
Volume 55, numéro 1, printemps 2023 Sociologie visuelle : l’image dans l’enquête de terrain Visual Sociology: Images in Field Investigations Sous la direction de Guilllaume Sirois et Daniel Vander Gucht
Sommaire (11 articles)
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Introduction : sociologie visuelle : l’image dans l’enquête de terrain
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L’ostréiculture et les questions environnementales : utilisation d’un corpus d’images en sociologie des groupes professionnels
Emmanuelle Auras
p. 19–45
RésuméFR :
Des plastiques colorés sur une plage, des tracteurs sur l’estran, le marais et ses cabanes. Le décor est posé pour évoquer l’usage de la photographie dans une recherche portant sur le groupe professionnel des ostréiculteurs. L’article explore le cheminement méthodologique d’une sociologue mobilisant pour la première fois les images dans une enquête, s’interrogeant sur le statut de celles-ci. Trois corpus de photographies sont venus nourrir la compréhension de cette profession dont la trajectoire ascendante à l’échelle des individus comme du collectif est ralentie par la crise environnementale. L’identité sociale de ces ostréiculteurs oscille entre tradition et quête d’une certaine image de modernité, s’incarnant notamment dans un rejet récurrent du désordre. Une culture historique de l’aléa, intégrant plus ou moins la question du changement climatique, les incite à engager de nouvelles stratégies d’adaptation.
EN :
Colourful plastic on a beach, tractors on the foreshore, sheds in the salt marshes… The stage is set to describe the use of photography in research on the occupational group of oyster farmers. This article explores the methodological process of a pioneering sociology that uses images in a study, exploring the status of these images. Three corpuses of photographs were used to further our understanding of this profession, which has seen the upward trajectories of both individuals and collectives hampered by the environmental crisis. The social identity of these oyster farmers vacillates between tradition and the search for a certain image of modernity, which tends to appear as a recurrent rejection of disorder. Their historical culture of working with hazards, including, to a certain degree, climate change, encourages them to engage in new adaptation strategies.
ES :
Plásticos de colores en la playa, tractores en la zona intermareal, la marisma y sus cabañas. La escenografía es ideal para evocar el uso de la fotografía en una investigación que trata sobre la comunidad de personas ostricultoras profesionales. El presente artículo explora el recorrido metodológico de un sociólogo que por primera vez emplea imágenes para realizar una encuesta y reflexiona sobre la función de estas. Se han utilizado tres corpus de fotografías para comprender mejor esta profesión, cuya trayectoria ascendente tanto para los individuos como para el colectivo ha perdido intensidad como consecuencia de la crisis ambiental. La identidad social de estas personas ostricultoras oscila entre la tradición y la búsqueda de una cierta imagen de modernidad, representada particularmente por una aversión recurrente al desorden. Una cultura histórica de lo imponderable, con distintos niveles de integración de la problemática del cambio climático, los incita a adoptar nuevas estrategias de adaptación.
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Qu’est-ce que faire parler à partir d’images veut dire ? État de la littérature et retour réflexif sur la technique de photo-elicitation interview
Christian Papinot
p. 47–66
RésuméFR :
C’est à John Collier que l’on doit d’avoir posé les bases de la méthode de l’entretien par photo-élicitation. L’article propose à la discussion la thèse d’une certaine persistance contemporaine d’un double impensé épistémologique présent dans l’argumentaire de John Collier. Il semble en effet que l’on ne se soit pas complètement affranchis aujourd’hui d’une illusion persistante de transparence de l’image photographique tout comme d’une épistémologie positiviste conjuguant dénégation de la relation d’enquête comme relation sociale et persistance d’un idéal d’observateur témoin invisible. Cet article se propose donc, à partir d’une revue de la littérature récente sur le sujet, de rendre compte de la persistance contemporaine de ce double impensé épistémologique concernant l’usage des images photographiques comme support d’entretien dans l’enquête de terrain pour ensuite proposer quelques pistes d’analyse réflexive de ce que faire parler à partir d’images montrées veut dire dans la démarche de recherche, à commencer par les effets induits par la construction sociale des documents photographiques commentés dans la production des données en entretien.
EN :
It is to John Collier that we owe the foundation of the photo-elicitation interview method. This article offers a discussion of the thesis underlying a certain contemporary persistence of a double epistemological unthinking present in John Collier’s argument. Indeed, it seems that we have not yet completely freed ourselves from a persistent illusion of the transparency of the photographic image, nor from a positivist epistemology combining a denial of the investigative relation as a social relation and the persistence of the invisible observer-witness as an ideal. A review of the recent literature on the subject gives an account of the contemporary persistence of this double epistemological unthinkable concerning the use of photographic images as supports for interviews in fieldwork, and then proposes a few avenues of reflexive analysis of the impacts of speaking from shown images on the research process, starting with the effects induced by the social construction of the commented photographic documents in the production of data in the interview.
ES :
El mérito de haber sentado las bases del método de entrevista por fotoelicitación se le atribuye a John Collier. El presente artículo propone debatir la tesis relativa a una cierta persistencia contemporánea de una dualidad epistemológica contradictoria presente en los argumentos de John Collier. En efecto, parece que, hasta el momento, no hemos sido capaces de liberarnos completamente de la persistente ilusión de transparencia de la imagen fotográfica ni de una epistemología positivista que conjuga negar la relación que surge de la investigación como relación social con reafirmar el ideal del observador-testigo invisible. A partir de una revisión del marco teórico reciente acerca del tema, el presente artículo tiene por objeto dar cuenta de la persistencia contemporánea de esta dualidad epistemológica contradictoria relacionada con el uso de fotografías como guías para las entrevistas en el trabajo de campo, para luego proponer una serie de líneas de análisis reflexivo sobre lo que significa hablar a partir de las imágenes mostradas en la investigación, comenzando por los efectos inducidos por la construcción social de los documentos fotográficos comentados en la producción de los datos de la entrevista.
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Marcher pour voir : entretien avec Timothy Shortell
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Coconstruire les récits de l’(auto)mobilité : la sociologie visuelle embarquée en convoi
Meike Brodersen
p. 83–103
RésuméFR :
L’alliance des méthodes mobiles et des méthodes visuelles retrouve une actualité renouvelée dans l’étude des mobilités futures. Impératifs écologiques, politiques publiques et annonces d’innovation technologique questionnent les pratiques (auto)mobiles et rendent nécessaire d’appréhender conjointement les mobilités quotidiennes du présent et les imaginaires de l’avenir, et cela en mouvement. Cet article propose la méthode du convoi audiovisuel et automobile pour réaliser une sociologie située et collaborative des mobilités quotidiennes, qui permet d’offrir des prises heuristiques au-delà même de l’analyse sociologique. Le visuel y devient un site d’interaction qui rend explicites les connaissances tacites et compétences situées liées à la mobilité quotidienne ; il permet de documenter et de rendre présente l’épaisseur relationnelle et expérientielle de l’espace du proche. La coconstruction du récit automobile filmé permet de mettre en évidence les modalités spécifiques des socialités locales en tant qu’elles sont imbriquées dans les pratiques de mobilité, y compris par les difficultés et imperfections qui émergent lors de ces embarquements.
EN :
A combination of mobile and visual methods finds renewed relevance in the study of future mobilities. Environmental imperatives, public policy and the latest technological innovations call our (auto)mobility practices into question, making it necessary to jointly understand both day-to-day mobility in the present and its possibilities in the future, even as these are all in movement. This article proposes a method of audiovisual and automobile convoy to carry out a collaborative and situated sociological study of day-to-day mobility to provide heuristic insights that go beyond classical sociological analyses. The visual becomes a site for interaction that renders the tacit knowledge and skills related to day-to-day mobility explicit and the subject of discussion, allowing us to document and make present the relational and experiential depth of a proximal space. Through the co-construction of the story of the automobile on film, the specific modalities of local socialities can be highlighted as they are imbued with mobility practices, including through the difficulties and imperfections that emerge from visual sociology as a passenger.
ES :
La integración de métodos móviles y visuales adquiere una renovada relevancia en el estudio de la movilidad futura. Los imperativos ecológicos, las políticas públicas y los anuncios de innovación tecnológica cuestionan las prácticas (auto)movilísticas y requieren aprehender simultáneamente la movilidad cotidiana del presente y el imaginario futuro, y hacerlo en movimiento. El presente artículo utiliza el método de la caravana audiovisual y automovilística para elaborar una sociología contextualizada y colaborativa de la movilidad cotidiana, y ofrece perspectivas heurísticas que van más allá del análisis sociológico. Lo visual se convierte en un plano de interacción que hace explícitos y problemáticos los conocimientos tácitos y las competencias contextualizadas vinculadas a la movilidad cotidiana ; permite documentar y evocar la densidad relacional y empírica del espacio inmediato. La construcción conjunta del relato automovilístico filmado pone de relieve las formas específicas en las que las interacciones sociales locales se acoplan a las prácticas de movilidad, incluso mediante las dificultades e imperfecciones que surgen durante estos desplazamientos.
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Le « clic-clac » éthique : quand le son de l’appareil photo soutient le consentement itératif dans les démarches d’enquêtes visuelles
Cornelia Hummel
p. 105–123
RésuméFR :
La réalisation de photographies dans le cadre d’un terrain convoque des questions éthiques et légales, articulant consentement et droit à l’image, que les sociologues n’ont pas l’habitude de manier. En portant l’attention sur un aspect technique a priori anodin, le son produit par un appareil photo reflex numérique (autofocus et obturateur), l’article explore ce qui se joue autour de la prise de vue, du point de vue éthique. En effet, l’information perceptive que constitue ce son peut souligner, de façon très concrète, la perturbation que constitue l’enquête, tout comme elle peut ouvrir la voie à la renégociation du consentement à la prise d’image, sous forme de réticence ou de refus ponctuel. Ces questions seront examinées à l’aide de deux enquêtes adoptant des méthodes visuelles menées en Suisse romande, l’une portant sur le vieillissement en couvent et l’autre sur le vieillissement en prison.
EN :
Taking photographs as part of fieldwork brings up ethical and legal questions of consent and image copyrights that sociologists are unused to managing. By focusing on a technical element that may appear innocuous at first blush, namely, the sound produced by a digital single-lens reflex camera (autofocus and shutter mechanism), this article explores the ethical issues surrounding a camera shot. The perceptive information that this sound conveys can highlight in a very concrete manner the disruption that fieldwork represents, just as it can open the door to renegotiating consent to photographs being taken, in the form of reluctance or specific refusals. These questions will be examined through two studies using visual methods that were carried out in French-speaking Switzerland, one on ageing within convents and the other on ageing within prisons.
ES :
La producción de fotografías en el marco de un trabajo de campo implica cuestiones éticas y jurídicas relacionadas con el consentimiento y los derechos de imagen, con las que los sociólogos y las sociólogas no están acostumbrados a lidiar. Centrándose en un aspecto técnico a priori anodino —los sonidos producidos por el enfoque automático y el obturador de una cámara réflex digital—, el presente artículo explora, desde un punto de vista ético, los elementos en juego al momento de tomar la foto. En efecto, la información sensorial que brinda dicho sonido puede poner de manifiesto, de manera bien concreta, la interrupción que supone la encuesta, como también conducir a la renegociación del consentimiento para la toma de imágenes, expresado como reticencia o negativa puntual. Estas cuestiones se examinarán mediante dos investigaciones que emplean métodos visuales. Realizadas en la región francófona de Suiza, una trata sobre envejecer en un convento y la otra, sobre envejecer en la cárcel.
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La sociologie filmique : penser par l’image : à propos d’un film court sur Charlottesville (2017)
Joyce Sebag et Jean-Pierre Durand
p. 125–150
RésuméFR :
Qu’est-ce que la sociologie filmique ? Au-delà de l’hybridation entre les images/sons (le cinéma) et le projet sociologique, cet article interroge la production de sens et de connaissances sociologiques par l’image en réfutant le seul usage de cette dernière comme outil de recueil des données. Il interroge par là même les rapports entre la sociologie filmique et quelques courants de la discipline avant d’argumenter en quoi penser par l’image contribue à élargir le champ des connaissances et d’intervention de la sociologie.
L’ensemble de l’argumentation repose sur les images/sons et le montage d’un documentaire sociologique réalisé par les auteurs à Charlottesville lors de la manifestation d’août 2017 des suprémacistes blancs auxquels s’opposaient des antiracistes. Le film court peut-être visionné en même temps afin que les lecteurs et les lectrices puissent suivre les développements étayant la thèse d’une possible sociologie filmique.
EN :
What is cinematic sociology ? More than a hybrid of images/sound (cinema) and the work of sociology, the subject of this article examines the production of sociological meaning and knowledge through film, insisting that its use can be more than a mere tool for collecting data. In so doing, it digs into the relationships between cinematic sociology and specific currents within the field before making the argument that thinking with images helps broaden the field of knowledge and intervention within sociology.
The entirety of this argument draws from the images/sounds and editing of a sociological documentary made by the authors in Charlottesville during the August 2017 white supremacist demonstration that was met by antiracist opposition. The short film can be viewed simultaneously, allowing readers to follow the developments stemming from the thesis of a possible cinematic sociology.
ES :
¿Qué es la sociología cinematográfica ? Más allá de la hibridación de imágenes/sonido (el cine) y el proyecto sociológico, el presente artículo analiza la producción de significado y conocimientos sociológicos a partir de imágenes y contradice el uso exclusivo de estas como herramientas de recopilación de datos. Se adentra asimismo en la relación entre la sociología cinematográfica y ciertas corrientes de la disciplina, para luego argumentar sobre de qué manera pensar a partir de imágenes contribuye a ampliar el campo de conocimiento e intervención de la sociología.
El argumento en su totalidad se apoya en las imágenes/sonidos y la edición de un documental sociológico realizado por los autores en Charlottesville durante la manifestación de supremacistas blancos en agosto de 2017, que se enfrentaron a la oposición de un grupo antirracista. El cortometraje puede mirarse conjuntamente con la lectura para que el público pueda seguir los desarrollos que apoyan la tesis de una posible sociología cinematográfica.
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De la sociologie dessinée à l’utilité de la sociologie : à propos d’une recherche sur l’enfermement des jeunes à Montréal
Nicolas Sallée et Judith Oliver
p. 151–181
RésuméFR :
Cet article propose un retour réflexif sur la production d’une bande dessinée sociologique consacrée à l’enfermement des jeunes délinquants à Montréal (Se battre contre les murs. Un sociologue en centre jeunesse). Il pointe, pour cela, un constat simple : plus qu’un travail d’illustration, la traduction dessinée de la recherche exige un travail de scénarisation qui peut être assumé par les personnes qui illustrent, mais aussi par d’autres personnes (éditeurs ou éditrices, responsables de collection, etc.). À un premier niveau de lecture, l’article met alors en évidence les rouages concrets de la sociologie dessinée et de la division du travail qu’elle implique, au-delà du seul duo formé par le chercheur et l’illustratrice. Il décrypte, ce faisant, les choix d’écriture — toujours discutables — qu’a exigés ce travail de scénarisation : quel livre cherchions-nous à produire, et avec quelles intentions (analytiques, sinon éthiques et politiques) l’avons-nous fait ? L’article pose dès lors, à un second niveau de lecture, des questions plus générales sur le métier de sociologue, en explicitant les choix, les intentions et, in fine, le rapport à la critique qu’implique toute écriture de la sociologie, de la plus académique à la plus vulgarisée.
EN :
This article offers a reflexive review on the production of a sociological comic book examining the detention of juvenile offenders in Montréal (Se battre contre les murs. Un sociologue en centre jeunesse). It starts from a simple premise : the translation of research into the visual language of drawing goes beyond mere illustration into storyboarding, which could be taken on by the illustrators or complemented by other people (editors, those responsible for data collection, etc.). The first level of the article describes the concrete details of illustrated sociology and the division of labour involved in this act, beyond the duo formed by the researcher and the illustrator. In so doing, it deciphers the—always subjective—writing choices that this storyboarding work requires : what book are we trying to create and with what intentions (analytic ? ethical ? political ?) have we created it ? At a second level, the article poses broader questions about the work of sociology, by explaining the choices, intentions and, ultimately, the relationship to the critical that any sociology writing involves, from the most academic to the most simplified.
ES :
El presente artículo aborda de manera reflexiva la producción de una tira cómica sociológica sobre la reclusión de jóvenes delincuentes en Montreal, Se battre contre les murs. Un sociologue en centre jeunesse (Darse contra la pared. Un sociólogo en un centro de detención de menores). Para ello, utiliza una simple conclusión : más que un trabajo de ilustración, la transformación de una investigación en tira cómica exige un proceso de creación de guion del que pueden encargarse quienes realizan las ilustraciones, pero también otras personas (equipo editorial,, responsables de colecciones, etc.). En un nivel de lectura superficial, el artículo pone de relieve los engranajes concretos de la sociología gráfica y la división de tareas que esto implica, más allá del binomio investigador-ilustradora. Así, descifra las opciones de escritura —siempre discutibles— que requirió el trabajo de creación del guion : ¿qué libro buscábamos producir y cuáles eran sus intenciones (analíticas, cuando no éticas y políticas) ? En un nivel de lectura más profundo, el artículo plantea cuestiones más generales sobre la profesión de sociólogo o socióloga, explicando las decisiones, las intenciones y, al final, la relación con la crítica que implica todo escrito sociológico, desde el más académico hasta el más vulgarizado.
Hors thème
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Quelle culture commune pour une profession universitaire segmentée ? Sociologie de récits de trajectoires d’universitaires français
Louis Gabrysiak
p. 185–205
RésuméFR :
Cet article étudie, à partir d’une enquête auprès d’universitaires de sciences, lettres et sciences humaines, ce qui peut constituer une culture commune à la profession universitaire. La profession universitaire est souvent étudiée sous l’angle de sa fragmentation, de la différenciation croissante entre les trajectoires et carrières des universitaires. Les entretiens biographiques réalisés auprès d’enseignants-chercheurs ont néanmoins fait apparaître des points communs dans les manières de se raconter et de rendre compte de leurs trajectoires, de revendiquer une fonction spécifique au sein de l’espace social. Cette culture se caractérise par l’attachement à un idéal de l’université comme corps autonome de savants. Elle s’acquiert de manière individualisée par un contact prolongé avec le corps, plus que par l’action réglée de l’institution. La mise en lumière de cette culture commune permet de montrer que la différenciation et la segmentation des pratiques sont pour une part le résultat de cette culture.
EN :
This article uses a study of academics in the sciences, arts and social science fields to examine what could be considered a shared culture among those in academic professions. The approach to studying academia often focuses on its fragmentation, on the growing differentiation between academic trajectories and careers. Biographical interviews conducted with instructor-researchers nonetheless allowed for common themes to emerge in how their personal stories are recounted, how their trajectories are recognized, and how they claim a specific role within social space. This culture can be characterized by an attachment to the university in its idealized form as an autonomous body of scholars. It is acquired in an individual manner through prolonged contact with that body, rather than by any directed action from the institution. By shining a light on this shared culture, we demonstrate how the differentiation and segmentation of practices in academia are, in part, a result of it.
ES :
El presente artículo analiza, a partir de una encuesta realizada a personal académico de ciencias, letras y humanidades, lo que podría constituir una cultura común en la profesión universitaria. Esta profesión se analiza a menudo desde el punto de vista de su fragmentación y de la creciente diferenciación entre las trayectorias y carreras que existen en la academia. Las entrevistas biográficas realizadas al cuerpo profesoral e investigativo revelaron, sin embargo, puntos en común en la forma en la que se autodescriben, dan cuenta de sus trayectorias y se adjudican un rol específico en el seno de la sociedad. Esta cultura se caracteriza por su apego al ideal de la universidad como órgano autónomo de eruditos. Se adquiere de manera individualizada mediante el contacto prolongado con dicho órgano, más que mediante la acción regulada de la institución. Poner de relieve esta cultura común permite demostrar que la diferenciación y la segmentación de las prácticas son en parte el resultado de dicha cultura.
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La science comme champ : pour une relecture figurationnelle du concept
Pascal Ragouet
p. 207–231
RésuméFR :
La compréhension des transformations du monde scientifique nécessite un cadre analytique particulier prenant acte du processus de différenciation du monde social, susceptible de permettre l’analyse conjointe de la connaissance scientifique et des conditions sociales, économiques et politiques de sa production. La contribution de Pierre Bourdieu à la sociologie des sciences propose des outils d’analyse pertinents, mais elle aurait beaucoup à gagner à être articulée avec la sociologie processuelle d’Elias, afin de mener l’analyse conjointe de l’institutionnalité de la science et de ses dynamiques épistémiques et saisir pleinement les facteurs qui pèsent sur le degré d’autonomie de ces champs sociaux spécifiques. L’enjeu de cet article est de procéder à cette articulation et d’en montrer l’heuristicité.
EN :
Understanding the transformations of the academic world requires a specific analytical framework that considers the processes of differentiation at play in the social world, allowing for a joint analysis of academic knowledge and the social, economic and political conditions under which it was produced. Pierre Bourdieu’s contributions to the sociology of science provides us with some useful analytical tools, which are greatly enriched by the addition of Elias’ process sociology, allowing for a joint analysis of the institutionality of academia and its epistemic dynamics that clearly identifies the factors that influence the degree of autonomy within these specific social fields. This article seeks to outline this articulation and show its heuristic nature.
ES :
Comprender las transformaciones del mundo científico requiere un marco analítico específico que tenga en cuenta el proceso de diferenciación del mundo social, susceptible de permitir el análisis conjunto del conocimiento científico y las condiciones sociales, económicas y políticas de su producción. La contribución de Pierre Bourdieu a la sociología de la ciencia brinda herramientas analíticas relevantes, pero podría beneficiarse enormemente si se articulara con la sociología procesual de Elias a fin de realizar un análisis conjunto de la institucionalidad de la ciencia y de sus dinámicas epistémicas, y de captar plenamente los factores que inciden sobre el grado de autonomía de estos campos sociales específicos. El objetivo del presente artículo es establecer dicha articulación y demostrar su aptitud heurística.
Feuilleton
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Définir le « feuilleton sociologique »
Barbara Thériault et Jules Pector-Lallemand
p. 235–245
RésuméFR :
Il y a dix ans, Sociologie et sociétés (vol. 45, no 2, automne 2013) publiait les premiers textes de sa nouvelle rubrique « Feuilleton », une traduction inédite de trois reportages rédigés en 1926 par Joseph Roth. La création de la rubrique s’inscrivait dans le sillage des travaux d’un groupe de recherche de l’Université de Montréal qui se penchait sur les écrits de Siegfried Kracauer (1889-1966), en particulier ses « feuilletons sociologiques » parus dans les journaux de 1925 à 1933. C’est en organisant des séminaires, en menant des enquêtes sur des phénomènes contemporains et en publiant divers articles et ouvrages sur le thème que ce groupe a mis en branle un programme de recherche sur deux axes : le premier proposant des recherches empiriques inspirées de la démarche de Kracauer ; le second visant une investigation historique sur la naissance de la sociologie et ses liens avec le journalisme. En effet, si cette connexion est visible dans le cas de la sociologie américaine (Lindner, 2007 [1990]), elle l’est moins dans celui de la sociologie classique allemande. Ultimement, ces deux axes tendaient vers un but : renouveler l’écriture sociologique à une époque où la discipline peine parfois à joindre de larges publics, dans un contexte d’omniprésence du regard psychologique et neurobiologique. Dans cet article-bilan, les auteurs définissent le « feuilleton sociologique » sous la forme d’une entrée Wikipédia, afin de préciser les contours de ce terme flou.