Comptes rendus

Yves ROBY, Histoire d’un rêve brisé ? Les Canadiens français aux États-Unis, Sillery, Les Éditions du Septentrion, 2007, 149 p.[Notice]

  • Leslie Choquette

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  • Leslie Choquette
    Institut français,
    Assumption College,
    Worcester, Massachusetts, U.S.A.

Le dernier livre d’Yves Roby, Histoire d’un rêve brisé ?, est le fruit de plus de quarante ans de réflexions sur l’histoire des Canadiens français aux États-Unis. Comme Albert Faucher, Roby voit l’émigration vers les États-Unis comme « l’événement majeur de l’histoire canadienne-française au XIXe siècle » (p. 7). En effet, on recensait 37 % de la population canadienne-française aux États-Unis en 1901, contre 55 % au Québec. Le rêve brisé, c’est la thèse providentialiste selon laquelle les émigrants seraient en voie de reconstituer la Nouvelle-France d’avant la Conquête. Cette vision utopique, qui traduit le désarroi et sublime l’impuissance des élites devant l’exode, renouvelle en profondeur le discours de la survivance et constitue « une des clés pour comprendre l’histoire des Canadiens français du Québec, du Canada et des États-Unis » (p. 10). Elle s’avère pourtant une chimère. Roby met l’accent sur l’histoire intellectuelle, mais il ne néglige pas l’histoire sociale. Le livre consiste en six études distinctes, dont cinq ont déjà paru, au moins en version préliminaire, entre 1995 et 2006. En rassemblant ces études en volume, l’auteur espère les rendre accessibles au plus grand nombre, un but louable. Bien encadrées par une présentation et une conclusion, elles gagnent effectivement à être lues ensemble. On peut seulement regretter que le travail de révision ait laissé subsister de nombreuses répétitions d’étude en étude, qui gâtent un peu le plaisir de la lecture. La première étude, « Partir pour les ”États“ », est un résumé utile de l’état actuel de la question migratoire. En examinant les causes qui ont poussé quelque 900 000 Québécois à s’établir aux États-Unis entre 1840 et 1930, Roby décrit les problèmes liés aux changements démographique et économique sans nier le dynamisme de certains secteurs de l’économie québécoise. Malheureusement, il n’y a aucune discussion de l’émigration acadienne, pourtant non négligeable et une composante importante des communautés canadiennes-françaises de la Nouvelle-Angleterre, surtout dans les États du Maine et du Massachusetts. Les quatre études suivantes concernent le rêve des élites clérico-nationalistes et son éclatement, lequel commence en même temps que son élaboration. Malgré un langage impérialiste de conquête et de reconquête, une majorité au sein de l’élite canadienne-française du Canada et des États-Unis « pensent tout simplement à un avenir séparé et à la survie, dans la république américaine » (p. 39), de la société distincte des Canadiens français. Pourtant ce discours de la survivance, idéologie très canadienne-française, cadre mal avec les expériences et les aspirations des centaines de milliers d’émigrants. Là où l’élite voit en la paroisse nationale une forteresse capable de sauvegarder la vie traditionnelle canadienne-française, la masse ne voit qu’un outil pour améliorer leur sort et celui de leurs enfants. Bien des parents demandent très tôt que l’on fasse une part prépondérante sinon exclusive à l’anglais dans les écoles paroissiales. Devant le refus de l’élite, ils n’hésitent pas à envoyer leurs enfants à l’école publique (p. 42). Dès le début donc, il s’avère « difficile de concilier le rêve de survie des uns et la volonté d’adaptation des autres » (p. 43). À la veille de la Première Guerre mondiale, l’abbé Magnan avoue dans son Histoire de la race française aux États-Unis qu’entre 200 000 et 300 000 Canadiens français vivant aux États-Unis sont devenus « Américains tout court » (p. 129). Face à ce raz-de-marée (c’est du tiers à la moitié de la population), l’élite prise au dépourvu commence à s’entre-déchirer. Trois tendances se définissent aux États-Unis dans les années qui viennent : d’abord, les militants radicaux, les « fous de la race » (p. 53), tiennent un discours d’exclusion, typifié par cette exhortation …