Liminaire

Hommage à Gregory Baum[Notice]

  • Jean-François Roussel et
  • Patricia G. Kirkpatrick

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  • Jean-François Roussel
    Institut d’études religieuses, Université de Montréal (Canada)

  • Patricia G. Kirkpatrick
    School of Religious Studies, Université McGill (Canada)

Le 18 octobre 2017, le théologien canadien d’origine allemande Gregory Baum s’éteignait à Montréal, après une longue vie, une féconde carrière et la production d’une oeuvre abondante. Si on appréhende la théologie non pas comme la formation des séminaires visant à transmettre des doctrines et des savoir-faire, mais comme une discipline universitaire qui développe des problématiques, élabore des analyses critiques et développe des modèles de transformation, on peut dire que la naissance de la théologie québécoise coïncide avec l’avènement de la Révolution tranquille et du Concile Vatican II. Cependant, 60 ans se sont écoulés depuis lors et les premiers représentants marquants de cette théologie nous ont quittés. Ces dernières années, entre autres figures marquantes, ce sont Jacques Grand’Maison (2016) et Monique Dumais (2018) qui ont tiré leur révérence : ils avaient construit des oeuvres marquantes, l’un en théologie pratique et en sociologie du christianisme québécois, l’autre en théologie féministe. Le décès de Gregory Baum a marqué le départ d’un autre penseur important. Il nous semble important de lui consacrer un volume de Théologiques. L’itinéraire existentiel et théologique de Baum reflète des moments-clés et des tournants de son époque, tant sur le plan social, politique, géopolitique, culturel que religieux. Il a réalisé cette oeuvre à partir de contextes spécifiques : le Canada anglais de l’après-Vatican II ; le Québec du virage néolibéral, du nationalisme puis de l’interculturalisme ; la théologie universitaire, puis les mouvements chrétiens et citoyens, des années 1980 aux années 2010. Plusieurs cercles de l’Église ont trouvé dans les oeuvres de Baum des points de repère pour leur pensée et pour leur agir. C’est notamment le cas du Centre Justice et Foi (CJF) de Montréal qui organisait en octobre 2018, avec la Société canadienne de théologie (SCT), un colloque à sa mémoire, en forme d’hommage et de bilan. La plupart des textes de ce numéro sont issus de ce colloque. Gregory Baum est né à Berlin en 1923. À 17 ans, il dut quitter sa terre natale pour échapper au nazisme, car sa mère était juive. Arrivé au Canada, il amorça l’âge adulte dans des camps d’internement au Québec et au Nouveau-Brunswick. En 1946, transformé intérieurement par la lecture des Confessions d’Augustin, il se mit à la recherche d’une famille spirituelle. Né d’un père protestant, il préféra passer au catholicisme, pour des raisons intellectuelles mais aussi en raison de circonstances historiques et personnelles. Il entra plus tard dans la congrégation des Augustins, réalisa de longues études en théologie et devint professeur de théologie au Collège St. Michael, affilié à l’Université de Toronto, en 1959. Par la suite, il fut expert au Concile Vatican II. Déjà attentif à l’oecuménisme chrétien, il fut nommé peritus au Secrétariat pour l’unité chrétienne. Il oeuvra aussi sur le chantier du dialogue interreligieux, encore embryonnaire du côté catholique, en rédigeant la première version de la déclaration Nostra Aetate sur les religions non chrétiennes (voir Kirkpatrick). La pensée de Maurice Blondel fut déterminante dans son cheminement intellectuel (voir Mette, Cormie). Elle marque un de ses ouvrages les plus marquants, Man becoming : God in Secular Language. Le rejet blondélien d’une conception purement transcendantale de Dieu, « extrincéciste » et caractéristique du néo-thomisme, au profit d’une approche phénoménologique et immanentiste, est une « révolution copernicienne » pour Baum. Elle se traduit par une attention aux faits mondains, historiques et sociaux comme lieux premiers d’une révélation de Dieu (voir Schweitzer). L’étude des vues de Blondel – précurseur à cet égard de la théologie fondamentale d’un Rahner – a conduit Baum à l’idée voulant que dans le Christ, c’est l’ensemble de l’humain qui est divinement honoré. Dieu n’agit …

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