Relations industrielles
Industrial Relations
Volume 51, numéro 3, 1996
Sommaire (18 articles)
Articles
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Le système de relations professionnelles allemand à l'épreuve de la réunification
Michel Lallement
p. 443–467
RésuméFR :
Comme dans de nombreux autres pays industrialisés, l'on assiste en Allemagne, depuis une dizaine d'années, à une nouvelle donne des relations professionnelles sous l'influence notamment des politiques de flexibilité du travail. La réunification entamée en 1989 a également contribué, pour sa part, à modifier les relations collectives de travail. Centré sur les mutations en cours, cet article met en évidence les limites du transfert institutionnel du système de relations professionnelles de l'Ouest vers l'Allemagne oriental et montre, qu'en dépit de telles difficultés, la réunification a contribué à accentuer le processus de décentralisation des négociations collectives qui était déjà perceptible en R.F.A. avant 1989.
EN :
The aim of this article is to study the impact of reunification in a specifie area of German society, namely industrial relations. The following two hypotheses are tested: firstly, in spite of the active role of the main union confederation of workers (the DGB), reunification has not yet given rise to a complete homogenization of industrial relations Systems; and, secondly, in the former regions QLander), reunification has intensified the already perceptible trend towards decentralization of collective bargaining.
To test these hypotheses, we draw upon a series of interviews with union and management representatives of the former and new Lander, as well as German industrial relations researchers. Moreover, a review of union and management literature published on the subject since reunification was carried out.
The German industrial relations System is based essentially on regional and sectoral negotiations, in tandem with the principle of non-conflictual action and negotiation at the level of the firm. Among numerous indicators, two significant laws (the 1952 law on works councils and the 1972 law that reformed the councils) justify the thesis that for more than thirty years, a "neo-corporatist" architecture has framed the social relations of work in Germany. However, since the 1980s, the imperatives of work time flexibility, the emergence of new forms of work rationalization and strategies to externalize certain productive activities have undermined the principle of branch bargaining and justified the existence of decentralized bargaining. Reunification of the two Germanys has also had a significant impact on the industrial relations System. Although the unification process has varied considerably from one federation to another, the DGB was quick to push for the dissolution of the former East German confederation and to seek to transfer the West German model of industrial relations to the new Lander. However, the transfer of institutions encountered many obstacles. Besides the difficulties in harmonizing bargaining demands (e.g., was it necessary to equalize salary levels between the East and West?), the honeymoon between West German trade unionists and workers in the East quickly came to an end. In the face of massive layoffs, many works council members in the new Lander soon felt that the union offered little help in fighting massive unemployment or in promoting modemization of enterprises.
This resulted in a loss of support for the D.G.B. (which had benefited from a large wave of memberships in the East following on the heels of reunification) and a strong preference for enterprise-level negotiations. More generally, economie differences between the West and East within the same industry made it difficult to apply the same collective agreement from one region to another.
Bearing in mind, as well, new management strategies aimed at denouncing certain social agreements and the explosion of agreements on models of work organization, reunification will therefore have contributed to accentuating the decentralization of industrial relations, and perhaps more fundamentally modifying the rules of the game of the bargaining System which emerged in Germany during the past decades.
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Individual-Level Determinants of Employee Shirking
Timothy A. Judge et Timothy D. Chandler
p. 468–487
RésuméEN :
Employee shirking, where workers give less than full effort on the job, has typically been investigated as a construct subject to organization-level influences. Neglected are individual differences that could explain why employees in the same organization or work-group might shirk. Using a sample of workers from the health care profession in the United States, the present study sought to address these limitations by investigating subjective well-being (a dispositional construct), job satisfaction, as well as other indiuidual-level determinants of shirking. Results indicate that whites shirk significantly more than nonwhites, and that subjective well-being, job satisfaction, and age have significant, negative effects on shirking. The implications of these results are discussed.
FR :
On s'est beaucoup intéressé récemment à la question de l'effort des employés au travail ou, plus exactement, au manque de tel effort (flânerie). Examinant ce problème de flanerie des employés, nos collègues ont eu tendance à se concentrer sur les différentes politiques que les organisations peuvent utilisées pour atteindre un niveau maximal d'effort au travail chez les employés. Une hypothèse de base sous-jacente à de telles recherches est à l'effet qu'en l'absence de surveillance efficace de l'employeur, les employés vont réduire leurs efforts au travail. Parce qu'en fait l'hypothèse que les employés vont flâner lorsque l'utilité marginale du fanage est plus grande que celle du travail, les politiques patronales tentent de réduire le fanage en augmentant le coût de celui-ci ou, inversement, en augmentant la valeur du travail.
Malheureusement, toute cette documentation organisationnelle ignore les causes du flânage chez les individus. Cela est un oubli significatif vu que les caractéristiques personnelles des employés peuvent causer des différences dans le degré de flânage parmi ces employés qui connaissent des conditions de travail ou des plans de rémunération similaires. Nous présentons et vérifions ici un modèle des déterminants du flanage au niveau des individus. Ce modèle établit que le flanage est fonction de la satisfaction au travail de l'employé, de son bien-être subjectif, de ses alternatives sur le marché du travail et de l'étendue du contrôle de l'employeur. On définit le flanage comme un manque d'effort au travail de l'employé. La tendance d'un employé à donner moins que le plein effort représente le flanage. Le plein effort reflète 100%. Plus le niveau de flanage est grand, plus l'écart avec ce 100 % est grand. Nous avons utilisé de multiples mesures pour évaluer le flanage, la satisfaction au travail et le bien-être subjectif et de nombreuses variables pour illustrer les autres composantes du modèle de flanage.
Utilisant les données d'une enquête de professionnels de la santé dans une grosse clinique non syndiquée du Midwest américain, nous avons trouvé que les employés qui ont le plus à perdre en flânant, comme les plus vieux, flânent moins. De plus, les facteurs propres au marché du travail ne déterminent pas le degré de flanage chez les employés.
Les résultats suggèrent aussi que la satisfaction au travail et le bien- être subjectif sont des prédicteurs significatifs du flanage. Les effets négatifs de la satisfaction au travail sur le flanage proposent que l'identification des sources possibles d'insatisfaction au travail et l'implantation de programmes correctifs peuvent réduire le flanage. L'effet négatif du bien-être subjectif relie cette dernière variable au flanage. Les résultats suggèrent que le flanage n'est pas totalement déterminé par les politiques et pratiques organisationnelles.
Finalement, nos résultats indiquent que les employés de race noire flanent moins que ceux des autres races, probablement parce qu'ils croient faire face à une plus grande possibilité de se faire prendre à flâner, i.e. plus de contróle de l'employeur. Cependant, des occasions accrues de surveiller le comportement des employés, doublées à un plus bas rapport employé/supérieur n'a pas réduit le flanage de façon significative. L'importance des déterminants individuels du flanage suggère plus de recherche au-delà de la concentration actuelle sur les facteurs organisationnels. La recherche à venir devrait tenter d'établir la mesure dans laquelle la possibilité des effets organisationnels sur le flanage peut dépendre des caractéristiques individuelles spécifiques. Elle devrait également examiner l'influence de variables du groupe sur le flanage.
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The Union as Employer: Personnel Practices in Canadian Labour Unions
Paul F. Clark, Lois Gray et Norm Solomon
p. 488–505
RésuméEN :
This paper reports on personnel practices in unions operating in Canada. The analysis is based on survey data collected from a représentative sample of 60 labour organizations. The findings indicate that for the overall sample, formai, written personnel policies are the exception and not the rule in Canadian unions. The data also reveal, however, that personnel practices are conducted on a more formai, sophisticated basis for Canadian unions with over 50,000 members. The results confirm findings of an earlier study of U.S. unions that there is a relationship between size and sophistication of administrative practices in at least this one area. This "economy of scale" effect has important ramifications for the efficient opération of unions and for the future structure of the labour movement in North America.
FR :
Nous présentons ici les résultats d'un questionnaire envoyé à 297 syndicats nationaux et internationaux inventoriés dans le Répertoire des organisations de travailleurs et travailleuses au Canada, 1992-1993. Le taux de réponse fut de 20 %, 60 questionnaires complétés ayant été retournés.
L'instrument d'enquête a été adapté à partir du Survey of Administrative Practices in American Unions de 1992 (Clark et Guay). La motivation initiale pour l'enquête américaine et pour l'étude des syndicats canadiens provient des changements récents dans l'administration des syndicats. La centralisation croissante des structures syndicales (Craft 1991) et l'accroissement des services aux membres (Clark et Gray 1991) ont contribué à l'accroissement du nombre de permanents syndicaux tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde (Clark 1992). Cela suggère que la façon dont les syndicats utilisent et gèrent leurs ressources humaines est d'importance croissante pour l'administration des syndicats, comme ce l'est pour les entreprises, le gouvernement et les entreprises à but non lucratif.
L'enquête canadienne comportait un certain nombre de questions sur les pratiques de GRH. La partie principale de l'enquête contenait deux sections visant à savoir si les syndicats avaient des politiques formelles écrites sur neuf sujets différents pour leur personnel professionnel de leur siège social et pour leur personnel professionnel sur le terrain. Ces sujets incluaient: l'action positive, la discipline et le congédiement, l'embauche, l'évaluation du rendement, les promotions, les révisions salariales, la formation, le harcèlement sexuel, et les changements technologiques. L'enquête a également colligé des informations plus détaillées sur les procédures d'embauché, les pratiques de consultation, et si le syndicat avait un directeur du personnel ou des ressources humaines. D'autres questions visaient à connaître le nombre de membres, les tendances dans le membership et si le syndicat était canadien ou américain.
Pour l'ensemble de l'échantillon, les données démontrent que les politiques écrites de personnel sont l'exception chez les syndicats canadiens. De telles politiques, lorsqu'elles existent, visent plus les professionnels des sièges sociaux que ceux sur le terrain. Finalement, moins d'un syndicat canadien sur quatre (parmi les répondants) emploie un directeur des ressources humaines.
Cependant, une analyse plus poussée indique que les pratiques de personnel sont plus formelles et plus sophistiquées chez ces syndicats canadiens comptant plus de 50 000 membres. Trois quarts de ces syndicats avaient établi des politiques formelles pour les employés de leurs sièges sociaux et plus de la moitié d'entre eux avaient fait de même pour leur personnel de terrain. Soixante et onze pour cent de ces syndicats avaient un gestionnaire des ressources humaines et 86 % d'entre eux avaient signé une convention collective avec leur personnel professionnel.
Ces résultats confirment les conclusions d'une étude antérieure portant sur des syndicats américains (Clark et Gray 1991) à l'effet qu'il y a une relation entre le nombre de membres d'un syndicat (et alors présumément de ses ressources) et le degré de sophistication des pratiques administratives, au moins dans ce domaine. Cet effet d'économie d'échelle a des ramifications importantes pour le rendement efficace des syndicats et pour la structure future du mouvement syndical tant au Canada qu'aux États-Unis.
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Union Planning: A Framework and Research Agenda
Kay Stratton Devine et Yonatan Reshef
p. 506–523
RésuméEN :
Planning is fondamental to all organizations, including unions. This paper presents a research framework and discusses future directions of academic research into union planning. Our findings indicate that union planning is manifested in various forms. Further, we propose that to capture the phenomenon adequately, researchers must approach it from a "union context", rather than building solely upon a management, economics or business policy framework.
FR :
La planification, ou ce processus de définition d'objectifs et de moyens de les atteindre, constitue traditionnellement une des fonctions principales des gestionnaires. Curieusement, on a porté très peu d'attention au processus de planification chez les syndicats qui, après tout, doivent être gérés comme n'importe quelle organisation. Cette recherche examine la nature de la planification dans un contexte syndical afin de développer un cadre pour de futures recherches en ce domaine.
La plus grande partie des recherches sur la planification en relations industrielles vise ce sujet populaire qu'est la planification stratégique. Les connaissances existantes sur divers aspects de planification syndicale souffrent du manque d'un cadre théorique commun ; elles sont dispersées et décousues. Les chercheurs doivent approcher la planification chez les syndicats à partir du contexte syndical.
Notre thèse est à l'effet que les syndicats sont à la fois des entités politiques et des organisations conservatrices. Alors, ils hésitent à abandonner le statu quo, ce qui mène à la « rigidité stratégique » (Lawler 1990 : 46).
Comme tel, les efforts de recherche doivent reconnaître les qualités uniques des syndicats et les garder à l'esprit en examinant la planification chez les syndicats.
Pour circonscrire la nature de la planification chez les syndicats, nous avons eu recours à une approche qualitative combinant entrevues et analyse de documents. Nous avons effectué 28 entrevues avec du personnel de 16 organisations syndicales différentes. Des données colligées par ces entrevues, nous avons observé que les processus de planification chez les syndicats varient selon trois critères-clés : le type de planification (réactif, opérationnel et stratégique), le niveau dans la structure syndicale (section locale, régionale, nationale/internationale et fédérative) et des dimensions variables (court/long terme, de haut en bas/de bas en haut, focus interne/externe ou problèmes globaux/locaux). Ce cadre propose plusieurs avenues de recherche. D'abord, ces trois critères doivent être opérationnalisés et validés de façon empirique. Ensuite, il faudra se concentrer sur des études descriptives sur les processus et sur le contenu de la planification ainsi que sur des études évaluant les résultats de la planification. De telles recherches aideront les dirigeants syndicaux à connaître ce que les autres syndicats accomplissent et à faire le lien entre la planification et la performance.
Considérant l'environnement changeant actuel, les syndicats doivent planifier. Ce faisant, il devient critique que les chercheurs inventorient ce qui se fait et ce qui est efficace afin que les ressources ne soient pas gaspillées sur des processus non nécessaires ou inefficaces.
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Temps partiel et précarité
Francine Mayer
p. 524–543
RésuméFR :
Ce texte utilise les données de l'Enquête sur l'activité de Statistique Canada pour les années 1988-89 pour examiner la question de la précarité liée au temps partiel dans une perspective longitudinale. Il propose comme indicateur de la précarité liée au temps partiel, la discontinuité dans l'emploi, notamment les risques de sortie hors emploi et les difficultés d'accès ou de retour au temps complet. Il trouve que (i) l'emploi à temps partiel est plus généralement lié aux discontinuités d'emploi que le temps complet, (ii) les risques de sortie d'emploi sont accrus chez les salariés à temps partiel, (iii) les femmes subissent davantage que les hommes la précarité liée au temps partiel. Chez elles, les facteurs susceptibles d'accroître les risques de précarité liée au temps partiel sont la responsabilité d'enfants d'âge préscolaire, une scolarité insuffisante et des horaires de travail qui les éloignent d'une situation de temps complet.
EN :
In 1993, part-time work represented 17.3% of total employment in Canada. Of these jobs, 35.3% were involuntary and 69.3% were held by women. Compared to full-time work, part-time work means not only fewer hours but also a different status. It is characterized by a limited range of generally less skilled occupations, with low wages, few fringe benefits and weaker social protection. Opportunities for training and advancement are also limited. According to Maruani and Reynaud (1993 :59), most part-time work is unstable and borders on unemployment. This article examines the precariousness associated with part-time work from a longitudinal perspective.
It proposes, as an indicator of precariousness, a measure of employment discontinuity based on the risk of exit from employment and the difficulty in returning to full-time work.
Data come from the longitudinal file of Statistics Canada's Labour Market Activity Survey for the years 1988-89. The sample covers adults aged 16 to 64 who held paid employment at some time during the period of observation, and includes 17,982 women and 19,137 men. The first section provides a description of labour force participation profiles and the gross annual flows between part-time work, full-time work and exits from employaient. The results show that part-time work is generally less stable than full-time work, that discontinuous employment profiles are more frequent among part-time workers and that the risk of exit from employment is higher among part-time workers. Furthermore, women represent the majoriry of part-time employees. In contrast to men, for whom part-time work is concentrated among young people and rare in the ages of high participation (25 to 54), part-time work is frequent at all ages among women. Especially in the 25 to 54 age group, women are more likely to work exclusively part-time and less likely to work only full-time. They also change more frequently between these two kinds of employment, but movements from full-time towards part-time work are more likely for women whereas movements in the opposite direction are more frequent among men. As a result, particularly in the high participation ages, women are more exposed to the risks of precariousness associated with part-time work.
In order to understand the determinants of mobility towards full-time work and the factors of precariousness linked to part-time work, a model of the duration of part-time employment episodes is estimated. The model highlights the differences between the effects of individual characteristics and employment characteristics which are likely to encourage transition towards a full-time job and those which are linked to exit from employment after a particular part-time episode. Estimation results suggest that, in the case of women, the factors likely to increase the risk of precariousness linked to part-time work are the responsability for pre-school children, insufficient educational qualifications and work schedules that are very different from full-time work. On the other hand, access to full-time employment is more likely for those with high levels of education. Part-time work which is voluntary and of better quality, in particular jobs with union protection and higher wages, is more likely to be stable. In a context of persistent unemployment, part-time work and other forms of work sharing have been put forward as part of a strategy to reduce unemployment and increase labour market flexibility. Because shorter hours are generally accompanied by poor working conditions, measures to increase mobility between part-time and full-time work and improve the economie security of part-time workers are essential.
The results presented in this text provide arguments in favour of policies to support the development of new competencies and occupational training. They suggest, furthermore, that part-time workers are not necessarily "unstable workers" : better quality part-time jobs encourage stability. The results also strongly support the arguments for treating part-time workers on a par with full-time workers and for better economic security for part-time workers. Lastly, for women with young children, part-time work in its present form does not offer sufficient flexibility to combine professional activities and family responsibilities. The improvement of child-care services should be a social priority. However, for both men and women, the possibility to arrange more flexible work schedules or to negotiate reduced working time with a guaranteed right to return to full-time work is probably the best solution.
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Correlates of Certification Application Success in British Columbia, Saskatchewan and Manitoba
Felice Martinello
p. 544–562
RésuméEN :
Time series data are used to estimate the effects of labour legislation, the political regime, and economie conditions on the proportion of certification applications granted. Applications filed with the British Columbia, Saskatchewan, and Manitoba Labour Relations Boards (1951-92) are considered and analyzed separately. Changes in labour legislation haue the largest impact on certification application success in all three provinces. The political environment is estimated to be important in British Columbia, but not in Saskatchewan or Manitoba. Economic conditions affect certification success in Saskatchewan and to a lesser extent in British Columbia, but not in Manitoba. Large changes in economic conditions are estimated to have only small effects on the proportion of applications granted.
FR :
Pour assurer sa force et sa viabilité, le mouvement syndical doit continuellement organiser les travailleurs de nouvelles entreprises. Même en temps de stabilité économique, les employeurs ouvrent et ferment continuellement des usines et déménagent dans d'autres juridictions. Alors, les syndicats sont en organisation continuelle de nouvelles unités afin de maintenir leur membership et leur densité. Le nombre de travailleurs organisés est fonction a) du nombre de requêtes en accréditation déposées, b) de la proportion des requêtes accueillies et c) de la taille des unités de négociation accréditées.
Ici, nous étudions quelques uns des déterminants du taux de succès des requêtes en accréditation. Nous utilisons des régressions pour estimer les effets des conditions économiques, des changements dans la législation du travail et l'environnement politique sur la proportion des requêtes en accréditation accordées.
Quant aux conditions économiques, le taux d'inflation, les taux de changement du taux d'inflation et de l'emploi, et le changement au carré dans l'emploi font partie de l'analyse. L'environnement politique est représenté par des variables dichotomiques reflétant le parti politique au pouvoir et les principaux changements dans la politique publique. Nous recourons aussi à des variables dichotomiques pour illustrer l'effet des modifications majeures dans la législation du travail.
Nous utilisons des données annuelles sur les requêtes en accréditation déposées auprès des conseils de relations du travail de la Colombie- Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba de 1951 à 1992. Nous avons fait des régressions séparées pour chaque province retenue. Les estimés démontrent que les conditions économiques, la législation du travail et l'environnement politique ont des effets différents sur la proportion de requêtes en accréditation accueillies dans chaque province. Les variables indépendantes expliquent une grande partie de la variation dans le succès obtenu lors d'une requête en accréditation. Cela est vrai à un niveau moindre en Colombie-Britannique et à un niveau pratiquement nul au Manitoba.
Les révisions majeures de la législation du travail, par contre, influencent le taux de succès des requêtes en accréditation dans les trois provinces. Les impacts estimés confirment les attentes quant aux révisions prosyndicales et celles qui ne le sont pas. En outre, les modifications dans la législation du travail ont un impact beaucoup plus important sur la proportion des requêtes accueillies que les changements dans les conditions économiques ou dans l'environnement politique. La variable « législation du travail » semble donc ici la plus importante.
Le régime, ou l'environnement politique, semble être important en Colombie-Britannique. Par exemple, les estimés démontrent que le passage du Crédit social en 1973 à des gouvernements NPD a accru le taux de succès des requêtes en accréditation de 3,7 points de pourcentage, les effets des changements dans la législation du travail ayant été contrôlés. Cependant, les changements de gouvernement des libéraux, aux conservateurs, au NPD ne semblent pas avoir d'importance en Saskatchewan et au Manitoba. Cela n'est guère surprenant, considérant que la Colombie-Britannique est caractérisée par un climat politique polarisé et par de grands écarts dans l'idéologie des gouvernements. Il est probable que le parti au pouvoir affecterait le succès des requêtes en accréditation en Saskatchewan ou au Manitoba si ces provinces connaissaient des changements aussi drastiques dans leur idéologie que ceux vécus en Colombie-Britannique.
L'impact général des conditions économiques est très modeste. Même lorsque nos estimés sont significatifs sur le plan statistique, d'importants changements dans les conditions économiques semblent avoir des effets étonnamment petits sur le succès en accréditation. Une plus grande inflation est reliée à des taux de succès plus élevés en Colombie-Britannique alors que des taux élevés de changement dans l'inflation sont associés à des taux de succès plus grands en Saskatchewan. Nous avons estimé que la croissance dans l'emploi n'est importante qu'en Saskatchewan où de très hauts et très bas taux de croissance dans l'emploi sont associés avec des taux de succès plus grands. Selon nos estimés, aucune des variables économiques n'influence le succès de l'accréditation au Manitoba.
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Effects of Strike Participation on the Political Consciousness of Canadian Postal Workers
Tom Langford
p. 563–585
RésuméEN :
Marxists have long argued that major strikes produce an explosion of workers' class consciousness. This article discusses some weaknesses of the explosion-of-consciousness thesis, and tests research hypotheses using data from a case study of the 1987 strike by the Hamilton local of the Canadian Union of Postal Workers. A major finding is that an increase in a postal worker's negative attitudes toward out-groups did not necessarily go hand in hand with an increase in that striker's positive identifications with in-groups such as fellow workers, the local union and the labour movement. This supports treating the in-group and out-group dimensions of class consciousness as distinct. A second finding supports the hypothesis that an explosion of in-group consciousness due to inter-group conflict is more likely to occur among workers who are already identified with the in-group.
FR :
Les marxistes ont longtemps soutenu que les grandes grèves provoquent une « explosion » de la conscience de classe chez les ouvriers. Leurs critiques ont, pour leur part, affirmé que le contexte politico-économique de la grève, le déroulement et l'issue de celle-ci ainsi que les caractéristiques des grévistes détermineront plutôt si une telle explosion se produira ou non, ou à tout le moins dans quelle mesure elle se produira. En plus d'examiner quelques-unes des faiblesses de la thèse « explosionniste », cet article présente des hypothèses inspirées par les débats sur la question, et les vérifie à la lumière des résultats d'une étude de cas consacrée à la grève menée en 1987 par le Syndicat des postiers du Canada (SPC). Les données proviennent de trois sources : deux entrevues structurées auprès d'un échantillon stratifié, obtenu par la méthode des quotas, de 45 membres de la section locale du SPC à Hamilton (l'une réalisée au moment de la grève et l'autre en janvier 1988, trois mois après la fin de la grève) ; l'observation participante aux piquets de grève et au quartier général des grévistes ; et des discussions intensives avec deux informateurs clés, membres du comité exécutif de la section locale de Hamilton.
Selon l'hypothèse 1, dans les régimes démocratiques de type parlementaire et à suffrage universel, l'intervention de l'État dans les conflits de travail entraînera une remise en question de l'autorité du parti au pouvoir, mais pas celle des institutions fondamentales de l'État lui-même. Lors de la grève du SPC en 1987, les Libéraux et les Néo-Démocrates se sont vigoureusement opposés à ce que le gouvernement adopte une loi ordonnant le retour au travail. Les grévistes ont donc contesté l'autorité du Parti conservateur, mais ils n'ont remis en question ni la légitimité du Parlement ni celle du système des partis politiques. Ce qu'il faut surtout retenir dans ce cas, c'est que la légitimité de l'État a été activement renouvelée pendant la grève. Ce phénomène laisse supposer que l'intervention de l'État dans une grève peut provoquer une remise en question de la légitimité de l'appareil étatique lorsque les partis d'opposition sont faibles, inefficaces ou insensibles aux intérêts des travailleurs, lorsque le gouvernement est en mesure de prendre des mesures répressives sans l'assentiment du parlement ou encore lorsque le parlement a relativement peu de pouvoir vis-à-vis du gouvernement.
Selon l'hypothèse 2, les travailleurs en grève tendront moins à s'identifier à la classe ouvrière si leur grève ne reçoit pas l'appui des autres syndicats et de leur communauté. En réalité, même si les membres de la section locale du SPC à Hamilton ont reçu peu d'appuis aux piquets de grève, seule une petite minorité d'entre eux (14 pour cent) ont exprimé des attitudes plus négatives à l'égard du mouvement syndical ; 30 pour cent ont même exprimé des attitudes plus positives. Plusieurs membres du SPC ont déclaré mieux comprendre les luttes d'autres travailleurs en raison de la grève qu'ils ont eux-mêmes menée.
Là où les divers auteurs qui ont écrit sur la question s'entendent sans doute le moins, c'est pour savoir si la thèse de l'explosion de la conscience s'applique aussi bien aux grèves victorieuses qu'aux grèves qui échouent. Marx et Engels croyaient que le développement de la conscience et de l'organisation de la classe ouvrière progressait inexorablement, même si la plupart des luttes ouvrières n'atteignaient pas leurs objectifs. Selon l'hypothèse 3a, les travailleurs auront moins tendance à changer d'attitude à la suite d'une grève qu'ils ont perdue qu'à la suite d'une grève victorieuse. L'hypothèse 3b affirme que les travailleurs seront peu portés à se comporter de manière militante à la suite d'une grève qui a échouée. En effet, le niveau de militantisme était très faible pendant les mois qui ont suivi la grève à Hamilton. Cependant, la majorité des travailleurs ont été amenés par le déroulement de la grève à adopter une attitude négative à l'égard des groupes extérieurs (briseurs de grève, police, cadres locaux des Postes et Conservateurs fédéraux), ce qui semble indiquer que le changement quant au sentiment d'opposition sera sensiblement le même que la grève soit victorieuse ou non. Une version révisée de l'hypothèse 3a affirme que le sentiment d'appartenance de classe sera beaucoup plus faible si la grève échoue que si elle réussit.
Selon l'hypothèse 4, plus un travailleur participe activement à une grève, plus ses attitudes politiques changeront. Cette hypothèse est validée en partie par les données provenant d'un échantillon excluant les militants de longue date. Plus la participation était forte, plus les travailleurs se sont montrés optimistes quant à l'issue de la grève, plus leurs attitudes à l'égard du mouvement syndical et des autres travailleurs étaient positives et plus ils ressentaient de la colère à l'égard des briseurs de grève. Par contre, la participation n'a influé que marginalement sur les changements d'attitudes à l'égard de trois groupes extérieurs clés, soit la police, les cadres locaux des Postes et le gouvernement fédéral du Parti conservateur.
Selon l'hypothèse 5, il existe une relation inverse entre l'expérience antérieure des luttes ouvrières et les changements sur le plan de la conscience politique. Cette hypothèse est également validée en partie. En raison de leur niveau de conscience de classe plus élevé, les vieux militants avaient moins tendance à développer des attitudes négatives à l'égard des cadres locaux des Postes et des Conservateurs fédéraux, à se sentir découragés par l'issue de la grève ou à percevoir un changement modéré ou majeur dans les attitudes. Cependant, ils étaient plus portés à donner des évaluations positives de leurs camarades de travail et du syndicat local, de toute évidence parce que leur identité personnelle était fortement liée à la section locale du SPC à Hamilton. Cette observation va dans le sens de l'hypothèse 6, selon laquelle une explosion de la conscience vis-à-vis du groupe auquel on appartient est plus probable chez les grévistes qui s'identifient déjà au groupe.
L'article conclut en expliquant pourquoi les travaux futurs sur la thèse de l'explosion de la conscience de classe doivent se faire dans des contextes variés. Il insiste enfin sur l'importance pour les chercheurs de bien maîtriser le cadre théorique et d'exploiter à fond la recherche systématique existante, y compris les expériences sur les conflits intergroupe.
Information
Recensions / Book Reviews
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Blouin, Rodrigue, La judiciarisation de l'arbitrage de grief
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Afzalur, Rahim M. and Albert A. Blum, eds, Global Perspectives on Organizational Conflict
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Gindin, Sam, Canadian Auto Workers: The Birth and Transformation of a Union
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Lamarche, Lucie, Perspectives occidentales du droit international des droits économiques de la personne
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McRae, Susan, Part-Time Work in the European Union: The Gender Dimension
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Tomaskovic-Devey, Donald, Gender and Racial Inequality at Work: The Sources and Consequences of Job Segregation
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Moggridge, D.E., Maynard Keynes, An Economist's Biography
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Keenoy, Tom and Di Kelly, The Employment Relationship in Australia