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Introduction

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est caractérisé par des atteintes dans les domaines de la communication et des interactions sociales, ainsi que par des intérêts restreints et des comportements répétitifs envahissant le quotidien (American psychiatric association [APA], 2013). Si la recherche sur les effets des interventions s’est d’abord principalement focalisée sur les enfants TSA eux-mêmes comme le souligne Rivard et al. (2017), cependant, il est cependant constaté qu’en dépit d’améliorations notables concernant l’accompagnement de l’enfant avec un TSA, la détresse parentale reste élevée (Clément et Ilg, 2019). En effet, les caractéristiques et les besoins des enfants TSA nécessitent des ajustements importants de la part des familles, et ce d’autant que ces enfants présentent fréquemment des difficultés associées, pouvant être d’ordre psychiatrique, telles qu’un un trouble anxieux, un état dépressif ou un Trouble déficit d’attention/hyperactivité (Mannion et Leader, 2013), ou encore des problèmes de la santé comme l’épilepsie ou des troubles du sommeil (Salazar et al., 2015). Par ailleurs une déficience intellectuelle accompagne le TSA dans près de 20 % des cas (Levy etal., 2010). L’ensemble de ces caractéristiques peut être diagnostic et des prises en charge, participent d’un amoindrissement du bien-être psychologique des parents d’enfants ayant un TSA, en particulier des mères (Fourcade, Kruck et Rogé, 2019). Le bien être étant le plus souvent évalué par des mesures de stress et de dépression.

L’ensemble de ces éléments amène les institutions publiques à considérer l’accompagnement des familles. Ainsi en France, la Haute Autorité de Santé (HAS) reconnait en 2012 le rôle central des familles dans l’accompagnement de l’enfant, l’importance de la relation parents-professionnels, en soulignant le besoin de donner un soutien approprié face aux conséquences du trouble sur la famille (HAS, 2012).

Difficultés parentales en lien avec le TSA

En conséquence du TSA de nombreux parents font face à des défis spécifiques (Derguy, Michel, M’Bailara, Roux et Bouvard (2015). Plus que les parents d’enfants ayant un autre trouble du développement (déficience intellectuelle, syndrome de Down, paralysie cérébrale), les mères et pères d’enfants avec un TSA évoquent une charge éducative lourde et le sentiment de subir un niveau de stress élevé, ainsi qu’un grand nombre d’émotions négatives comme la tristesse, la culpabilité, la frustration et un sentiment d’isolement social (Kuhlthau et al., 2014). Ceci est tout particulièrement vrai lorsque l’enfant présente des problèmes de comportement (Levy et al., 2010; Sikora et al., 2013). Le regard social et le manque de compréhension des comportements associés au TSA par la société sont aussi des sources de stress qui affectent la plupart des aspects de la vie de la famille (Bobet & Boucher, 2005), jusqu’à une diminution des activités, mais aussi des relations sociales comparativement aux parents d'enfant sans troubles (Higgins, Bailey et Pearce, 2005; Mugno, Ruta, D'Arrigo et Mazzone, 2007). En conséquence, le défi d’élever un enfant avec autisme peut affecter la qualité de vie des parents et l’ensemble de la famille (Cappe, Wolff, Bobet et Adrien, 2011).

Qualité de vie familiale

La qualité de vie de la famille est un concept multidimensionnel (Samuel, Rillotta et Brown, 2012) et subjectif. La qualité de vie familiale est un construit social composé de plusieurs domaines et d’indicateurs centrés sur la personne et sur sa famille (Park et al., 2003; Poston et al., 2003) basé sur l’interprétation personnelle des évènements de vie, en fonction du contexte individuel, culturel et social (Cappe, Bobet et Adrien, 2009). Si la qualité de vie familiale est basée sur l’interprétation personnelle des évènements (Cappe et al., 2009), elle est un construit social composé de plusieurs domaines et indicateurs, centrés et sur la personne et sur la famille (Park et al., 2003; Poston et al., 2003). S’inscrivent donc dans ce concept les expériences que les membres font au sein même de la famille, telles que l’assouvissement des besoins de chacun, la satisfaction des membres à passer du temps ensemble et l’aptitude à réaliser solidairement des actions ayant pour eux de l’importance (Park et al., 2003). Conséquemment les incapacités d’un membre de la famille, et les conséquences que celles-ci engendrent (temps consacré à la personne en situation de handicap, dépenses inhérentes à l’accompagnement, etc.), en lien avec le contexte social, peuvent particulièrement affecter la qualité de vie de la famille.

Si les conséquences du handicap de l’enfant sur la vie familiale touchent des dimensions variées (santé physique et psychologique, relations sociales et familiales, temps de prise en charge, emploi et poids économique), les facteurs en lien avec la charge qui incombe au donneur de soin semblent particulièrement importants et peuvent contribuer à réduire la qualité de vie de la famille (Sales, 2003). Ainsi Lefley (cité dans Sales, 2003) considère dix dimensions incluant : le temps et l’énergie nécessaires pour négocier avec les systèmes de soins, les interactions négatives avec les services de soins fournis, le coût financier du handicap, les restrictions nécessaires concernant les besoins des autres membres de la famille, la restriction des activités sociales, la diminution des relations avec le monde extérieur, l’incapacité à trouver des soins satisfaisants, la gestion des comportements, la perturbation de la routine, la dépendance économique du patient. Ces différents éléments peuvent être regroupés dans un facteur dénommé poids et place que les soins de santé nécessitent  qui sont un important prédicteur de la qualité de vie familiale (Burgess et Gutstein, 2007).

Qualité de vie de la famille dans le TSA

Plusieurs études mettent en évidence les répercussions négatives de l’autisme, sur différents plans de la vie des familles (Bobet et Boucher, 2005), engendrant entre autres des discontinuités significatives dans la vie familiale, avec des effets distincts sur les parents et la fratrie ( Jagla, Schenk, Hampel, Bullinger et Franke, 2016). D’une manière générale les études antérieures rapportent une qualité de vie plus pauvre pour les familles d’enfant porteur d’un TSA, quel que soit l’âge de l’enfant, lorsqu’elle est comparée à d’autres types de population (Vasilopoulou et Nisbet, 2016).

Concernant les mécanismes psychologiques adaptatifs qui interviennent chez les parents d’enfant ayant un trouble autistique, on dénombre à ce jour quelques études de ce type dans les régions francophones, en particulier celles de Cappe et collaborateurs pour la France et le Québec (Cappe et al., 2009; Cappe, Poirier, Sankey, Belzil et Dionne, 2018; Cappe et al., 2011), ces études québécoises s’intéressant particulièrement à la façon dont les parents perçoivent leur propre situation et les stratégies de faire face mises en place. Il importe de noter une récente étude comparative entre trois régions francophones : France-Québec-Belgique (Cappe, Pedoux, Poirier, Downes et Nader-Grosbois, 2019). Les résultats montrent une qualité de vie altérée particulièrement lors des activités de la vie quotidienne, les parents français montrant une qualité de vie plus faible que les parents québécois ou belges. Il est à noter que cette étude utilise un outil construit spécifiquement pour les parents d’enfants avec un TSA (Cappe, 2009), tandis qu’au niveau international les deux outils principalement utilisés pour évaluer la qualité de vie familiale ne sont pas spécifiques à l’autisme. Il s’agit du Family quality of life survey (FQOLS; Brown et al., 2006) et du Family quality of life scale du beach center (Beach Center on Disability, 2003), qui mesurent la perception de la qualité de vie par les parents eux-mêmes. Ainsi, le participant évalue lui-même son bien-être psychologique, ses satisfactions personnelles.

Le Family quality of life survey a été développé comme un instrument international tandis que l’échelle du Beach Center a été développée principalement pour les familles américaines ayant des enfants présentant des incapacités. Cependant l’échelle de qualité de vie du Beach a été adaptée afin de permettre son utilisation dans d’autres pays et régions tels que l’Espagne (Cordoba-Andrade, Gomez-Benito et Verdugo-Alonso, 2008), l’Australie (Davis et Gavidia-Payne, 2009) et plus récemment au Québec (Rivard et al., 2017).

Bien que les domaines du Family quality of life survey et du Family quality of life scale du Beach Center soient similaires sur bien des points, certains sont caractéristiques de l’un ou de l’autre. Ainsi est caractéristique du Beach le domaine « rôle parental » qui contient six items en lien avec l’apprentissage de l’autonomie de l’enfant, ses interactions sociales, ses prises de décision, la connaissance des amis et des enseignants de l’enfant, et le temps passé aux soins de l’enfant. Le domaine « influences des valeurs » (personnelles, religieuses, culturelles ou spirituelles) est quant à lui spécifique au Family quality of life survey (Brown et al., 2006). En regard des facteurs signalés par la littérature scientifique comme importants lorsqu’il s’agit de qualité de vie familiale, une des caractéristiques intéressantes du Beach (Beach Center on Disability, 2003) est la présence des domaines « bien-être émotionnel » et « rôle parental ». Ces domaines sont absents du Family quality of life survey (Brown et al., 2006), même si des corrélations fortes avec certains items du Beach peuvent être repérées (Perry et Isaacs, 2015).

Dans le Beach, il y a 4 à 6 questions dans chaque domaine de la qualité de vie qui évaluent l’importance et la satisfaction des parents quant à : 1) leur rôle parental; 2) leur bien-être émotionnel; 3) les interactions familiales; 4) leur bien-être physique et matériel; et enfin 5) le soutien extérieur à la famille apporté à l’enfant avec un trouble. Le niveau de satisfaction permet d’évaluer la qualité de vie perçue. Cette échelle de qualité de vie de la famille a été utilisée dans diverses études, que ce soit pour évaluer les soutiens apportés aux familles (Smith-Bird et Turnbull, 2005), les services de soins de longue durée et de soutien sur le devenir des familles ayant un enfant avec TSA (Eskow, Pineles et Summers, 2011) et le retentissement que peut avoir un soutien de professionnels auprès de jeunes (Davis et Gavidia-Payne, 2009). En plus de son adaptation internationale, si l’échelle Beach a été créée spécifiquement pour des familles d'enfant présentant des incapacités, elle a été éprouvée auprès des familles de parents d'enfant présentant un TSA (Hoffman, Marquis, Poston, Summers et Turnbull, 2006), mais est également proposée comme une mesure valide pour les familles avec des enfants tout-venant (Zuna, Summers, Turnbull, Hu et Xu, 2010).

Dans l’exploration globale de la qualité de vie des familles où un enfant présente un TSA, cette échelle est être intéressante à la fois parce que sa passation est rapide, qu’elle permet d’évaluer les effets d’une intervention sur la qualité de vie et en vue de comparaisons internationales.

Objectifs de l’étude

Pour compléter les éléments de compréhension concernant la qualité de vie de la famille, notre étude se donne pour premier objectif de comparer la qualité de vie de familles dont au moins un enfant présente un TSA, à celle d’une population témoin. L’étude s’inscrivant dans le cadre de l’évaluation d’un programme de formation aux habiletés parentales pour les parents ayant un enfant porteur du TSA implanté (Ilg et al., 2018; Ilg, Rousseau, et Clément, 2016), elle doit aider à préciser quels éléments différencient les populations afin d’offrir aux familles les services appropriés. Pour cela nous proposons d’utiliser une adaptation française de l’échelle de qualité de vie familiale du Beach Center (Beach Center on Disability, 2003), dont il s’agit de déterminer si une utilisation au sein de la population française est possible, ce qui s’apparente au second objectif de la recherche. Ainsi l’utilisation de l’échelle du Beach en langue française fait de cette étude une étude exploratoire et permet notamment de tester son utilisation dans un nouveau contexte culturel. Enfin, l’étude a été menée en accord avec la déclaration d’Helsinki en 1964 et ses modifications ultérieures. Les données anonymes sont stockées sur les serveurs sécurisés de l’université de Strasbourg en conformité avec le Comité d’Éthique pour la Recherche de l’Université de Strasbourg.

Méthode

La section suivante présente l’instrument utilisé pour l’étude, les participants ainsi que le traitement des données recueilli.

Instrument

L’échelle de qualité de vie du Beach Center (Beach Center on Disability, 2003) évalue les perceptions d’importance et de satisfaction de qualité de vie familiale des familles et se présente sous la forme d'un questionnaire qui possède trois sections : des questions démographiques sur la famille et le membre de la famille porteur de handicaps, le taux de satisfaction de qualité de vie familiale et le taux d’importance en lien avec qualité de vie familiale.

L’échelle comporte 25 items répartis en 5 domaines (interactions familiales, rôle parental, bien-être émotionnel, bien-être physique/matériel et soutien à la personne avec un trouble). Elle permet d’évaluer l’importance que peut revêtir un item et la satisfaction de ce même item. Dans sa version américaine, l’échelle a des propriétés psychométriques satisfaisantes telles que la fiabilité test-retest, la validité de construit et validité convergente (Beach Center on Disability, 2003; Hoffman et al., 2006; Summers et al., 2005). Les items de chaque domaine présentent une bonne cohérence interne (Hoffman et al., 2006). L’échelle a un alpha global de 0,88 et les domaines présentent également de bons indices : Interaction familiale (α = 0,90), Rôle parental (α = 0,86), Bien être émotionnel (α = 0,84), Bien-être physique et matériel (α = 0,74) et Soutien relatif au handicap (α = 0,85). Lorsqu’elles sont évaluées conjointement, l’importance et la satisfaction présentent une bonne cohérence interne (Beach Center on Disability, 2003), mais il est à noter que l’évaluation de l’importance a été délaissée par plusieurs auteurs (Zuna Selig, Summers et Turnbull, 2009). Dans sa version québécoise en langue française le construit général a été éprouvé, même si les indices d’ajustement statistique peuvent être considérés comme limites (Rivard et al., 2017). Par exemple, pour ce qui est de la satisfaction, le modèle de premier ordre présente des données à la limite du seuil d’acceptabilité (Tucker-Lewis Index = 0,884; Comparative Fit Index = 0,897). De même lorsque les modèles de premier et de second ordre sont appliqués à l’importance sur un suivi de 12 mois, les qualités d’ajustement sont moyennes (Rivard et al., 2017).

La version originale de l’échelle (Beach Center on Disability, 2003) a fait l’objet d’une traduction inversée de l’anglais au français, en conformité avec la procédure de validation transculturelle (Vallerand, 1989); cette traduction inversée diffère de la version québécoise (Rivard et al., 2017). Certains items ont été modifiés sur la forme linguistique. Par exemple l’item 13 est allégé dans la présente étude : Ma famille a de l’aide de l’extérieur pour s’occuper des besoins particuliers de tous les membres de la famille devient Ma famille a de l’aide extérieure pour s’occuper des besoins particuliers de tous ses membres. L’item 21 a été modifié pour faire sens dans le contexte français ; le terme communauté fait référence à la communauté religieuse, or la société française étant fortement sécularisée l’item perd de sa pertinence. Ainsi Ma famille se sent en sécurité à la maison, au travail, à l’école et dans notre communauté devient Ma famille se sent en sécurité à la maison, au travail, à l’école et dans notre voisinage. Une liste rapportant les items de la version française de l’échelle de qualité de vie familiale du Beach Center for Disabilities est d’ailleurs disponible en Appendice de cet article.

Cotation. L’échelle de qualité de vie du Beach est un questionnaire autorapporté dont la passation dure de 6 à 10 minutes. Les répondants se positionnent sur une échelle allant de (1) très insatisfait à (5) très satisfait. Ainsi, dans la partie satisfaction, chaque item de l’échelle commence par la phrase « À quel point suis-je satisfait-e que..». La sous-échelle « soutien à la personne avec un trouble » n’a lieu d’être comparée qu’entre des populations porteuses d’un trouble ou d’un handicap. Elle n’a donc pas été retenue dans le cadre de cette recherche. L’abandon par plusieurs auteurs de la section importance, de par une forte corrélation entre importance et satisfaction (Zuna et al., 2009), associée aux objectifs de la recherche nous a conduits à n’évaluer les items que du point de vue de leur satisfaction.

Participants

Au total, 36 parents d’enfant de moins de 7 ans ont rempli l’échelle de qualité de vie de la famille : 18 parents d'enfant ayant un trouble envahissant du développement (TED) ou un TSA (excluant le syndrome désintégratif de l'enfance et le syndrome de Rett) et 18 parents d'enfant tout-venant. L’anonymat a été préservé.

Les parents d'enfant présentant un TSA ont été rencontrés lors de leur participation au programme francophone de formation aux habiletés parentales « L’ABC des parents d’enfants ayant un TED-TSA : des parents en action ! » (Ilg, Rousseau et Clément, 2016). Le diagnostic des enfants avec un TSA a été posé par un professionnel au moyen d'outils diagnostiques validés tels que l’Autism diagnostic interview-revised (ADI-R; Lord, Rutter et Le Couteur, 1994)  et l’Autism diagnosis observation schedule (ADOS; Lord et al., 1989).

Pour ce groupe, les questionnaires ont été remplis en version papier avant le début du programme. Les parents d’enfants tout-venant ont répondu à un questionnaire en ligne ou sur format papier. Ils ont été sélectionnés dans une base de données constituée de 123 répondants ayant participé à une enquête sur la qualité de vie. Les populations ont été appariées sur la catégorie socioprofessionnelle (CSP), l’âge de l’enfant porteur d’un TSA, le nombre d’enfants vivant au sein de la famille, la situation familiale (en couple ou monoparental), la tranche d’âge et le sexe du répondant. Chaque groupe comprend 12 femmes et 6 hommes, âgés entre 26 et 45 ans (n = 22); entre 36 à 45 ans (n = 12); 46 ans à 55 ans (n = 2). L’ensemble des participants vit en couple (voir Tableau 1).

Tableau 1

Répartition des participants en fonction de la catégorie socio-professionnelle et du sexe

Répartition des participants en fonction de la catégorie socio-professionnelle et du sexe

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Traitements des données

Les méthodes d’analyses utilisées comprennent 1) le test t de Student pour échantillons indépendants afin de comparer les moyennes des deux populations à l’échelle globale et aux sous-échelles et 2) le calcul de l’alpha de Cronbach pour indiquer la cohérence des sous-échelles de l’outil. L’intégralité des analyses a été réalisée avec le logiciel SPSS (version 22).

Résultats

Le score total de qualité de vie familiale se différencie significativement entre les deux populations (tableau 3), mais seul un sous-domaine - Bien-être émotionnel – présente une différence significative entre les deux groupes (Voir Tableau 2). Le groupe témoin présente systématiquement une évaluation autorapportée de la qualité de vie de la famille supérieure au groupe expérimental sur l’ensemble des sous-échelles.

L’instrument utilisé avec une population française présente des résultats satisfaisants en termes de cohérence interne lors de son utilisation avec des parents témoins et avec des parents dont un enfant présente un TSA (Voir Tableau 3). Les alphas de Cronbach pour l’échelle globale sont ainsi respectivement de 0,85 et de 0,74. Les sous-échelles interactions familiales et rôle parental présentent de bons alphas de Cronbach, pour les deux groupes, oscillant de 0,62 à 0,86. En revanche, lorsqu’il s’agit de la population expérimentale, les deux sous-échelles Bien-être émotionnel et Bien-être physique/matériel présentent une valeur faible pour ce qui est de la cohérence interne.

Discussion

L’objectif principal de cette étude à caractère exploratoire était de mettre en oeuvre la version française de l’échelle de qualité de vie de la famille du Beach Center (Beach Center on Disability, 2003), afin de déterminer si l’échelle est en mesure de distinguer deux populations, les parents avec ou sans enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme. Ceci afin de disposer d’un outil simple de passation pour aider à préciser l’offre de service à proposer aux familles et à évaluer celle-ci.

Il apparaît que le Beach dans sa version française est bien en mesure de distinguer les deux populations. Sur notre échantillon, les familles ayant un enfant avec un TSA présentent une note globale significativement inférieure aux familles témoins, témoignant ainsi d’une meilleure qualité de vie perçue chez les parents d’enfants tout-venant. Ces résultats sont en accord avec d’autres études internationales indiquant une plus faible qualité de vie chez les parents d’enfant avec un TSA (Kuhlthau et al., 2014; Mugno et al., 2007; Vasilopoulou et Nisbet, 2016). Les notes aux sous-échelles sont systématiquement supérieures pour les familles toutes-venantes, confirmant que le TSA affecte la qualité de vie dans ses différentes dimensions (Bobet et Boucher, 2005). Fait intéressant, seule la sous-échelle bien-être émotionnel distingue les deux groupes de façon statistiquement significative. Cette sous-échelle fait par exemple référence au soutien perçu par les parents. Ce soutien social provenant de l’entourage et des professionnels étant souvent considéré comme faisant défaut chez les parents français (Chamak et Bonniau, 2013). Cependant cette sous-échelle, qui ne contient que quatre items, présente un alpha de Cronbach très faible pour la population expérimentale.

Comparés aux α de Cronbach de l’étude originale (Hoffman et al., 2006), les α du groupe témoin, bien qu’inférieurs restent tout à fait satisfaisants. Ceci dit, la cohérence interne pour les sous-échelles est globalement plus faible pour la population expérimentale, et ce particulièrement pour la sous-échelle du bien-être matériel sans qu’aucune explication claire ne puisse être donnée alors que les groupes étaient précisément appariés. Si la cohérence de l’échelle globale est meilleure que lorsqu’évaluée par sous-échelles, de nouvelles études avec un échantillon plus important devraient permettre de déterminer la structure factorielle de l’échelle pour la population française. En effet, dans le cadre des programmes de psychoéducation à destination des parents et au vu des recommandations nationales et internationales, l’utilisation d’outils d’évaluation adaptés est un enjeu majeur qui vise à favoriser les bonnes pratiques (Rivard et al., 2017). Certains items de l’échelle peuvent être particulièrement liés au contexte du territoire de passation. Ce pourrait être le cas par exemple de l’item : « Les membres de ma famille ont un moyen de transport pour se rendre aux endroits où ils ont besoin d’aller ». Dans le cadre d’une étude australienne (Rillotta, Kirby et Shearer, 2010), 80 % des répondants au Beach témoignent que c’est un item « important » ou « très important », ce qui est confirmé par les entretiens où la problématique du déplacement semble particulièrement prégnante dans ce contexte précis. En France, 100 % des Parisiens vivent à moins de 1 km des transports en commun, contre 40 % des habitants de Vancouver (Marks, Mason et Oliveira, 2016). Les situations peuvent être fortement dépendantes des politiques publiques d’accès au transport en commun, auxquelles peuvent s’ajouter les politiques de transport adapté, locales ou nationales, dans le champ du handicap. Notre étude exploratoire portant sur la possibilité d’utiliser ce questionnaire en France peut désormais être suivie d’une étude de validation. L’intérêt principal de cette étude de validation réside par la mise à disposition d’un outil d’évaluation de la qualité de vie qui puisse être pertinent tant pour les familles d’enfant « tout-venant » et celles dont un ou plusieurs enfants sont en situation de handicap, quel qu’il soit.

Tableau 2

Scores totaux moyens, écarts-types (entre parenthèses) et p-valeur aux tests t de Student pour les sous-échelles et l’échelle globale

Scores totaux moyens, écarts-types (entre parenthèses) et p-valeur aux tests t de Student pour les sous-échelles et l’échelle globale

*p< 0.05

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Tableau 3

Alpha de Cronbach des sous-échelles et de l’échelle globale dans la présente étude et dans l’étude de validation d'Hoffman et al. (2006)

Alpha de Cronbach des sous-échelles et de l’échelle globale dans la présente étude et dans l’étude de validation d'Hoffman et al. (2006)

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L’originalité principale de l’étude est qu’elle est à notre connaissance la première à utiliser l’échelle de qualité de vie du Beach Center auprès d’une population française. Sa force est constituée par un appariement en un pour un des participants des deux échantillons. Ceci permet de comparer des familles dont la qualité de vie et les besoins perçus peuvent être affectés, en particulier chez les mères, par des facteurs tels que les revenus ou encore le nombre d’enfants dans la fratrie (Dardas et Ahmad, 2014). Cet appariement contribue paradoxalement à la faiblesse de l’étude puisqu’il a conduit à la réaliser avec un échantillon de taille réduite qui pourrait expliquer, en partie, la faiblesse de la cohérence interne de l’échelle. Des études ultérieures devraient permettre de comparer des échantillons plus importants des populations visées. De plus l’outil proposé n’est pas validé auprès de la population française, même si une version canadienne-française légèrement différente a été éprouvée récemment (Rivard et al., 2017). Une étude est actuellement menée en ce sens.

Conclusion

Cette étude permet de fournir des informations sur la qualité de vie des familles vivant en France dont au moins un enfant est porteur d’un trouble du spectre de l’autisme. D’autre part, cette étude exploratoire a permis de tester la sensibilité de l’échelle de qualité de vie de la famille dite du « Beach » sur un premier échantillon de population dans le contexte culturel français. L’outil permet ainsi de distinguer les deux populations, les parents d’enfants tout-venant ayant une qualité de vie perçue en moyenne supérieure aux parents d’enfants avec un TSA. Cependant les sous-échelles bien-être physique et matériel et bien-être émotionnel présentent, pour la population expérimentale, une faible cohérence interne. Le travail de validation doit être poursuivi afin d’envisager des actions justifiées dans le cadre des programmes psychoéducatifs francophones qui visent à favoriser entre autres une diminution du stress parental et une amélioration de la qualité de vie des familles (Sankey, Derguy, Clément, Ilg et Cappe, 2019). Au-delà de ces programmes, disposer d’un outil simple pour l’évaluation de la qualité de vie des familles, permettrait soutenir le processus d’identification des cibles d’intervention dans le soutien et l’accompagnement des familles dont un ou plusieurs enfants présentent un trouble du spectre autistique.