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Introduction

Il faudrait remonter aux recommandations faites par la Commission Royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (Rapport Parent, Gouvernement du Québec, 1965) pour comprendre non seulement les conditions de création de la plupart des structures scolaires encore en place aujourd’hui (écoles maternelles, écoles polyvalentes, centres d’enseignement général et professionnel, collèges, etc.), mais aussi pour comprendre l’ouverture des écoles à la défense des droits des enfants présentant des « besoins spéciaux » (Martinez et Amgar, 2007). Le développement de services spécialisés a renforcé cette ouverture. Malgré des effets pervers d’étiquetage ou de stigmatisation (Goupil, 1996), les orientations prises en matière d’intégration scolaire répondaient entre autres au souci d’identifier les types de difficulté ou d’incapacité.

Le célèbre document dit rapport COPEX a donné le ton d’une éducation à réaliser dans le cadre le plus ordinaire possible, avec des mesures d’aide et de soutien et en chargeant les commissions scolaires d’adapter leurs services pour de tels élèves (Martinez et Amgar, 2007). Dans ce contexte, l’intégration scolaire (Lambert, 2002) prend la couleur d’un processus et d’une démarche au service de la participation effective et de l’inclusion sociale des élèves en difficulté. Elle comprend des phases historiques passant par le courant général de mainstreaming (Doré, Wagner et Brunet, 1996 ; Rousseau, Dionne, Cauchon et Bélanger, 2006) qui a émergé en Amérique du Nord depuis les années 1970. Elle doit aussi son élan à l’action des familles et des associations engagées dans la défense des intérêts des personnes vivant avec des incapacités ou des handicaps (MEQ, 1979, 1980, 1992, 1997). Dès le début des interventions ou dès l’admission de l’élève, les familles sont conviées à une participation active. Sans cette participation, les résultats de l’intégration peuvent être insignifiants. Or, dans plusieurs cas, la collaboration demandée aux familles met davantage de pression sur celles-ci en perturbant leur système de vie, en créant une dépendance vis-à-vis des enseignants et des experts et en stigmatisant davantage celles dont les enfants présentent de plus graves difficultés (Boutin, 2007). C’est pourquoi les législateurs ont été amenés à inscrire les pratiques de collaboration, de coopération, voire de partenariat entre les professionnels et les familles au premier rang des priorités pour l’intervention en contexte d’intégration scolaire et d’inclusion (MEQ, 1997, 1999a). Toutefois, comme le montrent plusieurs travaux (Bouchard, 2002 ; Brougère, 2005 ; Francis, 1999), les pratiques auxquelles font référence les législateurs sont difficiles à circonscrire, à cataloguer et à reproduire, dans la mesure où elles ne partent pas souvent d’un référentiel commun. Il est difficile en effet de définir uniformément la collaboration du point de vue des enseignants, des administrateurs et des parents. Pourtant, la transformation des pratiques d’inclusion en dépend, que ce soit en milieu scolaire ou dans l’univers social en général. Pour que les changements dans les pratiques se fassent de manière harmonieuse, positive et constructive, il est nécessaire de procéder à un examen approfondi des pratiques de collaboration en contexte d’inclusion. Cela signifie qu’il faudrait non seulement étudier les obstacles et situations de risque (Goupil, 1997), mais aussi analyser les méthodes de soutien familial (Chatelanat, Martini-Willemin et Beckman, 2006) que privilégie l’ensemble du système scolaire pour la réussite de l’adaptation et de l’inclusion (McDonald, Kysela, Drummond, Fleming, Lupart et Watson, 2006). Dans le présent article s’appuyant sur une recension des écrits dans le cadre de laquelle les concepts d’intégration et d’inclusion ont été les fils directeurs, deux pistes de réflexion seront examinées. La première décrit les obstacles et les risques qui s’imposent à l’action collaborative des familles en contexte d’inclusion ; tandis que la seconde met l’accent sur quelques principes favorisant l’évolution positive de la collaboration en vue de la réussite des pratiques d’inclusion. Avant d’aller au fond de ces questions, il s’avère nécessaire de mettre l’accent sur les conditions entourant la transition souhaitée du concept d’intégration à celui d’inclusion.

De l’intégration à l’inclusion

Comme le rappelle de Grandmont (2004), l’attention accordée à la définition des enfants présentant des caractéristiques spécifiques a permis l’évolution de différents termes vers des significations nouvelles, compatibles avec des visions humanistes, compréhensives et tolérantes envers le phénomène de différence. C’est ainsi que se justifie l’attrait progressif de l’intégration à l’inclusion. Le processus d’inclusion a été étudié d’abord dans le domaine des droits fondamentaux (Dumas, 2005 ; Dumarais, Tritan et Dumont, 2005 ; Kneip, 2005). Il a pris de l’ampleur dans le domaine de l’adaptation scolaire dans la mesure où il est de plus en plus reconnu que l’éducation (inclusive) favorise un usage plus efficace des ressources éducatives (CSIE, 1995). Quatre principes permettent d’en expliquer l’évolution historique ainsi que l’apport subséquent à l’amélioration des services destinés aux élèves vivant avec des incapacités (Vienneau, 2002, 2004, 2006). Il s’agit des principes de normalisation, de la valorisation des rôles sociaux, de la participation et de la collaboration des familles.

Principe de normalisation

Le principe de normalisation vise l’abolition des étiquettes et l’apprentissage des comportements facilitant l’intégration dans le contexte du vécu des personnes lourdement handicapées (Vienneau, 2004). Il s’agit d’implanter des conditions proches des normes sociales de son milieu et en rapport avec ses besoins particuliers (Maertens, 2004 ; Goupil, 1997). Des moyens appropriés doivent être mis en place pour aider à maintenir des comportements acceptables (Wolfensberger, 1972). L’adoption de ce principe par les ministères de la Santé et des Services sociaux et de l’Éducation du Québec a particulièrement influencé la réorganisation des services d’intégration pour des élèves en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation, avec en prime une exigence d’amélioration des structures d’accueil de même qu’une réorganisation du système de formation des enseignants.

Principe de valorisation de rôles sociaux

Ce principe donne une nouvelle dimension à l’exploration du processus d’adaptation des élèves vivant avec des incapacités. Il vise à pallier les limites du soutien offert à la personne « à risque » d’être dévalorisée à cause de son handicap ou de ses difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Wolfensberger (1991) définit ce concept en termes de « développement, mise en valeur, maintien et/ou défense de rôles sociaux valorisés pour les personnes, et particulièrement pour celles présentant un risque de dévalorisation sociale. L’accent est mis sur des moyens “culturellement valorisés” » (p. 53). Ainsi, le concept de valorisation des rôles sociaux met davantage l’accent sur les personnes elles-mêmes, sur leur bien-être, leur devenir, leur qualité de vie, voire leurs forces.

Principe de participation de tous les acteurs concernés

Les fondements de l’inclusion supposent que « tous les enfants doivent être inclus dans la vie sociale et éducative de leur école » (Stainback, Stainback et Jackson, 1992, p. 3). Les élèves doivent être physiquement présents et participer pleinement aux activités de la classe ordinaire, de l’école et de la communauté ; ils n’ont plus à être intégrés à un groupe d’accueil distant ou susceptible de les discriminer ; leur place est garantie dans leur communauté, dont ils sont censés ne pas être préalablement séparés (Doré, Wagner, Brunet et Bélanger, 1998). Dans une perspective écosystémique (Bronfenbrenner, 1979), l’inclusion en tant que processus basé sur la participation des élèves en difficulté vise aussi à soutenir tant l’élève lui-même que l’ensemble des personnes jouant un rôle significatif dans son entourage. Les mesures de soutien mises en place devraient permettre à ces dernières de participer adéquatement à l’amélioration des pratiques d’intervention auprès de l’élève ou de l’enfant vivant avec des incapacités (Dionne et Rousseau, 2006).

Dans le cadre de la réforme de l’éducation au Québec, l’inclusion pose toutefois le problème global de la réussite scolaire. Car, compte tenu de ses difficultés ou de ses incapacités, l’enfant/l’élève risque d’être rapidement placé en situation d’échec (Langevin, Dionne et Rocque, 2004). Ce faisant, les directives annoncées par le ministère de l’Éducation, qui insistent sur des orientations pragmatiques telles que : « […] passer de l’accès du plus grand nombre au succès du plus grand nombre » (MEQ, 1997, p. 1), représentent un défi de taille. La difficulté réside principalement dans la capacité des uns et des autres à répondre aux besoins spécifiques des élèves en difficulté en contexte de classe, sans porter préjudice aux autres élèves (MEQ, 1999a), mais aussi d’agencer l’aide aux moyens existant au niveau local :

Aider l’élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage à réussir sur les plans de l’instruction, de la socialisation et de la qualification. À cette fin, accepter que cette réussite éducative puisse se traduire différemment selon les capacités et les besoins des élèves, se donner les moyens qui favorisent cette réussite et en assurer la reconnaissance.

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L’ensemble du processus participatif de l’inclusion repose, en définitive, sur six lignes d’action décrites par le ministère de l’Éducation (1999a, p. 3-13) qui insistent sur l’importance de la prévention, l’exigence d’adaptation des services, l’organisation des services éducatifs en fonction des besoins des élèves intégrés, la stimulation des liens et l’harmonisation des actions communautaires, l’intervention pour accompagner le développement et le cheminement progressif dans différents apprentissages et dans l’ajustement des comportements et, enfin, l’évaluation des acquis et des réussites.

Principe de soutien à l'amélioration de la collaboration avec des familles

Quel que soit leur statut économique, les parents dont les enfants présentent des incapacités ou des difficultés semblent, encore plus que les autres, à la recherche de moyens ou de ressources pour améliorer les apprentissages (Bennett, Deluca et Bruns, 1997 ; Grove et Fisher, 1999 ; Leach et Swerissen, 1986 ; Morgan et Demchak, 2000 ; Smith, 2001).

En contexte d’inclusion, les besoins des parents ont progressivement changé pour davantage se tourner vers la préoccupation d’être formés pour mieux intervenir auprès de leur enfant et soutenir ses efforts d’apprentissages, plutôt que d’être simplement informés. Cela constitue un nouveau type d’enjeu, par rapport à leurs besoins et leurs conditions sociales. Ainsi, dans un contexte où la réussite (éducative, scolaire, sociale) des enfants dépend du rapprochement favorisé avec les familles, les risques de dérapage encourus dans ce processus ne peuvent être maîtrisés que si les milieux scolaires adoptent des attitudes de coopération, d’apprentissage et d’expérimentation.

Tant dans la Politique de l’adaptation scolaire (MEQ, 1999a) que dans le Plan d’action en matière d’adaptation scolaire (MEQ, 1999b), le processus de soutien à l’enfant en difficulté est considéré comme nécessitant des relations partenariales avec les parents. Malgré les limitations liées aux habitudes et aux pratiques contractées par les milieux familial et scolaire, les parents exigent avec ardeur des modalités relationnelles plus engageantes. Cela est aussi perçu comme une source récurrente des échecs et des insatisfactions mutuelles. D’où la nécessité de préciser, dès l’entrée de l’enfant à l’école, les conditions et les attentes en matière de collaboration école-famille en vue de réussir le processus d’inclusion.

Première condition : identification des besoins

Dans le cadre de l’adaptation sociale et scolaire de l’enfant, il faut d’emblée rappeler que la collaboration entre écoles et familles s’inscrit dans une approche systémique où l’intervention n’est plus axée que sur l’enfant, mais aussi sur la famille, l’école, la classe, l’enseignant et la communauté (Bronfenbrenner, 1979). Les recherches actuelles font consensus pour affirmer l’influence positive de la collaboration parentale (Deslandes et Bertrand, 2001 ; Epstein, 1992 ; Hoover-Dempsey et Sandler, 1997), notamment lorsque l’enfant présente des retards ou des troubles sur le plan du développement (Leach et Swerissen, 1986 ; Seery, Davis et Johnson, 2000). Le type de collaboration souhaité prend néanmoins diverses formes selon les besoins respectifs et l’interprétation que chaque partie lui accorde (Kasari, Freeman, Bauminger et Alkin, 1999).

La collaboration des parents et des familles correspond, en contexte d’inclusion, à « la prise en charge d’une tâche » (Bouchard, Talbot, Pelchat et Sorel, 1996, p. 22). Elle peut être décrite comme un processus relationnel générique qui se précise selon le degré de relation, d’engagement et de consensus s’établissant entre les collaborateurs. Selon Landry (1994), les différentes formes de collaboration doivent être approchées en soulignant leurs degrés d’agencement : passant d’un degré d’engagement, de consensus et de relations simples (niveau 1, figure 1), à un degré complexe (niveau 4, figure 1).

Les types de collaboration les plus répandus dans les milieux scolaires sont aussi les moins engageants ; ils demandent un niveau minimal de participation. Les parents reçoivent des informations de façon ponctuelle (rentrée scolaire, remise des bulletins, etc.) ou périodique (journal semestriel) et sont habituellement consultés sur divers sujets (activités éducatives, projet éducatif, etc.). Par ailleurs, il existe, depuis longtemps dans les écoles, d’autres d’initiatives faisant appel au second niveau de collaboration (les différents comités, les projets, les sorties éducatives, etc.).

Figure 1

Les diverses formes de collaboration (Larivée, 2003)

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Deuxième condition : la coordination et la concertation

La coordination consiste en une « harmonisation des actions de deux ou plusieurs individus dans l’exécution d’une tâche commune » (Legendre, 2005, p. 296). Elle suppose donc un minimum d’échanges entre les individus concernés ; ceux-ci doivent être mutuellement informés des actions des uns et des autres. Ils doivent adapter leurs objectifs, sans forcément se mettre d’accord sur les moyens choisis pour y parvenir. Ce peut être le cas lors d’une rencontre entre intervenants et parents visant à coordonner un plan d’intervention individualisé pour un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). La coordination n’implique pas nécessairement le même niveau d’engagement de la part de tous les acteurs, car quelques-uns peuvent assurer le leadership nécessaire à l’harmonisation souhaitée. En ce qui concerne la concertation, elle requiert un niveau d’engagement un peu plus grand ; elle « renvoie au processus d’échange d’idées en vue de s’entendre éventuellement sur un objectif, une démarche ou une attitude commune » (Bouchard et al., 1996, p. 22). Pour ce faire, les acteurs concernés doivent d’abord discuter, pour ensuite confronter leurs points de vue avant d’arriver à un accord.

Troisième condition : la coopération

La coopération[1] apparaît d’abord comme un processus d’interactions entre personnes ou membres d’un groupe d’individus. Ceux-ci visent à réaliser un objectif spécifique par le partage des tâches et des responsabilités (Bouchard et al., 1996 ; Deslandes, 1999). La recherche des rapports d’égalité passe alors par la reconnaissance réciproque d’expertises et la confiance mutuelle lors de l’identification de buts communs. Ainsi, la participation des parents au processus d’inclusion fait référence, selon Migeot-Alvarado (2000) à la fois à « l’implication collective des familles dans les instances de décision des établissements, à la relation individuelle des familles avec les enseignants, mais aussi à leur contribution indirecte au fonctionnement des établissements » (p. 36). Il y a donc lieu, pour favoriser la coopération, d’examiner les mécanismes mettant sur un pied d’égalité les parents et les professionnels. Pour Epstein (1992), il ne suffit pas de stimuler la participation des parents aux travaux scolaires à la maison en guise de réponse aux obligations de la famille envers l’enfant concerné ; il faut plutôt montrer aux parents comment prendre plus de place en participant à la gestion institutionnelle ; il s’agit en définitive de mettre en place une action concertée qui accorde plus de place aux parents. Il semble toutefois nécessaire d’apporter ici quelques nuances. Ainsi, dans les écoles québécoises, la participation des parents aux instances décisionnelles (conseil d’établissement) ne garantit pas une meilleure réussite pour leur enfant ou l’ensemble des élèves. Aussi, comme le souligne Pelletier (1997), l’action de collaboration en milieu scolaire se joue dans une sphère dominée à la fois par la défense des intérêts mutuels et la quête de l’autonomie des acteurs concernés. Cette dualité est souvent à la source de tensions importantes qui peuvent rendre la mise en pratique de ces relations difficiles et augmenter les risques d’échec malgré une volonté réelle de coopération.

Actions de soutien et ressources particulières

Comme le rappelle Saint-Laurent (2002), la prise en compte des besoins de chaque enfant, qu’il ait ou non des difficultés ou des incapacités, apparaît comme primordiale :

Si la collaboration avec l’ensemble des élèves est souhaitable, elle prend une signification plus grande encore avec des enfants qui sont à risque ou qui présentent des difficultés. […] Elle favorise la réussite scolaire, une attitude plus positive envers l’école et l’adoption de meilleurs comportements.

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Par ailleurs, elle souligne que la collaboration avec les parents d’EHDAA est plus exigeante. Cette collaboration est mise en place lors des rencontres de planification des interventions, des tables de concertation, lors des interventions comportementales, dans les programmes de stimulation à la littératie, dans les encouragements du tutorat à la maison, etc. Les milieux scolaires doivent se convaincre d’adopter une approche décentralisée et d’effectuer des restructurations dans leurs services pour répondre davantage aux principes et réalités d’inclusion. Cependant, il faut être conscient que de telles modifications ne vont pas nécessairement entraîner une plus grande implication des parents ou de la communauté. Pour que des résultats se concrétisent, il faut plutôt dépasser la perspective « bureaucratique » (Ho Sui-Chu, 1997) et déboucher à tout prix sur une perspective « communautaire » (Saint-Laurent, Royer, Hébert et Tardif, 1994). Dans le premier cas, les tâches sont davantage définies ; les enseignants et les administrateurs détiennent l’expertise professionnelle et réduisent la part de responsabilité des parents par rapport au soutien de leur enfant. Dès lors, l’environnement familial est perçu comme étant un lieu d’apprentissage devant nécessairement être séparé du « sanctuaire » de l’école (Ho Sui-Chu, 1997).

À l’opposé, la perspective communautaire véhicule l’idée que l’école consiste en une société en miniature. Les parents et les membres de la communauté sont alors des producteurs à part entière qui contribuent adéquatement aux apprentissages de l’élève. Ils sont habilités à prendre des décisions, en concertation avec les autres membres de la communauté éducative. Cette perspective a fait l’objet de travaux théoriques et pratiques d’envergure (Bouchard et Kalubi, 2000 ; Boudreault, Kalubi et Bouchard, 2001 ; Kalubi, Lenoir, Larose et Houde, 2005 ; Saint-Laurent et al., 1994). Elle renvoie davantage au cadre tracé par le ministère de l’Éducation du Québec dans sa Politique de l’adaptation scolaire (MEQ, 1999a) dont les directives peuvent aider à distinguer les facteurs de risque et à cerner les facteurs de succès, de protection et d’adaptation favorables à la réussite en contexte d’inclusion.

Les obstacles et facteurs de risque

Citant les résultats d’une étude suisse, Lambert (2002) situe le succès des programmes d’intervention inclusive dans la capacité des parents à exprimer adéquatement leur satisfaction et leurs besoins de soutien. La précision des informations apportées et la diplomatie avec laquelle elles le sont sont influencées par de nombreux facteurs, dont la personnalité de chaque parent, les conditions de vie et la nature du réseau social développé. Ces éléments peuvent contribuer à réduire de façon importante le niveau de respect mutuel et de confiance réciproque entre les parents et les professionnels. La collaboration entre parents et professionnels en contexte d’inclusion ne sort pas de nulle part. Elle s’insère dans un contexte qui en alimente les facilités et les limites. Parmi ces limites figure la relation d’inégalité maintes fois soulignée entre les parents et les enseignants, notamment en ce qui concerne l’expertise, les rôles assumés et les responsabilités ordinaires (Gonzalez DeHass, 2005 ; Salomon et Comeau, 1998). Dans cette équation complexe, il est donc primordial que les différents intervenants comprennent bien leur rôle et leurs responsabilités (Saint-Pierre, 2004) :

Mais pour une bonne collaboration entre eux et avec les familles, l’intégration exige également que chacun exerce ce rôle avec une grande souplesse, ce qui sous-entend de déléguer à d’autres certaines de ces interventions ou encore d’intervenir en dehors de son domaine attesté. Des réticences à un tel changement ont été constatées tant chez les spécialistes que chez les éducateurs spécialisés et les éducatrices. En outre, la perception d’une inégalité entre les partenaires constitue une entrave à la collaboration et au travail d’équipe.

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En suivant l’idée de la place à accorder aux parents, à leur compréhension, à leurs perceptions, à leurs exigences, il s’avère utile de poser la question en termes de risque, notamment les risques de blocage. Comme le rappellent Moreau, Maltais et Herry (2005), il faut sortir des milieux spécifiques et des cadres d’intervention pour mieux comprendre les risques de blocage encourus dans certaines pratiques d’inclusion. Aussi, les auteurs identifient plusieurs facteurs de risque traditionnellement associés, par exemple, aux pratiques entre parents et professionnels. Au premier rang de ces facteurs, il y a les niveaux d’engagement de certains parents et enseignants. On retrouve en effet un engagement timide chez certaines personnes qui ne sont pas de nature à se battre pour faire des gains dans l’implantation des pratiques. Il s’agit du manque d’engagement des familles dans le processus intégratif, du manque de souplesse entre les personnes, de l’inadéquation des structures, de la perception de l’insuffisance des ressources ainsi que du manque de cohérence entre les attitudes des uns et des autres, les croyances et les caractéristiques personnelles des professionnels et des parents. Ces obstacles sont, pour la plupart, également identifiés par les intervenants des milieux scolaires ou les parents d’enfants qui vivent l’intégration ou l’inclusion scolaire.

Parmi les autres facteurs de risques enregistrés en milieu scolaire, il faut noter que les enseignants dénoncent régulièrement les impositions auxquelles ils font face. Lorsque la notion des compétences entre en jeu, ils expriment un sentiment d’insatisfaction généralisé. Ces enseignants se sentent souvent peu compétents pour intervenir auprès d’enfants ayant des besoins spéciaux ; ils connaissent mal les habiletés de ces derniers. Cela est déterminant pour le suivi des interventions adaptées, mais aussi pour avoir leur consentement éclairé par rapport au processus d’inclusion. À défaut d’un tel consentement, la zone d’insatisfaction chez les enseignants ne va cesser de croître. Or l’attitude constructive est déterminante dans la collaboration entre parents et enseignant, sans quoi le risque de rupture de collaboration en matière de pratiques inclusives devient réel.

Plus de la moitié des enseignants (Bennett et al. 1997 ; Brichaux, 2001 ; Lambert, 2002) mentionnent également ne pas être consultés lors de l’élaboration de curriculums. Ces derniers sont alors souvent peu adaptés. Cela pourrait expliquer l’attitude de méfiance que les parents constatent lorsqu’ils entreprennent des discussions avec les enseignants en évoquant de manière précise des aspects du curriculum. Dès lors, les parents se voient confinés à une implication limitée aux tâches périphériques (Leach et Swerissen, 1986). Il convient toutefois de mentionner que les parents et les enseignants ne représentent pas des groupes homogènes (Crozier, 2000). Cela amène à relativiser les attentes de chacun et exige des relations de collaboration différenciées entre parents et enseignants, au regard des besoins et du développement des enfants.

D’autres facteurs encore relèvent d’organismes de la communauté. Tout en se sentant invités aux approches participatives de l’inclusion, ces organismes font face à une administration éclatée (Ouellette, Briscoe et Tyson, 2004). Si l’on ne tient pas compte de la multiplicité des facteurs et des situations de pratique, toute tentative de collaboration en faveur de l’inclusion devient une gageure, dans la mesure où elle rend difficile la poursuite de priorités, celles-là même à privilégier (Borthwick-Duffy, Palmer et Lane, 1996 ; Terrisse, Larose, Lefebvre et Larivée, 1999).

Les facteurs de réussite

Pour parler de réussite de la collaboration entre parents et professionnels en contexte d’inclusion, Kozleski et Jackson (1993) ont identifié trois facteurs : l’implication constante des parents, les attitudes positives et la bonne communication entre les diverses personnes impliquées dans le processus.

Le sentiment qu’ont certains enseignants d’être davantage concernés par le soutien à apporter pour favoriser les apprentissages scolaires et les actions qu’ils accomplissent en ce sens constituent des atouts de taille (Bennett et al., 1997). Ainsi, la majorité des enseignants souhaiteraient des formations spécifiques (Scruggs et Mastropieri, 1996) et du temps professionnel supplémentaire pour mieux planifier leurs interventions, exploiter des ressources matérielles et humaines, tout en diminuant les effets du nombre d’élèves dans leur classe, pour répondre véritablement aux besoins des enfants intégrés. À ce sujet, Bennett et ses collègues (1997) soulignent l’importance que peuvent avoir les administrateurs scolaires dans la mise en place de pratiques inclusives réussies. Ce sont eux qui ont le pouvoir et la responsabilité de dégager du temps ou de modifier les horaires de travail, de permettre des formations, d’allouer des ressources, etc. Ils sont aussi, la plupart du temps, ceux par qui s’établissent les liens initiaux de collaboration avec la communauté.

Par ailleurs, les enseignants qui portent une attention particulière aux besoins de l’enfant et de sa famille favorisent les interactions sociales entre l’enfant et les pairs et adultes et l’aident à se sentir comme un membre du groupe à part entière. Cela facilite l’établissement de buts communs, ce qui, selon l’étude de Lawrence et Heller (2001), constitue l’un des éléments clés de la réussite des collaborations famille-école.

De son côté, Grassick (2000) indique que le fait de donner la possibilité aux parents de participer et d’engager des discussions à propos des apprentissages scolaires de leur enfant les amènent à montrer une attitude plus positive envers les enseignants et les programmes scolaires, à faire la promotion de l’école et possiblement à s’impliquer comme personne ressource. En expérimentant et en développant des relations significatives avec l’école, nombre de parents éprouvent une plus grande confiance en eux et de la fierté quant à leur rôle dans le développement de leur enfant. Ce type d’implication devrait avoir un impact sur les apprentissages de l’enfant, les besoins professionnels des enseignants et les besoins de soutien des parents.

Pour leur part, les décideurs des milieux scolaires qui prônent l’inclusion de tous les enfants au système scolaire ordinaire préconisent d’ouvrir le dialogue avec les parents afin de tenter de comprendre leur point de vue, notamment lorsque celui-ci diverge fortement de celui de l’école quant aux modalités d’inclusion proposées pour leur enfant. Le fait de connaître la position des parents et de la comprendre peut permettre à l’école d’ajuster ou de proposer d’autres options non envisagées au départ. Toutefois, cela exige la mise en place de moyens de communication efficaces et novateurs entre les parents et l’école (Ouellette et al., 2004). Or l’étude de Bennett et ses collaborateurs (1997) montre que les notes écrites envoyées à la maison (carnet de route) par les enseignants constituent le moyen le plus utilisé pour les communications entre les parents et les enseignants. La prise de rendez-vous, l’envoi de matériel et les appels téléphoniques le sont beaucoup moins, tandis que les groupes de discussion entre parents et les visites à domicile ne sont jamais utilisés. La majorité des enseignants interrogés priorisent les communications journalières dans des carnets de route ou des appels téléphoniques hebdomadaires plutôt que des rencontres individuelles. Même s’ils affirment que la participation des parents aux rencontres officielles facilite l’inclusion, ils estiment toutefois que cette implication devient intrusive lorsque les parents remettent en question leur expertise, lorsqu’ils ont des attentes déraisonnables envers leur enfant ou défendent trop ardemment leur opinion. Il semble donc que si les enseignants affirment vouloir communiquer régulièrement avec les parents, ils demeurent prudents et plutôt conventionnels dans leurs modes de communication avec ceux-ci.

Au delà des aspects relatifs à l’implication et à la communication, le développement d’attitudes positives chez tous les acteurs impliqués constitue un enjeu majeur. Comme le rappellent Palmer, Borthwick-Duffy et Widaman (1998), les parents ne partagent pas tous les mêmes valeurs quant au rôle de l’école, particulièrement dans les apprentissages scolaires. Leur étude auprès de 460 parents d’enfants âgés de 3 à 22 ans ayant fréquenté une classe spéciale pour des élèves ayant des difficultés de développement graves (severe disabilities) montre que les attitudes des parents envers l’inclusion apparaissent comme multidimensionnelles et fort complexes. Les points de vue des parents reposent sur la prise en considération de plusieurs variables plutôt que sur une seule, tel le développement cognitif de l’enfant. Pour Grove et Fisher (1999), qui ont interrogé 20 parents d’enfants vivant avec une déficience intellectuelle sévère et fréquentant une classe ordinaire, le soutien aux parents est l’un des facteurs clés pour la réussite de l’inclusion. Ces parents souhaitent être informés et soutenus dans la prise de décision de l’inclusion de leur enfant, de façon à ne pas se sentir contraints d’accepter l’inclusion de celui-ci et de vivre cette décision plutôt comme un choix réfléchi.

Le degré d’inclusion de l’enfant dans une classe ordinaire ne représente donc qu’une facette de l’expérience scolaire de l’enfant et, comme l’ont montré d’autres auteurs (Giangreco et al., 1993 ; Green et Shinn, 1994, cités par Palmer et al., 1998), la satisfaction des parents envers l’école est davantage influencée par la présence d’un enseignant chaleureux qui prend soin de leur enfant que par le contenu des programmes. Les données de recherches empiriques (Palmer et al., 1997, cité dans Palmer, 1998) montrent que les parents d’enfants ayant des déficiences intellectuelles sont plus enclins à avoir une perception positive de l’inclusion lorsqu’ils considèrent le développement d’habiletés sociales comme étant l’un des rôles importants de l’école.

Conclusion

Malgré l’évolution des structures et des ressources, malgré les efforts déployés pour favoriser une inclusion la plus harmonieuse possible des élèves présentant un handicap ou des difficultés particulières, la collaboration entre enseignants et parents demeure difficile. Alors que les enseignants ont une attitude variable et généralement plus négative selon le nombre d’années d’expérience (plus ils ont de l’expérience, moins leur attitude envers l’inclusion est positive), les parents reconnaissent l’apport bénéfique de l’inclusion sur leur enfant en termes d’apprentissages sur les plans social (notamment le développement des liens d’amitié avec les pairs), scolaire, développemental ou comportemental (Bennet et al., 1997). Or les résultats de l’étude de Bennet et ses collaborateurs (1997) mettent en évidence que les attitudes de l’enseignant envers l’inclusion peuvent affecter la réussite de l’élève, particulièrement lorsqu’il s’agit d’enseignants chevronnés. Ils montrent également l’importance de la formation continue, surtout pour les enseignants des classes ordinaires qui accueillent de plus en plus d’EHDAA depuis la mise en place de la nouvelle Politique de l’adaptation scolaire (MEQ, 1999a). Il s’avère que nombre d’entre eux n’ont pas les connaissances ou la formation nécessaires, et ne bénéficient pas des ressources humaines et matérielles minimales garantissant le succès de l’intégration/inclusion. Par ailleurs, il serait inadéquat de passer sous silence la position des parents dont les enfants n’ont pas de difficultés, puisqu’ils sont tout aussi concernés par l’inclusion d’enfants présentant des difficultés dans la classe de leur enfant. Selon Huang (1996) ainsi que Callan Stoiber, Gettinger et Goetz (1998), les parents dont les enfants n’ont pas de difficultés ou de limitations importantes sont habituellement moins favorables à l’inclusion que ceux ayant des enfants avec des besoins particuliers. Parmi les motifs invoqués par ceux-ci, et qui sont d’ailleurs aussi allégués par les parents dont l’enfant éprouve des difficultés, soulignons le manque de formation du personnel, l’insuffisance des ressources humaines et l’impossibilité pour les enseignants de donner suffisamment d’attention à tous les enfants, notamment à ceux ayant des besoins particuliers (Seery, Davis et Johnson, 2000). Or il arrive que des parents d’enfants ne présentant pas de difficultés exercent une influence sur d’autres niveaux de l’écosystème, telles la classe, l’école et les autres familles, ce qui entraîne souvent, dans de tels cas, des répercussions sur la qualité et la réussite de l’intégration/inclusion (Beckman, 2003). Enfin, les intervenants extérieurs à l’école qui sont intégrés à la communauté éducative entourant l’enfant représentent aussi des collaborateurs importants. Depuis les modifications apportées à la loi sur l’instruction publique dans le cadre de la réforme de l’éducation (MEQ, 1996a, 1996b), il est prévu d’intégrer des membres de la communauté au sein des conseils d’établissement. Cette collaboration amène toutefois, pour les milieux scolaires, la problématique de l’identification des personnes ou des organismes qui sont, d’une part, intéressés à y participer et, d’autre part, qui peuvent réellement contribuer à la mission éducative de l’école. À cet égard, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec (1998) précise qu’« une communauté éducative est une école qui mobilise tous ses acteurs, autant à l’interne que dans la communauté environnante, et qui mise sur le partage et la qualité de leurs relations pour réaliser sa mission éducative » (p. 15). En outre, les relations entre l’école, la famille et la communauté sont désormais appelées à prendre des orientations nouvelles, particulièrement au plan social et éducatif. Des recherches devront être entreprises pour montrer, entre autres, l’impact des membres de la communauté éducative, notamment ceux externes à l’école, sur l’intégration et l’inclusion.