Le Cours de linguistique générale 100 ans aprèsPrésentationThe Course in General Linguistics 100 Years LaterPresentation[Notice]

  • Michel Arrivé

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  • Michel Arrivé
    Université de Paris Ouest Nanterre

Ferdinand de Saussure reste sans doute aujourd’hui le linguiste le plus illustre dans le monde. Même s’il n’est peut-être plus celui qui est le plus abondamment lu. Il a en tout cas cessé d’être celui qui est le plus fréquemment cité par les chercheurs, quelle que soit leur discipline : Noam Chomsky le devance, assez largement, en dépit du retard d’une cinquantaine d’années que le hasard lui a fait prendre sur Saussure. Faut-il préciser que Chomsky est favorisé par la langue qu’il pratique? L’anglais, depuis pas mal de temps, garantit d’emblée, quels que soient l’ouvrage et ses mérites, beaucoup plus de lecteurs que le français. En témoigne la comparaison, pour les deux auteurs, de la densité des citations qui sont faites de leurs travaux et de leurs traductions. Les traductions anglaises de Saussure sont plus fréquemment citées que les textes originaux, en dépit de leur manifestation évidemment beaucoup plus récente. C’est l’inverse pour les traductions françaises de Chomsky, et de façon particulièrement accusée. Quelles sont les causes de cet état de fait? Une différence de valeur ou d’efficacité – à supposer ces notions clairement définies – entre les deux appareils théoriques? Ou des circonstances socioculturelles générales, qui, sans tenir aucun compte de la valeur des textes, privilégient une langue et les modes de diffusion, notamment d’édition, qu’elle comporte? C’est d’évidence la seconde raison qui joue. Le résultat? Une perte d’influence, lente, mais progressive pour le linguiste le moins cité. Et pour les modes de pensée et de recherche que son oeuvre continue, mais de façon de moins en moins extensive, à promouvoir. De façon exactement simultanée, Gilbert Lazard et Alain Lemaréchal ont attiré l’attention, en 2014, sur cette situation de l’influence de Saussure. Ils tombent l’un et l’autre d’accord sur l’indissolubilité du lien entre la science du langage et “l’épistémologie saussurienne, en particulier la théorie du signe tel que Saussure l’a défini” (Lemaréchal 2014 : 5; en accord total avec Lazard 2014 : 93). Lemaréchal précise explicitement que cette théorie du signe s’inscrit dans une conception de la langue “comme un système fermé sur lui-même au sein duquel chaque signe ne tient sa valeur que de son opposition aux autres signes” (ibid.) : c’est résumer exactement et élégamment ce qu’il y a de plus central dans l’enseignement de Saussure et son effet sur la linguistique. C’est alors à Lazard d’analyser, avec une lucidité désabusée, les aspects socioculturels de la perte d’influence subie par Saussure et le saussurisme : Cependant, pour la “bibliographie secondaire”, Saussure, pour l’instant, caracole encore largement en tête. Cette différence trouvera peut-être un début d’explication dans la suite de cette introduction. C’est un fait en tout cas que les articles qui prennent pour objet l’oeuvre de Saussure se comptent par milliers, et continuent à proliférer. Une revue, les Cahiers Ferdinand de Saussure, lui est consacrée, à lui et à l’“École de Genève”, depuis 1941. Les documents proprement saussuriens qu’elle a publiés sont innombrables et indispensables. Les ouvrages? Le recensement complet en est malaisé, car ils sont publiés en de très nombreuses langues : outre le français, ce sont l’anglais, l’allemand, l’italien, l’espagnol, le portugais, le japonais, le coréen, et il y en a sans doute d’autres. J’ai formé un moment le projet d’en établir la liste, si possible exhaustive. J’y ai vite renoncé, devant la difficulté de la tâche et, surtout, l’inachèvement qui la guette à tout instant : entre le moment où j’aurais cru l’achever et la publication de ce numéro de Recherches sémiotiques/Semiotic Inquiry plusieurs livres seraient parus. Je crois pouvoir gager que leur nombre au moment où j’écris ces lignes (mai …

Parties annexes

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