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Ethique, laïcité, engagement : enjeux de société et formations sociales, sous la direction de Jean Bastide, Marie-José Bernardot, Roger Bertaux et Pierre Scharf. Presses universitaires de Nancy, 2015, 264 pages[Notice]

  • Edith Archambault

Ce livre est issu des conférences prononcées lors des journées du centenaire de l’Ecole pratique de service social (EPSS). Cet établissement, fondé en 1913 par le pasteur Paul Doumergue, est historiquement la quatrième école de formation au travail social. Sur la courte période qui a précédé la Première Guerre mondiale, de 1907 à 1913, quatre écoles de ce type ont en effet été créées sous la forme associative, peu après la loi de 1901. Fortement inspirées par le christianisme social, en version catholique ou protestante, elles ont favorisé le passage rapide et durable, selon Jean Bastide, « de l’assistance sociale à l’action sociale, de la charité à la solidarité, du bénévolat à l’apprentissage d’un métier et au salariat ». En ce sens, les écoles de service social, longtemps en situation de monopole pour former les travailleurs sociaux, ont largement contribué à faire passer la société française du xixe au xxe siècle, et l’Etat leur laissera pendant plus d’un demi-siècle ce monopole. Ce n’est que dans les années 70 que seront proposés des cursus publics orientés vers les carrières sociales dans les universités, les IUT et les BTS, alors que les diplômes délivrés par les écoles privées associatives étaient reconnus par l’Etat dès 1921. L’EPSS a conservé en un siècle ses fortes racines protestantes, comme en témoignent les auteurs de ce livre. Pour son centenaire, elle a choisi de privilégier une réflexion davantage tournée vers le présent et l’avenir que vers le passé, avec quatre thématiques, qui constituent les quatre parties de cet ouvrage : les convictions et les valeurs engagées par les acteurs intervenant pour répondre à la question sociale de leur époque ; les places respectives et les relations des acteurs du champ social (Etat et collectivités, professions, usagers) ; l’habitat social et la jeunesse issue de l’immigration – deux éléments de la question sociale d’aujourd’hui – ; et, enfin, l’évolution des orientations de la formation des travailleurs sociaux. La première partie, intitulée « Responsabilité, laïcité : une nécessaire réflexion sur les valeurs », est aussi la plus longue et la plus originale du point de vue de l’auteur de ces lignes. Depuis ses origines, l’EPSS s’est engagée en faveur de la promotion de la classe ouvrière et de la condition féminine, s’opposant à l’attitude dominante de l’époque qui posait l’équivalence entre classes laborieuses et classes dangereuses et visait à réprimer ou à moraliser les pauvres. La question de la responsabilité est alors essentielle : les pauvres sont-ils responsables de leur situation par paresse, ivrognerie ou immobilisme ? Est-ce l’économie et la société qui prédéterminent la condition des plus pauvres et réduisent leur autonomie ? Le philosophe Gilbert Vincent s’interroge, à la lecture de l’oeuvre de Paul Ricoeur, sur les sens et les usages de la notion polysémique de responsabilité : les sujets deviennent-ils patients plutôt qu’agissants ? Doit-on, sous prétexte de responsabilisation, imposer des charges nouvelles aux individus ? La promesse n’est-elle pas l’une des formes majeures de la responsabilité ? Quelle est la responsabilité des subordonnés dans une organisation hiérarchique ? La culture politique jacobine qui évite les débats contradictoires est-elle source d’irresponsabilité ? Telles sont quelques-unes des questions que ce chapitre éclaircit. De manière éclairante, trois contrepoints y sont apportés. Le sociologue Roger Bertaux montre que la conception de la responsabilité fonde l’action sociale selon une logique de distance, une logique de proximité ou une logique d’implication contractuelle suivant que l’on attribue la responsabilité de leur situation aux personnes en difficulté elles-mêmes, aux dysfonctionnements économiques et sociaux ou aux deux. D’où le désarroi actuel des travailleurs sociaux écartelés entre ces logiques. Martine Trapon, …