Comptes rendus

Olivier Maligne, Les nouveaux Indiens. Une ethnographie du mouvement indianophile, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, 284 p.[Notice]

  • Gérard Duhaime

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Indianophile ? Le titre évoque l’ethnographe admise au Pow-wow du The Baby Blues de Drew Hayden Taylor, où celle-ci croit pouvoir communier avec la nature à l’occasion de ce rituel authentique ; ou bien, dans un village autochtone, la rencontre du seul résident vêtu d’une veste d’orignal à franges, un Blanc travaillant pour les Indiens ; ou encore les tribulations sectaires d’un Pierre Maltais, qui, en partant du Québec et en passant par l’Europe, est toujours en fuite quelque part en Amérique du Sud malgré ses démêlés avec le Tribunal des droits de la jeunesse. Entre ces stéréotypes, mais qui sont donc les indianophiles ? L’ouvrage d’Olivier Maligne est singulier par son sujet. Il cherche à cerner le monde de ces individus et de ces groupes qui, en première approximation, s’affublent des apparences de l’identité des Autochtones de l’Amérique du Nord. L’image de l’« Indien » constitue, écrit Maligne, « un horizon qui oriente et définit l’ensemble d’une pratique qui semble n’avoir d’autre but que, de diverses façons, de réaliser ou d’actualiser un idéal » (p. 12). Il s’agit donc d’une pratique culturelle, d’une pratique de « recréation permanente » de l’identité sur laquelle elle porte, qui ne serait pas réductible à un ensemble de caractères figés et mécaniquement retransmis et reproduits, mais dont « l’unité même [serait] problématique », et recréée « à chaque génération et par chaque acteur ou groupe d’acteurs » (p. 13). En somme, la question essentielle de l’ouvrage est moins de vérifier si l’individu « reçoit entièrement sa culture d’instances englobantes […] ou bien s’il la crée librement à partir de son expérience subjective », et davantage de « comprendre comment fonctionne ce processus complexe » où s’articuleraient « ces deux modalités (transmission et création) et ces deux instances (individus et collectivités) (p. 16). Maligne s’intéressera donc d’abord aux systèmes de représentation, aux images véhiculées de l’Indien par les indianophiles, et ensuite et surtout à ces systèmes comme des pratiques, à l’efficacité de ces représentations dans l’orientation de l’action sociale (p. 17). Parce que le phénomène indianophile est « émergent, polymorphe et délocalisé » (p. 18), l’auteur entend construire son objet « en même temps que la recherche avance ». Par conséquent, son livre retrace le parcours de l’enquête qu’il a menée. Il ne cherche pas à cerner l’ampleur statistique du phénomène : il réitère son existence et tente de le comprendre à travers un regard rigoureux inspiré des sciences sociales. Il proposera ainsi, dans le chapitre premier, un survol des connaissances préalables à ses propres travaux, tant du point de vue théorique qu’empirique. Il s’agit d’un survol en effet, parce que le tour est assez vite fait, étant donné les limites de la documentation alors disponible qui porte principalement sur « la mode indienne » et sur les « représentations » des Indiens. Par conséquent, Maligne distingue son chantier de ces perspectives en construisant une définition opératoire du phénomène reposant sur trois éléments : les connaissances dont disposent les indianophiles, les pratiques qu’ils réalisent, et leur identité syncrétique. Ce point de départ le conduit ensuite à organiser la matière. D’abord, il identifie une espèce de caractériologie commune aux indianophiles ; ensuite, comparant les pratiques ayant cours particulièrement en France, il dégage une typologie ; enfin, explorant les pratiques courantes au Québec et leurs différences apparentes avec les précédentes, il tente de reconstruire l’unité de l’indianophilie pour ainsi dire transcontinentale. L’un des traits partagés par les nouveaux Indiens serait, essentiellement, la croyance en une sorte de substantialisme autochtone fondé sur le vrai, l’authentique, en opposition fondamentale à la perversion des sociétés contemporaines dont le triomphe …