectorat cible. Un seul répondant a autocensuré sa traduction, tandis que trois autres ont fait part de leurs préoccupations concernant la censure au cours du TAP. Les résultats montrent que les étudiants partageaient le même habitus social et soulignent la nécessité d’une sensibilisation à l’éthique dans les programmes de traduction en Chine. Compte tenu de l’absence actuelle d’une telle formation dans ces derniers, révélée par des enquêtes précédentes, des recommandations pour son inclusion sont formulées. Les résultats montrent également que l’influence de l’habitus sur l’autocensure mériterait d’être étudiée plus avant en comparant, par exemple, des étudiants en traduction et des traducteurs professionnels. Enfin, la méthode de triangulation utilisée pourrait être reproduite dans d’autres contextes culturels et linguistiques, ce qui permettrait d’élargir la compréhension du rôle de l’autocensure pendant l’acte de traduire.
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De je à toi, une question inter-subjective de la traduction. Réflexion à partir de la traduction de Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon
Florence Xiangyun Zhang
p. 205–231
RésuméFR :
Partant d’une tendance à uniformiser les sujets nous et je constatée dans la traduction anglaise de Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon, le présent article réfléchit sur la traduction de différentes subjectivités. Appuyé par les deux traductions existantes en anglais qui soulèvent des problèmes communs, notre questionnement est surtout basé sur notre propre exercice de la traduction du même ouvrage vers la langue chinoise. Comment démêler les nombreuses présences de je qui mettent en voix et en mouvement des corps et des expériences? Comment restituer l’écriture poétique performative? Ces questions nous conduisent vers une interrogation sur la relation avec l’autre qui est au centre de la pensée de Fanon et essentielle pour toute réflexion sur la traduction.
EN :
Taking as our starting point a visible tendency to homogenize the subjects “we” and “I” in the English translations of Frantz Fanon’s Peau noire, masques blancs, this article reflects on the problems raised by the translation of different subjectivities. Focusing on the two existing English translations that raise common issues, our questioning is mainly a result of our own exercise of translating the same work into Chinese. How can we untangle the many presences of “I” that put bodies and experiences into voice and movement? How can we restore performative poetic writing? These questions lead us to rethink the relations with the other, which are central to Fanon’s writing and essential for any reflection on translation.
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Becoming Other: Cannibalistic Translation as Liminal Transformation
Jake Young
p. 233–255
RésuméEN :
Combining the translation theory of Haroldo de Campos and Eduardo Viveiros de Castro’s analysis of Indigenous metaphysics, this essay argues that the metaphorical consumption or cannibalization of texts through translation highlights the role literary influences play in expanding and transforming global literary networks. An understanding of how translated texts consume the source text in the process of their transcreation reveals a rhizomatic exchange and circulation of literature that destabilize at once traditional power structures and conventional translation binaries that give precedence to questions of originality and fidelity. Specifically, attention to rhizomatic literary influences acknowledges the inherent power dynamics and inequalities within postcolonial literature. A cannibalistic view of translation brings into focus these implicit power imbalances while also offering translation as a means to subvert and transform language and cultural hierarchies. Cannibalistic translation recognizes translation as a liminal process of becoming other that transforms not only the source and target texts but also the translator, readers, and literary networks, a process that reverberates through the dialogical relations connecting them all. By drawing on Viveiros de Castro’s works on Indigenous Amazonian ontologies, this article demonstrates ways in which the cannibalistic translation theory of the de Campos brothers can continue to be refined.
FR :
En combinant la théorie de la traduction de Haroldo de Campos et l’analyse de la métaphysique autochtone d’Eduardo Viveiros de Castro, cet article avance que la consommation métaphorique ou la cannibalisation des textes par la traduction met en lumière le rôle que jouent les influences littéraires dans l’expansion et la transformation des réseaux littéraires mondiaux. Comprendre comment les textes traduits consomment le texte source dans le processus de leur transcréation révèle un échange rhizomatique et une circulation de la littérature qui déstabilisent à la fois les structures de pouvoir traditionnelles et les binarismes conventionnels de la traduction qui privilégient les questions d’originalité et de fidélité. Plus précisément, l’attention portée aux influences littéraires rhizomatiques permet de reconnaître les dynamiques de pouvoir et les inégalités inhérentes à la littérature postcoloniale. Une vision cannibale de la traduction non seulement met en lumière ces déséquilibres, elle vise à les subvertir et à les transformer. La traduction cannibale reconnaît ainsi la traduction comme un processus liminal de devenir autre qui opère la transmutation tant des textes source et cible, que du traducteur, des lecteurs et des réseaux littéraires, un processus qui se répercute à travers les relations dialogiques qui les relient tous. En s’appuyant sur les travaux de Viveiros de Castro sur les ontologies autochtones amazoniennes, cet article met en lumière les façons dont la théorie de la traduction des frères de Campos peut continuer à être affinée.
Comptes rendus / Book Reviews
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Julie Loison-Charles. Traduction audiovisuelle et multilinguisme : Le français dans les séries anglophones. Arras, Artois Presses Université, 2022, 231 p.
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Lori Saint-Martin. Un bien nécessaire. Éloge de la traduction littéraire. Montréal, Boréal, 2022, 304 p.
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Joshua Price. Translation and Epistemicide. Racialization of Languages in the Americas. Tucson, University of Arizona Press, 2023, 189 p.
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Franziska Humphreys, dir. Penser la traduction. Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Bibliothèque allemande », 2021, 363 p.
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Piotr Blumczynski. Experiencing Translationality: Material and Metaphorical Journeys. New York, Routledge, 2023, 210 p.