Il est difficile d’évaluer les institutions du fédéralisme canadien en tant que sujet de recherche unifié en raison de deux contraintes simultanées, soit d’abord les problématiques liées à la gouvernance – comment traduire efficacement les attentes des citoyens à travers des politiques publiques efficaces au sein des démocraties majoritaires – et, ensuite, l’idéal fédéral de respect des différences et d’autonomie décisionnelle des unités constituantes. Le premier groupe de contraintes entraîne généralement des solutions de gestion qui mettent l’accent sur des politiques dont les résultats visent implicitement une citoyenneté non différenciée. Dans le domaine des relations intergouvernementales, où cette tradition s’est révélée elle-même la plus forte, le fédéralisme est traité en tant qu’intrant dans le processus politique. Les chercheurs déterminent les effets des institutions fédérales sur les visées politiques, habituellement en tant que critères fonctionnels reliés à l’efficacité, coûts et bénéfices, etc. Le deuxième groupe de contraintes représente une autre tradition dans laquelle la fédération est traitée comme la manifestation institutionnelle d’un idéal fédéral dont le but est le respect de l’autonomie et de la souveraineté des unités constituantes, et ce, indépendamment des circonstances et des nouvelles contraintes. Dans cette optique, les simples questions de gouvernance ne devraient pas faire dérailler le but premier des institutions qui soutiennent la communauté associative indépendamment de l’allocation efficace des ressources ou des contraintes de la majorité. Dans cette tradition, la constitution joue un rôle prédominant puisque, dans plusieurs cas, le mode de gestion par résolution de problèmes ne peut satisfaire les demandes afin d’assurer une autodétermination. Cette tension fondamentale entre les attentes fonctionnelles d’une démocratie majoritaire et les principes normatifs du fédéralisme est au coeur de cet excellent ouvrage sur les nouveaux défis et les opportunités auxquels est confrontée la fédération de nos jours. Chaque contribution approfondit notre compréhension du fédéralisme en tant que carrefour de contraintes simultanées visant l’atteinte des objectifs de la fédération, tout en respectant le principe de différence à la base de l’association. Robert Wardhough et Barry Ferguson offrent en effet un condensé de ces contraintes persistantes dans leur sommaire sur la pertinence continuelle de la commission Rowell-Sirois, et ce, 68 ans après sa publication. Les auteurs montrent que le pays est toujours aux prises avec des problèmes sur les principes qui devraient guider les conditions d’une association – le Canada étant encore en constante élaboration. En ce sens, Thomas Hueglin soutient que le principe de subsidiarité peut jouer ce rôle au Canada en s’inspirant du modèle européen. L’auteur montre que, dans une ère de fédéralisme intégré, « au lieu de demander qui devrait faire quoi, une question plus constructive serait de demander qui devrait faire combien de quoi » (p. 202). La subsidiarité en tant que nouveau modèle de gouvernance fédérale ne vise pas à énumérer les pouvoirs, mais sert de guide flexible afin d’énumérer les tâches dans une situation d’interdépendance – une approche plus fonctionnaliste et pratique à la différenciation de tâches. En définissant les problématiques juridictionnelles en tant que « tâches », il est cependant clair que Hueglin envisage un changement radical de la pratique du fédéralisme au Canada, exigeant un acte de foi qui est en contradiction avec 150 ans de délibérations politiques entre les différents paliers de gouvernement. De plus, la subsidiarité en tant que marqueur présume simplement que les gouvernements ont plus à coeur les résultats des politiques que la souveraineté. En ce sens, il est difficile de croire que le contexte canadien soit un cadre propice à ce modèle. Dans la même veine spéculative, Gerald Baier et Herman Bakvis explorent la possibilité de réformer les institutions centrales tout en répondant simultanément …
Ian Peach (dir.), Constructing Tomorrow’s Federalism : New Perspectives on Canadian Governance, Winnipeg, Manitoba, University of Manitoba Press, 2007.[Notice]
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Raffaele Iacovino
Skelton-Clark Postdoctoral Fellow in Canadian Affairs,
Department of Political Studies,
Queen’s University.
raffaele.iacovino@mail.mcgill.ca