Corps de l’article
Autour des trois thèmes, manuels, enseignants et élèves, complétés par un ensemble de réflexions sur les enjeux fondamentaux de l’histoire scolaire, cet ouvrage rassemble des contributions de didacticiens de l’histoire, principalement québécois, mais aussi belges, catalans, français, gabonais et italiens. Il s’ouvre par quatre témoignages de ceux qui ont introduit la didactique de l’histoire au Québec.
Comme l’écrivent les responsables de cette publication dans leur introduction, l’histoire scolaire est une discipline constamment aux prises avec des enjeux politiques, ce qui rend son étude particulièrement délicate et souvent conflictuelle. Ainsi, programmes et manuels sont-ils l’objet d’examens attentifs produisant accords, doutes, refus, selon les positions politiques de chacun. Pour leur part, les didacticiens, chercheurs en sciences sociales, construisent des analyses rigoureuses et distanciées en rendant compte à la fois du contexte dans lequel programmes et manuels sont produits, des modalités de leur production et de leurs contenus. Ils dessinent certains aspects de l’histoire scolaire, en particulier ce qui relève de la mission officielle de cet enseignement. Toutefois, ce sont les enseignants et les élèves qui, dans la réalité de cet enseignement, font exister cette histoire. Les études présentées s’appuient alors sur des enquêtes empiriques auprès de ces acteurs ; elles en tracent des portraits différenciés qui illustrent le caractère composite de la profession et la diversité des publics scolaires.
Parmi les nombreux thèmes à la réflexion desquels contribue ce très riche ouvrage, j’en retiens trois qui ressortent de façon vive. Le premier s’inscrit directement dans la dimension politique de l’histoire scolaire. Son lien officiel dans les programmes avec l’éducation à la citoyenneté est posé comme évident par certains, tandis que d’autres y voient au contraire le risque de soumission de cette discipline à une vision politique, entre la « solidarité réciproque » et « l’impossible mariage ». Ce lien met aussi en tension l’histoire qui étudie le passé et s’énonce selon l’« ordre du temps » et l’éducation à la citoyenneté qui est centrée sur l’étude du présent et la construction de l’avenir. Le second thème est celui des « modes de pensée de l’histoire ». Si les programmes scolaires ont longtemps été centrés, mais pas uniquement, sur des contenus historiques, événements et périodes, depuis quelques décennies, ils font de plus en plus de place à ce qui est spécifique au rapport que l’histoire construit de la réalité. L’étude critique des sources, des pratiques sur le temps comme la périodisation, le travail sur le langage, la diversité des points de vue, sont autant de caractéristiques de ce rapport au réel qu’il convient aussi d’enseigner aux élèves. Paradoxalement, le troisième thème est sinon absent, du moins très discret. Les pratiques réelles, dans la classe d’histoire, et l’évaluation des apprentissages sont souvent présentes en filigrane. Certes, elles ne sont pas l’objet de ces contributions, mais leur étude constituera un complément très attendu à cet ouvrage qui présente de nombreux et intéressants résultats de recherche et s’avère une contribution importante à la didactique de l’histoire.